Chapitre 5 - Un monde complexe (1/2)

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 Aelis, suivant les conseils de Glenn, vomit tout son repas au pied d'un arbre longeant la clairière. La peur au ventre, elle se demandait comment est-ce qu'elle allait bien pouvoir survivre dans un monde où des gens l'adoraient tandis que d'autres essaieraient de mettre fin à ses jours... Pour le moment, elle souhaitait rester seule et l'ermite avait dû le sentir car il était retourné à l'intérieur du cabanon, la laissant tranquille. Marchant d'un pas affaibli, Aelis se mit à faire le tour de la petite clairière qui se trouvait derrière la masure du vieil homme.

 Un morceau du poulailler était placé sur une partie ombragée par les grands arbres tandis que le reste baignait au soleil. Les poules picoraient de-ci de-là et le coq se pavanait devant le jar et les quelques oies qui étaient enfermés avec eux. Plus, loin, dans la clairière, Aelis pouvait observer le jardin bien garni de l'ermite. Toute sorte de choses y poussaient. L'adolescente ne s'y connaissait pas vraiment en cultures mais elle était sûre que certaines des variétés de plantes qu'elle pouvait voir ici ne poussaient pas sur Terre. Ce lieu était très paisible, les oiseaux qui chantaient encore et encore leur petite ritournelle aux sonorités particulières, berçaient la jeune fille tout au long de ses pérégrinations. Elle repensait à sa condition. Jamais elle n'aurait cru finir loin des siens dans un monde aux politiques qu'elle considérait comme incompréhensibles.

 Au bout d'un moment, Aelis finit par décider de rentrer. Glenn devait certainement attendre son retour, n'osant trop la déranger. Doucement, elle ouvrit la porte qui émit un grincement bruyant. Aucun son ne se faisait entendre à l'intérieur. Pénétrant dans la pièce, la jeune fille constata que l'ermite s'était étendu sur son lit, il dormait profondément, Castanha entre ses bras. Elle sourit en voyant cela, c'en était presque mignon. Ne sachant trop que faire, elle décida d'aller jeter un oeil à la bibliothèque. Il y avait certainement des choses très intéressantes qui attendaient d'être découvertes. Tout était poussiéreux, signe que l'ermite ne consultait plus depuis bien longtemps ces vieux écrits.

 Aelis détailla un moment les quelques ouvrages. Au début, elle ne comprit rien aux signes qui étaient employés mais, très vite, des mots surgirent dans sa tête. Voilà qu'elle se mettait à déchiffrer une écriture qu'elle n'avait jamais vu de sa vie ! Elle resta là, un moment, à détailler les livres aux couvertures de cuir colorées, ne comprenant pas trop ce qui se passait. Une fois remise de ses émotions, l'adolescente décida de profiter de ce petit prodige et de lire un peu. Du doigt, elle saisit celui dont le titre doré indiquait Sérasia, le monde originel. C'était le plus gros de tous ceux présents sur le meuble. Une fois l'ouvrage en mains, Aelis alla le poser silencieusement sur la table de bois. Elle épousseta rapidement la couverture devenue grise à cause de la poussière et l'ouvrit. La jeune fille fut surprise de constater que tout était écrit à la main. Des enluminures bordaient chaque page et des illustrations complétaient les dires de l'ouvrage. Ce livre était magnifique.

 Après l'avoir feuilleté un instant, l'adolescente s'arrêta sur le chapitre qui s'intitulait Le maître destructeur. Le dessin, qui accompagnait la première page de cette partie, représentait une grande silhouette maniant un marteau au-dessus d'une enclume. Des hommes de petite taille le regardaient avec des yeux emplis d'admiration.

Vint un jour où le Hasedor dénommé Scur, le maître des minerais, créateur de la race naine, vint à trahir ses semblables. N'ayant d'intérêts que pour lui-même, il avait pour but de montrer sa valeur en créant un objet unique dont la beauté n'aurait pas d'égal.

Enfermé au plus profond de la terre, dans ses cavernes de minerais, il estimait que son travail n'était pas assez reconnu par ses semblables qui eux, exhibaient à tout va leurs créations. Tous les êtres vivants pouvaient s'émerveiller de voir les arbres et les fleurs pousser, le vent caresser leur visage et l'eau ruisseler dans les rivières depuis les hautes montagnes qui laissaient fondre la neige... Les bêtes, toutes plus merveilleuses les unes que les autres parcouraient les terres librement, tout comme les hommes, les elfes, les selkies, les fées et les aliruts. Sans parler du premier royaume de Sérasia. Hommage à Granòs, la Grande Puissance qui avait créé ce monde du même nom. Ce lieu regroupait toutes les populations des différentes races intelligentes créées par les Hasedors et il fut la première grande cause de la jalousie de Scur.

Comme ses compères, Scur avait grandement participé à la création de Sérasia. Il y avait apporté minéraux, pierres et autres matières précieuses qu'il avait sculpté avec ses nains forgerons. Seulement, son travail ne fut pas reconnu à sa juste valeur car le Hasedor sortait peu de ses grottes et rares étaient les êtres vivants qui le connaissaient. Seuls les nains, aussi reclus que lui, savaient la réelle implication de leur maître créateur dans la construction du royaume. Le travail de Scur était aussi assez mal vu de la part de ses camarades qui eux créaient sans épuiser la terre. Verdolina e Verdejant créaient les végétaux qui, une fois morts, enrichissaient le sol, à l'instar des animaux issus de l'imagination de Moreta. Clar faisait souffler les vents à partir de rien et Blaveta s'amusait à faire couler l'eau avant de la transformer en nuages et en neige ou en pluie. Quant à Candoliva e Arroi, ils permettaient à la vie de se développer, éclairant, l'une, de sa faible lueur pâle, et l'autre, de son puissant rayonnement, les terres de Sérasia.

Scur, plein d'inspiration lui aussi, récupérait les matériaux précieux cachés dans le sol pour les sculpter ou les forger magnifiquement. Cependant, pour ses créations, il avait besoin de bois et sa consommation excessive en combustibles commencèrent à excéder les six autres Hasedors qui voyaient leurs terres verdoyantes être dévastées... C'est ainsi que lui vint le désir de prouver sa valeur et que son cœur commença à se noircir. Le maître des minerais entreprit donc de créer un joyau si fabuleux que Granòs lui-même ne pourrait tomber qu'en admiration devant lui. Très vite, dans la perspective de ce projet, des arbres furent arrachés, calcinés, des montagnes s'écroulèrent à force de se voir creusées par les colonies de nains au service de Scur. L'équilibre de Sérasia commençait à se corrompre, les peuples prenaient peur et tout cela provoqua le courroux des...

 Aelis fut interrompue dans sa lecture lorsque Glenn s'éveilla. Il étira ses bras en soupirant bruyamment. Castanha, éveillé lui aussi, rejoignit la jeune fille, curieux de voir ce qu'elle faisait.

 - Oh, je vois que tu as trouvé de quoi te changer les idées... dit le vieil ermite. Qu'as-tu...

 L'adolescente ne le laissa pas commencer à tergiverser. De nombreuses questions bouillaient à nouveau dans sa tête.

 - Je sais lire... Je n'avais jamais vu ces signes d'écriture avant... Ce sont des livres magiques ?

 Glenn haussa les sourcils puis, il se mit à rire :

 - Mais non voyons ! Comme je te l'ai dit, ton adaptation dans ce monde est accélérée. L'âme du héros qui se trouve en toi se souvient tout simplement du système de codage de l'écrit. C'est pareil pour la langue je suppose. Nous parlons tous les deux le langage commun et je suis certain que ce n'est pas le même sur la planète des hommes.

 À bien y repenser, l'ermite avait raison. Aelis se concentra un instant et prit conscience que la langue qu'elle employait avec Glenn était totalement différente de son français natal. Ne sachant pas trop si elle devait être rassurée par cet état de fait, elle préféra ne pas trop s'attarder sur le sujet et elle passa à autre chose.

 - C'est quoi des Hasedors ?

 - Les êtres créés par la Grande Puissance dénommée Granòs. Après avoir fabriqué le monde de Sérasia, il y implanta ces Hasedors pour y amener la vie et façonner la planète qui était encore une simple sphère. Il y en avait sept, et l'un d'entre eux était Scur mais il fut déchu après avoir détruit une partie du monde puis pourchassé suite à l'enlèvement de la bienveillante reine Ecens. Il se cacha longtemps et lorsqu'il réapparut, il sema le chaos, détruisant le royaume de Sérasia... Ce monde était jeune, cela faisait peu de temps que les Hasedors y avaient créé la vie et pourtant, la discorde régnait déjà.

 C'était donc bien une sorte de dieu déchu... Aelis n'avait pas tout saisi de ce qu'elle venait de lire mais si ce Scur était encore en vie aujourd'hui, il demeurait toujours aussi dangereux.

 - Aucun des Hasedors ne l'ont empêché de faire tant de mal ?

 - Je ne peux tout te conter car cette histoire est complexe, mais non. Après que Scur ait été déchu mais avant qu'il n'enlève la reine, Granòs fit revenir auprès de lui ceux qu'il avait envoyé façonner son monde. Il pensait que la vie reprendrait ses droits et que Scur demanderait pardon mais ce ne fut pas le cas et cette erreur fut fatale à bien des êtres. Le Hasedor déchu, emprisonné par sa haine, comptait façonner ce monde à sa manière, ignorant son créateur. Les actes de résistance provenant des différents peuples furent anéantis par tous les êtres corrompus qui étaient et qui sont encore aujourd'hui à sa solde. Les gens attendent, murés dans la peur, une nouvelle source d'espoir...

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