Chapitre 3

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 Une semaine s’était écoulée depuis l’incident et Dione restait sur le qui-vive, guettant à la fenêtre ou dans le pré à l’affût de la silhouette de l’agresseur, dont elle se souvenait uniquement de la démarche, et de sa respiration hachée. Néanmoins, il ne se montra plus, après le fameux soir où elle s’était enfermée avec son couteau, et Antès n’y fit plus allusion. Peut-être pour ne pas être inquiété davantage par les histoires d’une esclave, qui avait bien pu tout imaginer, en femme crédule et endeuillée, que par l’enquête, sachant qu’il n’avait eu aucun retour de Propis.

 L’athénien avait quitté la ferme aux premières lueurs du dernier jour, craignant de ne pas être à l’heure à l’assemblée pour entendre le discours de l’archonte. Il n’aurait pas imaginé chevaucher à l’aube pour une raison aussi fantasque que la mort d'un esclave, mais son corps avait fini par retrouver ses vieux réflexes. Une certaine fierté rejaillit même de ce regain d’énergie. Dione l’avait rejoint avant son départ, toujours levée plus tôt que le maître pour des affaires de ménage, et pour l’aider à sortir du lit si ses douleurs à la jambe étaient trop fortes.

 – Hors de question, fit-il avec hauteur depuis sa monture, quelqu’un doit rester ici et veiller sur mes terres. Et puis, une femme n’a pas à se mêler des affaires publiques.

 Encore, songea-t-elle. Dione enrageait qu’on ne l’eût pas autorisée à partir elle aussi à Athènes. Certes, l’ekklesia était réservée aux citoyens et ils n’avaient qu’un cheval à la ferme, l’autre mule étant tout juste bonne à engloutir leur stock de navets dès qu’ils avaient le dos tourné ; mais elle aurait pu se montrer utile autrement, en ville.

 La clôture devenait une frontière de moins en moins contraignante au fil des jours, pour ne pas dire que le domaine, en tant qu’une prison d’esclave, était devenu poreux. Elle en profitait pour s’éloigner de la ferme et des bêtes, lorsque son maître n’était pas dans les parages, s’habituant à une sorte de semi-liberté nouvelle qu’on ne lui avait pas même laissée entrevoir durant l’année qui avait suivi son acquisition sur le marché de Phalère. Même si l’ombre de Naros continuait de planer sur les environs, l’étrusque ressentait comme une délivrance, dont elle jouissait seule. Elle ne prit jamais le risque de quitter le dème ; non parce qu’elle craignait pour sa vie ou pour la réaction d’Antès, mais à cause de la présence du nouveau tombeau. Elle s’y rendait quotidiennement avec de nouvelles offrandes, sans richesse : des fleurs ou des pierres colorées, bien que sa ferveur forçât le respect si elle n’avait pas été provoquée par cette fameuse culpabilité.

 – Quelle est cette liberté qui me traverse et que je n’arrive pas à saisir assez fermement pour partir ? interrogea-t-elle le monticule silencieux où Naros avait été exhumé. Je le déteste. Je hais cet endroit et tout ce qu’il représente. Je voudrais être loin, prendre la mer et retrouver notre terre sacrée. Pourtant, la distance qui me sépare de cette autre vie m’est insurmontable, et toi, me pardonnerais-tu de t’abandonner, ici ?

 Aucune réponse du défunt. Elle posa une main sur le couvercle de l’urne et s’abandonna secrètement à l’émotion en versant ses premières larmes depuis des semaines. Elle s’était promis de rester forte, quoi qu’il lui en coûtât, alors que son immobilisme passait pour de la lâcheté. Son regard se dirigea vers la lisière du bois sacré, juste derrière le domaine. Antès ne l’avait pas autorisée à s’y rendre. C’était une expérience nécessaire, non seulement pour calmer ses angoisses, mais surtout pour questionner les Dieux grecs à défaut des siens, qui s’étaient endormis lorsqu’elle avait quitté son territoire.

 À l’approche des premiers arbres, la jeune femme marqua un arrêt, lorgnant sur sa droite, puis sur sa gauche, à la hâte, au cas où on l’aurait aperçue. Médios avait beau n’être qu’un imbécile, il avait encore moins conscience de ce qu’elle risquait à braver l’interdit. En somme, il la dénoncerait sans réaliser que cela signifiait pour l’esclave d’autres coups de bâton. Qu’il essaye, s’amusa-t-elle à penser, sa force déclinait avec l’âge et bientôt il faudrait le porter sur une chaise. Ce moment venu, il ne pourrait que la supplier de l’aider. Le sentier était escarpé entre les massifs, difficile d’accès. Elle comprit qu’il n’avait plus pour habitude de s’y rendre et n’avait pas jugé nécessaire d’entretenir son bois sacré. Triste constat, pour cet homme attaché à la tradition.

 Il y avait une petite caverne au milieu des imposants conifères, où elle s’aventura. Des gouttelettes suintaient des murs et lui tombaient sur l’épaule, le sol était humide et une odeur de vase en ressortait. Tandis qu’elle s’enfonçait dans le dédale rocheux, celui-ci paraissait toujours plus long, plus profond, et les lumières de l’extérieur s’atténuaient en conséquence. Jusqu’où avait-on creusé ? Elle commençait à s’essouffler.

 La face érodée d’une déesse la fit sursauter qu’elle aperçue dans la pénombre, sans traits et recouverte de mousse et de champignons. L’écoulement avait semble-t-il creusé ses joues et ses yeux, réduit ses formes, donnant l’impression qu’elle vieillissait, toute statue qu’elle fût. En premier lieu, Dione se demanda qui s’était donné autant de mal pour installer ici la nymphe anonyme, puis elle jeta un œil derrière sur la paroi de la caverne où étaient inscrites des maximes grecques, plus récentes. Elles manquaient rudement de poésie, au goût de l’étrusque, toutefois des prières l’intriguaient. Elle attendit qu’un rayon de soleil frappât au bon endroit pour s’y pencher. Alors, elle put lire à voix haute :

 – Pour ma femme, endormie au-dessous du volcan.


 Des cordes étaient tirées vers la Pnyx pour guider la foule grouillant dans les rues et permettre aux citoyens de se rassembler depuis l’agora d’Athènes. On venait de sacrifier un bœuf et le héraut avait pris le soin d’énoncer les décrets saisonniers avant de lancer le premier sujet de débat. Un brouhaha régnait dans les rangées serrées, et certains riches citoyens s’étaient fait installer des tabourets à l’avant et patientaient. S’il n’écoutait les discours que d’une oreille distraite, Antès avait salué l’initiative d’un éphèbe qui, le voyant boiter, lui avait permis de s’asseoir à sa place.

 – Quinze esclaves pour reconstruire le temple d’Héphaïstos endommagé par le tremblement de terre ! hurla-t-on à la cantonade, comme s’il s’agissait d’une vente aux enchères. Je vois une nouvelle main, combien proposes-tu ?

 – J’en ai trois à ajouter, lança-t-on au président de l’assemblée, tiré au sort parmi les proèdres.

 – C’est encore insuffisant, mais nous te remercions. À quel dème appartiens-tu ?

 Ce petit jeu de prise de parole dura une bonne partie de l’après-midi. L’agenda de l’ekklesia était particulièrement long aujourd’hui, et Antès avait déjà vu passer des propositions de loi sur la proscription des étrangers aux bains publics et une autre sur la récente augmentation de la taxe sur les marchandises venues d’Asie mineure, qui se faisaient rares depuis la formation de la ligue de Délos. Il n’était intervenu pour aucune d’entre elles. Quand on avait abordé le sujet des secousses, il crut qu’on ferait allusion à l’état déplorable du temple d’Hécate, mais le culte n’attirait pas assez de fidèles et seuls certains cites de l’agora et de la périphérie d’Eleusis furent évoqués, sans oublier le chantier du mur de Thémistocle. Propis se trouvait à sa droite et prenait parfois la parole en sa qualité d’archonte, juché sur un piédestal. Il était mieux habillé que la majorité, drapé dans une robe de tulle orientale parfumée à la rose, rivalisant en coquetterie avec les hétaïres masculines qui peuplaient le quartier égyptien. Drôle d’habit pour un magistrat, pensa-t-il.

 Un homme à la barbe épaisse et au torse tout aussi hirsute crut bon d’interrompre l’énumération des mises aux arrêts et présenta son codex.

 – Nous avons rapporté l’apparition d’un nouveau culte dans la rue des Lycosides, annonça-t-il avec une certaine véhémence, fréquenté par des citoyens masqués. Cette secte n’a pas encore été déclarée, et nous ignorons encore s’il s’agit d’un mystère ou d’une nouvelle fantaisie des eupatrides depuis que nous leur avons interdit de former des organismes privés. Ils se font appeler « les fils du Minotaure ». Peut-être serait-il bon d’en parler ici ?

 Les traits de Propis se crispèrent. Comme cette remarque était hors de propos et ne tenait de toute manière pas dans l’agenda, un autre magistrat fit signe qu’on l’abandonnât. L’émergence de sectes en ville était somme toute courante. Par ailleurs, l’assemblée avait pris du retard sur ses objectifs de la journée en raison d’une attente inhabituelle à l’ouverture ; quelques dizaines de citoyens manquaient à l’appel dont deux bouleutes, et un héliaste qui devait présenter un autre projet de loi.

 – Ce n’est qu’un culte privé, rien d’original, acheva-t-on pour ne pas s’appesantir sur la question. Le prochain cas abordé est celui d’un triple assassinat aux modes d’exécution similaires, en l’espace d’une décade. Quelqu’un souhaite-t-il revenir sur une affaire ultérieure ?

 Personne ne leva la main.

 – Bien, je vais donc laisser la parole à notre archonte-roi.

 Propis fendit la foule et parvint au milieu de l’hémicycle en roulant ses tissus luxueux. On ne l’avait jamais vu autant dans son élément.

 – Merci à vous, commença-t-il avec son ton mielleux caractéristique, je me chargerai de la suite, si vous le permettez. Le suspect principal, Génothès, un métèque d’origine crétoise, a été arrêté hier matin et attend d’être jugé pour le triple meurtre. Nous allons à présent voter en faveur, ou non, d’un procès sur l’aréopage.

 On demanda à nouveau un vote à main levée. L’incident ne semblait pas revêtir d’importance ; seule la moitié de l’assemblée se manifesta, peut-être plus, mais en l’absence d’une majorité significative, on décida de trancher au kléroterion. Antès observait le processus avec perplexité : non seulement les victimes n’avaient pas été mentionnées, mais on était passé si vite de l’enquête à la délibération qu’il n’arrivait même pas à se sentir concerné. Pourtant, il faisait bien partie des plaignants, et on ne l’avait même pas consulté auparavant. Alors qu’il allait demander à prendre la parole, un jeune homme le devança, blond à l’air impassible. Il reconnut Æther, un jeune citoyen de leur tribu, d’origine étrangère, qui vivait près d’Éleusis.

 – Je trouve tout cela révoltant, déclara-t-il sur un ton qui ne laissait paraître aucune indignation, que nous passions sur une affaire de meurtre comme s’il s’agissait d’un vol à la tire. Sait-on au moins qui a accusé le suspect Génothès ? L’a-t-on pris sur le fait d’un assassinat ? Rien de cela, je présume.

 Le président de l’assemblée, qui était resté en retrait depuis l’intervention de l’archonte, s’éclaircit la voix et reprit avec sévérité :

 – Nous ne vous avons pas donné la voix, citoyen Æther d’Erchia, fils de Daenos.

 – Je demande une enquête. Rien de plus, rien de moins non plus.

 – N’ayez crainte ! voulut le rassurer Propis, la source des accusations émane des Onze eux-mêmes, et j’en assume pleinement l’authenticité. Nos lois sont encore incomplètes s’agissant des crimes visant des esclaves et des étrangers, cependant l’accusé est crétois et nous avons choisi de le juger d’après les tables de Gortyne.

 Une fois le dernier point abordé, le héraut remercia Pallas et l’assemblée se dispersa, certains citoyens étant rejoints par leurs esclaves que les archers avaient cessé de compartimenter. Antès chercha Propis dans cette mélasse de monde qui sentait la transpiration. Quelle idée de s’amasser sous un soleil de plomb ! En se frayant un chemin dans la foule, il se heurta à une femme qui faisait le trajet dans l’autre sens. Elle hoqueta de surprise mais il n’eut pas le temps de l’identifier. Propis se trouvait à l’écart, en train de discuter avec un jeune homme en tenue tout aussi bariolée que lui et à la barbe noire qui le vieillissait.

 – Antès ! s’écria-t-il à son approche ; il commençait à s’y faire. Qu’as-tu pensé de mon discours ? Le coupable recevra le châtiment adéquat, une fois qu’il aura été traîné sur l’aréopage.

 – C’est-à-dire que je n’ai pas bien compris le rapport entre ce métèque et mon esclave. Qu’est-ce qui te fait dire qu’il s’agit bien du coupable ?

 – Il était connu pour ses rapines à Héraclion, enfin, peu importe. Je ne t’ai pas présenté mon ami Hélios ? C’est un poète talentueux. Il participera aux Dionysies cette année. Je crois qu’il a ses chances.

 – Propis, feignit-il l’embarras, vous me gênez.

 La teinture sur ses joues et autour de ses yeux lui donnait un air de famille avec les perses, mais quelque chose d’autre en lui dérangeait Antès ; ni son regard fureteur, ni ses lèvres pincées en un sourire matois auquel Propis répondait avec la même hypocrisie.

 – Votre accent, fit-il enfin, vous venez de Thèbes n’est-ce pas ?

 Un cadméen ! Thèbes avait trahi la cause grecque durant la guerre. Il contempla le déserteur, avec un semblant de mépris, qui lui répondit en se grattant la barbe.

 – J’ai choisi de quitter ma cité lorsque les Mèdes sont arrivés. Ma situation à Athènes est trouble, mais j’y jouis de certains avantage.

 Sa vie ne l’intéressait pas le moins du monde. Il s’attendait à tout instant à l’entendre conter son périple extraordinaire de la ville béotienne jusqu’ici, sa voix mielleuse y correspondait bien, mais l’archonte l’arrêta juste avant. Il glissa deux mots à l’oreille de son ami et l’embrassa sur la joue avant de s’en aller.

 – Navré, dit Propis d’un air évasif, où en étions-nous ?

 – Je me demandais si l’enquête avait été menée jusqu’à son terme pour inculper ce métèque : Génothès.

 – Tout ce que je peux te dire, c’est qu’il a été retrouvé près du lieu du troisième meurtre.

 – Cela en fait-il un meurtrier ? s’enquit Antès.

 – Tu voulais trouver un coupable, je te l’ai offert sur un plateau. Ne sois pas capricieux. S’il te faut une preuve de sa culpabilité, je l’ai déjà tirée au hasard. Le kléroterion ne ment jamais, tu devrais le savoir puisque tu tiens tellement à ce qu’on engage un procès équitable. Il a été décidé que Genothès serait tenu pour responsable du meurtre de Naros. N’est-ce pas cela que tu souhaitais ?

 Il se souvint de la réaction d’Æther durant l’assemblée et conçut la même indignation en comprenant qu’il avait été floué. Le véritable coupable pouvait courir, seul importait pour Propis qu’on en trouvât un à supplicier. Les meurtres étaient courants à Athènes, de son propre aveux, et les prochains passeraient sûrement inaperçus. Hormis le lieu du crime, rien ne permettait de faire le lien entre la mort de Naros et celle de ces hétaïres.

 – Je veux que la justice tranche sur cette affaire, s’indigna-t-il, mais je ne veux pas accuser un innocent et me faire sycophante.

 – Il a pourtant volé des prostituées. Pour cela nous avons des preuves.

 – Naros était mon esclave, et ce n’était pas une prostituée.

 – Quelle importance qu’il soit ou non tué par Genothès ? Propis rit à gorge déployée. Un esclave reste un esclave, ce n’est qu’un bien interchangeable.

 – De quel droit parles-tu ainsi de ma propriété ?

 – De quel droit manques-tu de respect à l’archonte-roi d’Athènes ?

 – Tu n’es pas un roi, et si tu refuses de pousser plus loin les recherches, je m’en chargerai personnellement.

 – Si cela te chante ! Puisse Tyché l’océanide t’accompagner dans ta quête.

 L’archonte s’éloigna pour retrouver son comparse dramaturge, laissant seul Antès avec sa frustration. Il voulut remercier Æther pour lui avoir ouvert les yeux, mais le jeune homme s’était déjà éclipsé, et l’agora avait retrouvé une agitation normale, maintenant que la foule s’était éparpillée, entre le sanctuaire de Thésée et les étals remplis de céramiques. Comme il avait plu quelques jours plus tôt, les sentiers étaient encore craquelés et les déjections se mêlaient à la terre meuble dans le reste de la cité. Là, un jeune esclave déversait le contenu d’une bassine en plein milieu du chemin dont le parfum de fleurs ne suffisait plus à dissimuler l’abjecte puanteur. Il soupira et retrouva sa monture, attachée à un arbuste.


 Dione l’attendait innocemment à la clôture, avec un épais châle en chanvre vert et une robe blanche dentelée typique des matrones athéniennes. Antès se figea en la voyant, de surprise, puis de colère. Elle avait emprunté les habits de sa défunte femme et le regardait avec un air de défi. Il demanda, calmement, ce qui lui avait pris.

 – J’ai pris une décision, répondit-elle, à présent je vous accompagnerai partout, en ville comme au temple.

 Il faillit s’étrangler.

 – Et la ferme ?

 – Qu’importent les moutons et les vaches ! Demandons à Médios de s’en occuper à notre place. J’ai vu ce qu’il y avait écrit dans la caverne, au bout du bois sacré. Maintenant, je ne peux plus rester les bras croisés.

 Il n’avait pas la force de s’énerver davantage. En fait, c’était déjà trop tard. Sa discussion avec Propis avait sapé toute son énergie et ses illusions. L’opiniâtreté de cette femme étrusque continuait de le surprendre.

 – Fais attention à ne pas aller trop loin, souffla-t-il d’une voix autoritaire. Je pourrais te rendre au marchand ou t’échanger pour une autre.

 – Vous n’auriez pas les moyens d’acheter un nouvel esclave, et seul, avec votre canne, vous auriez bien du mal à vivre.

 Quel toupet ! pensa-t-il.

 – Je te ferai payer ces paroles, un jour ou l’autre.

 – Faisons plutôt payer au meurtrier de Naros le tribut que nous avons offert au passeur. Je serai vos jambes et vos yeux, et lorsque nous aurons levé le voile, lorsque ses mânes cesseront de me hanter, vous pourrez faire ce que vous voudrez de moi.

 – À mes yeux, tu n’es pas moins une esclave, ne l’oublie pas.

 – Je ne l’oublie pas, fit-elle avec amertume.

 Ils rentrèrent et Dione apporta une tartelette de poireau baignant dans le lait. Le maître raconta sa journée d’un air las et un semblant désespéré, ainsi que sa dispute avec son ancien ami et l’impuissance qu’il avait ressentie devant cette affaire, qui ne le regardait plus aux yeux de la cité.

 – Nous pourrions entrer chez-lui…

 – Impossible, rétorqua Antès, des archers scythes gardent sa maison en permanence. Je pourrais me renseigner auprès des prytanes, mais je doute qu’ils acceptent de m’en dire plus, s’ils ne le jugent pas nécessaire à l’enquête.

 – S’il y a une enquête, dit-elle en étouffant un ricanement.

 – C’est bien ce qui m’inquiète.

 Ils demeurèrent silencieux un moment, les yeux sur leurs coupes et leurs bols en terre cuite. Même préparé avec l’ardeur de la revanche, leur repas n’avait aucun goût.

 – Qu’à cela ne tienne, pesta-t-il finalement. Si je n’obtiens aucune réponse de nos représentants officiels, je m’adresserai à une plus haute autorité.

 Dione voulut poursuivre sur cette lancée, mais le maître de maison ne le regardait déjà plus. Ses yeux étaient dirigés vers l’extérieur : la fenêtre, la cour et ce qui se trouvait au-delà des champs, dans les cieux azuréens.

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