REIMS VENDREDI 8 NOVEMBRE 1996

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REIMS

VENDREDI 8 NOVEMBRE 1996

Nous arrivons bientôt à Reims. Je suis déjà débout, devant la porte, prête à débarquer. Ces quelques semaines m’ont semblé interminables. Après avoir vécu avec lui, partager notre quotidien, me retrouver seule dans mon petit studio parisien a été une véritable torture. A plusieurs reprises j’ai eu envie de tout quitter, tout plaquer pour aller le rejoindre. Il ne me l’a pas demandé. Je ne suis pas partie.

J’ai compté les jours, les heures, les minutes. Je me suis abrutie de travail pour rattraper mon retard et pour ne pas penser à lui. Enfin un peu moins. J’ai lu jusqu’à l’aube, assistée à tous mes cours et même à d’autres, juste pour ne pas rentrer chez moi, j’ai déambulé dans les rues de Paris, marché sans but, quand la solitude se faisait trop lourde.

Je n’en peux plus. J’ai l’ impression de vivre sur des montagnes russes, des hauts vertigineux quand je suis avec lui, des gouffres abyssaux quand je suis seule, des descentes quand nous nous séparons qui m’écrase le cœur, des montées quand nous nous retrouvons qui me broient la poitrine et m’empêche de respirer. A Amsterdam j’ai eu la sensation que tout s’apaisait enfin, que je vivais à nouveau. J’ai réussi à penser, à rêver, à dormir.

De retour à Paris le manège infernal a repris, comme avant. Et je me sens à bout, épuisée par trop d’émotions violentes. J’attends à nouveau que le téléphone sonne, m’obligeant à ne pas attendre mais en attendant quand même. Sursautant, le cœur à deux cents dès que je l’entends. Sombrant à nouveau quand il raccroche. Et recommençant aussitôt à attendre.

Je n’ai envie de rien. Je suis une coquille vide. Mes copains de fac ont disparu, lassés de ne jamais me voir. Seuls les vrais amis résistent et sont encore là. Véro, qui m’appelle le matin pour que je réveille, me secoue quand je rêvasse en cours, et François égal à lui même, qui vérifie que je mange, que je dors et qui m’emmène me soûler quand il sent que je n’en peux plus. Il écoute sans rien dire mes jérémiades, mes états d’âme, mes angoisses…. A mes parents je n’ai rien expliqué. Je ne veux pas décevoir ma mère qui me rêve déjà en robe de mariée.

C’est aussi cela la passion. La vraie. Pas celle qu’on nous vend dans les romans ou les séries télé. Il n’y a pas seulement les moments d’extase, les retrouvailles sur les quais de gare, les nuits torrides et les déclarations enflammées. Il y a tout ce quotidien inconcevable, cette souffrance, ce manque incessant, lancinant. Je ne me suis jamais droguée, je n’ai jamais fumé mais lorsque je parle avec des gens en manque, ceux qui tentent courageusement de se sevrer, je retrouve les mêmes mots, les mêmes douleurs. Ce gouffre impossible à combler. Cette envie qui finit par tout envahir, qui empêche de réfléchir, de penser, parfois même de respirer. Rien n’existe plus que ce trou béant qu’il faut impérativement apaiser sous peine de le voir vous dévorer.

Paul n’est pas là et je ne pas comment faire pour combler son absence. Je sais que lui aussi souffre. Il me l’a dit. Nous patientons comme nous pouvons en attendant de nous retrouver. Chaque soir, Il m’appelle. Chaque matin, en partant à la fac, je dépose à la poste un message, un petit paquet pour lui et quand je rentre, j’ouvre avec fébrilité ma boîte aux lettres certaine d’y trouver une marque de son amour. Mais, non seulement cela ne comble pas le vide, mais participe à l’entretenir. Chaque signe de lui rouvre la blessure de son absence.

Quand tout sera fini, quand ma vie reprendra son cours, sans haut, sans bas, sans souffrance mais sans joie, je savourerai ce calme qui m’avait alors tant manqué. J’ai redécouvert le plaisir de trouver le temps long, de ne rien attendre. Je préfère encore mourir d’ennui que de détruire cette petite bulle de sérénité que j’ai réussi à construire peu à peu autour de moi.

C’est ce que j’ai cru. Au bonheur d’avoir choisi la tranquillité plutôt que la tempête. La tranquillité plutôt que la passion.

Mais, en le voyant descendre du bateau, son sac sur l’épaule, le pas énergique, comme autrefois, je sens mon cœur se remettre à battre. Enfin.

Reims, deux minutes d’arrêt. Je saute sur le quai. Il est là, tout au bout, à m’attendre. Je cours, je me jette dans ses bras. Autour de nous, certains applaudissent, heureux d’assister à un bonheur si stéréotypé qu’il appartient à tous. Mais je m’en moque. Nous sommes ensemble et c’est la seule chose qui compte.

Il attrape mon sac et sans nous lâcher nous nous mettons en route. Nous avons quelques heures devant nous avant son prochain rendez-vous et nous savons l’un comme l’autre comment nous voulons les occuper. Un reste de décence nous contraint à ne pas nous jeter l’un sur l’autre et à copuler comme des bêtes dans cette gare. Titubant, de bonheur et de frustration mélangés, nous courons jusqu’à l’hôtel.

La porte de notre chambre claque. Il soulève ma jupe, arrache ma culotte et me pénètre. Je gémis. Pas de caresse. Pas de préliminaires. Mes jambes s’enroulent autour de lui. Il entre plus profond en moi, me mord le cou. Il jouit dans un cri, moi aussi. Nous n’avons pas prononcé un mot. Il y avait bien plus urgent. Nous sentir, nous renifler, fusionner et n’être à nouveau qu’un. Nous roulons sur le lit dans un grand fou rire. Nous sommes ensemble. La souffrance, le manque, les journées interminables, la solitude. Tout s’efface. Je suis heureuse.

Lorsque nous reprenons pied, la nuit est déjà tombée. Paul a manqué son rendez-vous. Il est contrarié mais philosophe. Il rappelle le type et ils conviennent de se voir demain matin à la première heure. Nous avons la soirée devant nous. Paul me demande de quoi j’ai envie. Rester dans la chambre et regarder un film à la télé ? Aller faire un tour ? Dîner dans un bon restaurant ? Je n’ose pas lui dire que je m’en moque éperdument. Ce que je veux c’est être avec lui. Au lit, au ciné, dans la rue ou dans un supermarché. Tout m’est égal. Un reste de pudeur me retient – ce qui est assez paradoxal alors que je suis nue, mon corps collé au sien par nos sueurs mélangées – et je suggère que nous allions nous balader. Je ne connais pas Reims, j’ai envie de découvrir la ville. Si j’avais été honnête avec lui j’aurai demandé à rester dans ce lit, nue, ma peau collée à la sienne.

Nous dînerons ensuite me propose-t-il.

Avant de nous rhabiller, nous prenons notre douche ensemble, pour prolonger un temps cette fusion des corps qui vient de s’achever. La salle de bain est minuscule, et quand nous sortons de la baignoire, la buée a tout recouvert et il y a de l’eau partout. Nous rions.

Les rues sont éclairées. Nous ne promenons, main dans la main, comme deux amoureux. Ce que nous sommes. De retour dans la réalité, un peu mal à l’aise, nous échangeons des banalités. Après avoir vécu ensemble, puis avoir été à nouveau séparé, nous peinons à retrouver nos repères. Et je sens qu’il a quelque chose à me dire. Mais quoi ? Je n’ose pas le brusquer, la communication verbale n’a jamais vraiment été notre fort. Je vais devoir patienter.

Ce n’est qu’une fois installés dans un petit restaurant chic près de la cathédrale, après que le serveur ait déposé deux coupes de champagne devant nous, qu’il se lance enfin. Je m’attends à tout. Son corps semble crispé et je perçois comme une détresse. Sur le moment, je ne me suis pas posée de question, trop inquiète de ce qu’il allait m’apprendre. C’est bien après, pendant ces quelques jours où j’ai cherché des réponses jusqu’à frôler la folie, que je me suis rappelée cet instant précis où il m’a annoncé qu’il a quitté sa femme. Et mon étrange réaction.

Nous sommes face à face, nos verres à la main. Il me regarde, intensément.

- J’ai quitté Janet.

Silence. J’écarquille les yeux. Il a quoi ? Je ne comprend pas. Je m’attendais à une mauvaise nouvelle, je ne sais pas quoi dire. Je n’ose même pas sourire.

- Désolée.

C’est le seul mot qui me vient à l’esprit. Il semble tellement perdu, malheureux que je n’arrive pas à me réjouir. Je suis désolée qu’il souffre, désolée qu’il ait mal, désolée d’être à l’origine de ce chaos. Ma réaction a le mérite de le faire éclater de rire. Son regard retrouve sa joie et une bonne humeur communicative. J’enfouis aussitôt au plus profond de moi ces quelques fractions de seconde où la vérité s’est dévoilée, cette vérité que ni lui ni moi ne désirions voir.

Je souris enfin.

- Tu veux toujours de moi ? me demande-t-il.

Je fais semblant d’hésiter. Il joue l’effroi. Je ris. Nous trinquons. Je vide ma coupe d’une traite, me ressert aussitôt. Bois à nouveau. En un rien de temps la bouteille est terminée. Paul en commande une seconde.

Il me raconte.

Comment les quelques semaines passés loin de chez lui, dans la maison de ses parents à Amsterdam, lui ont permis de faire le point. Et de prendre sa décision. Il était impossible de retourner ensuite vivre avec elle, comme si de rien n’était. Il ne prononce pas son nom.

Il a vu avec Matthew, il va s’installer chez lui quelques temps, il a prévenu ses employeurs qu’il serait désormais basé à Londres, il s’est renseigné auprès d’un agent immobilier pour mettre la maison en vente.

- C’est là que j’ai réalisé que c’était ce qui me peinait le plus. Mettre la maison en vente…

Je n’ai jamais possédé de lieu à moi, je ne peux pas vraiment comprendre son attachement. Pourquoi ne pas la garder et la louer s’il y tient tant ? Je lui fais part de mon idée.

- Pourquoi pas…

Il semble peu convaincu – finalement c’est ce qu’il fera, conservant ainsi un dernier lien avec Janet - il poursuit son récit.

- Une fois tout organisé, je suis rentré et je lui ai dit. Que c’était vraiment fini. Que je partais. Avec toi.

Et ? Il s’interrompt. Le silence s’installe. Je ne sais pas si je dois le briser.

- Elle a réagit comment ?

- Étonnamment bien. Je m’attendais à des cris, des hurlements, des coups… mais non. Elle n’a rien dit. Elle est montée faire ses valises. Et elle est partie.

- Comme ça ?

- Oui. Comme ça. Elle est allée prendre des affaires et elle a claqué la porte.

Je suis étonnée. Matthew m’a toujours décrit d’une femme hystérique et violente, maladivement possessive. Je m’étais fait l’idée d’une mégère agressive, sa réaction me laisse penser que je ne la connais pas, que l’image que j’en ai est certainement fausse.

Je ne sais pas pourquoi je n’arrive pas vraiment à me réjouir. Sans doute parce que je sens en lui comme une blessure. Regrette-t-il sa décision ?

J’avale cul sec mon verre de champagne, sous l’œil outré du serveur. Ce grand cru mériterait d’être dégusté et apprécié à sa juste valeur, mais j’ai besoin de courage.

- Tu regrettes ?

Je vois son regard se troubler. Il se rapproche de moi. Prend mon visage entre ses mains, m’embrasse avec délicatesse, avec tendresse. Je perçois à travers ce baiser tout son amour. Mes larmes coulent. Il les essuie délicatement avec son pouce.

- Non. C’est une bonne nouvelle, tu devrais te réjouir me dit-il

Je secoue la tête. L’émotion est trop grande pour parler.

- Pas si tu es malheureux.

Il se recule un peu, sans pour autant lâcher ma main. Le regard dans le vague, il m’explique qu’il m’aime, qu’il est heureux mais que c’est malgré tout difficile de détruire ce qu’il a construit, ce qui a constitué l’essence sa vie. Jusqu’à moi.

- On va être heureux ensemble, tu verras.

J’en suis convaincue et je sens enfin monter en moi une joie immense . Paul est libre. Paul est à moi. Et à moi seule.

Je me trompe. L’ombre de Janet, comme toujours, flotte entre nous mais, tout à mon bonheur, je ne l’aperçoit pas.

Nous passons le reste du dîner à rire, à boire et à rire encore. Quand nous sortons, les serveurs poussent un soupir de soulagement. Bon débarrât ! Nos gloussements faisaient vraiment désordre dans l’atmosphère tamisée de ce restaurant bien trop guindé.

Ivres, nous déambulons dans les rues de Reims. Je chante à tue-tête. Pour ne pas tomber, j’ai enlevé mes chaussures. Les hauts talons et l’alcool ne font pas bon ménage. Je ris de sentir le macadam glacé sous mes pieds. Il est froid mais je préfère le risque d’une pneumonie à la certitude d’une cheville cassée. Paul, accroché à moi, se marre en regardant mes orteils tout gelés. Je ne sais pas trop comment nous avons retrouvé le chemin de l’hôtel, monté les marches jusqu’à notre chambre, et finalement trouver le sommeil.

Je me réveille quelques heures plus tard, encore habillée, entortillée dans le dessus de lit. Paul collé à moi ronfle. J’ai envie de faire pipi, j’ai soif, j’ai mal à la tête. Mais je suis heureuse. Je regarde cet homme qui dort et je sens monter en moi une immense vague d’amour. Malgré son haleine chargé, ses ronflements tonitruants et ses cheveux en bataille, ou à cause d’eux. Après un petit tour rapide par la salle de bain, je retire ce qui me reste de vêtements et retourne me coucher. Je m’endors, sereine et apaisée.

Le réveil le lendemain est bien plus difficile. J’ai la bouche pâteuse et le cerveau embrumée mais heureusement, je suis seule. Paul est déjà parti pour son rendez-vous. Je n’ai rien entendu.

Tu es si belle quand tu dors dit son petit mot, posé le long du miroir de la salle de bain. J’ai longtemps gardé le papier, arraché d’un bloc note au logo de l’hôtel.

Malgré le mal de tête je me sens gonflée à bloc, prête à tout conquérir. J’ai envie de crier, de courir, de me battre, de gagner. Je me tiens droite et fière, un sentiment de conquête m’habite. Mais pourquoi ? Qu’est ce qui en fait a changé ? Je tente de comprendre mais je ne souhaite pas trop creuser non plus. J’appelle François pour partager ma joie. Lui aussi salut ma triomphale victoire, et me demande aussitôt quand je compte déménager.

Déménager ? Quitter mon studio ? Paris ? François ? Je n’ai pas encore penser au futur, aux changements qui s’annoncent. Et nous n’avons pas parlé de l’avenir proche avec Paul. Je refuse d’admettre que je n’en sais rien. Je dois trouver une réponse.

- Pas tout de suite, je veux d’abord finir mes études.

- Paul est d’accord ?

- Bien sûr que Paul est d’accord ! Qu’est ce que tu crois...

François devine que nous n’en avons pas parlé. Il le sait et il ne dit rien. Je sais qu’il sait mais je ne dis rien non plus. L’amitié c’est aussi cela. Taire ce qui pourrait faire du mal à l’autre. Je lui demande alors comment se porte sa dernière chérie en date, si tout va comme il le désire. Il m’assure que oui, qu’il vit une idylle merveilleuse, un bonheur parfait, idyllique, incomparable. Je ne le crois pas, je ne dis rien. Moi non plus je ne veux pas le blesser, je l’aime bien trop pour ça.

Nous raccrochons en même temps, après cette non-conversation où l’important a été avoué et n’a pas eu besoin de mot. Nous sommes là l’un pour l’autre, dans les joies, dans les galères et même dans les mensonges.

Cette brève conversation n’a pas fait éclaté ma bulle. Je suis toujours pleine d’énergie, de motivation, d’envie de conquérir le monde.

Je descend à la réception de l’hôtel leur demander s’ils ont un minitel. C’est, à l’époque, le moyen le plus rapide, et le plus moderne, pour chercher des informations, l’ancêtre d’internet en quelque sorte.

Le concierge m’indique un petit salon, derrière lui, où je pourrais trouver tout ce dont j’ai besoin.

L’écran noir apparaît. Je tape : « University College London graduate programm »

Après tout, j’ai passé un an à Londres, pourquoi ne pas y poursuivre mes études ?

« admissions enquiries » je clique. Le numéro du secrétariat s’affiche. Je le note. Nous sommes en novembre, l’année est commencé depuis plus d’un mois déjà mais qui sait. Qui ne tente rien n’a rien.

Je compose le numéro. La sonnerie si typique des appels à l’étranger résonne à mes oreilles.

-UCL graduate programm, Glawdys. May I help you ?

J’ai oublié à quel point parler anglais au téléphone n’est pas facile Je me concentre sur les informations données. Je note les dates, les noms, les adresses, les numéros à contacter. Et les chiffres. 15000 pounds a year.

Je remercie la dame pour ces précieux conseils, lui promet de la recontacter si besoin. Je raccroche. J’avais oublié ce léger détail. Les frais universitaires. Pour ses études, Paul a bénéficié d’une bourse, Matthew lui n’a toujours pas fini de rembourser son prêt étudiant. Et Pour ma part j’ai participé au programme ERASMUS et pour mon année scolaire, le montant était à régler était ceux de la France. Une aubaine !

Je fais apparaître sur l’écran du minitel un convertisseur. Pas besoin d’attendre le résultats pour savoir déjà ce qu’il va m’annoncer : impossible de finir mes études à Londres et vivre avec Paul. Au 6 novembre 1997, les frais d’inscription à l’université de Londres, s’élève à 15 000 livres soit 146 734.06 francs. Sans compter de petits extras comme le logement, le transport, la nourriture.

Une question de réglée. Londres, ce n’est pas pour tout de suite. Ou alors j’arrête mes études… Un instant l’idée me traverse l’esprit. Non, je ne peux pas. Et pour faire quoi ? Plus qu’un an pour avoir mon DESS. J’ai bataillé pour intégrer Paris IX-Dauphine, j’ai finalement obtenu ma maîtrise et je dois terminer mon cursus, même si je ne sais pas encore ce que vais en faire. Une seule certitude c’est que je veux travailler. Et gagner ma vie. Ce constat me force à me projeter dans un avenir qui me semble tellement lointain, comme flou.

Je n’ai jamais vraiment pensé à ce que je ferai « quand je serai grande ». Ma vie d’étudiante, insouciante et joyeuse me convenait jusque là parfaitement. Avant Paul, je ne voyais pas plus loin que le week-end à venir, les prochaines vacances, les partiels de fin d’année. Puis est arrivé le temps de la passion, l’attente de mes rencontres avec Paul, nos retrouvailles et nos séparations. Janet, en libérant le champ des possibles, m’oblige à me projeter. Je ne suis pas encore prête. Et si finalement c’était moi qui regrettait ?

Lorsque Paul revient, je suis toujours dans le petit salon, en train de pianoter sur le minitel. J’ai cherché comment obtenir des bourses, des équivalences universitaires, quel travail avec une maîtrise française. Rien de probant, rien qui me donne envie de partir. Ce constat me secoue. Moi qui me pensait prête à tout pour le suivre, me voilà à freiner des quatre fers à la première occasion. Je me déçois.

J’explique à Paul mes démarches, sans lui dire à quel point je ne me sens finalement pas prête à partir, à tout plaquer. Comment pourrais je le lui avouer, lui qui vient de quitter sa femme, et de mettre sa maison en vente ? Je crois que j’ai juste honte.

Il dit qu’il comprend tout à fait. Qu’il ne veut pas que je sacrifie mon avenir pour lui. Que mes études c’est le plus important. Et qu’on a bien le temps. Il me rassure ne me disant qu’il ne conçoit pas que je ne travaille pas. Sa mère ne l’a pas élevé comme ça m’explique-t- il. Les femmes au foyer, très peu pour lui ! Il m’aime dynamique et conquérante, pas coincée à la maison, un tablier autour de la taille, l’air aigri et fatigué.

Il me fait rire. La vie me sourit à nouveau.

Il me promet que nous allons trouver une solution, qu’un jour nous vivrons ensemble. Et si ce n’est pas demain, ce sera après-demain.

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