Marie Rose 3 : le harcèlement

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 Marie Rose ne vit plus Elyas Mahoré pendant plusieurs jours. Ce qui la rassura car sa dernière visite ne s'était pas très bien terminée. Elle l'avait prié de s'en aller et redoutait quelques représailles, mais ne vit rien venir à son grand soulagement. Elle commença à penser qu'il avait renoncé à sa cour assidue quand, un matin, il frappa à sa porte, accompagné de deux gardes. Il leur fit signe de l'attendre et pénétra sans invitation dans la maison.

— Veuillez excuser cette intrusion mais il fallait que je vous parle. J'ai repensé à ce qui s'est passé la dernière fois et je voulais m'excuser. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je suis très désolé. Voulez-vous me pardonner s'il vous plaît ?

— Je veux bien vous pardonner et...

— Merci beaucoup Marie Rose ! s'enthousiasma-t-il. Vous me déchargez d'un grand poids parce qu'en aucun cas, je ne veux vous faire du mal, à vous ou à votre fils. Mais vous comprendrez que je suis sincèrement amoureux de vous. Et j'espère que vous avez pour moi un peu d'affection.

 Le capitaine débita cela d'une traite comme s'il ne voulait pas oublier un texte appris par cœur. Il la gratifia d'un regard énamouré dans l'espoir d'une réponse favorable.

— Je suis flattée des sentiments que vous éprouvez à mon égard, capitaine. Mais je ne suis qu'une simple femme qui ne mérite pas l'intérêt que vous me portez. J'ai de l'estime pour vous et de la reconnaissance pour tout ce que vous faites pour moi mais je n'éprouve pas de sentiments amoureux à votre égard. Je suis désolée de vous décevoir, mais l'amour ne se commande pas.

— C'est parce que vous ne me connaissez pas. Je pense qu'en me connaissant davantage, vous finirez par m'aimer. J'ai toujours cet espoir. Ne m'en voulez pas pour les ardeurs des sentiments trop forts pour que je les maîtrise. Dites-moi que vous ne m'en voulez pas.

— Je ne vous en veux pas, répondit-elle sur un ton monocorde.

— Merci beaucoup. Je vous quitte rassuré.

 Il lui fit un baise-main et sortit.

 Après son départ, elle se lava les mains et appela Baby pour le repas. Il n'était pas loin. Il avait observé la scène, allongé derrière la rampe de la mezzanine. Il devina les appréhensions sur le visage de sa mère quand elle se retourna pour déposer le repas sur la table.

 Elle servit la ratatouille mais il ne toucha pas à son assiette.

— Tu ne manges pas mon ange ?

— Le capitaine, il te fait du mal ? demanda-t-il, le visage sombre et une détermination farouche dans les yeux.

— Il est venu pour s'excuser de m'avoir fait pleurer la dernière fois, expliqua sa mère.

— Je n'aime pas quand il vient. À chaque fois, tu es malheureuse. Je le vois bien. Je ne veux plus qu'il revienne chez nous.

— Je sais que ce sont des affaires de grandes personnes qui sont parfois difficiles à comprendre. Mais c'est un garde noir et je ne peux pas l'empêcher de revenir s'il en a envie. Ne t'inquiète pas, je sais me défendre. Allez mon ange ! Ne t'inquiète pas pour moi et mange !

 Baby se doutait bien que sa mère voulait le rassurer. Il ne pouvait s'empêcher de penser que ce capitaine rendait sa maman triste et soucieuse. Il se devait de la protéger. Après le déjeuner, le garçon monta dans sa chambre, se dirigea vers le placard et sortit une boîte en bois. Elle contenait ses frondes depuis que sa mère lui avait fait promettre de ne plus braconner sur les terres du Duc. Il ressortit ces armes, déterminé à les utiliser si ce capitaine revenait attaquer sa mère.

 Quelques jours plus tard, le capitaine revint avec un bouquet de fleurs et quelques provisions.

— Pour me faire pardonner et comme preuve de mon affectation, précisa-t-il.

 Très gênée, Marie Rose ne savait plus quelle attidute adopter. Elle n'osait pas refuser de peur qu'il devienne violent comme l'autre fois. Mais en acceptant, elle craignait de lui laisser croire des choses qui n'existaient pas. Tous ces cadeaux le rendirent plus hardi car ses mains se montraient plus insistantes que ne commandait la bienséance. Il lui déclama une autre fois ses sentiments avec une maladresse consommée tout en maintenant une proximité non consentie.

— Maman ! cria Baby. Tu peux venir voir s'il te plaît ?

— J'arrive ! Mon capitaine, il faut que j'aille voir.

 Le prétendant énamouré ne demanda pas son reste et quitta les lieux. Baby descendit.

— Il est parti ?

 Il entoura la taille de sa mère.

— Il est parti, confirma Marie Rose en déposant un baiser sur le front de son enfant.

 Elle était soulagée que son fils veille sur elle et il l'avait fait avec tact. D'un autre côté, elle craignait que le capitaine s'en prenne à lui. Elle vivait chaque jour avec la peur au ventre et chaque jour, elle appréhendait qu'il frappe à sa porte. Ses pressentiments lui faisaient craindre que tout cela finirait par un drame.

 Mahoré, quant à lui, commençait à perdre patience. Il ne comprenait pas ce qui la rebutait chez lui. Toutes ses conquêtes le trouvaient bel homme et plutôt irrésistible. Lorsque sa petite personne se reflétait dans un miroir, il pensait avoir de la prestance. Jamais une femme ne s'était permise de se refuser à lui. Au contraire, elles étaient toutes folles de son physique et ne demandaient qu'à partager sa couche. Il se sentait agressé dans sa virilité par les tergiversations réitérées de cette impertinente, cette mijaurée fière et pleine de prétentions. Il allait lui rabaisser le caquet une bonne fois pour toutes. Son ressentiment devenait total. Son attirance pour elle se transforma peu à peu en animosité.

Cela suffit comme cela ! Il allait lui montrer ce qu'est un homme. Loin d'éprouver de l'amour, il ressentait de l'humiliation et voulait l'humilier à son tour.

 Ce fut dans cette disposition d'esprit que l'officier revint un après-midi.

— Marie Rose, commença-t-il sur un ton doucereux, vous savez les sentiments que j'ai pour vous. Je vous ai laissé du temps. Maintenant, je veux une réponse nette : voulez-vous m'épouser ?

— Les choses vont un peu trop vite pour moi...

— Trève de barvadage ! la coupa-t-il. Alors, c'est oui ou c'est non ?

— C'est non.

 Puisqu'il exigeait une réponse courte, elle lui donnait une réponse courte.

— Ah ! C'est à cause de l'autre jour ? Je me suis excusé non ?

— En effet..., répondit-elle.

— Alors pourquoi non ?, demanda-t-il sèchement.

— Je ne peux pas vous épouser car je n'éprouve pas de sentiments amoureux pour vous.

— Pourquoi ? Je ne suis pas assez bien, c'est ça ? Qu'est-ce que vous me reprochez ? J'ai été gentil avec vous pourtant !

— En effet et je vous suis reconnaissante pour l'aide que vous m'avez apportée, assura-t-elle.

— Où est le problème ? Je suis bel homme et beaucoup de femmes vous envieraient.

— Pourquoi ne pas aller vers ces femmes qui sont amoureuses de vous ? rétorqua Marie Rose.

 Elle le sentait de plus en plus énervé.

— Mais vous ne comprenez pas ? C'est vous que je veux ! Quand je vous vois, je sens monter le désir et il faut absolument que je le satisfasse, expliqua-t-il.

 Il s'approcha mais elle s'arrangea pour toujours laisser la table entre eux.

— Je n'en peux plus de me retenir, vociféra Elyas

 Le garde grimpa sur la table et sauta sur sa proie comme une bête sauvage. Il la retourna, l'allongea sur la table et commença à défaire son pantalon. Marie Rose le supplia d'arrêter et poussait des "non" sonores en se débattant. Baby apparut et frappa des poings le capitaine en lui criant de laisser sa maman tranquille. Mahoré se retourna, le giffla violemment, l'envoyant bouler.

— Fous le camp, sale gosse !

 Marie Rose, qui ne voulait pas qu'il assiste à la scène, lui cria de s'enfermer dans sa chambre. Baby se releva et grimpa les escaliers. Il revint quelques courts instants plus tard, visa et tira avec sa fronde. Le caillou frappa le haut de la cuisse du capitaine et lui arracha un hurlement de douleur. Pendant qu'il remontait son pantalon, le garçon le menaçait toujours avec son arme en visant la tête. Marie Rose remit de l'ordre dans sa tenue et s'éloigna de son agresseur.

— Laisse ma mère tranquille, cria-t-il, le fixant avec une détermination farouche.

 Le capitaine comprit sa douleur et préféra éviter un second lancer.

— Ça ne va pas se passer comme ça. Vous aurez de mes nouvelles !

 Il leur jeta un regard furieux et sortit en boitillant.

 Baby s'élança vers sa mère.

— Ça va maman ? lui demanda-t-il avec toute la tendresse dont il était capable.

 Il la serra fort dans ses bras comme pour la protéger, la tête contre son sein. Elle était encore toute tremblante de l'agression du capitaine.

— Ça va maintenant. Je t'aime mon minot.

— Je t'aime aussi maman.

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