Chapitre 4 - Promenade et repas chaud (2/2)

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 Aussitôt à l'intérieur, Aelis fut assaillie par les bonnes odeurs émises par un pot en terre cuite qui se trouvait tout près de l'entrée. Il sentait la bonne chère à plein nez ! Toutefois, la cabane de l'ermite n'avait pas meilleure mine dedans qu'à l'extérieur. Les panneaux de bois étaient si vieux qu'ils laissaient entrer par endroits la lumière du jour. La seule fenêtre, qui se situait sur la même façade que la porte, avait un carreau de fendu tandis que le sol en terre battue était recouvert de salissures issues des derniers repas de Glenn. Les lieux étaient bien entendu désuets. Une simple table carrée avait été disposée au centre et deux chaises, taillées grossièrement dans ce qu'Aelis jaugea être des souches d'arbres, avaient été glissées en dessous. Sur le côté gauche, non loin de la porte, un petit meuble de bois à deux placards et un tiroir se trouvait là. Au-dessus, avait été disposé un seau, rempli d'eau. "Probablement l'évier", pensa la jeune fille, déroutée. La partie droite de la cabane possédait une petite étagère emplie de livres et de documents à l'air très ancien. À en juger la couche de poussière qui ornait tout ceci, l'ermite n'y avait pas touché depuis des lustres... Tout au fond, du même côté que la bibliothèque, se trouvait un lit une place. Son matelas avait l'air fin et creusé par le poids de son propriétaire qui le façonnait depuis des années. Enfin, faisant face à la couchette, une armoire ouverte laissait entrevoir un entassement de tenues similaires à celles que portait actuellement l'ermite. Quel lieu vétuste ! Tout cela changeait du confort auquel l'adolescente avait toujous été habituée...

 Faisant fi de ses premières impressions, Aelis s'assit à la table après que son hôte l'y eut conviée. Castanha, suivant un ordre muet de son maître, alla saisir un à un les couverts nécessaires pour que la jeune fille et l'ermite puissent manger convenablement. L'adolescente tenta d'ignorer les étranges taches qui restaient incrustées aussi bien dans les assiettes que sur le reste des ustensiles. Visiblement, la propreté n'était pas le fort de Glenn... Pendant ce temps, le vieil ermite tira le chapeau du pot en terre cuite qu'Aelis avait remarqué en entrant et le déposa au sol. Il enfonça ses mains dans le récipient et y récupéra une soupière à deux anses, fumante. Il plaça ensuite celle-ci sur la table, émettant un bruit sourd, et Castanha vint y plonger une louche de bois. L'odeur dégagée par la soupe épaisse de l'ermite était tout simplement merveilleuse et Aelis n'en pouvait plus d'attendre. À ce stade, elle se contrefichait de savoir si la soupière ou même ses couverts étaient propres. Ses dernières aventures lui avaient creusé le ventre.

 - Mange et ne te prive pas, lui avait dit Glenn aussitôt après l'avoir servie.

 Et Aelis ne se fit pas prier. D'une consistance se situant entre la soupe et la purée, ce plat n'avait rien d'appétissant, surtout que des morceaux de légumes remontaient parfois à la surface. Cependant, il s'avéra être un vrai délice, toutes les saveurs qu'il dégageait en bouche n'avait rien de comparable à ce que la jeune fille avait pu déjà goûter. Sa grand-mère serait folle de jalousie si elle savait... Elle qui se targuait d'être une cuisinière de compétition... Le repas se termina dans le silence tant l'adolescente était affairée à remplir son estomac. En guise de dessert, Aelis eut droit à une autre pomme bien rouge et juteuse. Elle remercia son hôte de tant de gentillesses et celui-ci secoua la tête comme si de rien n'était :

 - Merci à toi d'être venue ici ! C'est un véritable honneur que de te recevoir !

 - Vous savez, je suis peut-être sortie de cet arbre mais cela ne fait pas de moi un héros... Même si je suis la réincarnation de l'un d'entre eux, je n'ai aucun souvenir de ma vie d'avant. En quoi pourrais-je être utile à ce monde ?

 - Tu as des doutes, et je te comprends tout à fait. Je ne pense pas qu'un héros doive se souvenir de sa vie ou de sa gloire passée lorsqu'il se réincarne. Les textes concernant le premier héros décrivent l'étonnante rapidité avec laquelle il apprit à se débrouiller sur Sérasia et à combattre. Bien que les selkies soient naturellement vifs et doués en l'art du combat, ses capacités d'adaptation étaient exceptionnelles. Il fut très vite en moyen de terrasser un maître d'armes qui avait mis des années à maîtriser son art.

 - Vous comptez donc m'entraîner ? demanda Aelis curieuse de voir l'ermite manier une arme quelconque.

 - Non. Ma mission à moi est de t'accueillir avant que quelqu'un de mal intentionné ne le fasse.

 - Comment ça ?

 - Eh bien... soupira Glenn. Vois-tu... Depuis l'apparition du premier héros, Scur a décidé de faire abattre tous les arbres de la vie... Dans un excès de prudence, lié à sa connaissance de la prophétie, il fit surveiller ces lieux en cas qu'un nouvel arbre ne s'éveille. Les années passèrent et la garde de la forêt diminua mais quelques espions demeurèrent à Sérasia afin de réagir en cas de "mauvaise surprise". Bien entendu, mes ancêtres se virent menacés si par chance ils trouvaient un héros avant les autorités et le leur cachait. Et ce fut également mon cas lorsque je pris mes fonctions...

 Glenn sembla se perdre dans ses pensées. Son visage demeurait souriant toutefois, comme si ce souvenir n'était pas si désagréable que cela. Aelis, un peu perturbée par ce pouvoir de soumission mis en place par Scur, demanda alors :

 - Pourquoi ne pas me livrer ?

 L'ermite haussa les sourcils, comme si la question que venait de poser la jeune fille était déplacée.

 - Tu es l'espoir du peuple ! J'ai été formé pour aider la prophétie à se réaliser, pour que tu puisses intégrer ce monde avec le moins de peine possible. Je suis ici pour être ton premier guide en quelque sorte. Je ne peux pas me permettre de te laisser te jeter dans les filets de Scur !

 - Mais ce Scur là, c'est qui ? C'est pas lui le destructeur du royaume justement ? questionna l'adolescente qui n'était pas vraiment rassurée par les propos de Glenn.

 - Si, c'est bien cela.

 - Et il est encore en vie ?

 - Disons qu'il ne peut pas mourir. C'est un dieu déchu, destiné à voir la beauté des créations de ses anciens compères sans plus pouvoir intervenir.

 Et voilà qu'il lui parlait de dieux ! Un monde où, visiblement plusieurs divinités étaient censées exister, devait se voir débarassé du gros méchant grâce à elle ? Il avait fumé quoi le prophète ? Aelis mit un certain à pouvoir digérer toutes ces informations. L'ermite respecta ce silence, se contentant d'observer ses réactions.

 - Et vous voulez que je combatte un dieu ?

 - Un dieu déchu, répondit Glenn comme si c'était une évidence. Il est bien moins puissant que lorsqu'il était réellement un dieu.

 - Euh... Il a détruit un royaume et a balayé une armée de héros, c'est ça ou j'ai pas tout saisi ?

 - Oui...

 - Vous vous moquez de moi là, c'est pas possible.

 Soupirant, l'homme se leva et se dirigea vers sa bibliothèque miteuse. Il en tira un petit carnet sur lequel il souffla. Un nuage de poussière s'en éleva et, satisfait, il revint s'asseoir. Il ouvrit les premières pages et se mit à lire :

"Quand la foule effrayée sera cachée

Au plus profond de sa terre

Et que combattront les derniers guerriers

La Lumière connaîtra sa défaite.

Tel le Feu, l'Ombre détruira tout

Dans un chaos de fin du monde

Présage de pauvreté et de misère

Les âges sombres se présenteront partout.

Telle l'herbe revigorée par les flammes,

L'enfant naîtra de l'Arbre,

Humain présent dans deux mondes

Il apportera l'espoir au peuple."

 Levant enfin les yeux de son texte, il s'adressa de nouveau à Aelis, l'air très sérieux :

 - Ton rôle n'est pas à proprement parler de combattre ce Scur, mais d'apporter l'espoir au peuple, tu comprends ? Tu as déjà commencé à le faire rien qu'en arrivant ici, la lumière de l'arbre de vie ne sera pas passée inaperçue, crois-moi. Maintenant, il faut remotiver les troupes pour combattre une bonne fois pour toutes celui qui a gâché tant de vies... Tu ne seras pas seule dans ta quête. Des mouvements de résistance ont toujours existé depuis la chute du royaume. Je connais des gens qui t'attendent depuis bien longtemps. Ils seront prêts à te protéger au péril de leur vie pour que tu les mènes à la victoire.

 Ce discours qui se voulait mobilisateur ne fit que faire monter la nausée à Aelis qui devint très pâle. Cette homme, ce pur inconnu, croyait en elle fermement et visiblement il n'était pas le seul. Tant de choses pesaient déjà sur ses épaules depuis qu'elle avait atterri ici... Cela lui donnait le tournis. Tout ce qu'elle parvint à répondre fut :

 - Où sont les toilettes ?

 - Derrière la cabane, dans la clairière.


 Et lorsque l'adolescente partit précipitament hors de l'unique pièce, Glenn sortit à son tour et la héla :


 - Si c'est pour vomir, je ne te conseille pas d'aller aux communs ! Dehors, ça fera autant l'affaire, tu vas tout empester sinon...

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