IX - Shopping & Cie

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Mercredi 11 juillet 2018, 9h02, à Milwaukie

Le groupe conduit par Madeline, soit Meghan, Ashley, Hazel et elle, était le premier arrivé sur le parking du centre commercial, à huit heures cinquante-huit précisément. La précocité de leur venue avait permis à la capitaine de se garer juste devant les portes d'entrée. Une minute seulement après, Faith, Lizbeth, Chelsea et Emilee arrivèrent, toutes les quatre éclatées de rire dans la Coccinelle de sa propriétaire blonde. Elles eurent alors le temps de raconter ce qui les faisait tant rire, que les quatre dernières cheerleaders n'étaient pas encore arrivées. Neuf heures avaient sonné, et le centre commercial avait déjà ouvert ses portes.

- Ah, les voilà ! annonça Lizbeth, une rousse aux cheveux aussi longs que ceux de Raiponce.

La Mini Cooper rose fuschia de Natasha roulait lentement, et la bande de copines percevait Joyce pester à l'avant de la voiture. Cette dernière était une fille qui n'avait jamais sa langue dans sa poche, revendiquant franchise et honnêteté à tout va, et qui se fichait aussi royalement que possible l'opinion des autres. Alors que ses camarades lui reprochaient parfois son manque de tact, la jolie brune savait que, au fond d'elles, elles rêvaient d'avoir son franc-parler.

- Ah, bah enfin ! lança Madeline dès que la voiture fut garée, et les quatre cheerleaders extirpées d'elle.

- Quel comble que les deux pour lesquelles on est toutes là soient les dernières à arriver ! ajouta Emilee, qui se qualifiait gentiment de « petite grosse de l'équipe ».

Cette dernière était une brune rondelette, qui assumait ses rondeurs voluptueuses et qui n'avait pas eu peur de participer aux sélections et de se soumettre aux regards des plus fines. Un succès pour elle, puisque sa souplesse extraordinaire et sa capacité à retenir les enchaînements plus vite que ses coéquipières avaient fait d'elle la première sélectionnée. De plus, Madeline, sans l'avoir confier à quiconque, plaçait Emilee à la première place de potentielle future capitaine.

- Ouais, bah accusez celle qui conduit aussi lentement qu'un escargot ! rétorqua Joyce en foudroyant Natasha du regard, qui pour sa part, leva simplement les yeux au ciel.

- Bon, maintenant qu'on est toutes là, ce n'est pas grave. Commençons plutôt notre shopping !

Toutes les filles approuvèrent Faith, qui comme toujours, avait été celle qui tempérait les choses. L'équipe se dirigea vers l'entrée du centre à grandes enjambées, se tenant par la taille ou lançant des « C'est parti ! » enjoués.

Madeline fermait la marche, soupirant devant l'excitation de son équipe. Elle avait même prévu de l'aspirine, si jamais ses recrues venaient à bout de la santé de son crâne. Joyce, qui était à ses côtés, lui grommela :

- Hors de question que ce soit Nat qui me ramène chez moi ce soir.

Madeline rit doucement à sa remarque. Il était vrai que Natasha était extrêmement prudente sur la route, voire trop pour ses amies. Elle avait la fâcheuse tendance à rouler 10 km/h sous la limitation autorisée, se faisant doubler par tous. L'été dernier, alors que la voiture de Madeline subissait un contrôle de routine, c'était Natasha qui l'avait emmenée à la fête donnée par Cherry. Et Madeline avait cru ne jamais y arriver.

Ce fut dans de grands éclats de rire et des discussions fusant de toutes parts que l'équipe débarqua dans la boutique vintage. Découvrant ses nouvelles clientes qui envahissaient déjà sa petite boutique, elle écarquilla les yeux. Trop enjouées, le groupe d'amies n'avait pas remarqué sa présence. Elle s'approcha d'une jeune fille aux cheveux châtains, d'allure sportive, la seule qui déambulait calmement.

- Bonjour, je peux vous aider ?

Chelsea se retourna, un large sourire aux lèvres. Répondant à son salut, elle lui précisa que son équipe était à la recherche de tenues pour une fête sur le thème des années folles.

- Oh, bien. Et combien êtes-vous, exactement ?

- Douze, répondit Chelsea, amusée devant l'air surpris de la vendeuse. La bouche de cette dernière arrondit un « O » d'étonnement, elle n'était pas habituée à être envahie par tant de clientes en même temps.

Faith, ayant remarqué la discussion entre Chelsea et ce qu'elle pensait être la propriétaire de la boutique, s'avança dans le but de rassurer cette dernière.

- Vous savez, ce n'est pas grave si on ne trouve pas toutes notre bonheur, ici. Proposez-nous ce que vous avez, et on avisera.

La vendeuse, du nom de Caroline, acquiesça doucement, et commença à se détendre. Les jeunes filles semblaient raisonnables et polies, pas du genre à piquer une crise car la robe de leurs rêves ne se trouvait pas là. D'un signe de tête, elle accompagna Chelsea et Faith au fond du magasin, leur laissant découvrir le rayon consacré aux années 1920.

- Vous trouverez ici tous les vêtements des années 20 que j'ai, et puisque ma boutique est exclusivement féminine, vous n'aurez pas à trier, expliqua Caroline, retrouvant son assurance. Vous pourrez ensuite combiner ce que vous trouverez avec les accessoires là-bas, eux aussi datant exclusivement de cette décennie.

La vitrine qu'elle désignait de son index était emplie de serre-tête à plume, boas colorés, éventails élégants, colliers de perles, longs gants de velours, et même quelques perruques. Faith, qui avait toujours cru que vintage correspondait à antiquités, s'imaginait déjà devoir farfouiller dans tout le magasin pour trouver l'objet de sa convoitise. Ici, et à sa plus grande satisfaction, tout était parfaitement organisé : rangés par décennie, les vêtements étaient sur des portants face aux accessoires de la même époque.

- Je vais aller voir en réserve si je n'ai pas d'autre article susceptible de vous intéresser, et je reviendrai vers vous ensuite, déclara Caroline, laissant aux bons soins des deux jeunes filles d'expliquer le rangement de la boutique à leurs camarades.

Alors regroupées autour du portant qui les intéressaient, les cheerleaders allèrent toutes de leur petit commentaire concernant les habits qui s'y trouvaient. Madeline, qui n'avait réussi à se faufiler à temps, se concentra plutôt sur les accessoires, avant qu'ils ne soient pris d'assaut par une bande de folles dingues.

- Oh regardez ! Elle est magnifique !

Sonia tenait à bout de bras une robe bleue marine, qui devait lui arriver mi-cuisse, toute pailletée et comportant des franges en diagonale. Le vêtement était effectivement splendide. La jeune fille s'empressa de se rendre en cabine d'essayage, alors que Caroline revenait, avec deux housses sur les bras. Elle jaugea le groupe de filles du regard, comme à la recherche de quelqu'un, et sourit, semblant être satisfaite de sa vision. Calmement, elle s'approcha d'Emilee, et lui proposa une des deux housses. Descendant la fermeture éclair, elle laissa découvrir à la jolie brune une longue robe bordeaux.

- Je pense qu'elle vous ira à ravir ! Lança-t-elle, heureuse de sa trouvaille. Comme vous pouvez le voir, sa forme évasée et son tissu vaporeux épouseront parfaitement vos formes, et je trouve que la couleur vous va très bien au teint.

Emilee la remercia d'un sourire franc, et prit la robe en la contemplant du regard. Madeline, qui avait observé la scène, lui indiqua le miroir à sa gauche pour qu'elle puisse se regarder. Sa recrue s'avança, et s'admira, avant de rejoindre Sonia en cabine, sous les encouragements de ses amies.

Madeline réalisa alors que la jumelle n'avait toujours pas fait son apparition dans sa jolie robe bleue. Préférant aller aux nouvelles plutôt que de fouiner dans le rayon, comme ses compagnes, elle se dirigea vers le rideau gris perle. Elle fut arrêtée par Caroline, qui tenait dans ses bras la deuxième housse.

- Et celle-ci, je pense sincèrement qu'elle sera parfaite pour vous.

Madeline fut d'abord prise au dépourvu par l'intervention de la vendeuse, avant de la questionner sur le vêtement protégé. Considérant qu'aucune parole ne pourrait décrire la beauté de la robe, elle descendit la fermeture éclair afin de répondre à Madeline. Cette dernière découvrit une robe vert canard, d'une nuance plutôt foncée, agrémentée de dentelle noire. Celle-ci était surmontée de sequins tout aussi sombres, sur le haut de la robe ainsi que sur le bas.

Pour Madeline, c'était le plus bel habit qu'elle n'avait jamais vu. Le tissu semblait doux, et si impeccable que la jeune capitaine osait à peine le toucher. Elle comprenait tout à fait le choix qu'avait fait la vendeuse, celui de cacher la robe, ou tous ne pourraient s'empêcher de caresser l'étoffe soyeuse, et le vêtement finirait abîmé.

- Vous l'essayez ? lui demanda gentiment Caroline.

- Euh ... Je ne sais pas trop ...

- Ce n'est pas une petite fleur fragile, vous savez. Vous pouvez la toucher.

La voix de Caroline était douce, et rassurante. Si Madeline l'avait croisée et entendue dans la rue, elle l'aurait sans aucun doute mise à travailler avec des enfants. Sûrement pas avec de vieux vêtements !

Sans attendre davantage, Caroline laissa la robe sur les bras de Madeline. Le velours frôlant ses bras était délicat, et de plus près, la dentelle semblait représenter des cercles. Madeline prit alors le chemin des essayages, occupant la troisième et dernière cabine.

- Sonia ? l'interpella Madeline en se déshabillant.

- Oui ?

- T'es coincée dans ta robe ou tu ne veux nous pas la montrer de peur qu'on te la vole ?

- Pourquoi tu me poses une question pareille ? s'esclaffa Sonia.

- Parce que ça fait un bout de temps que t'es dans cette cabine et que tu n'en es toujours pas sortie.

- Ah ... Oui, en fait ... je voulais pas sortir toute seule. Je sais, c'est bête mais ... j'attendais qu'une de vous essaye quelque chose pour ...

- C'est pas bête du tout, So. J'enfile ma robe et on sort toutes les trois, avec Emilee. Em, ça te va ?

- Bien sûr, répondit l'interpellée.

Madeline entreprit de passer la robe par sa tête, en faisait extrêmement attention de ne pas accrocher la dentelle avec ses ongles, puis, elle remonta doucement la fermeture éclair, qui se trouvait sur le côté droit. Elle prit le temps de se regarder dans le miroir. La taille du vêtement était pile celle de Madeline, et le tissu retombait joliment sur ses cuisses. Elle s'imagina avec un serre-tête à plume dans son carré long, qu'elle bouclerait et remonterait en un chignon bas. Satisfaite de son reflet, elle ne put s'empêcher de penser à Jared, et se demanda s'il la trouverait jolie autant qu'elle se plaisait à admirer son reflet.

- Maddie, prête ? la questionna Emilee.

- Oui ! répondit-elle, les yeux encore rivés sur la vue que lui renvoyait le miroir.

- Parfait. À un ... deux ... trois !

Les trois rideaux s'ouvrirent en choeur, et l'équipe, qui avait entendu leur accord, pu contempler les trois amies. Emilee, Sonia et Madeline étaient aussi belles que lors de leur bal d'automne. Leurs robes leur allaient à ravir, et toutes étaient d'accord pour dire qu'elles ne pourraient jamais trouver un habit qui leur irait autant à la perfection.

- Vous êtes magnifiques, lança Caroline qui s'était discrètement approcher du groupe. Sa remarque fut reçu par de chaleureux remerciements et de larges sourires. Les trois jeunes filles ne cessaient de tourner pour se considérer sous toutes les coutures, et Caroline fut transportée de joie quand elles annoncèrent, en choeur, qu'elles les achetaient.

Si Caroline s'était battue corps et âme pour ouvrir sa boutique vintage, c'était pour vivre des moments comme celui-là. Voir la joie rayonner sur une cliente qui se trouvait belle, c'était son but de tous les jours. Et aujourd'hui, elle avait amplement accompli sa mission.

Les douze filles ne cessaient de s'exclamer, tantôt pour complimenter l'une d'entre elles, tantôt pour exprimer leur jalousie (légère) de voir une telle perfection. Hazel, de nature stressée, craignait qu'elle ne trouve une tenue qui lui aille aussi bien. Madeline lui assura qu'elles avaient la journée pour trouver la perle rare de toutes.

Après s'être de nouveau changées, Madeline et ses deux compères réglèrent chacune leur tour leur note. Elles remercièrent une nouvelle fois Caroline, lui assurant qu'elle avait été d'une précieuse aide. Les neuf cheerleaders à qui il restait de trouver la robe parfaite repartirent vers le rayon des années 1920, tandis que les trois fières acheteuses se dirigèrent vers les accessoires.

***

10h20

Des sacs plein les mains, l'équipe de cheerleaders ressortit de la boutique Isabel's Clothes, remerciant encore Caroline pour sa gentillesse et sa patience, et en lui assurant qu'elles reviendraient dès la prochaine fête costumée organisée.

Malheureusement, toutes les filles n'avaient pas trouvé leur bonheur. Lorell, Joyce, Meghan et Rebecca étaient les seules à ne pas avoir fait d'emplettes. Leurs camarades avaient, quant à elle, acheté leurs robes ainsi que leurs accessoires. La boutique ne présentait aucune paire de chaussures, et l'équipe s'était accordée sur le port d'une paire d'escarpins simples.

Puisque qu'aucun autre magasin à Milwaukie ne vendait de vêtements anciens, les jeunes filles étaient dans l'obligation de se rendre à Portland, la plus grande ville de l'Oregon, pour trouver leur bonheur.

Sur le parking du centre commercial, Faith proposa de refaire les mêmes voitures qu'à l'aller, ce à quoi répondit Joyce :

- Hors de question ! Plutôt crever que de remonter avec Nat !

D'un coup d'oeil, Madeline considéra Natasha, qui ne semblait pas le moins du monde contrariée par les paroles exagérées de Joyce. Au contraire, la jeune cheerleader aux cheveux d'ébène attendait patiemment que l'on se décide. Discrètement, la capitaine demanda à Hazel si elle ne voulait pas échanger sa place avec Joyce, ce qu'elle accepta de bon coeur. La jeune asiatique déclara alors :

- Je vais aller avec Nat, moi.

Joyce la remercia d'un hochement de tête, et tout le monde put grimper dans la voiture qui lui était destinée. Madeline fut la première à démarrer, et devint le chef de file jusqu'à Portland.

***

15h

L'équipe passait actuellement les portes de leur dernière boutique. Rebecca avait fait des siennes jusqu'à trouver la robe qu'elle venait d'acheter. Avant celle-ci, toutes les tenues qu'elle avait essayées étaient soit trop courtes, soit trop longues. Une fois, la couleur ne s'accordait pas avec son teint, une autre fois avec ses cheveux.

Au milieu de tous ces essayages, les cheerleaders avaient eu diablement faim et s'étaient arrêtées à une sandwicherie vers treize heures. Rebecca pestait qu'une pause n'arrangerait en rien son manque de trouvaille, tandis que les autres lui reprochaient ses trop grandes exigences. Toutes s'exprimaient haut et fort, rigolant à gorges déployées ou s'apostrophant à l'autre bout de la table, ce qui leur avait valu des regards noirs de la part du vendeur derrière son comptoir. Pourtant, le bruit qu'elles faisaient semblait ne déranger que lui, les autres clients s'amusant plutôt de la joie qui habitait ce groupe de jeunes filles.

Une fois le repas englouti, elles étaient reparties à l'assaut des boutiques vintage, et au bout de ce qui avait paru à toutes une éternité, Rebecca avait trouvé LA robe. Dans le premier magasin qu'elles avaient visité, une fois arrivées à Portland. Joyce, dans son franc-parler habituel, l'avait blâmée de les avoir traînées dans tout Portland pour finalement revenir au point départ. Elle se plaignait de ne plus sentir ses pieds et d'être complètement assoiffée. Madeline proposa de payer une tournée de glaces au Gorgeous Gelato, non seulement pour redonner de la bonne humeur mais aussi pour remercier son équipe de ce qu'elle avait fait le 4 juillet. Ses paroles furent accueillies aussi joyeusement que ce que la capitaine s'était imaginée.

- Bien, commença Sonia une fois qu'elles furent toutes attablées chez le fameux glacier. Je propose qu'on se retrouve à onze heures, samedi, chez nous, pour préparer a soirée. Qu'est-ce que vous en dites ?

- Ça me paraît pas mal, répondit Madeline.

Les autres acquiescèrent, la bouche pleine de crème glacée.

***

16h

Après avoir déposé Meghan, Ashley et Joyce chez elles, Madeline rentra chez elle. Comme elle s'y était attendue, la journée avait été éreintante. Un mal de tête commençait à lui vriller le crâne, et une fois sa robe soigneusement rangée, Madeline se laissa tomber sur son lit. Épuisée par les cris et les rires qui avaient rythmé sa journée, elle se laissa emporter dans le sommeil.

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