Mon membre

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Attendez. Non attendez.

C’est la pire idée de commencer ce putain de bouquin par un rêve. C’est débile. Quel est… Lehane ? C’est Lehane qui m’a donné envie de débuter ainsi ? Non mais bon dieu ce crétin devrait aller se faire interner. Commencer par un rêve. La loose. Incroyable.

Non.

Peut-être que je devrais simplement commencer en disant la vérité. Pas vrai ? La plus stricte vérité. Je suis un jeune de 25 ans, suisse, pas mal foutu, pas mal membré, complètement obsédé par le sexe et vierge.

Bon vous savez l’essentiel. De moi. Et je vais me présenter plus amplement. Je vais vous faire la cartographie de mon sexe. De mon membre.

Ça vous choque ?

Pourquoi donc ?

C’est pas une photo… Vous avez déjà vu une bite, pas vrai ? Et si c’est pas le cas, vous n’avez qu’à ne pas vous l’imaginer, au pire. Mettez sur ces mots des images de vieilles bradwürste allemandes un peu boursouflée en un côté, et tout passera bien. Je ne dis pas que ça ne va pas vous dégoûter des hot-dogs pour quelques temps, mais tout se passera bien tout de même.

Donc.

Il s’élance du bas d’un ventre plat, où se dessine une carapace d’abdominaux. Quelques poils bien alignés en-dessous du nombril commencent à en annoncer sa présence, jusqu’à ce que leur implantation ne devienne plus touffue, presque anarchique. 2020 oblige, en terres pubiennes comme en Amazonie, le labour des bulldozers est souvent de rigueur : les poils ne tiennent souvent pas plus longtemps que les Euterpe precatoria. Que ce soit la terre brésilienne, berceau des milliards de plants de soja pour donner à bouffer à nos pauvres vaches, ou notre mont de Vénus masculin avili par les assauts de la pornocratie piliphobe, tout devient bien pauvre et bien lisse. Mais qu’importe. Mon sexe, poilu ou imberbe, reste mon sexe, et qu’il y ait ou pas poils, le renflement mauve des couilles se dessine de toutes manières. Elles naissent à la base du pénis, enflent sur ses côtés, rondes, fières, et se rejoignent dessous en deux bourses bien maintenues, toute hérissée d’une étrange chair de poule permanente. Leur pilosité à elle se fait plus sporadique. Loin du côté strigueux du pubis, dont les repousses deviennent rèches et vulgaires, les follicules pileux des testicules se font plus timides. Presque maladifs. Ils crachent des filins de kératine plus longuets et tourmentés que les forts poils pubiens de la face ventrale. Peut-être sont-ils si freluquets parce qu’ils savent à quel point ils sont moins susceptibles de sombrer sous les lames du rasoir, car il faut être aventureux pour y amener le tranchant dans cette zone de notre anatomie. Le sang y affleure la surface et bien que je m’y suis osé à plusieurs reprises, toujours après le visionnage d’un porno à l’acteur masculin particulièrement bandant qui n’avait pas un poil sur les couilles, je ne le fais plus régulièrement. J’accepte mes balls poilues. Mais les couilles ne font pas tout. Au contraire. Elles semblent être la rampe de lancement de la hampe phallique. Un tube de chair qui une fois gorgé de sang s’élève vers les cieux en un arrondi vainqueur. Tube ? Ce n’est pas le mot. Car mon sexe n’est pas rond, en tranche. Point du tout. Il ressemblerait plutôt à……. Tiens ! A une section de champignon de Paris. C’est exactement ça. Le petit pied du champi au fond et un grand capuchon arrondi. Vous ne me suivez pas ? Tant pis… Z’avez qu’à vous imaginer un tube, ça ira très bien. Un tube à la surface duquel rampent les boursouflures bleuâtres des veines qui zigzaguent dans tous les sens pour alimenter ce magnifique membre du sang sans lequel il ne banderait pas. Et ce tube superbe, cette gangue de sang, brandie comme un poignard, comme une baïonnette enchâssée sur son fusil, prête à pénétrer la viande qu’on lui présente, se termine en apothéose. Un col-roulé de chairs purpurines préparant au climax de ce membre : un bonbon de muqueuses aux milles terminaisons nerveuses, centre du plaisir, rougeoyant à souhait, pulpeux comme si par mimétisme il espérait amener à lui le galbe de lèvres féminines. Mon gland. Partie minuscule de mon anatomie, mais pourtant si centrale. Petite fraise Tagada, ouverte en son sommet d’une fine ouverture timide, crachant tantôt quelques jets d’urine odorants, tantôt quelques molles giclées de sperme.

Et cette bite, cette bite superbe, n’a jamais eu les faveurs d’aucune femme. Et je les comprends. Elles me font peur, je les effraie. En vrai, je ne sais pas comment m’y prendre. Je leur parle, elles partent. Je… Commencer un jeu de séduction ? Mission impossible. Et il n’y a pas à dire, à vingt-cinq balais, ça commence à me foutre les boules. Je ne sais pas comment m’en sortir. Je ne e sais même pas s’il y a un autre type sans chasuble qui n’a pas encore baisé à mon âge ailleurs dans le monde. Je me sens tellement spécial que quand je me lève le matin parfois la dépression que je subis à cause de cette virginité persistante me fait me sentir spécial et paradoxalement hors du commun. Hors du commun de manière positive.

Puis indubitablement, je sors les corn-flakes d’une contrefaçon de Kellogg et appose mon Mac en face de moi sur la petite table en bois de mon appartement miteux. Je tape « Pornhub » sur le clavier rétroéclairé, encrassé de ma propre graisse digitale. Parfois, selon l’éclairage, je le trouve vraiment dégueulasse, ce clavier. A gerber. Entre ces dépôts de doigts, des traces douteuses provenant sans doute de giclures organiques, les miettes et les restes de repas. Dégueulasse. Mais je ne le nettoie pas. En vrai, il sera sale moins d’une semaine après le nettoyage et il suffit que les rayons directs du soleil tournent un peu, que l’intérieur de l’appart s’assombrisse la moindre, et voilà que tout disparait dans les limbes des ténèbres. A quoi bon perdre de l’énergie à cleaner tout ça ?

Du coup, comme je le disais, je tape « Pornhub » dans la barre de recherche Google – plus souvent « Porhub » parce que la touche « n » a un problème, merci les Macs – et m’astique sur la première vidéo venue. Il fût un temps où je sélectionnais le court-métrage pornographique avec soin. Ça me prenait plus de temps que la branlette elle-même. Je m’imposais d’ailleurs de nombreux critères : beauté de la fille, beauté du gars – j’ai jamais compris mais un porno avec un gars dégueulasse me fait pas bander, j’espère que je ne suis pas pédé – longueur de la vidéo, mais aussi production. J’aimais les pornos avec une belle lumière et filmés sous plusieurs angles. Le porn amateur c’est vraiment cool, mais il leur manque plusieurs angles, c’est dommage. Vraiment.

Mais ça c’était avant.

Maintenant, dès que le fond noir et la calligraphie orange apparaissent sur mon écran, la pulpe du doigt sélectionne au trackpad n’importe quel vidéo au hasard et je m’astique dessus. En vrai, il me suffit de taper les sept lettres du site (ok, les six parce que le « n » ne marche pas chez moi) pour sentir mon pénis enfler. Comme le chien de Pavlov, j’étais conditionné à regarder ces images, à avoir une érection, à éjaculer et à continuer ma journée jusqu’à la prochaine branlette. La pougne était devenue une échappatoire à l’angoisse d’être puceau : cracher mon sperme me permettait de passer à autre chose jusqu’à la prochaine crise d’angoisse. Et comme à l’usure je m’étais habitué à ne pas tenir long, à cracher mon jus le plus rapidement possible pour passer à autre chose, j’en étais également venu à développer une crainte d’être précoce. Je n’avais jamais baisé, mais pourtant j’étais persuadé d’être précoce, c’est plutôt cocasse non ?

Bref, du coup deux trois coups de phalanges sur ce membre endormi pour le roidir à souhait, puis deux trois coups supplémentaires pour cracher le cake, et le tour était joué. Du moins jusqu’au jour où j’en ai eu marre.

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