XIII.2 - … Que la raison ignore.

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Vendredi 13 juillet 2018, 21h30, à Milwaukie

Ezequiel et Faith arrivèrent chez le jeune homme, sans que celui-ci n’ait prononcé un mot. Le trajet n’avait duré que cinq minutes, mais elles avaient paru les plus longues de son existence à la jeune blonde. Gênée de s’être retrouvée aussi proche de celui qu’elle aimait, elle l’était devenue d’autant plus quand elle avait réalisé qu’il prenait le chemin de chez lui.

Quant à Ezequiel, c’était sans réfléchir qu’il s’était dirigé vers Monroe Street. Ce ne fut que quand il stoppa la voiture qu’il se rendit compte que la maison de Faith était à une demi-heure à pieds. Il allait (enfin !) ouvrir la bouche pour lui proposer de rebrousser chemin et de la raccompagner chez elle, mais celle-ci était déjà sortie de l’habitacle. Ezequiel pensait que c’était parce qu’elle avait décidé de rester. En réalité, Faith ne pouvait plus supporter l’embarras qu’elle ressentait, et préférait s’aérer en espérant que le jeune hispanique n’ait pas remarqué la rougeur de ses joues.

Ce dernier la précéda jusqu’à sa porte d’entrée, et la laissa grande ouverte pour l’inviter à entrer. Ezequiel, toujours hanté par les évènements, ne remarqua pas les mains tremblantes de la jeune blonde quand elle referma la porte. Alors que la dernière fois qu’elle était venue, elle se sentait heureuse, aujourd’hui était complètement différent. Ils étaient complètement seuls, et ne s’adressant toujours pas la parole, Faith ne pouvait penser à autre chose qu’à leur proximité de tout à l’heure. Lorsqu’il lui avait pris la main, le cœur de Faith avait raté un battement. Pire, quand il l’avait jeté sur son épaule, elle n’avait eu d’autre vue que sur son postérieur parfaitement moulé dans son jean, et son visage était passé au rouge pivoine, causé autant par la gêne que par le sang qui lui était monté à la tête. Une fois dans la voiture, elle avait essayé de lui tirer les vers du nez, enchaînant les questions et tentant de changer de ton pour découvrir celui qui le ferait craquer. Malheureusement pour lui, ni sa voix agacée, ni son timbre suppliant n’avaient reçu de réponse. Elle avait fini par abandonner, se lassant d’être confrontée à un mur.

- Est-ce que tu comptes désinfecter ça ? le questionna Faith en lui désignant ses mains aux jointures ensanglantées.

D’un air absent, Ezequiel regarda ses doigts. Il apparut à Faith comme vidé de toute énergie, et elle prit la décision de s’occuper de son état. Elle ne pouvait pas le laisser avec des mains aussi abîmées ! Elle se rendit à la salle de bain, à l’étage, et essaya de se convaincre elle-même qu’elle ne faisait cela que pour lui rendre service. Mais il fallait se l’avouer, Faith gagnait surtout du temps avant de devoir le quitter. Elle avait juré à Madeline, le week-end dernier, qu’elle n’avait pas voulu tomber dans les mailles de ses filets ô combien séducteurs, mais cette fois-ci, c’était elle qui jouait avec le feu. Elle savait qu’elle ne représentait rien pour lui, et espérer qu’il fasse attention à elle parce qu’elle pansait ses plaies était bien naïf.

Pestant contre elle-même, elle revint vers Ezequiel avec une mallette de premier secours qu’elle n’avait pas eu de mal à trouver. La salle de bain était si petite que seuls deux placards étaient rentrés dedans, et eux-mêmes n’étaient pas bien grands. Elle posa du désinfectant et des gazes sur le plan de travail, juste devant Ezequiel qui s’était accoudé dessus. Il se releva, essayant de capter le regard de son invitée, mais celle-ci était occupée à verser du produit sur le tissu blanc. Il se demanda si elle fuyait son regard ou si elle était réellement concentrée sur sa tâche. Sa réponse ne tarda pas quand il découvrit Faith rougir en se saisissant de sa main droite.

Aucun des deux n’avait encore prononcé une parole, et même si Ezequiel savait qu’il devait la remercier, il préféra ne pas le faire maintenant. Il avait l’impression qu’une bulle s’était créée, et il ne voulait en aucun cas la briser. Les mains de Faith tremblaient légèrement, et ses joues rosies ne faisaient que s’ajouter à son charme. Ezequiel se sentait hypnotisé par la jolie blonde, et il bougea doucement ses doigts pour lui effleurer sa paume. L’espace d’une seconde, elle arrêta ses gestes et son souffle s’accéléra. Puis, elle s’efforça de reprendre contenance, sans que ses joues veloutées ne perdent leur couleur.

Ezequiel se remémora la soirée qu’ils avaient passé ensemble, trois mois auparavant. Alors qu’il la connaissait depuis des années, ce n’était qu’à ce moment qu’il s’était rendu comte de sa beauté saisissante. Il ne lui connaissait aucun petit copain, et il s’en était fortement étonné. Sa longue chevelure dorée et bouclée, ses profonds yeux gris, son corps sculpté sans être départi de ses formes féminines et son sourire éclatant ne pouvaient que plaire aux garçons. Ezequiel avait alors ouvertement flirté avec elle, même si Faith avait été réticente au départ, et elle l’avait tellement envoûté qu’il en avait oublié de vérifier si Madeline pouvait les voir. Pour son plus grand étonnement, il sentait son cœur s’emballer à chaque fois qu’elle usait de son rire mélodieux, et il avait même perçu quelques papillons s’envoler quand elle l’avait frôlé de sa main. C’était à cette minute qu’il s’était rendu compte qu’il était bien plus épris que ce qu’il pouvait penser. Ce fut alors fou de joie qu’il accepta de la raccompagner. Après cette soirée exceptionnelle, il était ravi de profiter encore un peu de sa compagnie. Mais devant sa porte, alors qu’elle s’était assez approchée de lui pour qu’il sache qu’elle désirait autant que lui qu’ils s’embrassent, il l’avait repoussée. Il avait prétexté vouloir « y aller en douceur », et il avait eu l’impression qu’elle y croyait. Il ne voulait pas lui mentir, mais sa vraie excuse était qu’il tenait beaucoup trop à elle pour lui faire du mal. Un baiser suffirait pour qu’elle tombe amoureuse de lui, et Ezequiel n’était pas prêt pour cela. Il n’avait jamais connu de relation sérieuse, et il était convaincu qu’il ne saurait pas la gérer. Faith était trop bien pour lui, et même si cela le blessait énormément, il avait préféré l’éloigner, pour son bien à elle.

Sauf que le week-end de cette fameuse fête, les pensées d’Ezequiel n’avaient cessé de tourner autour de la jolie blonde. Il repassait en boucle leur soirée, qu’il avait trouvé magique, son rire, sa façon de remettre ses cheveux en arrière, ses yeux pétillants. Il regrettait amèrement ne pas avoir déposer ses lèvres sur les siennes, ce qu’il n’avait jamais vécu. D’habitude, il embrassait les filles qui lui plaisaient, et si ce n’était pas le cas, il oubliait vite.

Arriver aux bras de Shiloh le lundi n’était pas une bonne idée. Faith l’avait regardé avec des yeux à la fois blessés et dégoûtés, et Ezequiel s’en était voulu. Même sans un baiser, Faith s’était autant attachée à lui, que lui à elle, et il brisait la confiance qu’elle lui accordait. Il avait fait en sorte de l’ignorer jusqu’à aujourd’hui, pour essayer de lui faire comprendre qu’elle en méritait un autre, un qui la fasse rêver et qui la chérisse. Cependant, cette perspective donnait des sueurs froides à Ezequiel, lui qui n’avait qu’une envie, que Faith soit à elle. Depuis trois mois, elle hantait ses pensées, ses nuits, et même ses journées. Faith était différente des autres, et surtout, elle avait réveillé en Ezequiel un sentiment jusque là méconnu du jeune hispanique. Était-il tombé amoureux d’elle, en seulement une soirée ? Il y a trois mois, il aurait dit que c’était tut bonnement impossible, et très drôle. Aujourd’hui, il assurerait que c’était ce qui s’était passé pour lui. Il ne savait pas très bien ce qu’être amoureux signifiait, mais il était persuadé qu’il l’était.

Sa fête avant son départ à Cannon Beach l’avait confirmé. À peine arrivée, Faith avait su lui redonné le sourire. Et durant toute la soirée, il avait, une fois de plus, adoré sa compagnie. Il la trouvait magnifique, intelligente, et désirait tout simplement passé tout son temps avec elle. Pour la première fois de sa vie, il ne charmait pas cette fille pour la mettre vulgairement dans son lit. Non, il la séduisait pour ce qu’elle était, et il l’imaginait aisément devenir sa petite amie.

Il avait prévu d’en discuter avec Madeline, mais sa réaction du vendredi 6 l’avait persuadé qu’il ne valait mieux pas. De plus, elle était trop préoccupée par Willow et ses questions pour s’occuper de lui et ses sentiments. Il avait ensuite pensé à sa mère, mais celle-ci travaillait beaucoup et semblait constamment fatiguée, même si elle tentait de le cacher. Quant à Eve, le moment était encore plus mal choisi, entre l’organisation de son voyage à Los Angeles et ses soucis personnels.

Revenant à lui, Ezequiel se concentra sur Faith. Son cœur cognait fort dans sa poitrine, et il se demanda si c’était dû à leur proximité ou aux sentiments que Faith réveillait en lui. En la regardant prendre ainsi soin de lui, Ezequiel mourrait d’envie de la prendre dans ses bras, de l’embrasser à en perdre haleine et de ne plus jamais la quitter d’une semelle.

- Je ne pense pas que tu aies besoin de pansements, ça m’étonnerait que ça se remette à saigner, le coupa Faith dans ses réflexions.

Cette dernière lâcha sa main droite, qui avait nettement meilleure allure, avant de s’emparer de la gauche. Elle réitéra les mêmes gestes, et trop rapidement au goût d’Ezequiel, libéra sa main. Elle se hâta de ranger le produit et les gazes inutilisées, vont de se diriger à grands pas vers la salle de bain. Faith voulait mettre fin à ce moment trop intime, pour elle. Elle aurait bien voulu savoir à quoi pensait Ezequiel, tandis qu’il promenait son regard sur elle, la faisant rougir encore et toujours. Elle se demanda s’il avait remarqué son malaise, et si oui, comment l’interprétait-il.

De retour au rez-de-chaussée, elle ne sut quoi dire. Excepté sa remarque sur les pansements - qu’elle regrettait à peine sortie de sa bouche, Ezequiel était tout de même assez grand savoir ce genre de chose, - aucun n’ait prononcé un traître mot. Aucune parole sur la bagarre qu’elle avait stoppé, aucune explication de la part du jeune homme. Faith pensa qu’il était pour elle de partir, et les yeux perdus dans ceux d’Ezequiel, elle cherchait ses mots.

Le jeune hispanique ne détacha pas son regard. Il aimait ces yeux gris, qui le fixaient intensément. Il aimait cette jeune blonde, qui rougissait à vue d’œil. Il aimait ces mains douces, qui venaient de le soigner. Il aimait tout d’elle. En fait, il l’aimait, tout court. Mais ne pouvant pas lui déclarer sa flamme de cette façon, il se contenta d’approcher de quelques pas. Elle frémit à ses gestes, mais était incapable de parler ou de bouger.

- Tu es tellement magnifique, Faith, lui avoua Ezequiel d’une voix rauque.

L’intéressée se raidit, avant de lui murmurer un faible remerciement. Elle avait maintenant le regard fixé sur le sol. L’air était chargé d’électricité, et chacun pouvait sentir la retenue de l’autre. Ils n’osaient pas se rapprocher l’un de l’autre, car ils connaissaient la suite inévitable des évènements. Mais Ezequiel n’en pouvait plus. Son désir de l’embrasser le consumait. Il brûlait de passer ses mains dans ses cheveux dorés, de caresser ses joues rosies, de goûter à ses lèvres charnues, de sentir ses doigts fins dans sa nuque.

Alors que Faith était maintenant concentrée sur ses pieds, Ezequiel réduisit la distance qui les séparait à quelques centimètres seulement. Lui relevant le menton de sa main droite, tandis que la gauche était posé sur le mur derrière elle, il la força à croiser son regard. Ses yeux gris traduisaient la surprise, mais aussi, et surtout, l’envie. N’attendant pas plus longtemps, Ezequiel posa ses lèvres sur celles de Faith. D’abord délicatement, il ne fut pas étonné de les trouver douces. Faith avait entouré le cou du jeune homme de ses deux bras, et avait collé complètement son corps au sien. La jeune blonde en demandait et plus, et Ezequiel ne tarda pas à lui offrir. Il glissa sa langue dans sa bouche, qui avait un délicieux goût de cerise. Le couple s’embrassa alors avidement, comme si leur vie en dépendait. Soudain, alors que tout paraissait magique, Faith se détacha d’Ezequiel, l’air affolé.

Les lèvres gonflées et rouges, le souffle court, tout indiquait qu’elle venait de partager un baiser passionné.

- Non, non, non, je ne peux pas … Je suis désolée mais … Maddie … Non …

Elle se dégagea complètement, sous le regard abasourdi de son partenaire. Elle venait de réaliser qu’elle était en train d’embrasser l’ami d’enfance de sa meilleure amie, celui-là même qui renouvelait ses copines au même rythme que ses t-shirts et que Madeline lui avait déconseillé d’approcher. Elle ne pouvait pas lui faire cela, elle savait que Madeline le prendrait mal, et ne voulait pas mettre à mal l’amitié qui les liait, ainsi que celle de la jeune capitaine et Ezequiel, pour une histoire qui ne durerait sûrement pas. Faith était amoureuse de lui, depuis toujours, mais elle était convaincue que ce genre de sentiment était inconnu aux yeux d’Ezequiel.

Ce dernier, qui n’entendait pas à ce qu’elle s’en aille, lui attrapa le bras pour la retenir. Il la tira vers lui, et l’enserra. Celle-ci se débattait, répétant des « Non, non » désolés. Mais la force d’Ezequiel était plus forte, et il la garda contre lui. Ce fut lorsqu’il sentit son t-shirt s’humidifiait qu’il comprit que la situation était plus grave que ce qu’il pensait.

- Faith ? Pourquoi pleures-tu ? la questionna-t-il en plongeant son regard dans le sien.

- Je suis désolée, Ezequiel, mais je ne peux pas faire ça. J’aime trop Maddie pour lui faire du mal. Notre amitié est tout pour moi, je ne veux pas la gâcher à cause de toi. Je ne peux pas la risquer non plus pour une petite histoire insignifiante.

- Insignifiante ? répéta Ezequiel, blessé.

- Pour toi. Évidemment que ça veut dire quelque chose, pour moi. Mais toi, Ezequiel, tu vas te lasser de moi en à peine quelques semaines. Je sais qui tu es, comment tu es, et nous n’avons définitivement pas la même définition du mot couple. Alors, oui, pour toi, ce « nous » sera insignifiant, et je le sais. Alors il est hors de question que je compromette mon amitié avec Maddie pour toi. Juste pour ça. Alors, ne t’approche plus de moi, compris ? S’il te plaît, trouve-toi une autre conquête.

- Faith … tenta de la ramener à la raison Ezequiel, le regard implorant.

- Non, s’il te plaît, ne fais pas ça. Si tu n’as ne serait-ce, qu’un peu de respect pour moi, laisse-moi tranquille. Au revoir, Ezequiel.

Sur ce, Faith se sauva, laissant Ezequiel sous le choc de ses paroles. Comment pouvait-elle penser qu’il ne la respectait pas ? Pire, qu’il se lasserait d’elle ? Mais il l’aimait ! Il rêvait d’être celui qui la rendrait heureuse, qui partagerait son temps et son lit, qui la ferait sourire. Il était fou amoureux d’elle. Sauf qu’il était trop tard. Il n’avait pas su lui avouer, et maintenant, elle était partie. Elle semblait souffrir de la situation, et ce fut avec grand regret qu’Ezequiel se fit la promesse de lui obéir. Si elle voulait le voir éloigné, il ne l’approcherait plus. Il ne voulait pas être celui qui la ferait pleurer, ses larmes de ce soir lui avaient donné un coup au cœur. À partir de maintenant, il la laisserait tranquille, même si cela lui coûtait, même si cela lui semblait impossible.

***

Dimanche 15 juillet 2018, 2h18, à Milwaukie

- Elle ne répondra pas, lança Faith, qui se tenait assise sur le lit d’Ezequiel.

Celui-ci soupira de mécontentement, et s’approcha de la jeune blonde. Il avait l’impression qu’un poids énorme lui encombrait les épaules. Il ne connaissait que trop bien l’opinion de Madeline quant à Faith et lui, et il s’interrogea sur la suite. Faith l’avait déjà repoussé une fois, de peur de tuer elle-même son amitié avec sa meilleure amie. Lui en voulait-elle ? Il n’avait pas tenu sa promesse, mais Faith ne semblait pas lui en tenir rigueur. En revanche, la réaction de Madeline la laissait sûrement pensive. Et si Faith s’enfuyait encore ? Ezequiel le craignait plus que tout.

- Viens là, l’attira à elle Faith. Dans quelques jours, elle sera calmée, et on pourra tout lui expliquer, d’accord ?

- Oui, mon amour.

Ezequiel l’avait naturellement surnommée ainsi, et Faith en fut autant surprise qu’heureuse. Des papillons s’envolèrent dans son ventre, et elle sut que même à des milliers de kilomètres, jamais elle ne pourrait se passer de lui, ou l’oublier. Aux anges à cet instant, malgré la tristesse de Madeline, elle embrassa Ezequiel.

Il poussa un soupir de soulagement. La dernière fois, elle était partie. Aujourd’hui, elle l’embrassait. Était-ce pour lui promettre qu’elle resterait, cette fois-ci ? Pour essayer de lui faire oublier la fin catastrophique de la fête ? Ezequiel n’en avait aucune idée, et à cet instant précis, il s’en fichait royalement.

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