XVI - Confessions dans le grenier

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Dimanche 15 juillet 2018, 12h40, à Milwaukie

Madeline se réveilla en sursaut, son frère venait d’atterrir comme une furie sur son lit. Elle s’énerva contre lui tandis que Theodore prenait un malin plaisir à sautiller juste à côté de sa tête.

- Theo ! Je t’ai déjà répété mille fois que ce n’est pas un trampoline !

- Carla est là ! Maman a dit que je devais te réveiller.

- Et l’idée de m’apporter le petit-déjeuner au lit ne t’a pas effleuré ?

Le ton de Madeline était dur, et Theo s’arrêta net. Alors que Faith avait réussi à la sortir du lit et à la traîner de force à une fête, le jeune garçon pensait que sa sœur redeviendrait aussi heureuse qu’avant. Pourtant, elle arborait ce matin sa tête des mauvais jours.

Quant à Madeline, elle manquait cruellement de sommeil. Les quelques heures où elle pu dormir avaient été peuplées de cauchemars. Son interruption dans la chambre de la poolhouse des jumelles et sa découverte concernant sa sœur s’étaient mélangées dans ses rêves, si bien qu’aux alentours de sept heures, elle avait pris la décision de ne plus fermer l’œil. Elle avait alors longuement réfléchi à cette Naomi, sa soi-disante petite sœur. Pourquoi n’en avait-elle aucun souvenir ? Et ses parents, pourquoi ne lui en avaient-ils jamais parlé ? Elle devrait avoir quinze maintenant, mais où était-elle ?

Madeline en était arrivée à la conclusion suivante : Naomi était décédée jeune, ou d’une maladie ou d’un accident, et devant son manque de souvenirs, ses parents ne l’avaient jamais évoquée, préférant ne pas la faire souffrir. Était-ce pour cette raison qu’ils étaient tous deux étranges, en ce moment ? Madeline n’avait pas été plus loin que l’acte de naissance, et ne connaissait donc pas la date du décès de sa sœur. Après avoir cru qu’elle allait vomir ses tripes ou bien s’évanouir, Madeline avait tout rangé à la hâte. Mais peut-être son père se plongeait-il dans le travail pour essayer d’oublier l’anniversaire de la mort de sa seconde fille ? Quant à sa mère, elle y pensait tellement qu’elle en omettait d’être présente mentalement. Tout paraissait plus clair pour Madeline, en tout cas pour le comportement du couple Peterson, car concernant ce qu’elle devait faire par la suite, elle se trouvait dans le brouillard le plus complet.

- À quoi tu penses ? demanda Theo qui la scrutait de ses grands yeux d’enfant.

- À toi. Tu vas me payer très cher de m’avoir réveillée comme ça !

Madeline se jeta sur son frère, et se mit à le chatouiller. Comme elle, il détestait cela et se tordit dans tous les sens pour échapper aux mains de sa sœur. Au bout de cinq minutes de chamailleries, Madeline le laissa en paix, et il en profita pour se glisser sous draps. La jeune blonde l’enserra de ses bras, et respira l’odeur de son shampoing à la pomme, une odeur qui la rassurait, sans qu’elle sache pourquoi.

Quelle était l’odeur du shampooing de Naomi ? Madeline aimait-elle plonger son nez dans ses cheveux ? Leur arrivait-il de se tenir dans les bras l’une de l’autre ? De dormir ensemble ? Étaient-elles proches ?

Autant de questions qui restaient sans réponses. Elles étaient suivies d’autres interrogations, concernant le physique de Naomi, son caractère et leur vie de famille à cette époque. Mais Madeline ne pourrait savoir ce qu’elle désirait sans interroger ses parents. Et cela, elle n’était pas sûre d’en être capable.

La veille, Madeline, se sentant dévastée par la nouvelle qu’elle venait de découvrir, avait éclaté en sanglots. Un mélange de colère, car elle ne possédait aucun souvenir de sa propre sœur, et s’en voulait personnellement, de tristesse, car sa vie de famille presque parfaite était une façade plus que fausse, et enfin de fureur envers ses parents, qui avaient osé lui cacher un aussi important secret. Pour elle, jamais ses sa mère et son père n’auraient dû mettre Naomi aux oubliettes, et laisser vivre leur aînée comme si elle n’avait jamais perdu sa petite sœur.

Pour ne rien arranger, la scène qu’elle avait surprise entre Faith et Ezequiel s’était invitée dans son esprit. Elle avait pleuré de plus belle, réalisant qu’elle ne pourrait toucher deux mots concernant Naomi à son ami de toujours, trop occupé à charmer sa meilleure amie. À eux aussi, elle leur en voulait, et ce fut d’épuisement qu’elle s’endormit, les perles salées séchant lentement sur ses joues rougies.

- Il faut qu’on y aille, ou Maman va nous disputer.

En effet, Evelyn était très à cheval sur les traditions, et si elle avait permis à Madeline de sauter les repas familiaux ces derniers jours, c’était parce que sa fille avait de bonnes raisons. Mais maintenant qu’elle était sortie de son lit, et que sa mère pensait qu’elle s’était amusée comme une folle à la fête, elle ne pourrait passer outre le déjeuner dominical. Et puis si Carla était là, elle avait encore moins de chances.

Elle poussa ses draps d’un coup de pied rageur, n’ayant aucune envie d’affronter ses parents alors qu’elle sentait la rancœur bouillonnait en elle. Mais Theo ne devait pas subir les mensonges de leurs parents, et Madeline ferait un effort pour lui. Elle lui demanda de rejoindre le rez-de-chaussée pour s’habiller rapidement et se donner un air présentable, après avoir versé toutes les larmes de son corps cette nuit. Il obtempéra sagement, et Madeline put s’asseoir au tabouret de sa jolie coiffeuse en bois blanc. Son mascara avait coulé, l’eye-liner dégouliné, et le rouge à lèvres était étalé partout sur son visage sauf sur sa bouche. Elle s’empressa de se nettoyer, avant de déposer délicatement un baume sur ses lèvres, sèches d’avoir accueilli tant d’eau salée. Elle s’appliqua ensuite un peu de mascara, espérant cacher ses yeux bouffis et encore rouges. Elle enfila ensuite les premiers vêtements qui lui tombèrent sous la main. Elle voulait se pelotonner dans un sweat douillet, malgré la chaleur du dehors, mais celui du lycée lui rappelait le matin où elle avait découvert Lizbeth dans le lit de son ancien petit ami, et le deuxième qu’elle possédait était introuvable. Il était à l’effigie de la Harvard Law School, université où avait étudié son père, mais du plus loin qu’elle s’en souvenait, le sweat lui avait toujours appartenu.

Madeline descendit les escaliers qui la séparaient du salon, et à quelques marches de la pièce, elle prépara le sourire le plus faux qu’elle pouvait arborait. Apparemment, personne ne se rendit compte que tout n’était qu’apparat, car sa mère l’accueillit joyeusement, et Carla fit de même. Aucune des deux femmes qui étaient présentes depuis son enfance ne remarqua ses yeux gonflés, ni son épuisement total. Elles bavardaient gaiement, tandis qu’Evelyn insérait un plat dans le four et que son amie dressait la table. Un coup d’œil par-dessus son épaule et Madeline constata que Theo s’entraînait au baseball avec leur père, l’air très sérieux sous sa casquette des Yankees alors que Darryl lui donnait un conseil pour améliorer sa frappe. La jeune blonde n’écoutait pas la conversation qui avait lieu autour d’elle, l’esprit trop obnubilé par Naomi. Les questions se succédaient, et plus il y en avait, plus Madeline sentait son amertume envers ses parents croître. Elle ne prononçait pas un mot tandis qu’elle sortait les verres du placard, et à aucun moment Carla ou sa mère ne s’en rendirent compte.

Au bout de dix minutes de pur silence, les deux femmes semblèrent réaliser la présence de Madeline, et surtout que contrairement à ses habitudes, elle ne prenait pas part à leur papotage.

- Chérie, tout va bien ? s’inquiéta sa mère.

- Hmm, je suis juste rentrée tard de la fête, et je suis encore fatiguée.

Son ton, froid, ne sembla pas froisser sa mère. Celle-ci remarqua le manque de chaleur dans la voix de sa fille, mais le mit sur le compte du manque de sommeil. Dans des moments comme celui-ci, mieux valait ne pas insister.

L’évocation de la fête rappela à Carla la surprise qu’elle avait eue ce matin en découvrant son fils accompagné dans son lit. Elle n’avait pas voulu trop le questionner, mais mourrait d’envie d’en savoir plus. Carla ne savait que trop bien que son fils avait une vie amoureuse - et sexuelle - mais jamais elle ne l’avait aperçu avec une fille au bras. Avec son charme naturel, elle se doutait qu’il séduisait facilement et n’était pas ravie de le deviner en profiter. Mais jamais elle ne lui avait fait de morale concernant sa relation avec les filles, son père étant déjà un grand sujet de discordes, et Carla n’en souhaitait pas davantage. Mais découvrir Faith à ses côtés au réveil avait réveillé en elle un faible espoir de le voir enfin se fixer sérieusement. Sachant que les deux jeunes étaient les plus proches amis de Madeline, elle décida de lui poser les questions qu’elle avait gardées pour elle devant Ezequiel.

- Dis-moi, Maddie, tu sais quelque chose concernant Faith et Ezequiel ?

La jeune blonde fut surprise d’être ainsi interpellée, après presque un quart d’heure de silence. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre les paroles de sa marraine, et sa mauvaise humeur s’intensifia quand elle comprit que la discussion se dirigeait vers la relation entre ses deux meilleures amis.

- Non, répondit-elle simplement, espérant que Carla ne s’étendrait pas sur le sujet.

- Pourquoi cette question ? se renseigna Evelyn qui n’était pas au courant de la situation.

- Eh bien, j’ai trouvé ce matin Ezequiel et cette charmante Faith dans son lit, paisiblement endormis. Il n’avait pas l’air ravi que je les surprenne, et il m’a vite demandé de déguerpir. Mais depuis, la curiosité me ronge de savoir ce qui peut bien se passer entre eux deux.

La réponse de Carla fit voir rouge à Madeline. Alors comme cela, ils avaient tout de même passé la nuit ensemble, après l’avoir profondément blessée. Ils se fichaient royalement d’elle, et ne s’étaient inquiétés que de leur petite affaire. À l’heure qu’il était, Madeline les imaginait sans mal avachis dans le canapé du salon d’Ezequiel, un plateau-repas devant eux et se pelotonnant devant un programme duquel ils ne se souciaient guère. Elle sentit son cœur en prendre un coup, et se força à ravaler ses larmes. C’était trop dur pour elle de concevoir que ses deux amis préféraient leur petit bonheur personnel, plutôt que de se préoccuper de son état mental. Avaient-ils encore seulement conscience de son existence ?

- Maddie ? Maddie, t’es avec nous ? l’interpella Evelyn.

- Hein ? Quoi ? Oui, pardon.

- Carla te demande depuis combien de temps ça dure.

- Je vous ai déjà dit que je ne savais rien les concernant. Et puis, honnêtement ce ne sont pas mes affaires, ils font ce qu’ils veulent de leur vie.

- Je sais bien, querida, reprit Carla, déstabilisée par le ton glacial de sa filleule, mais vous êtres très proches, non ? Même si Ezequiel ne doit pas s’épancher sur le sujet, vous devez bien parler garçons lorsque vous êtes entre filles, avec Faith ?

- Je te le répète, Carla, je n’en sais rien et je n’ai pas envie d’en parler, c’est clair ?

Les deux femmes écarquillèrent les yeux, choquées de la réaction de Madeline. Elle savait qu’elle paraissait sans aucun doute méchante, mais la nuit, ainsi que la soirée, avaient été difficiles, et elle ne désirait pas aborder ce sujet si délicat pour elle. Evelyn lança un regard appuyé à Carla, lui indiquant qu’il valait mieux abandonner la conversation, sa fille s’étant manifestement levée du pied gauche. Elles reprirent toutes deux leur discussion, laissant Madeline se diriger vers un canapé. Elle s’affala dessus, ramenant ses pieds contre ses cuisses, et observant son frère à travers les grandes baies vitrées. Même sous son air sérieux, Madeline pouvait lire la joie qu’il ressentait en pratiquant son sport favori. Elle aimerait tellement retourner à cet âge, marqué par l’innocence et la naïveté. Theo n’avait aucune idée de la bombe que venait de déterrer Madeline, et c’était tant mieux pour lui.

Le minuteur du four bipa en même temps que la sonnette de la porte d’entrée retentit. En temps normal, Madeline se serait empressé d’aller ouvrir à leur invité, mais la force, comme l’envie, lui manquaient. Pourtant, ni Evelyn, ni Carla, qui se trouvaient dans la cuisine, ne semblaient s’occuper de la sonnette qui se faisait entendre pour la seconde fois. En soupirant de mécontentement, Madeline se colla à la tâche. Elle prépara un faux sourire, le deuxième de la matinée, et ouvrit la porte. Son expression hypocritement aimable s’effaça aussitôt, laissant place à un visage froid et sévère.

- Ezequiel, quelle surprise. Tu as enfin lâcher ta dulcinée ?

- Épargne-moi ce ton sarcastique, s’il te plaît. Je ne suis venu pour me battre, mais pour enterrer la hache de guerre, répliqua-t-il d’un ton las.

Madeline hésita. Elle voulait lui faire payer son comportement, mais en même sa peur de le perdre prenait le dessus. Elle souffrait à cause de cette crainte, et ce n’était pas en refusant de lui adresser la parole que la situation s’arrangerait. Elle se dégagea de l’entrée, lui laissant le passage libre. Au même moment, Evelyn passait dans le couloir, un plat dans les mains. Elle montra son ravissement à voir son filleul et l’invita à se joindre au repas, Carla sur les talons. Ezequiel se retourna et interrogea Madeline du regard. Cette dernière haussa les épaules, lui indiquant le voir à leur table ne lui faisait ni chaud, ni froid. Au vu de son état mental, elle savait d’avance qu’elle serait perdue dans ses pensées et oublierait sûrement la présence de tous autour d’elle.

***

13h45

Le repas s’était passée dans une bonne humeur général, la discussion étant principalement mené par Evelyn et Carla. Ezequiel n’avait échangé que quelques mots avec Darryl, et avait passé le plus clair de son temps à écouter Theo lui parler de baseball. Quant à Madeline, elle ne prononça pas un mot et toucha à peine à son assiette, mais eut le plaisir de voir que sa famille la laissait dans son coin. Elle était restée jusqu’à la fin du dessert, par pure politesse, et s’échappa dès que ce fut possible. Ezequiel la suivit sans un mot, et ils se retrouvèrent bientôt dans sa chambre, se tenant l’un face à l’autre, sans qu’aucune ne veuille engager la conversation.

Ezequiel présentait un visage fatigué, abattu et Madeline se demanda si sa relation avec Faith était si heureuse que cela. À voir ses yeux ternes, rougis par les larmes, et son expression attristée, Madeline eut un pincement au cœur. Elle se montrait hostile envers lui, tandis qu’il semblait aussi malheureux que les pierres. Madeline eut honte de son comportement.

Elle s’installe en tailleur sur son lit, aussi confortable que possible, devinant que la conversation serait éprouvante. Il était temps de dévoiler tous les non-dits, et en discuter franchement, ou cette situation finirait par avoir raison de leur amitié. Ezequiel, debout et le regard tourné vers l’extérieur, réfléchissait à la meilleure façon de démarrer la conversation. Il savait que c’était à lui de le faire, et il tardait de mettre cartes sur table.

- Maddie, je voudrais d’abord te dire que jamais, jamais je n’ai voulu que tu apprennes de cette façon pour Faith et moi. Je te présente mes excuses non seulement pour ne pas te l’avoir confier avant, mais aussi pour la scène que tu as surprise.

- Alors, c’est du sérieux entre vous ?

- C’est beaucoup plus compliqué que cela. Mais avant d’entrer dans les détails, me pardonnes-tu de mes erreurs ?

- Bien sûr, annonça Madeline doucement.

Elle ne pouvait jamais restée longtemps en colère contre son meilleur ami, surtout quand celui-ci lui faisait peine à voir. Son accablement apparent, ses yeux bouffis par, ce que devina sans mal Madeline, les larmes et son ton las lui faisaient mal au cœur, et elle se dit que sous ses apparences à tout prendre à la légère, Ezequiel souffrait, peut-être même autant qu’elle. Il avait l’air d’avoir laissé tomber ses défenses pour aujourd’hui, et Madeline pouvait deviner que son meilleur ami tenait à Faith beaucoup plus que ce qu’elle s’était imaginé.

- Pour tout t’avouer, tout a commencé il y a trois mois, pendant la soirée …

- Je sais, Faithie m’a déjà raconté tout ça, le coupa Madeline, qui voulait lui épargner d’avoir à répéter ce qu’elle savait déjà, alors que parler lui semblait être une épreuve terrible.

- … J’ai été minable ce soir-là, le pire naze de tout l’univers. Si je suis parti, ce n’était pas parce qu’elle ne me plaisait pas, ou que je voulais encore jouer avec elle, mais parce que ça me faisait trop mal au cœur de lui faire de la peine. Malgré ce que tu penses, je ne suis pas insensible et je connais bien Faith. Et je savais que jamais je ne pourrais lui offrir ce qu’elle attendait. Alors j’ai fait le lâche et je me suis cassé, et crois-moi, Maddie, je regrette. Plus que n’importe quoi au monde, j’aimerais revenir en arrière et l’embrasser, comme elle le désirait tant. Tout comme moi, d’ailleurs.

- Ne rentre pas dans les détails de vos désirs, s’il te plaît, l’interrompit Madeline en mimant une grimace de dégoût, arrachant à Ezequiel un rictus amusé.

L’ambiance s’était légèrement détendue, et ce fut plus assuré que le jeune hispanique continua son récit. Lui qui craignait de voir Madeline pété un plomb, il s’était largement trompé, car jusqu’ici, son amie d’enfance semblait plutôt bien prendre tout ce qu’il disait.

- Depuis trois mois, je ne cesse de penser à elle, rongé par le remords de ne pas avoir saisi ma chance. Le pire, c’était qu’en m’affichant avec Shiloh deux jours après la soirée, j’avais aggravé mon cas. J’étais convaincu qu’elle me détestait, mais je refusais de faire le lâche une fois de plus. Alors, je me suis intéressé à elle. Sérieusement. Je ne souhaitais qu’une chose, réparer mon erreur. C’est pour ça que je l’ai invitée ce vendredi avant Cannon Beach, et tu n’étais qu’une excuse pour cacher qu’elle me plaît. Et pour ça, je suis sincèrement désolé. Sa présence est exceptionnelle, et je me sens bien avec elle. Vendredi soir, je l’ai embrassée. Ce n’était pas vraiment prévu, mais il était hors de question que je laisse encore passer l’occasion. Sauf qu’elle s’est enfuie ce soir-là, prétextant qu’elle ne pouvait pas à cause toi. Faith refuse de te voir souffrir à cause d’elle, à cause de nous. Alors elle est partie en me demandant de ne plus jamais l’approcher.

- Et je suppose qu’hier soir est dû à ton inaptitude à suivre des ordres ?

- Un peu … Je pensais pouvoir passer une soirée tranquille, sans la croiser et sans essayer de la voir. Avec le monde qu’il y avait, j’étais convaincu, en arrivant, que ce serait chose facile. Mais Faith est la première personne que j’ai vue en débarquant. Elle était magnifique, et je n’avais qu’une envie, c’était de courir l’embrasser. Crois-moi, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour l’éviter, mais sans le vouloir, on s’est retrouvé à se servir des boissons à la même table, et là … Je n’ai pas pu m’empêcher … Je l’ai entraînée dans la poolhouse et …

- Je connais la suite, merci.

Le ton de Madeline n’était pas froid, au contraire, elle semblait plus amusée qu’autre chose. Ezequiel s’en étonna, et lorsqu’il se retourna vers elle, il la découvrit la fixant, un sourire aux lèvres. La colère semblait l’avoir quittée, remplacée par la satisfaction. Oui, Madeline se sentait satisfaite, car elle observait en ce moment même la transformation de son meilleur ami. Ezequiel était tombé amoureux, et c’était la meilleure chose qu’une amie pouvait souhaiter.

- Je te jure que je voulais t’en parler, et je comptais le faire ce week-end même. Mais tu m’as devancé en nous surprenant et … tu sais ce qui s’est passé ensuite.

- Justement, non.

Ezequiel leva sur Madeline un regard aussi surpris qu’interrogateur. Il ne comprenait pas sa réponse. Bien sûr qu’elle connaissait la suite, elle s’était enfuie et avait refusé ses appels, c’était aussi simple que cela.

- Une fois partie, je n’ai aucune idée de ce qui s’est déroulé entre vous, reprit Madeline. Pas que j’ai envie de connaître votre vie sexuelle, loin de là, mais j’ai besoin de savoir. Je te rappelle que Faithie est ma meilleure amie depuis huit ans, et que je la connais autant qu’elle-même. Ce qu’elle cherche, ce qu’elle attend, c’est le prince charmant. Elle croit au coup de foudre, à l’amour infini, aux âmes sœurs. C’est une véritable romantique, Ezequiel, c’est bien pour ça que je la mets en garde depuis longtemps. Je ne veux pas qu’elle souffre, jamais, et encore moins par ta faute. Parce que je ne pourrais jamais te le pardonner, et m’imaginer te perdre me donne des sueurs froides. Peut-être bien que j’essayais de me protéger en voulant vous éloigner, mais la raison principale était son bien à elle. Elle m’a avoué être amoureuse de toi, Ezequiel, et pour elle, ce n’est pas un petit mot de rien du tout. Pour elle, ça représente toute sa vie, parce qu’elle est persuadée qu’on tombe véritablement amoureux une fois dans sa vie, et de son âme sœur. Pourquoi tu crois qu’elle n’a jamais accepté de rencard ? Parce qu’elle attendait l’homme de sa vie, et en m’avouant être amoureuse de toi, je sais que c’est du sérieux. Elle te considère comme son âme sœur, et tu ne peux pas jouer avec ça.

- Je tiens tout autant à elle, Maddie. Même que … pour la première fois de ma vie, je suis amoureux. Et c’est aussi du sérieux quand je te dis ça. Je l’aime tellement que je ne pensais pas ça possible. Quand je pose les yeux sur elle, je l’imagine aisément en robe de mariée, devant le pasteur et à mes côtés. Je me la figure portant nos enfants. Je nous vois vivre dans une belle maison, avec une balançoire dans le jardin et un chien qui court partout. Je vois mon avenir en elle, Maddie.

Même si la déclaration ne lui était pas adressée, Madeline en eut les larmes aux yeux. « Je vois mon avenir en elle » était mille fois mieux qu’un « je l’aime » ou autre formule de ce genre. Les yeux d’Ezequiel reflétaient la sincérité, et Madeline le croyait sur parole. Elle le connaissait, et savait qu’il disait vrai. Faith avait beaucoup de chance, car si Ezequiel ne pouvait imaginer vivre sans elle, c’était qu’il lui portait un amour véritable. Celui que deux âmes sœurs partageaient. Parce que Faith était également éperdument amoureuse de lui. Même si c’était encore tôt pour l’affirmer, Madeline pressentait que sa meilleure amie avait trouvé l’homme de sa vie.

Une larme roula sur la joue de Madeline, et Ezequiel s’empressa de l’enserrer dans ses bras. Il la croyait malheureuse à cause du désaccord qu’elle ressentait à sa relation avec Faith. Il était loin de s’imaginer que sa meilleure amie pleurait de joie, parce qu’elle voyait se concevoir sous ses yeux un couple aussi beau et aussi amoureux.

- S’il te plaît, ne sois pas triste, la supplia Ezequiel.

- Je ne le suis pas, Ezi, au contraire. Je suis plus qu’heureuse pour vous.

- Vraiment ?

- Vous avez chacun trouvé votre âme sœur, et même si j’ai incroyablement peur de vous perdre tous les deux, je ne peux pas m’opposer à votre couple. Comme dirait Faith, c’est le destin, et personne ne peut le modifier. Vous devez être ensemble et vous le serez.

- Tu ne nous perdras jamais, lui promit Ezequiel, qui sentait l’émotion le gagnait à son tour.

Madeline lui fit confiance, et sentit enfin une lueur de bonheur la réchauffer. Son meilleur ami avait raison, jamais ils ne pourraient effacer l’un ou l’autre de leurs vies. Même à des milliers de kilomètres, ils s’aimeront toujours autant tous les trois. Et même si Madeline venait à se tromper, et que Faith et Ezequiel ne passaient le reste de leur vie ensemble, jamais aucun d’entre eux ne pourrait oublier leur amitié si solide.

- Par contre, je ne pourrai être le témoin que d’un de vous deux, il ne faudra pas vous disputer pour ça.

Ezequiel partit d’un rire franc, aussitôt suivi par Madeline. Toujours dans les bras l’un de l’autre, ils profitèrent de leurs retrouvailles. Chacun savait que cette histoire était maintenant derrière eux, retenant la leçon suivante : rien ni personne ne pourra jamais se mettre en travers de leur amitié.

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