PARIS, mardi 31 DECEMBRE 1996

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PARIS

mardi 31 DECEMBRE 1996

Le concierge à l’accueil nous souhaite un excellent séjour, nous indique les horaires du prochain spectacle qui se tient au Châtelet, à moins de cinq minutes à pied. Il reste quelques places nous assure-t-il. Heureusement qu’il ne peut pas lire dans nos esprits à quel point nous nous moquons éperdument de tout, tout ce qui n’est pas nous.

Sans vouloir être impoli, mais en l’étant quand même un peu, Paul coupe court à la discussion, m’attrape par la taille et salue le brave homme qui fait son travail.

Le pauvre va passer le réveillon seul, abandonné. Il n’a personne à qui parler… Mais Paul s’en moque. Il n’y pas pas de place pour la politesse, la sympathie, ni même un peu d’empathie. Tout ce qui n’est pas nous l’indiffère. Et je dois bien dire que moi aussi.

Nous nous serrons l’un contre l’autre dans le minuscule ascenseur. Il glisse sa main froide sous mon pull, me faisant frissonner. Je pousse un petit cri. Ses doigts sont glacés sur ma peau nue.

Notre chambre est au fond du couloir.

Ces trois nuits ici sont mon cadeau de Noël. Paul connaît mon amour pour les hôtels chics, je les ai toujours aimés et je les aime encore. Ils ont un charme suranné qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, la sensation unique d’être dans une bulle hors du temps, loin des tourbillons du monde. L’hôtel Britannique ne fait pas exception à la règle. Sa moquette épaisse étouffe les bruit de pas, d’élégantes bergères sont installées dans les recoins à chaque étage pour permettre à ceux qui en auraient besoin d’une petite halte. Il y a des lustres, de jolis abat-jours, de délicats miroirs, même dans les couloirs.

Notre chambre ressemble au reste de l’hôtel. Chic et confortable. Le lit est immense, il fait presque la taille de la pièce. Il est surmonté d’un baldaquin d’où retombent des tentures de draps rouges qui donnent à l’ensemble un aspect un peu solennel. Un petit miroir en forme de soleil complète la décoration. J’adore.

La salle d’eau attenante est minuscule mais tout y est bien organisé.

- Tu pourras même te prélasser dans un bain moussant. Paul sait que je regrette de n’avoir qu’une douche dans mon studio d’étudiante. Cela fait sans doute parti des raisons pour lesquels il a souhaité que nous passions la nuit du réveillon à l’hôtel plutôt que chez moi. Un peu de luxe et beaucoup de plaisir pour commencer la nouvelle année m’a-t-il promis.

Les douze coups de minuit ont sonné. 1997 a débuté sans nous. Les cris de joie et le concert des klaxons dans la rue nous ont prévenu que le cap fatidique venait d’être franchi. Nous avons mieux à faire. Nos corps se cherchent et se trouvent. Nous jouissons de la chaleur l’un de l’autre. J’aime la douceur de sa peau contre la mienne, le bleu de son regard, son souffle sur mes seins.

Plus tard dans la nuit nous irons faire un tour, profiter des lumières de la ville, de la foule en liesse, de la fête dans les bars, dans les rues, sur les quais. Nous danserons sur le parvis de Notre Dame, au son d’orchestres improvisés. Nous nous promènerons le long de la Seine, trinquerons avec des inconnus. Nous verrons le soleil se lever sur cette nouvelle année, que j’espère la plus belle de ma vie.

Elle sera finalement la pire.

Un couple de ses amis est de passage à Paris pour le 1er de l’an, et il souhaiterait me les présenter. Évidemment, j’accepte. Tout ce qui peut me rapprocher de lui m’attire. J’aime faire partie de son existence.

Nous devons les retrouver dans un petit restaurant à Montmartre, un coin typique de la vie parisienne pour touristes en mal d’exotisme franchouillard. Je n’apprécie guère ce quartier qui, s’il a connu ses heures de gloires, est désormais le point de ralliements de tout ce que Paris a de pire. attrape-gogos, peintres du dimanche, tours Eiffel Made in China, piquette imbuvable étiquetée « Montmartre », La foule qui s’y presse y est généralement agressive, vindicative et peu aimable. Mais le lieu fait encore fantasmer certains nostalgiques et je ne veux pas briser le rêve. Alors allons y.

Nous avons rendez-vous devant « la mère Catherine », place du Tertre, tout près du Sacré Cœur. L’endroit est chaleureux et je suis agréablement surprise par le sourire et la gentillesse des serveuses. Soudain, je vois un homme qui agite sa main dans notre direction. Même s’il voulait le taire, il a un je-ne-sais-quoi qui ne trompe pas : il est anglais. Son compagnon aussi.

- Ah s’exclame Paul. J’ai oublié de te prévenir.

- Qu’ils sont anglais ? Ils peuvent difficilement le cacher… Je m’amuse de sa gêne.

Ils aperçoivent Paul, lui font signe. Je leurs souris, déjà conquise. Ils sont heureux d’être là, leur joie fait plaisir à voir. Ils observent tout avec avidité, s’extasient, se sourient.

Nous choisissons une petite table dans un coin, un peu à l’écart, près d’une fenêtre qui donne sur la place. Alan et Peter forment un couple très uni. Ils me racontent qu’ils se sont connus à leur entrée à l’université et ne se sont jamais quitté depuis. Ils nous demandent comment nous nous sommes rencontrés. Par Matthew répond Paul, comme une évidence. Nous n’avons pas tout à fait vécu la même chose ce soir là et je complète ses souvenirs avec les miens. Alan et Peter s’amusent. Eux aussi connaissent Matthew et se délectent la blague que nous lui avons faite.

- Et ce n’est pas trop compliqué ?

- D’aimer un anglais ? Je persiste dans ma plaisanterie, je la trouve drôle.

- Non, de ne pas pouvoir vivre ensemble, d’avoir un « channel » entre vous...

J’étais convaincu que nous allions parler de la météo, de la famille royale, de Lady Di qui défraie chaque jour un peu plus la chronique, de la réunion de l’OMC à Singapour, mais à aucun moment de sujets intimes et personnels. Bien au contraire. Ils sont curieux, ouverts et sympathiques.

Nous trinquons à la nouvelle année qui vient de commencer. A nos amours, qu’ils soient éternels,

Les plats arrivent, le fromage, les desserts. Le temps file, je ne le vois pas passer. Alan nous propose de prolonger la soirée. Il serait dommage de se séparer déjà. Peter rêve de découvrir le mythique Lapin Agile, un cabaret situé tout près.

Là encore, je suis surprise. Loin de l’atmosphère aseptisée de l’attrape touriste que j’imaginais, nous voilà installés à quelques mètres à peine de la scène, un verre d’un cocktail spécial maison à la main, à attendre que le spectacle débute enfin. Certains autour de nous, entonnent des chansons. Je reconnais, dans la cacophonie ambiante, des airs célèbres. Portée par l’ambiance, je m’apprête moi aussi à pousser la chansonnette, sous l’œil enthousiaste de mes nouveaux amis qui commencent même à applaudir. Mais je croise le regard de Paul. Ce que j’y lis me fait rougir. Il me dévore des yeux. Personne ne m’a jamais regardé avec une telle intensité. Un tel désir. Je suis troublée. Je n’arrive plus à me souvenir à quoi je pensais l’instant d’avant.

Paul se penche vers Alan pour lui parler à l’oreille, puis m’attrape la main. Nous nous levons. Je le suis, sans savoir où il veut m’emmener. Mais j’ai une petite idée de ce qu’il compte faire.

Un escalier. A l’étage une salle, vide. Quelques tables attendent de futurs convives. Nous entendons les applaudissements qui, en bas, accueillent les artistes.

Sans un mot, Paul me plaque contre le mur. Il m’embrasse comme on mord, à pleine bouche. Son haleine a le parfum du cocktail à la cerise qu’il vient de boire. Il y a en lui comme une urgence, une ferveur que rien ne semble pouvoir arrêter. Il me veut, là maintenant, sans plus attendre. Il me communique sa fièvre. Moi aussi je le veux. Il soulève ma jupe, ouvre son pantalon, enroule ma jambe autour de lui

Marry me me murmure-t-il à l’oreille tout en me pénétrant d’un seul mouvement. Il a les yeux fermés et s’accroche à moi avec une passion que je n’ai jamais plus connu. Il me fait mal. Sa vie semble se jouer dans les mouvements de son sexe qui va et vient en moi. Toujours plus fort. Toujours plus profond.

Marry me marry me, il le répète inlassablement comme un leitmotiv, tout en me pénétrant encore et encore. Je m’accroche à ses cheveux en gémissant. Encore. J’en veux encore. Je noue mes jambes autour de lui pour le sentir au plus profond de moi.

Debout derrière le chambranle de la porte, enlacée à Paul, je tremble. J’ai du mal à retoucher terre. Il me serre contre lui. Nous restons quelques minutes, silencieux, sans bouger, à reprendre notre souffle. Lui aussi peine à retrouver le chemin de la réalité.

I am so sorry. Il s’en veut. Il n’aurait pas du. Il s’est comporté comme un animal en rut. Il a la tête basse de ceux qui ont un peu honte. Il a toujours du mal à admettre que la folie des corps peut accompagner le douceur des sentiments.

Je prends son visage entre mes mains. Il me voit sourire. Me sourit à son tour. Je t’aime. Il n’y a rien d’autre à dire.

Je préfère ne pas lui rappeler ce qu’il a murmuré dans le feu de l’action. Sans doute un moment d’égarement. Une folie passagère.

On se rhabille. On rejoint, soulagés de ne pas avoir été surpris, ceux qui nous attendent au rez-de chaussée.

- Ça va voir dans les combien un attentat à la pudeur en France ? me demande-t-il en descendant l’escalier

- A mon avis, on doit juste payer une tournée générale !

Alan n’entend que la réponse à la question et me félicite pour cette excellente idée. Il a la courtoisie de ne faire aucune remarque sur mes joues rougies et les cheveux décoiffés de Paul. Mais le regard qu’il échange avec Peter est sans aucune équivoque. Ils savent bien ce que nous venons de faire. Mal à l’aise, je préfère m’éloigner un peu, le temps de reprendre mes esprits. Je commande, comme promis, une nouvelle tournée et sors prendre l’air un instant.

Il fait nuit. On devine le ciel étoilé, au loin, perdu derrière la halo de la ville. J’essaye de retrouver mon calme, d’oublier les paroles que j’ai entendu. Signifient-elles quelque chose?

Alan me rejoint. Pas pour les mêmes raisons sans doute, mais lui aussi a envie de prendre l’air. Il me propose une cigarette. Je ne fume pas mais j’accepte. J’ai besoin de me donner une contenance.

- Il est heureux avec vous, cela fait vraiment plaisir à voir me déclare-t-il

Je n’ose pas lui poser de question sur la vie d’avant, celle dont je ne fais pas partie et qui est lié à l’autre, celle dont personne ne dit jamais le nom quand je suis là. Et dont j’essaye d’oublier, la plupart du temps, l’existence.

Comment douter qu’il m’aime ? Vraiment. Qu’il compte vivre avec moi un jour. Que nos vies sont liées. Je n’ai pas tout à fait perdu pied, noyée dans la passion, mais je n’ai aucun doute sur la profondeur sentiments. Hélas, je ne sais pas encore que cela ne suffit pas toujours. J’ai la naïveté de ceux qui aiment pour la première fois, qui n’ont jamais vraiment souffert. Je crois encore que l’amour doit tout emporter sur son passage, qu’il est le maître inconditionné de nos existences. Je suis certaine d’être prête à tout quitter pour lui, mais au final qu’ai-je à abandonner ? Ma famille ? Nous ne visons plus ensemble et je ne sens proche d’eux depuis que nous ne partageons plus notre quotidien. Je n’ai pas encore fini mes études, je n’ai pas investie dans une carrière professionnelle, pas encore. Les vrais amis ne se perdent pas, ils vous suivent où que vous alliez. Au final je n’ai rien à sacrifier, pas de choix à faire. J’ai juste une vie à bâtir à ses côtés, où il veut, quand il veut, comme il veut.

Je n’ai pas compris que pour lui ce n’était pas aussi simple. Il a 28 ans. Il a déjà construit sa vie. Vivre avec moi c’est prendre un nouveau départ alors qu’il commence enfin à recueillir les premiers fruits du travail entrepris depuis sa sortie de l’université. C’est tout reprendre à zéro. Ce n’est pas seulement quitter son épouse, c’est abandonner son associé, sa comptable, sa manager, sa secrétaire, son infirmière, son amie d’enfance. Elle remplit ces fonctions pour lui, depuis toujours. Ils ont grandi ensemble, travaillent ensemble, ont construit leur vie ensemble. Vivre avec moi ce n’est pas seulement quitter la femme à lequel il a promis amour et fidélité, c’est tout reprendre à zéro. Sans le soutien qu’elle a constamment été pour lui.

Amoureuse pour la première fois, idéaliste comme on ne peut l’être qu’à 20 ans, je ne pouvais à cette époque, le percevoir. Ce n’est que lorsque, bien plus âgée, j’ai décidé de tout plaquer pour partir vivre à Groix que j’ai commencé à comprendre. Il m’a fallu casser ce que j’avais mis tant de temps et d’énergie à construire, abandonner un poste pour lequel j’avais bataillé, brisé les liens noués avec mes collègues, dire au revoir à la boulangère de mon quartier, au garagiste qui sait qu’au moindre bruit suspect je panique. Refaire sa vie, c’est renoncer à tous ces petits riens du quotidien, tissés au fil des jours, des semaines, des années et qui font l’essence même de l’existence.

Paul non plus ne savait pas. Son amour pour moi, aussi immense soit il, n’a pas pesé assez lourd face à ce qui constituait jusque là sa vie.

- Why didn’t you answer ? Pourquoi tu n’as pas répondu ?

Dans notre chambre, tout est calme, noyé dans le silence de la nuit. Nous sommes allongés, enlacés. Ma tête repose le long de son épaule, je suis en train de m’endormir. Sa voix me réveille. On y sent de l’inquiétude, comme une angoisse.

La question, celle à laquelle je m’oblige à ne pas penser, celle qu’ il a prononcé dans un moment où son esprit était dominé par ses sens, par le plaisir du sexe. Et puis ce n’était pas une question, plutôt une injonction, un ordre. Je ne sais pas quoi répondre.

Le silence devient pesant entre nous. Je m’écarte. Je ne peux pas le voir mais je perçois dans son corps une tension, la même inquiétude que dans sa voix. Ce n’était pas vraiment une question. C’est la seule chose que j’arrive à dire. J’ai peur de lui répondre. Je n’ose même pas imaginer qu’il m’a vraiment demander ce que je crois qu’il m’a demandé.

- It was really a question. C’était véritablement une question.

- Je pensais que c’était juste… que ça n’avait pas de vrai sens. Que tu ne savais plus ce que tu disais. Que c’était dans la folie du moment...

Je suis très mal à l’aise. Que dire? Il m’a demandé de l’épouser et je n’ai pas compris.

- Je cherche le courage depuis qu’on est là. J’avais prévu de le faire pour new eve mais je n’ai pas osé…

Je n’en crois pas mes oreilles. Il a peur. Il doute. Je n’ose pas bouger, ni parler.

- Je n’inquiète de ce que tu vas répondre. Ma situation est si compliquée. Je sais que je ne peux pas te donner tout ce que tu voudrais.

Je le sens qui se lève, il quitte le lit. Il s’en va. Je panique, avant de comprendre qu’il est juste parti chercher quelque chose dans son sac.

A la lueur de la lampe de chevet qu’il vient d’allumer, je vois dans sa main une petite boite en velours bleu. Assez petite pour contenir ce que je pense qu’elle contient. Je n’ose même pas formuler le mot dans mon esprit. J’ai trop peur d’être déçue.

- Would you marry me ?

Je me réveille alors que la lumière perce à travers les volets. Je regarde ma main. La bague est là. Un diamant enchâssé dans un anneau en or. Une merveille qui scintille à mon doigt. Je n’ai pas rêvé. Il m’a effectivement demandé de devenir sa femme et j’ai dit oui. Il est tout contre moi, encore endormi, détendu et serein. Il sourit dans son sommeil. J’ai accepté de l’épouser, de partager ma vie avec lui. Pour le meilleur et pour le pire. Je n’arrive pas à y croire. Il m’a offert une alliance. Après, bien après, alors que nous flottions sur un nuage de félicité, Il m’a raconté comment, quelques semaines auparavant à Reims, il avait subtilisé une de mes bagues, traçant dans son carnet le diamètre de mon doigt. Pour qu’elle soit à la bonne taille m’a-t-il expliqué.

Cet anneau je l’ai toujours. Je n’y pense jamais mais je sais parfaitement où il est rangée. Dans sa petite boite en velours bleu, dans mon coffret à bijoux, au fond du dernier tiroir de ma commode. Au fil des années, j’y ait entreposé tout ce qui, à mes yeux, a eu de la valeur. La bague de Paul. Le collier de ma grand mère. Mon premier cailloux ramassée sur l’île de Groix. Une perle de Tahiti. Et une foule d’autres souvenirs. Je ne l’ouvre jamais. Je sais que tout est là et cela me suffit.

Il reste encore quelques jours à Paris avec moi, mais nous avons quitté à regret notre chambre à l’hôtel pour rejoindre mon studio.

Je regarde Paul qui dort nu, blotti dans mes draps. Je le trouve beau. Émouvant. Je me demande à quoi il ressemblera dans dix ans. Dans vingt ans. Mon amour pour lui va-t-il grandir avec les années ? Se transformer ? Il me tarde de vieillir à ses côtés. Je caresse sa joue. Il se réveille. Nous sommes ensemble et nous sommes heureux. Nous décidons de sortir nous promener. Il fait un temps superbe, le froid est sec et le ciel est bleu. Paris scintille. Ou alors c’est moi. La ville des amoureux n’a jamais aussi bien porté son nom.

Le métro nous amène Place du Châtelet, tout près de « notre » Hôtel. Celui où j’ai dit oui. Un souvenir. Déjà.

Nous traversons le Pont au change, le marché aux oiseaux. Nous admirons Notre Dame, les badauds qui se pressent sur le parvis. Nous poursuivons notre promenade. Je lui fait découvrir la librairie Shakeaspeare & company de l’autre côté du Petit Pont, une mine d’or pour ceux qui cherchent toutes sortes de livres en anglais. On y trouve tout, dans un capharnaüm parfaitement géré par un libraire loufoque.

Nous poursuivons notre balade vers le quartier latin. Nous nous arrêtons pour boire un café et nous réchauffer. Nous parlons de tout et de rien, de notre avenir. Il apprécie Paris, adorerait que nous puissions y vivre mais ne pense pas que ce soit possible d’y trouver du travail. J’aime ce « nous » qui nous associe, lui et moi, dans un futur commun. Il me raconte la vie que nous allons construire. Réfléchit à son boulot. Il est journaliste, travaille pour un magazine de voyage et en free lance pour tous les quotidiens qui veulent bien acheter ses articles. Il croit beaucoup dans un nouveau mode de communication qui commence à se développer en Angleterre. Internet. Je n’en ai jamais entendu parler. Il essayer de m’expliquer ce concept étrange. Un jour il pourra travailler de n’importe ou et communiquer avec le monde entier. Comme avec un téléphone. Oui mais en mieux me dit il. J’ai un peu de mal à imaginer l’idée mais pourquoi pas. Je suis prête à tout accepter, même le plus farfelu.

Il me demande ce que je compte faire. Je ne sais pas trop. Je dois terminer mes études. Il ne me reste que quelques mois, un stage et je serai diplômée. Je ne sais pas encore trop vers quel métier aller. Le marketing ? La communication ? Les bureaux d’étude ? J’hésite. Tout est possible. Ou bouché. Si j’écoute les gens autour de moi, personne n’embauche nulle part. Le marché du travail est totalement saturé. Pour les jeunes c’est le chômage assuré. Je ne veux pas partir défaitiste. Je prendrais ce qui se présentera à moi.

L’Irlande ?

- Il y a beaucoup d’opportunités en Irlande m’explique-t-il, tout en admirant les allées bien tracées du jardin du Luxembourg. Avec leur politique fiscale, bon nombre de grands groupes sont en train de s’installer là bas. Et comme c’est en Europe, pas de soucis de papier, ni pour toi, ni pour moi.

Je n’avais pas pensé à tous ces détails concrets. Moi, je me contente de l’aimer, de vouloir passer du temps avec lui. Mais pourquoi pas l’Irlande. Tant que nous sommes ensemble, tout me va.

Si je suis d’accord, il va y réfléchir, attaquer les recherches. Un coin pour vivre, un appartement, un journal qui pourrait l’embaucher. Notre futur commence à se dessiner sous mes yeux. Et je me prends à rêver avec lui. Ce n’est pas un rêve, c’est ce que nous allons construire tous les deux. J’oublie parfois qu’il a de l’avance sur moi. Nos années d’écart se devinent à ma naïveté, à mon inconscience face à l’avenir. Je ne sais pas de quoi demain sera fait et je ne m’en inquiète pas vraiment. Je ne suis encore qu’étudiante, plus une ado mais pas tout à fait une adulte. Lui a déjà pris sa vie en main, l’a construite et est conscient de tout ce qu’il va falloir mettre en œuvre pour en changer. Nous ne partons pas exactement avec les mêmes cartes.

J’observe les gens qui se promènent. Sont-ils seulement aussi heureux que moi ? Paul marche à mes côtés, nous parlons de notre avenir, du bateau qu’il rêve un jour d’acheter, des derniers partiels qui me restent à passer, de la peinture de notre futur salon. Il n’aime que le blanc, je veux de la couleur. Nous nous disputons pour le plaisir d’en rire. Je me moque de la teinte des murs. Lui aussi. Murs blancs et coussins multicolores ? Et bien voilà ! Ce n’est pas si compliqué !

Nous décidons de rentrer à pied

Il est reparti. Je suis à nouveau seule. Mais j’ai un but, un avenir à construire. Je suis heureuse. Il m’a demandé de devenir sa femme. J’ai dit oui. C’est le plus beau jour de ma vie.

Et pourtant, jamais nous ne fixerons de date.

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