XL.3 - Une vie à deux

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Lundi 13 mars 2000, 14h, à Boston

- Un joli petit garçon ! Félicitations !

Un cri. Celui de son fils.

- Oh, mon amour …

Josh, les larmes au yeux, l’embrassa sur le front. Il se précipita ensuite vers leur enfant, laissant Carla le cœur meurtri. Il était aux anges de devenir père, tandis que Carla venait de donner naissance au bébé d’un autre. Elle était une personne horrible.

- Regarde-moi ce bonhomme. Le plus beau nourrisson du monde.

Josh posa son fils contre elle. On reconnaissait déjà ses origines espagnoles, à ses cheveux bruns et sa peau dorée. Il ressemblait à sa mère. Tant mieux, pensa cette dernière. Tu garderas le secret de Maman, mi corazón.

Josh les dévorait du regard, et Carla prit la décision la plus importante de toute sa vie : elle ne dirait jamais à personne qui était le géniteur de son fils. Josh ferait un formidable père, il aimait déjà plus que tout ce petit être dans ses bras. Ezequiel serait leur fils, à eux deux. De toute façon, Darryl lui-même ne le savait pas, ou avait fait semblant de ne pas le savoir. Carla n’en avait jamais discuté avec lui, et il s’était bien gardé de le faire.

Ce fut à cet instant, lorsqu’elle décida que Darryl ne serait jamais considéré comme le père de son fils, que celui-ci ouvrit les yeux. De tout petits yeux. Mais Carla les vit distinctement, et son cœur rata un battement. Les petits yeux de son fils étaient verts. Vert émeraude. Comme ceux de son amant.

***

Mercredi 5 avril 2000, 13h, à Boston

- Il est adorable ! s’extasia Evelyn pour la centième fois, au moins, en une heure. Un vrai petit cœur. Ça ne te donne pas envie, mon chéri ?

Ce dernier leva les yeux au ciel, adressant un peine un regard à celui qui était son fils. Carla avait essayé de lire dans son regard, pour voir s’il savait. Mais soit Darryl était un très bon menteur, soit il n’en savait strictement rien.

- Oh mon Dieu, il ouvre les yeux ! Il est vraiment trop mignon.

Ses yeux. Dios mío. Carla accourut, passant pour la mère en amour pour son fils et ses moindres faits et gestes. Ezequiel papillonnait des yeux. Rendors-toi, mon fils, n’ouvre pas tes yeux, si magnifiques soient-ils, pas maintenant, le supplia silencieusement Carla. Mais, à son grand désespoir, la télépathie n’existait pas. Sans se rendre compte de ce qu’il faisait, le bébé bailla, et se frottant le nez, il ouvrit les yeux.

- Mon Dieu, souffla Evelyn.

C’était fini, se lamenta Carla. Elle allait deviner. L’émeraude perçant du regard de son fils était à la merci d’Evelyn, et il ne fallait pas être surdoué pour faire le rapprochement avec celui de Darryl.

- Darryl, viens là ! Viens au moins admirer ces iris splendides. Oh mon dieu, ce gamin fera des ravages. Allez, Darryl, dépêche-toi un peu.

Carla, aussi surprise que soulagée, observait Evelyn s’émerveiller devant son filleul. Elle n’a rien vu, pensa Carla. C’était pourtant si flagrant. Il n’avait fallu qu’un millième de seconde à la jeune mère pour faire le rapprochement, mais Evelyn ne semblait pas avoir deviné quoi que ce soit, bien qu’elle fasse face au regard de Darryl chaque jour.

- Regarde ce petit bout de chou, l’invita Evelyn.

Darryl l’observa avec plus d’attention qu’il ne lui avait jamais prêté. Carla, retenant sa respiration, le regardait faire. Aucune émotion ne traversa son visage. Il se contenta de sourire et, relevant la tête vers Carla, la félicita :

- Ton fils est très beau, et ses yeux sont effectivement magnifiques.

Il le savait. Ses mâchoires serrées, son léger froncement de sourcils, son regard dur, son visage transpirait la contrariété. Parce qu’il le savait. Et cette allusion aux yeux d’Ezequiel était une façon discrète de faire signifier à Carla qu’il connaissait son terrible secret.

- Vous devez être très heureux, ajouta-t-il.

- Très, lui répondit Josh en venant passer son bras autour des épaules de sa compagne. Nous sommes les parents les plus heureux du monde.

Imperceptiblement, Darryl acquiesça en direction de Carla. Le signe qu’il était d’accord de céder sa place ? Carla n’eut pas le temps de trouver la réponse que déjà, son ancien amant passait à autre chose, discutant des derniers résultats de football.

- Je ne sais pas si Darryl est prêt à devenir père, confia Evelyn à sa meilleure amie. Lorsque je lui ai soufflé l’idée la dernière fois, il m’a à peine répondu. Tu crois qu’il serait heureux d’avoir un enfant ? Je suis sûre qu’un fils lui ferait plaisir.

***

Mardi 13 mars 2001, 20h30, à Milwaukie

- Joyeux Anniversaire ! Joyeux Anniversaire, Ezequiel ! Joyeux Anniversaire !

Le petit garçon, aussi beau qu’à sa naissance, jetait des coups d’œil à sa mère, appareil photo en main, l’air de lui demander pourquoi tout le monde criait aussi fort autour de lui. Puis Evelyn, le ventre rond, vint à ses côtés pour l’aider à souffler ses bougies. Le moment fut immortalisé, et la marraine insista pour que chacun fasse sa photo avec le roi de la journée. Lorsque le tour de Darryl fut arrivé, le cœur de Carla se pinça. Bien qu’elle s’en réjouissait, elle ne comprenait pas comment personne ne pouvait voir la ressemblance frappante entre son fils et Darryl. Leurs yeux avaient exactement la même nuance, et ils possédaient tous deux des traits du visage semblables.

- Regardez par là ! les interpella Josh, les mains sur les épaules de sa compagne.

Carla crut s’évanouir. Son fils et son ancien amant avaient relevé la tête au même moment, fixant l’objectif de leur regard émeraude. La ressemblance était frappante, évidente, et Carla ressentit le besoin de sentir un peu d’air frais. Elle tendit l’appareil photo à Josh en prétextant une envie pressante, et passant près de son fils, elle lui caressa les cheveux. Darryl lui lança alors un regard qu’elle n’avait jamais vu. Elle y lisait une fêlure, l’éclat de ses yeux devenu terne lui tournant l’estomac. Elle allait pleurer.

Carla se réfugia dans la salle de bain, se laissant aller contre le mur. Qu’avait-elle fait ? Alors que Darryl n’avait pas semblé souffrir d’être chassé de son légitime statut de père, l’année passée, Carla avait eu l’impression qu’il tentait de lui transmettre un message. Et si l’approche de sa paternité l’avait fait réfléchir ? Regrettait-il de ne pas s’être investi dans la vie de son fils ? Aurait-il souhaité présenter Ezequiel à sa fille plus que comme un cousin de cœur ?

- Carlota, está todo bien ?

Sa mère était la dernière personne sur Terre à l’appeler encore par son prénom, et bien que Carla lui ait répété nombreuses fois que tout le monde l’appelait par son surnom, sa mère n’avait pas cédé. « Je suis ta mère, lui avait-elle rétorqué. S’il y a quelqu'un qui peut t’appeler par le prénom qui t’a été donné, c’est bien moi ».

- Sí, Mamá, lui répondit la jeune espagnole en ouvrant la porte, espérant cacher à sa mère son chagrin.

- Josh est un très bon père, lui fit-elle remarquer, en détaillant le visage de sa fille.

- Je sais bien. L’année écoulée a prouvé que de tout ce qu’il fait dans la vie, élever son fils est ce qu’il réussit le mieux.

- Son fils, hein ?

Carla fixa sa mère, cherchant dans son regard la réponse à la question que sa remarque avait soulevée. Avait-elle compris ? Bien qu’une mère ne juge jamais son enfant, Carla n’avait pas osé avouer à la sienne que le fils qu’elle portait n’était pas celui de l’homme qu’elle avait suivi de l’autre côté de l’Atlantique. Elle n’avait pas osé lui confier son infidélité, déjà qu’elle tombait enceinte alors qu’elle n’était pas mariée.

- Comment ? l’interrogea Carla.

- Cariño, je ne suis pas aveugle, contrairement à ce que semble être tous ces américains. Et je suis ta mère, je te connais.

- Ça veut dire quoi, ça ? Tu savais avant moi que je serai infidèle ?

- Non, mais je sais lorsque ma fille est amoureuse, et de qui.

- J’aime Josh, se sentit obligée Carla de répliquer pour sa défense. Darryl est juste … une ancienne passion, un moment de folie dans mon passé. C’est fini, Mamá, je t’assure.

- Une ancienne passion ? Une part de ton passé ? Et ce petit bout de chou dans sa chaise haute, t’y penses ? Votre histoire ne sera jamais enterrée, bien que tu le veuilles.

- Il va devenir père à son tour, et tu l’as dit toi-même, Josh est merveilleux dans ce rôle. Il est inutile de remuer notre passé. Josh est le père de mon fils, point final.

***

22h

- Les dernières assiettes. Besoin d’aide ? proposa Darryl en venant poser les couverts sur le plan de travail.

- Non merci. Il se fait tard, vous devriez rentrer. Evelyn a besoin de repos.

Darryl acquiesça. Il avait envie de hurler, de secouer Carla. Elle semblait lui en vouloir, à frotter ses assiettes comme si sa vie en dépendait, sans même lui jeter un regard. Oui, c’était lui qui l’avait quittée, mais c’était elle qui avait décidé de donner à Josh la chance d’être le père de son propre fils. Son cœur se brisait à chaque fois qu’il croisait le regard du petit, et maintenant que la naissance de sa fille approchait, il réalisait qu’il avait eu tort de laisser Carla devoir choisir entre révéler la vérité ou garder ce secret pour elle. Il aurait dû être présent, discuter avec son ancienne amante de ce qu’ils feraient à propos du bébé, proposer de participer à l’éducation de son enfant. Leur enfant.

- Darryl ? l’interpella Carla, osant enfin croiser son regard.

- Oui ?

Une vague d’espoir. Un nouveau souffle. Si elle le lui demandait, il irait crier la vérité dans le salon, là, maintenant. Tant pis pour les représailles.

- Je … euh …

- Tu quoi ?

Dis-le. Dis-le. Dis-le.

- Je suis désolée … que tu ne sois pas le parrain. Je sais que Josh et toi êtes comme des frères, mais le choix s’est fait différemment, et … Enfin bon, sache que si on a un deuxième enfant, tu …

- Non, la coupa-t-il. Je ne pense pas que ce sera le cas.

Darryl quitta la pièce, laissant Carla perplexe. Que signifiait sa dernière phrase ? Pourquoi n’aurait-elle pas un second enfant avec Josh ? Parce que le premier n’est pas de lui, lui murmura sa conscience.

- Dios mío

Il venait d’avouer. À demi-mots, certes, mais enfin il énonçait de vive voix qu’il savait être le père d’Ezequiel. Il avait pris le « on » pour lui et Carla, alors que cette dernière parlait d’elle et Josh. Il avait très bien compris, mais il en avait profité pour lui glisser qu’il savait. Et si ce n’était pas trop tard ?

Carla courut au salon. Elle pouvait encore tout changer. Puis, elle l’aperçut, sourire aux lèvres et caressant le ventre d’Evelyn. En face du couple, Josh, le petit dans les bras, les yeux pétillants. Chacun sa famille. Ça devait le rester.

***

Dimanche 17 juin 2001, 9h, à Milwaukie

- Madeline, déclara Evelyn. On a décidé de l’appeler Madeline. Vous aimez ?

Carla acquiesça vivement, les yeux posés sur son adorable filleule. Elle avait les cheveux aussi blonds que sa mère, ainsi que son nez, et la bouche de son père.

- Regarde, mon fils, ta cousine.

Ezequiel semblait hypnotisé par le nourrisson que tenait Evelyn, baragouinant dans son langage en la montrant du doigt.

- Mamá ! appella-t-il.

Carla s’approcha de lui, le prit dans ses bras et s’installant dans le fauteuil au coin de la pièce, elle demanda à Evelyn de prendre sa fille. Cette dernière la posa face à Ezequiel, toujours aussi hypnotisé par Madeline. Il la caressa du bout du doigt, puis lui prit la main en ne la quittant pas du regard.

- Ils sont trop mignons ! s’exclama Evelyn. Faut prendre une photo. Tiens, Darryl, et si tu allais aux côtés de ta fille ?

Ce dernier, s’il fut mal à l’aise, ne le montra pas. Il se plaça derrière le fauteuil, le sourire aux lèvres.

- À vous voir comme ça, réunit autour de nos enfants, je me dis qu’on forme une véritable famille, déclara Evelyn, émue.

Et tu ne crois pas si bien dire, pensa Carla, en jetant un regard attendri aux deux petits qu’elle tenait. Les deux enfants de Darryl.

***

Samedi 20 juillet 2002, 15h30, à Milwaukie

- Tu crois qu’ils mourront main dans la main ?

Evelyn et Carla, assises contre le tronc du chêne centenaire de Willow Street, regardaient leurs enfants jouer ensemble. Madeline venait de fêter ses un an, et malgré des jambes encore tremblantes, Ezequiel tenait à la faire marcher. Ainsi, il lui prenait la main pour se déplacer, ne la lâchant que pour jouer.

- J’espère qu’ils seront aussi proches toute leur vie, en tout cas. On a toujours besoin d’un allié qui nous connaît mieux que nous-mêmes, pour surmonter les épreuves que Dieu nous donne.

Pour sa part, cet allié était sa mère, qu’elle avait quitté pour mener la belle vie aux États-Unis. Elle avait suggéré à Josh de s’installer en Espagne, pour se rapprocher de sa famille qui voyait si peu leur fils. Elle n’avait pas osé lui dire que ces quelques années loin de Madrid avaient créé un trou béant dans sa poitrine, que seuls le soleil espagnol et la voix de sa mère pourraient remplir.

- Tu crois en Dieu ? l’interrogea Evelyn.

- Ma famille est très croyante, et puis l’adolescence m’a éloignée de lui. Plus le temps passe, et plus je me dis que je n’aurais pas dû m’écarter de son chemin.

- Tu n’as pourtant rien fait de terrible. Excepté avoir en enfant hors-mariage, mais ce n’est pas un péché capital, si ?

Ce qu’elle avait fait de terrible ? Perdre sa virginité avec un garçon qu’elle avait oublié quelques semaines plus tard, préférant la compagnie d’un américain alors qu’elle avait des vues sur son meilleur ami. S’envoler aux États-Unis, abandonnant sa famille qui avait tant fait pour elle. Dire à l’homme qui partageait sa vie qu’elle l’aimait alors qu’elle couchait avec un autre. Tomber enceinte de son amant. Faire croire à tout le monde que son compagnon était le père. Mentir à tout son entourage. Le regretter, mais ne rien pouvoir faire pour arranger la situation. Vouloir retourner à cet été où tout avait changé, et faire des choix différents. Rêver d’une autre vie, où elle vivrait avec l’homme de ses rêves et leur fils. Le faire dans le lit qu’elle partageait avec son compagnon, qui lui faisait aveuglément confiance. Carla en avait fait, des choses terribles, et elle continuait encore aujourd’hui. Elle avait même peur de se confesser, de crainte que Dieu ne la punisse.

- Non, avoir un enfant hors-mariage n’est pas un péché capital.

- Eh bah tu vois, tu ne t’es pas tant écartée du chemin.

***

Mercredi 24 décembre 2003, 20h15, à Milwaukie

- Madeline, laisse ta sœur dormir ! la réprimanda sa mère.

Depuis la naissance de Naomi, sa grande sœur ne la quittait pas d’une semelle. Même lorsque le bébé dormait, le petite fille se tenait à ses côtés, lui caressant les cheveux ou le ventre.

- Tu devrais en profiter, glissa Darryl à l’oreille de sa compagne. Quand elles seront adolescentes et qu’elles se crieront dessus, tu regretteras le temps où Madeline lui caressait les cheveux.

Evelyn se radoucit. Darryl n’avait pas tort.

- Un canapé ? J’ai essayé une nouvelle recette à l’occasion.

Carla, bien qu’elle avait abandonné ses études de pâtisserie pour s’occuper pleinement de son fils, n’avait pas perdu sa passion pour la cuisine. Dès qu’elle recevait des invités chez elle, elle innovait toujours plus pour ravir les papilles de ses proches.

- Volontiers, accepta Darryl en tendant la main vers une mini-quiche à l’air délicieux.

Mais Carla, qui manqua de perdre l’équilibre lorsque Ezequiel la bouscula en courant, se rattrapa au bras tendu de Darryl. Un courant électrique lui fit dresser les poils. La douceur de sa peau lui donna la chaire de poule.

- Excuse-moi, lui dit-elle en se reprenant. C’est Ezequiel qui …

- Ce n’est rien, Carla, enfin.

Un regard rassurant. Un sourire réconfortant. Un cœur battant. Celui de Carla. Oublierait-elle un jour ce qui les avait unis quelques années auparavant ? Probablement pas. Croiser le regard de son fils chaque jour lui faisait remonter le fil du temps, à une époque où un avenir merveilleux se dessinait devant elle, sans complication, sans torture.

- Je reviens tout de suite.

Carla s’enfuit presque, laissant le couple surpris.

- Qu’est-ce qu’il lui prend ? demanda Evelyn à l’adresse de son compagnon.

- Aucune idée.

Darryl suivit Carla à travers la maison. Elle s’était réfugiée dans la salle de bain.

- Ouvre-moi, lui murmura-t-il en toquant doucement à la porte. Carla, je t’en prie, laisse-moi entrer et discuter.

Il entendit le loquet de la porte. La poussa. Il découvrit Carla adossée sur le lavabo, la tête penchée, une larme roulant sur sa joue.

- Je suis désolée, fit-elle d’une voix étranglée. Tellement désolée …

- Pourquoi au juste ? Tu n’as rien fait de mal.

- Si, tu ne t’en doutes pas, mais tous les jours, je fais quelque chose de mal. Quelque chose pour laquelle je m’en veux horriblement.

- Carla, calme-toi, tout va bien se pa…

- Je pense à toi. Tous les jours. À ce nous qui a existé, et bien qu’il ait disparu depuis un petit bout de temps, je sens encore la passion qu’on a partagée au fond de mon cœur. Pourtant, ça ne devrait pas.

- Carla …

- Et cette voix. Ta voix. Je me souviens de ces mots d’amour, de ces chuchotements après l’amour, de tes gémissements pendant. Ta voix enrouée de désir quand tu parcourais des yeux mon corps. Tes yeux. Vert émeraude, la plus belle couleur au monde.

- Parce que c’est celle des yeux de ton fils, Carla, et pas à cause moi, comme tu le crois.

Carla le jaugeait du regard. Il avait dit « ton » fils. Il l’appelait toujours « Ezequiel ».

- Darryl …

- Non, écoute-moi, pour une fois. Cette histoire, bien qu’elle ait été passionnante et passionnelle, dévorante et terriblement enivrante, elle est aujourd'hui terminée. Carla, il faut que tu passes à autre chose. Tu as Josh, et votre fils. Oublie-moi, ce nous auquel tu t’accroches. Vis dans le présent, et laisse le passé où il est.

Carla sentit comme un coup de poignard dans son cœur. Elle fait l’impression qu’il la quittait pour la seconde fois, tandis qu’elle ne s’était toujours pas remise de la première.

- Tu ne vas tout de même pas passer ta vie à ressasser une idylle de seulement quelques mois ?

Une idylle de seulement quelques mois, voilà ce qu’elle avait représenté pour lui ? Dire qu’elle aurait pu quitter Josh pour lui, annoncer au monde entier qu’Ezequiel était leur fils à eux deux, quitte à subir des regards mauvais et des messes basses dans son dos. Darryl venait de réduire à néant tout ce à quoi elle continuait de s’accrocher. Il venait de tout détruire, la laissant en chute libre. Elle aurait mal quand elle toucherait le sol, très mal.

- Non, lui répondit-elle. Non je ne vais pas passer ma vie à idéaliser un passé partagé avec un homme qui disait m’aimer mais qui apparemment me mentait.

Sur ces paroles, Carla quitta la salle de bain en trombe, les larmes lui aveuglant la vue. Elle ne remarqua alors pas l’ombre au fond du couloir, qui s’était glissée là la seconde avant qu’elle n’ouvre en grand la porte.

- Je t’aimais, chuchota Darryl, mais Carla ne pouvait pas l’entendre. C’était sûrement mieux comme cela, ils devaient enfin mettre un terme à leurs sentiments.

À son tour, Darryl quitta la salle de bain, conscient de quitter le dernier endroit où la flamme de la passion s’était exprimée, et là où elle s’était définitivement éteinte. Leur bulle avait éclaté, après des années, dans une salle de bain, le jour du réveillon de Noël. En était-il déçu ? Peut-être un peu, mais il avait deux filles maintenant, et Evelyn lui avait glissé son souhait de se marier. Il ne pouvait donner encore de l’importance à cet ancien amour, qui menaçait de glisser un grain de sable dans l’engrenage parfait qu’était sa vie. Il rangea cette période de sa vie au simple souvenir. Pour toujours.

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