Baby 5 : Vendu

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 Il restait une demi-heure avant les enchères. Matéo et son compagnon se rendirent à la loge mise à disposition du vendeur par le marché. Le pédophile s'y trouvait déjà.

— Bonjour, vous êtes bien le Directeur général Mahoré Elyas ? Je suis Lanista Mujer. J'ai examiné votre lot qui me semble très intéressant. La mise à prix est à dix mille ducats je me trompe ?Accepterez-vous une négociation ?

— Lanista Mujer dites-vous ? Mais asseyez-vous donc ! Désirez-vous une boisson ?

— Non merci !

—Dites-moi, Monsieur Lanista Mujer, pour quelle utilisation désirez-vous acquérir ce jeune garçon ? demanda Mahoré qui s'assit face de son interlocuteur.

— Pour mes besoins personnels, mais rassurez-vous, il sera bien traité.

— Je n'en doute pas. Pouvez-vous préciser ces besoins personnels ? insista le Directeur.

— Je suis un esthète. J'aime les beaux spécimens d'humanité, surtout quand ils sont encore jeunes.

— Je sais parfaitement qui vous êtes, Monsieur l'esthète. Vous êtes connu comme un pédophile, je me trompe ?

— Il ne va pas le lui vendre, murmura Matéo, tout content.

— En effet. Il est de notoriété publique et je ne m'en cache pas. Cela vous gêne ? s'enquit Lanista.

— En aucune manière, déclara Mahoré. Je prens un risque car la loi interdit la vente de jeunes spécimens à un pédophile ou à un proxénète. C'est pourquoi je veux augmenter mon prix initial en compensation d'éventuelles poursuites judiciaires.

— Combien en demandez-vous ?

— Cent cinquante mille ducats.

— Ce prix serait raisonnable pour moi si la marchandise était parfaite, ce qui n'est pas le cas. J'ai constaté qu'il était aveugle.

— Certes ! rétorqua Mahoré qui prenait plaisir à adopter la façon de parler de sa nouvelle classe sociale. Mais dans le cas présent, pour l'utilisation que vous voulez en faire, c'est un avantage appréciable. Je devrais même augmenter mon prix.

— Je vous propose cent trente mille ducats. Aux enchères, vous n'atteindrez jamais ce niveau.

— C'est un spécimen très rare que je vous propose. Il n'a aucun défaut et ne présente que des avantages pour vous. Vous n'en trouverez pas d'autre comme lui avant longtemps. Si jamais une telle opportunité se présentait à nouveau. Alors, dites-moi pourquoi je devrais baisser mon prix. C'est à prendre ou à laisser.

 Après un moment de réflexion, Lanista accepta les conditions de la transaction. Mahoré se tourna vers l'écran translucide et consulta la base de données mise à la disposition des vendeurs.

— Je vérifie votre solvabilité et je valide la transaction. Voilà ! C'est fait. Je vous le fais livrer à l'adresse indiquée en début d'après-midi. Je suis heureux de vous le céder. J'avais un compte à régler avec lui et je sais que vous saurez vous en occuper comme je le souhaite. Félicitations pour votre acquisition !

 Les deux amis quittèrent les lieux pendant que vendeur et acheteur trinquèrent à la conclusion de la vente.

— Quel salaud ce Mahoré ! s'écria Gilbraltar.

— Maintenant, il faut trouver un moyen de lui voler Baby. Attention, il arrive.

— On ne le perd pas de vue.

 Lanista passa au Bar des Flores où tout le monde semblait le connaître. Il ne resta pas longtemps. Il donna rendez-vous à un jeune homme pour le lendemain en fin d'après-midi, sortit du marché et pénétra dans la barge qui l'attendait. Elle se déplaçait à vive allure mais les deux garçons n'eurent aucun mal à la suivre. Arrivée à destination, l'engin s'éleva, traversa le champ de force et disparut derrière ce qui ressemblait davantage à une fortification qu'à un simple mur.

— On fait une descente ce soir. Ça te dit ? proposa Gibraltar.

 Les deux garçons passèrent la journée dans un hôtel du quartier d'affaires. Ils prirent une suite de cent trente mètres carrés. Esprit matérialisa quelques centaines de ducats et des vêtements adaptés pour une expédition en mode furtif.

 Les roues électriques se déplaçaient sans bruit. Un drone les suivait pour leur apporter de l'éclairage. Gibraltar s'arrêta, fit face à l'engin et exécuta quelques gestes simples : il tendit le bras, paume en avant puis le ramena contre l'épaule. Le drone coupa le faisceau de lumière et fit demi-tour.

— Une petite commande manuelle pour désactiver le drone et ne pas être repérés, expliqua Gibraltar.

 Matéo en resta bouche bée. Avec son ami, il en apprenait tous les jours. Il choisit un endroit discret, posa Esprit et examina par transparence le jardin de l'autre côté du mur. Ils y pénétrèrent par l'ouverture et se cachèrent derrière la végétation luxuriante. Progressant de buisson en buisson, ils parvinrent au palais. Les deux compères empruntèrent un escalier de service, attendirent que la ronde soit passée avant de traverser le mur. Ils étaient dans la buanderie. Esprit scanna le palais et Gibraltar repéra la chambre à coucher de Lanista Mujer. Les couloirs étaient déserts et silencieux.

 Soudain, un éphèbe arriva en tenant Baby par la main. les deux garçons se précipitèrent derrière la porte la plus proche. Heureusement, c'était la bibliothèque.

— On les suit, décida Gibraltar. Il doit amener le petit dans sa chambre. Il ne perd pas son temps le bougre !

— Il faut trouver une solution rapidement, s'affola Matéo.

 Ils attendirent que le jeune employé retourne à ses quartiers pour effectuer un scan de l'aile. La chambre se situait à quelques couloirs. Ils entrèrent dans la pièce juste à côté. Esprit leur permit de voir par transparence ce que faisait Lanista.

— Trouve quelque chose, le pressa Matéo. Il va passer à l'action.

Gibraltar jeta un regard circulaire à la chambre. Son cerveau bouillonnait et une idée lui vint. Il mit le feu aux rideaux, voilages,tentures, parure de lit, tout ce qui était susceptible de brûler rapidement. En moins d'une minute, les flammes atteignirent le plafond. Les deux garçons sortirent en criant.

— Au feu ! Au feu !

 Ce fut la panique. Du personnel en nombre incalculable sortait de nulle part, montait ou descendait les escaliers, se croisait, se percutait dans un désordre indescriptible au rythme d'une sirène assourdisante. Lanista, à moitié nu, confia Baby à un boy de service et une chaîne s'organisa pour éteindre l'incendie.

— Arrêtez-moi cette sirène, hurla Lanista, frustré de voir ses projets nocturnes à l'eau.

 Dans l'hystérie générale, personne ne fit attention aux deux incendiaires qui purent sortir sans qu'on leur pose la moindre question. Ils courrurent vers le jardin mais des gardes les arrêtèrent.

— Vite ! ordonna Gibraltar. Il y a le feu. Allez donner un coup de main ! Dépêchez-vous bande d'empotés !

 Le ronde-major hésita un instant puis donna ordre à toute la troupe de monter. De son point de vue, tout était verrouillé : personne ne pouvait entrer ni sortir. Ces deux-là devaient donc appartenir au personnel du palais.

 Après avoir retrouvé la rue avec l'aide de Esprit, ces "deux-là", comme les nommait le garde, s'empressèrent de s'éloigner sur leur roue jusqu'à leur hôtel.

— Je crois que cet incendie va lui couper l'envie, remarqua Gibraltar. Baby sera tranquille pour cette nuit. Il faudra trouver une solution demain. J'ai ma petite idée.

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