XXXVII - Encore toi !

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Jeudi 26 juillet 2018, 22h50 (heure de la côte Est ), Hôtel Pod 39, à New York

- Je ne crois pas aux coïncidences, répéta pour la énième fois Madeline.

- On croirait entendre Faith et ses théories du destin. D’ailleurs, aux dernières nouvelles, tu n’y croyais pas, à ses théories.

- Et toi, tu ne pensais pas tomber amoureux un jour, si ? Eh bien, tu vois, tout le monde change. Et pour en revenir à Willow, je suis prête à parier que c’est la même que j’ai rencontrée à Milwaukie le 4 juillet !

- Maddie, c’est un prénom super commun, et dans un pays aussi grand que le nôtre, il doit y avoir des milliers de filles qui le portent. Ce n’est pas pour autant qu’elles sont toutes la Willow de ta connaissance, essaya de la raisonner Ezequiel.

- Mais tout tombe sous le sens, pourtant ! En fait, ton père revient à Milwaukie chaque été, sans le dire à personne, pour t’observer en douce et s’imprégner de l’odeur de la ville qu’il a tant aimée, et j’y rencontre sa fille !

- Et ensuite ?

- Eh bah … J’en sais encore rien mais je suis sûre que tout ça a un lien.

- Mouais … marmonna Ezequiel, peu convaincu. Moi, je suis crevé. Allons nous coucher, plutôt que de crier à des théories du complot.

Madeline ne rétorqua rien, elle aussi était fatiguée et mourrait d’envie de se plonger dans des draps frais et moelleux. Ce qui ne l’empêchait pas de continuer à être persuadée que la Willow de Josh était sa Willow du 4 juillet. Il lui fallait enquêter. Et vite. Leur avion décollait le lendemain, à 11 heures précises. Si ils se levaient tôt, et allaient au garage de Josh, pour discuter avec lui et espérer récolter des informations ? Mais comment le prendrait Ezequiel, lui qui venait de rencontrer l’homme qu’il avait cherché pendant tant d’années ? Accepterait-il de lui tirer déjà les vers du nez ? En plus, il ne semblait pencher en faveur de la théorie de Madeline. Peut-être pouvait-elle s’y rendre seule ?

La jeune blonde stoppa là ses interrogations, le sommeil la rattrapant beaucoup plus vite que ce qu’elle aurait voulu.

***

Vendredi 27 juillet 2018, 8h55 (heure de la côte Est ), Hôtel Pod 39, à New York

- Debout ! Maddie, réveille-toi ! Allez, bouge tes fesses !

Madeline émergea, secouée dans tous les sens par son meilleur ami, surexcité. Ce dernier avait rêvé toute la nuit de la voiture dont il avait parlé avec Josh, la veille, et mourrait d’envie de la voir, et l’essayer, comme il le lui avait proposé. Avec leur avion qui décollait seulement à 11 heures, ils avaient le temps de se rendre au garage. Mais cela, Ezequiel l’avait décidé cette nuit, tout seul, et il lui restait Madeline à faire sortir du lit.

- J’ai pris une décision, cette nuit, annonça fièrement le jeune hispanique.

- Et elle vaut vraiment le coup que tu me réveilles si tôt ?

- Déjà, il est quasiment 9 heures, et en plus, c’est un truc qu’on doit faire ici. Alors oui, je n’avais pas le choix de te réveiller.

- Et qu’est-ce que c’est ?

- Habille-toi, tu verras bien.

Ezequiel disparut dans la salle de bain, sautillant sur ses pieds comme un enfant à l’approche de Noël. Madeline grogna, pas franchement heureuse de se voir réveiller alors qu’elle dormait aussi bien qu’un nourrisson, mais se résolut à se lever. Elle attrapa ses affaires, au moment où son meilleur ami libérait la pièce d’eau, laissant à Madeline le soin de se réveiller sous un bon jet d’eau chaude.

***

Vendredi 27 juillet 2018, 9h40 (heure de la côte Est ), dans l’Upper East Side, à New York

- Quel plaisir de vous revoir, les jeunes ! annonça joyeusement Josh à l’arrivée des deux amis.

Ezequiel lui répondit par une accolade, racontant qu’il avait rêvé de la voiture toute la nuit et qu’il n’avait pu résister à son appel. Madeline, elle, resta silencieuse. Elle réfléchissait au meilleur moyen de parvenir à ses fins, sans alerter quiconque. Alors que le concessionnaire et Ezequiel discutaient de la fameuse auto, Madeline repéra le bureau de Josh, au fond, à sa droite. Quelle excuse allait-elle bien pouvoir trouver pour jeter un œil dans la pièce ?

- Maddie ? La voiture est derrière, on y va. tu viens avec nous ?

- J’aimerais boire un verre d’eau avant, je ne sais pas pourquoi mais j’ai la gorge toute sèche.

- Ce doit être la pollution new-yorkaise, intervint Josh. Quand on vit dans une petite ville comme Milwaukie, ça fait un choc de se retrouver ici, et je parle d’expérience. Il y a une fontaine près de mon bureau, au fond. Sers-toi, je t’en prie.

Madeline le remercia d’un sourire, avant de se diriger vers la-dite fontaine à eau, tandis que les deux hommes se rendaient dans l’arrière-boutique en discutant joyeusement. Madeline se servit, et jetant un œil aux alentours, découvrit qu’elle était seule. Le vendeur qu’embauchait Josh était occupé à l’extérieur, avec un couple d’acheteurs à l’air exigeant. Il allait en avoir pour un bout de temps.

Madeline se dirigea alors vers la porte du bureau, qui, heureusement pour elle, n’était pas fermée clé. Toujours en surveillant le vendeur et ses clients, elle fit un tour d’inspection dans le bureau. Beaucoup de dossiers étaient posés en pile sur la table de travail, à côté d’un ordinateur. Agitant la souris, elle ne fut pas surprise de constater que l’engin était protégé par un mot de passe. Ce fut alors qu’elle posa les yeux sur le cadre, à côté du clavier. Son sang ne fit qu’un tour. Des yeux d’un bleu transcendant la fixaient, un regard qu’elle avait déjà croisé. Car sur cette photo se tenaient Willow, la fille de Josh, et celle que Madeline avait rencontré à Milwaukie, le 4 juillet, avec son père.

- J’en étais sûre, murmura Madeline.

Elle allait prendre en photo le cadre, pour prouver à Ezequiel qu’elle avait vu juste, mais les éclats de voix du vendeur l’en empêchèrent. Elle sortit rapidement du bureau de Josh, et son gobelet à la main, traversa le garage pour rejoindre son meilleur ami.

- Mademoiselle ? Je peux vous aider ?

- Non, ça va, merci. Je rejoins Josh et mon ami. Ils essaient une nouvelle voiture, derrière.

- Ah oui, vous êtes les jeunes d’Oregon, c’est ça ?

- Oui, c’est ça.

Le vendeur lui lança un sourire avant de se concentrer de nouveau sur ses clients. Il n’avait pas remarqué Madeline dans le bureau. Ouf !

Dans l’arrière-boutique, Ezequiel et Josh étaient penchés au-dessus de l’avant de la voiture. D’après ce qu’avait compris Madeline, c’était une Ferrari, datant de 1966. Josh venait d’en faire l’acquisition, alors qu’il en restait peu à travers le monde, faisant sa fierté et celle de son entreprise. Ezequiel était comme un enfant, les yeux pétillants et la bouche ronde comme une soucoupe. Il ne cessait de s’extasier sur la voiture, osant à peine la toucher.

- Ah Maddie, te voilà ! s’exclama Ezequiel quand il repéra son amie, le gobelet d’eau toujours à la main. Regarde-moi cette merveille !

Madeline s’approcha, non sans se méfier de Josh. Depuis qu’elle l’avait rencontré, la veille, elle sentait que quelque chose ne tournait pas rond. Il semblait trop heureux de retrouver le fils qu’il avait abandonné, alors qu’il n’avait jamais cherché à le recontacter. Il paraissait trop tranquille, alors que ses retrouvailles avaient bouleversé Ezequiel, même s’il n’en avait rien dit. Madeline le connaissait assez pour lire en lui. Josh était un homme étrange, et Madeline détestait les gens étranges.

- Et toi, Madeline ? Quelle est ta passion ?

- Enquêter, lâcha-t-elle en fixant son regard à celui de son interlocuteur. En ce moment, je suis à la recherche de ma petite sœur disparue.

Josh devint blanc comme un linge, ne s’attendant pas à une telle réponse. Il ne souvenait pas de Madeline comme d’une fille aussi franche que ce qu’elle venait de faire preuve, ni du genre à raconter sa vie à des inconnus, ou des personnes retrouvées après dix ans, dont elle ne devait garder qu’un vague souvenir.

- Maddie ! l’interpella son meilleur ami, visiblement gêné d’une telle déclaration.

L’intéressée ne broncha pas, le regard toujours rivé sur Josh. Elle espérait qu’il avait compris le message, et qu’elle savait qu’il cachait quelque chose.

- J’ignorais que c’était toujours d’actualité, répondit simplement Joss. J’ai suivi l’affaire de loin, et j’ai été très déçu d’apprendre qu’on ne l’avait pas retrouvée. Naomi était une adorable petite fille, je m’en souviens encore. Et comme ça, tu la recherches toujours aujourd'hui ?

- Oui. Vous êtes d’ailleurs parti peu de temps avant sa disparition, non ?

Madeline ne se souvenait plus des dates exactes, mais elle se souvenait que c’était dans ces eaux-là.

- Maddie ! Qu’est-ce que tu fais ?

- C’est rien, Ezequiel. Je suis parti avant, en fait. J’étais à New York quand j’ai appris sa disparition. J’en étais très attristé, sache-le. Ta sœur et toi faisiez partie de ma famille, tout comme tes parents.

- Et comme Ezi, votre fils que vous avez abandonné parce que votre femme vous avez menti ?

- Maddie, tu vas trop loin, essaya de la raisonner Ezequiel.

- Cet homme ment, Ezi. J’ai vu la photo dans votre bureau. Très jolie, votre fille. Dites-moi, elle connaît votre passé ? L’abandon de votre fils ? Elle sait pourquoi vous venez à Milwaukie, ou elle pense que c’est une ville ordinaire ?

- Ma fille ne sait rien de mon passé, je préfère la préserver, comme j’ai préservé sa mère. Et elle n’est jamais allée à Milwaukie, je ne vois pas de quoi tu parles. Je ne suis jamais retourné dans cette ville.

- Comment expliquez-vous que je l’ai croisée, alors ? Le 4 juillet, pour être précise. Elle cherchait du pain.

- Te re-voilà avec cette histoire, intervint Ezequiel, qui fit le tour de la voiture pour rejoindre Madeline. Je te l’ai déjà dit, tu fais une finette sur cette fille alors qu’elle n’est rien.

- C’est faux ! S’emporta Madeline. Je l’ai vue sur la photo, dans son bureau. C’est elle, je te le jure.

- Tu crois que c’est elle, mais tu te trompes. Josh ne t’a rien fait, arrête de l’attaquer. Je suis désolé, s’excusa-t-il auprès de ce dernier.

Josh lui fit signe que ce n’était rien, leur proposant de sortir prendre l’air. Madeline se rua dehors, sans attendre Ezequiel. Elle n’en revenait pas qu’il ne la croit pas. Elle se souvenait parfaitement de Willow, ses yeux, son visage. Elle pourrait la reconnaître entre mille, et elle savait que c’était elle sur la photo.

- Maddie, attends-moi ! lui cria Ezequiel.

Il la rattrapa, et la força à se tourner vers lui. Les sourcils froncés, il ne comprenait rien à ce qui se passait.

- Pourquoi tu t’enfuies ? Et pourquoi tu t’en prends à Josh ?

- Car il ment ! Putain, Ezi, crois-moi ! Josh ment, il est revenu à Milwaukie, j’ai vu Willow, et je te jure que c’est la même fille !

- Je crois que l’enquête que tu veux mener sur ta sœur te monte à la tête, et tu vois des mensonges et des cachotteries partout. Tu dois te calmer et revenir à la raison.

- Pas avant de t’avoir prouvé que ce que je dis est vrai.

- Tu ne vas rien prouver du tout, on va simplement rentrer chez nous, se reposer et reprendre une vie normale. Tout ça te monte à la tête, j’en ai bien peur.

Madeline n’insista pas, son ami semblait buté. Mais ce n’était pas pour cela qu’elle allait abandonner. Elle savait qu’elle avait raison, et qu’une façon ou d’une autre, elle allait leur montrer, à tous.

***

Vendredi 27 juillet 2018, 13h45 (heure de la côte Est), quelque part dans les airs

- Tu me fais encore la gueule ? demanda Ezequiel à son amie, qui n’avait pas desserré les lèvres depuis qu’ils avaient quitté le garage de Josh.

- Je suis juste déçue de voir que tu ne fais même pas confiance à ta meilleure amie depuis ta naissance. Et ta demi-sœur, maintenant.

Ezequiel soupira, il en avait marre de subir les théories du complot qu’inventait Madeline. Elle voyait des mensonges partout depuis la découverte de la disparition de sœur, et maintenant qu’ils venaient de découvrir que Darryl était le véritable géniteur du jeune hispanique.

- Comme tu veux, ne m’adresse pas la parole si ça te chante, mais moi, j’ai quelque chose d’important à t’annoncer. Je compte m’installer à Portland l’année prochaine, trouver un job, mettre de l’argent de côté et reprendre mes études ensuite. Des études de marketing. Visiter le garage de Josh m’a fait prendre conscience que c’est ça que je veux faire, plus tard. Je veux travailler avec les vieilles bagnoles, c’est ce qui me fascine depuis tout petit. Alors je vais faire des études pour pouvoir ouvrir une concession plus tard. Et je compte bien demander à Faith de s’installer avec moi. Je me suis renseigné, et le Portland Community College offre des cours d’Art et design, dont le stylisme. Je sais qu’elle en rêve depuis gamine.

- Ça en fait des projets. Mais je suis contente que tu trouves ta voie. Et je parle pas seulement d’études. Je suis heureuse pour toi et Faith, tu le sais, n’est-ce pas ? Je sais à quel point vous êtes amoureux, je le vois dans vos yeux, dans vos gestes, et je trouve ça génial. J’espère que vous resterez autant amoureux toute votre vie, parce qu’un amour tel que le vôtre, c’est vraiment magique.

Ezequiel fut émue d’une telle déclaration. Il prit sa meilleure amie - et maintenant, demi-sœur - dans ses bras. Il avait l’impression que sa vie prenait enfin un sens.

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