Marie Rose 2 : la libération

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 Le lendemain de son interrogatoire, la vie reprenait son cours pour Marie Rose et Baby. Elle s'attendait à recevoir la visite du capitaine, aussi elle s'était mise en devoir de nettoyer le logement de fond en comble, mais il ne vint pas. Le soir venu, la jeune femme finit par penser qu'il avait oublié sa promesse, ce qui lui parut préférable.

 Mais le jour suivant, contre toute attente, Elyas frappa à sa porte.

— Bonjour Marie Rose, déclara-t-il. Comme promis, je viens voir si tout va bien.

— Bonjour Capitaine.

 L'officier ne la laissa pas poursuivre.

— Puis-je entrer une minute ?

 Elle recula pour le laisser passer et remarqua la besace sur son épaule.

— Je me suis permis de vous apporter quelques provisions. Une juste compensation pour votre emprisonnement et pour vous faire oublier les désagréments de l'autre jour.

 Le soldat sortit des légumes, de la viande et les étala fièrement sur la table.

— Merci beaucoup Capitaine, mais je ne peux accepter.

— Bien sûr que si, rétorqua-t-il. Les temps sont durs et depuis la mort du Duc, l'avenir est incertain. Mon travail est stable et rapporte bien. Ne me privez pas de ce plaisir.

— Dans ce cas... , balbutia Marie Rose. Merci beaucoup pour votre prévenance.

— Si vous avez un problème, n'hésitez pas à m'appeler. Merci de m'avoir reçu.

 Sur ces mots, il la quitta.

 Mahoré revint les jours suivants, apportant à chaque fois un cadeau. Au début, c'était un bouquet de fleurs, puis venait un vêtement pour Baby. La fois suivante, ce fut une paire de chaussures. Il pensait qu'en gâtant le garçon, la mère serait plus coopérative, mais il s'aperçut qu'elle ne manifestait aucun enthousiasme à ses présents sinon une simple surprise de convenance. Elle restait courtoise sans afficher de réel plaisir à le revoir.

 Le capitaine s'était vanté auprès de ses collègues qu'elle se donnerait à lui en moins d'un mois. Il ne pouvait donc pas tolérer un échec. Il convoqua le placeur du marché et lui ordonna de refuser de donner un emplacement pour Marie Rose. Ce refus lui couperait ses sources de revenu, mais son intervention miraculeuse le ferait passer dans ces circonstances pour un bienfaiteur aux yeux de l'élue de son cœur.

 Le soldat énamouré reçut en retour beaucoup de témoignages de reconnaissance mais rien de ce qu'il espérait. Il se permit de lui avouer une grande affection pour elle, peut-être même plus, et concluait par l'espoir que la réciproque était vraie. Il venait lui rendre visite chaque jour de marché, soit deux fois par semaine, pour s'enquérir de son chiffre d'affaire et quand elle vendait peu compensait toujours par quelques victuailles le lendemain.

 Marie Rose se sentait gênée de toute cette attention. Elle finit par comprendre que cette assiduité était sa manière maladroite de lui faire la cour. Elyas ignorait la façon de séduire les femmes. Il ne fréquentait que les filles à soldat qui, dans l'attente d'un hypothétique mariage, se donnaient au premier venu. Cet officier n'eut jamais besoin de les conquérir puisqu'elles lui tombaient dans les bras sur un claquement de doigt et quelques ducats.

 Quand il comparait ces filles faciles à Marie Rose, son désir pour cette dernière était d'autant plus fort. Il finit par lui déclarer sa flamme. Elle fut touchée par sa maladresse enfantine mais déclina poliment. Il lui fit promettre de bien vouloir réfléchir avant de lui opposer un refus définitif, non sans lui exposer tous les bénéfices qu'un mariage lui apporterait dont les promesses d'un avenir sûr pour Baby. Il lui promettait qu'elle ne manquerait de rien comme si le mariage ne consistait qu'en une énumération d'avantages matériels.

 Mahoré ne comprenait pas qu'elle ne manquait déjà de rien, ayant déjà l'essentiel. Elle avait un travail qui lui rapportait les quelques ducats nécessaires à ses besoins. Tant que son fils était à ses côtés, elle se contentait de vivre chichement. Elle ne recherchait pas une vie meilleure car avait déjà la meilleure des vies. La présence d'un homme romprait l'harmonie qui la liait à Baby et créerait davantage de problèmes que cela n'en résoudrait.

 Le capitaine Mahoré dut avouer son échec à son ami le lieutenant.

— Si elle ne veut pas de son plein gré, oblige-la, conseilla Marco Végas.

— Quoi ? Tu veux que je la viole ?

— Pourquoi pas ? Non, je plaisante. Fais-lui du chantage. Je ne sais pas moi... Dis-lui qu'elle risque d'être condamnée parce qu'on l'a trouvée avec les émeutiers. Déstabilise-la et présente-toi en sauveur. Ne te laisse pas avoir par une bonne femme. Montre-toi un homme et tu verras qu'elle se soumettra.


 Le surlendemain, Mahoré se présenta de nouveau chez Marie Rose. Il lui demanda si elle avait réfléchi à sa proposition.

— Je vous remercie de la confiance que vous me témoignez, lui répondit-elle, mais je ne suis pas prête pour une telle relation en ce moment. Ça va un peu trop vite. Donnez au moins un peu de temps au petit pour s'adapter à cette situation. Vous comprenez ?

— Je comprends, répondit-il quelque peu déçu. Je ne suis pas venu pour une visite privée. Je dois vous annoncer que vous risquez de passer en jugement suite à votre interrogatoire. Le Messager a demandé que tous ceux qui sont pris dans les émeutes soient jugés et condamnés.

Marie Rose pâlit. Si elle était incarcérée, qui s'occuperait de Baby ? Elle le supplia d'intervenir en sa faveur.

— Vous savez bien, vous, que je ne suis pas une délinquante, s'écria-t-elle.

— Bien sûr que je le sais, déclara-t-il d'un air faussement contrit. Je ne suis qu'un capitaine. Je n'ai pas beaucoup d'influence auprès des juges. Je ne sais pas ce que je pourrai faire. Vous me faciliterez la tâche si vous m'épousez : on ne condamne pas la femme d'un officier.

 Cependant, elle resta insensible à cet argument.

 Le capitaine lui promit de revenir pour l'informer de l'avancement de son procès. Il revint une semaine plus tard lui annoncer triomphalement que son dossier était classé. Il prétendait avoir expliqué au juge que son profil ne correspondait pas à celui d'un délinquant : elle avait un logement, un travail et un enfant à charge. Le soldat insista sur le fait que son intervention fut déterminante, qu'en considération de son grade, le juge accepta de l'écouter. Il renouvela sa demande, lui expliquant qu'un mariage avec un officier la mettrait à l'abri de tel risque.

 Marie Rose se contenta de le remercier, gênée de ne pouvoir lui retourner les services rendus.

 Elyas la quitta ce jour-là avec une rage qu'il refoula non sans difficulté. Puisque la prison lui faisait peur, il décida d'agir sur cette faille. Deux jours plus tard, il revint pour lui annoncer avec une certaine gravité que les gardes avaient visionné les enregistrements et identifié Baby en train de braconner sur les terres du Duc. On le voyait clairement tirer avec une fronde sur les lapins du parc.

 Tous les personnels des servies d'ordre savaient que la sécurité du Palais ne visionnait pas les enregistrements sauf en cas d'attentat ou d'attaques des rebelles et que les disques s'effaçaient tout seul au bout d'une semaine. Mahoré se disait que son mensonge ne faisait de mal à personne et que d'un petit mal, il en ressortirait un grand bien... pour lui. Il était prêt à tout pour l'avoir dans son lit. Cet entêtement l'amenait à toutes les bassesses si bien que, sans le vouloir, il mit le doigt dans une spirale dont il ne pouvait sortir.

— Que risque-t-il ? demanda Marie Rose

— Il est trop jeune pour faire de la prison, expliqua Mahoré. Il sera condamné à dédommager le Palais. Si les parents ne sont pas solvables, il sera vendu au marché des esclaves.

Marie Rose le supplia d'intervenir comme la dernière fois.

— Cette fois-ci, je ne peux vraiment rien faire. Le délit est trop grave. En braconnant, il vole le Duc. En tant qu'ami de la famille, je tenais à vous avertir. Bien sûr, si vous m'épousez, la situation serait complètement différente : mes supérieurs pourraient obtenir le classement de l'affaire. C'est un des avantages de mon métier, on ne touche pas aux gardes ni à leur famille.

 Cette fois-ci, Marie Rose éclata en sanglots. Il s'approcha d'elle, la prit dans ses bras et la laissa pleurer au creux de son épaule. Il lui caressa les cheveux et lui déposa un baiser dans le cou. Elle tenta de se dégager mais il maintint son étreinte et posa les lèvres sur les siennes. Elle le repoussa de toutes ses forces, les cheveux défaits.

— S'il vous plaît, allez-vous en ! supplia-t-elle.

 Il sortit sans un mot. Marie Rose s'assit sur le banc de la salle à manger et pleura à chaudes larmes. Baby, entendant les sanglots de sa mère, descendit, s'assit sur ses genoux, posa la tête sur sa poitrine et resta dans cette position, sans un mot, l'entourant de ses petits bras affectueux.




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