J'attends, avec mes élèves, que le prof d'histoire, qui a cours avant moi dans la salle où nous devons aller, sorte, lui et ses élèves.

Cela a déjà sonné, la salle est occupée. Et rien.

Je frappe. Rien.

Je rentre discrètement, en ne passant qu'une tête et en demandant ce qui se passe.

Ben, tu comprends, ils sont en devoir, donc là ...

Ben, non, je ne comprends pas, non, cela a sonné depuis cinq minutes.

Je sais, je suis désolé.

Tu prends ta voix de stentor, et tu leur dis que c'est fini, tout simplement. Allez, fais preuve d'autorité, s'il te plait.

Le prof annonce, enfin, cinq minutes après la sonnerie de fin de cours, que c'est fini, et que c'est pas de sa faute, mais il y a cours après dans la salle.

La mention que ce n'est pas de sa faute me paraît un peu légère, non, mais vas-y, dis aussi que c'est de ma faute ...

Les élèves commencent à prendre conscience de la réalité et se lèvent pour rendre leur copie.

Enfin, certains. Et là, le brouhaha s'instaure, les élèves, certains debout, leur copie à la main, parlent entre eux, du coup, certains rajoutent des trucs sur leur exercice, le prof ne dit rien. 

Certains élèves commencent à sortir, du coup on ne sait plus très bien qui a rendu sa copie, qui non, bref, moi je m'en fous un peu. J'attends, mes élèves sont dans le couloir, plus ou moins sages. Vous êtes sages, s'il vous plait ???? Il y a cours à côté! Oui, madame.

Une élève du cours d'histoire demande à son prof si elle peut finir le devoir à la maison, "j'ai pas fini". J'hallucine. "Mais oui, bien sûr ... Tu me le rends demain, hein? Oui, monsieur". J'hallucine encore plus.

Dans ce brouhaha, mon collègue demande à une élève si elle a réussi. Ouuuui, j'ai réuuuussiiiii. Cette élève, je l'ai en classe, je ne la supporte pas. Elle ne prend son stylo QUE lorsque je note quelque chose au tableau (elle a 18 ans) et ne commence à faire son exercice QUE lorsque nous en commençons la correction, pour me dire: "j'ai pas fini" ... ben oui, cruel destin...Elle n'a jamais d'idée sur rien, rien ne l'intéresse, mais en revanche, toujours prête à noter les idées des autres lorsque ces derniers les exposent à la classe. Sur le bilan de mi-trimestre au prof principal, j'ai noté: "a bien compris les enjeux du capitalisme", sur son bulletin, j'ai noté: "votre passivité interroge", bref, mon collègue me dit: "elle est sympa, cette élève", "oui, très" est ma réponse, j'ai pas envie de parler.

Quinze minutes après la fin de la sonnerie, mon cours peut enfin commencer.

Alors, je ne dis pas que les exercices notés que j'organise en classe, les devoirs, DST comme les élèves les appellent maintenant, "devoir sur table" (cela me fait invariablement penser à MST, mais bon ...), se passent dans l'ambiance la plus sereine, mais maintenant je comprends pourquoi les élèves hurlent à l'injustice lorsque j'impose le silence pendant tout le devoir (depuis le début jusqu'au moment où le dernier m'a rendu sa copie) ainsi qu'une règle assez essentielle qui est celle du temps limité. Et lorsque par inadvertance ou autre, je propose un devoir trop long, je prends mes dispositions (par exemple, ramasser toutes les copies et leur faire terminer la fois d'après ou bien ne pas compter un exercice ou autre), mais je ne fais chier le prof qui a cours après moi dans la salle.