Le vol

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 C’est la soif qui tira Dandarion de son sommeil. Sa gorge était sèche et irritée comme s’il avait avalé des lames de rasoirs. Il ouvrit les yeux et reconnu la chambre dans laquelle il s’était écroulé la veille. Peu à peu, les détails de sa soirée lui revenaient en mémoire. Il se souvint des ruelles sombres, d'un bon repas, et… Ah oui, Helenor. Cette serveuse bien trop maligne pour ne travailler que dans une taverne, qui l’avait empoisonné en l’embrassant. Le gout de la Belladone tapissait encore sa langue. On dit que le poison est l’arme des femmes par excellence. Dandarion ne comprenait pas pourquoi elle avait joué de son subterfuge sur lui. Il ne lui semblait pas l’avoir contrarié, il avait été courtois et n’avait rien tenté de maladroit. Là encore, il se sentait désemparé face aux mystères des femmes.

Il avait dû dormir longtemps, car le soleil était déjà haut dans le ciel, et illuminait la petite chambre de l’auberge. Dandarion s’assit doucement sur le bord du vieux lit. Ses muscles étaient engourdis, fatigués. Son esprit aussi était brouillé. Il avait dormi habillé de ses braies et de ses chausses. Sa bourse pendait encore à sa taille. Helenor ne lui avait pas pris son argent. Confus, il se leva et essaya difficilement de se rappeler de toute la soirée, forçant sur chaque détail qui aurait pu lui échapper. C’est là qu’il compris. Il sentit sa ceinture bien trop légère. Une vague de panique l’envahissa tandis que ses yeux s’écarquillèrent. Il s’activa à chercher sous les draps, sous le lit, derrière l’armoire, derrière la porte… Mais rien. Son épée avait disparu. Helenor lui avait volé Donegal. C’était donc ça qu’elle convoitait. La rage monta en lui et son point vint s'écrasé sur un des murs de la chambre. Il se sentait abusé et trahis. Il pensait avoir oublier cette désagréable sensation, depuis l’époque où des preuves falsifiées l’avaient accablé face au Roi Morvan. Il avait dû partir en exil, loin du château d’Elliand, loin de la Reine Pélagie pour laquelle son coeur était épris. Et voilà que maintenant, il était de nouveau dupé à des milles lieux d’Elliand, par une femme. Dandarion quitta la chambre en vitesse et descendit les petits escaliers qui menaient au comptoir de l’auberge, où il espérait trouver la tenancière. Heureusement, une personne se trouvait là. Une vieille femme, aux cheveux roux ébouriffés qui surplombaient un visage ridée ressemblant plus à un Nain, qu’à une femme. Elle leva ses petits yeux bouffis quand il s’approcha du comptoir.

  • Hé toi ! Les clients doivent quitter leur chambre avant que les cloches sonnent ! Sinon ils payent deux deniers de plus à chaque heure qui passe ! aboya-t-elle.
  • Je paye en échange d'un renseignement. Une fille brune du nom d'Helenor, serveuse dans une auberge à deux quartiers d'ici environ, m'a volé cette nuit. Ou puis-je la trouver ?

La vieille femme lâcha un rire moqueur si fort qu’elle failli s’étouffer dans une quinte de toux.

  • Mon pauvre, tu t’es fait avoir ! Cette garce passe son temps à voler mes clients, ou les clients d’Ulrig. Je lui ai dis pourtant de ne pas venir trainer dans mon auberge… M’enfin, tu sais, difficile de dire non à cette petite. Elle est maligne. Quoiqu’elle t’ait volé, tu ne risques de ne plus jamais revoir tes biens…
  • J'en doute, lança Dandarion le regard sombre et la machoire crispée. Je compte bien récupérer ce qui m’appartient.
  • Hé bien mon garçon, si on se met d’accord sur dix deniers, je peux te dire où Helenor se fourre pour vendre ses objets volés… Si vraiment tu veux la retrouver.

Dandarion soupira mais ne céda pas. Il lui restait peu d’argent de son dernier travail, et sans nouvel emploi ici, il ne pouvait pas gaspiller ses pièces. Seulement voilà. Son épée Donegal valait plus chère que cette ville ou que cette auberge moisie dans laquelle il avait passé la nuit. Et c’était la dernière chose au monde qu’il souhaitait voir disparaitre.

  • Cinq deniers, et je paye la chambre. Je n’ai rien de plus sur moi. C’est bon ?

La tenancière fit une moue grincheuse, mais elle accepta et récupéra les pièces que Dandarion lui tendait.

  • Tu l’as trouveras au marché Noir, au sud de la ville, quand tu descend vers le fleuve. Prends garde, c’est malfamé. Même si je doute que tu aies une chance de retrouver ce qu’elle t’a volé… M’enfin, bonne chance mon garçon !

Dandarion quitta l’auberge et s’activa à revenir sur l’avenue principale. Il abandonna l'idée de retrouver la première auberge où Helenor était serveuse, quand elle n'était pas voleuse, car il y avait peu de chance qu'elle y soit retournée sagement avec son épée. Les rues grondaient de monde à perte de vue. Impossible de savoir vers où aller. Il demanda à quelques passants la direction du fleuve, pour se repérer facilement. C’était chose faite et il marcha à vive allure vers le marché Noir d’Angèbre. Rien n’annonçait de bon dans cette journée. Et il n’avait pas de quoi se défendre si une rencontre tournait mal. Il improviserait le moment venu. Il lui fallait retrouver son épée, Donegal, que son père lui avait légué et fait juré de garder jusqu'à sa mort. Il pensa à ce que cette maudite fille allait subir sous son courroux. Une étincelle de colère alluma son regard. Comme à la guerre, il sentit son sang chauffé et bouillir sous sa peau.

  • Tu ne payes rien pour attendre Helenor, murmurra-t-il.

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