Chapitre IV : Kira (1/2)

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Assise dans l’herbe, Yuki regardait le paysage devant elle. Ils s’étaient arrêtés à proximité d’une falaise et elle pouvait admirer un immense lac. Le vent soufflait dans ses cheveux qui lui revenait régulièrement au visage, la faisant rouspéter de temps à autre. Fubuki arriva derrière elle, encore trempé de sa baignade :

— Tu aurais dû venir, l’eau est bonne. Depuis une semaine, nous sommes sur la route et avec cette chaleur, on a intérêt à…

— Je veux apprendre à combattre, coupa l’adolescente.

— Euh… Eh bien… bredouilla l’homme surpris.

— Je veux apprendre à me défendre, pour ne plus avoir à fuir.

— Comme lors de la bataille de la vallée d’Oroki ? supposa son compagnon de route. Et qu’aurais-tu fait ?

— J’aurai peut-être pu aider Natsumi et Yui.

— Encore ces deux femmes… Tu n’y es pour rien. Tu n’aurais rien pu faire.

— Tu n’en sais rien ! s’écria-t-elle. Tu n’en sais rien…

— Savoir se battre est une chose, mais tuer… S’en ai une autre. Est-ce que tu seras capable de prendre la vie d’un homme ? Est-ce que tu te sens capable de tuer quelqu’un, même si tu ne le veux pas ?

— Comment ça ? demanda la jeune fille.

— Parfois, il arrive que l’on doive se battre contre des gens que l’on aime. Et lorsque ça arrive, on doit choisir entre notre propre vie ou là leur. Pourrais-tu vivre en ayant leur mort sur la conscience ?

— Je n’ai plus de famille. Je n’ai plus personne qui tienne à moi. Donc oui, j’en serai capable.

— Très bien, alors. Trouve-nous deux bâtons. Je n’ai pas emmené d’épée d’entraînement.

— Des bâtons ? Je veux me battre avec une vraie arme ! Je ne suis pas une enfant !

— Je ne prendrai pas le risque de te blesser.

— Tu me sous-estimes !

— Je ne pense pas.

— Alors faisons le test !

Fubuki regarda attentivement Yuki un instant, fixant ses petits yeux bleus bien déterminé à montrer de quoi elle était capable.

— Très bien. Prend mon katana. Je me battrai avec mon kaiken

— Quoi ? Mais c’est une arme de femme ! Pourquoi en as-tu un ?*

— Cela ne te regarde pas. En garde ! Montre-moi ce que tu vaux ! cria-t-il.

Prenant l’arme d’une main, l’adolescente tenait difficilement sa garde qui s’apparentait plus à tenir sa lame devant elle. L’homme lui fit signe de s’approcher et d’attaquer et elle s’élança droit sur lui. Esquivant facilement, Fubuki plaça son kaiken au niveau du cou de son adversaire :

— Tu es morte.

— Rah ! s’énerva la jeune fille. Tu n’as fait qu’esquiver !

— Oui… À quoi t’attendais-tu ?

— Ne fuis pas, c’est lâche !

— D’accord. Remets-toi en place et je t’attaque, ordonna-t-il.

Dans un mouvement vif, il s’approcha d’elle et frappa sa main tenant le katana puis, mit sa lame au même endroit que la fois précédente.

— Tu es morte. Encore.

— Tu vas trop vite !

— Et comment crois-tu que tes ennemis combattront ? Tu veux apprendre à te battre mais tu ne veux pas connaître les bases. Ne t’étonne pas, petite fille morte.

— Et quelles sont-elles ?

— Arrête de me contredire et de vouloir à tout prix utiliser d’emblée des armes faites de fer et d’acier. Dès que nous en aurons l’occasion nous, enfin tu, achèteras des armes d’entraînement. D’ici là, on prendra des bâtons qui auront l’avantage de ne pas te blesser si tu fais une erreur.

— Bon… D’accord. Mais je veux savoir me battre au moins comme toi ! Je ne te pensais pas si fort, je dois dire…

— Je ne suis pas plus fort qu’un autre. C’est juste de l’entraînement et de la chance.

— De la chance ?

— De ne pas être tombé sur plus fort que moi, sourit-il.

— C’est facile à dire…

— Retiens ceci : Si un jour tu n’es pas sûre de ta victoire, la fuite sera la seule manière pour toi de survivre. Ne combats pas dans un affrontement perdu d’avance.

— C’est contraire aux règles d’honneur de Miranishi. Même moi qui ne suis pas guerrière, je sais ça. Si tu tiens un tel discours en public et en ville, tu te feras lapider. Tu ne viens pas d’ici n’est-ce-pas ?

— Non, en effet. Mais peu importe d’où je viens. Tu ne me paies pas pour connaître mes origines. En parlant de paie, tu me devras deux cents pièces d’argents en plus pour mes services d’entraîneur.

— Deux cents ?! Mais je n’ai pas une telle somme ! s’écria la jeune femme.

— Je ne te laisse pas le choix. Allez, viens. On s’en va. On devrait pouvoir arriver dans la soirée si tu ne traînes pas.

— D’accord. Tu es bien sûr de ces gens au moins ?

— Nous allons voir le clan Kira, le plus puissant clan d’assassin de l’île. Ils auront les infos que tu cherches moyennant quelques pièces.

— Des sous, encore des sous… Tout le monde ne vit que pour l’argent ici ! rouspéta Yuki.

— Je ne te le fais pas dire, rigola l’homme.

— Ces assassins… Ils peuvent tuer qui on veut ?

— Oui.

— Et…

— Quoi ?

— Ça fait quoi, concrètement, de tuer quelqu’un ?

— Il m’est difficile de te décrire une telle sensation. Selon qui tu tues, tu pourras penser autre chose.

— Comment ça ?

— Imagine-toi face à dix ennemis tous armés et prêt à te tuer. Tu auras un sentiment de puissance en tuant tous ces gens. Tu auras une sensation d’être invincible et tes blessures ne te feront pas autant souffrir que si tu te trouvais face à une personne.

— L’adrénaline ?

— Exact. Le seuil de douleur augmente de manière incroyable lorsque tu es sous pression et sous adrénaline. Une fois la peur passée, lorsque tu ne trembles plus, si tu arrives à contrôler cette force… Tu peux devenir un surhomme. Enfin, une, dans ton cas.

— Je ne pense pas que ce soit si facile…

— Non, ça ne l’est pas. D’ailleurs, des gens ne vivent que pour comprendre cette sensation et la maîtriser. Il y a trois cents ans, à l’époque où il existait des centaines de clans et qu’ils se battaient tous entre eux... Bon comme maintenant finalement, rigola-t-il. un homme qui s’appelait Yakoto Mushi inventa une technique afin de pouvoir battre tous ceux qui lui ferait face, continua Fubuki. Il l’appela « La Voie Sacré ». Il a fait en sorte de créer quelque chose de parfait, afin de faire face à toutes les situations possibles. Une fois la théorie accomplit, il est parti se battre avec tous les plus grands guerriers de l’époque afin de prouver au monde - et surtout à lui même - que sa technique était la meilleure de toute. Personne ne parvint à le tuer. Un jour, il entra dans une école du sabre et provoqua tous les élèves et les maîtres de venir le tuer en même temps. Ce jour-là, la légende veut qu’il ait tué tous ces membres. La réalité est toute autre, il a épargné la vie d’un homme. Et cet homme se nommait Okoro Atashi.

— Son nom me dit quelque chose mais je n’arrive pas à le remettre…

— Ahah, rigola Fubuki. Ce n’est pas un homme que l’on se remémore juste comme ça ! Il est tout simplement le plus grand bretteur de Miranishi. Yakoto l’a pris en tant qu’élève et lorsqu’il fut dépassé, il écrivit son livre, où il inscrivit toutes ses techniques afin de les rendre public pour ceux voulant pratiquer la même voie que lui. Une fois terminé, il s’est battu une dernière fois contre son ancien élève afin de mourir en combattant, comme il l’avait toujours voulu. Par la suite, Okoro est devenu célèbre et il a tout fait pour que le livre de son maître soit publié et donné à chaque grand seigneur et personne souhaitant manier le sabre.

— Comment est-il mort ?

— Assassiné. Par le clan Kira.

*Le kaiken est un petit sabre japonais, qui s'apparente plutôt à un couteau de par sa taille (environ 15 cm). Il était porté par les femmes de samouraïs, soit dans les manches de leur kimono, soit passé dans leur obi.

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