VII - Recherche père désespérément 

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Lundi 9 juillet 2018, 13h55, à Milwaukie

- Dépêche-toi, Theo, tu es déjà super en retard !

L'interpellé dévala l'escalier à toute allure, manquant de rater la dernière marche. Il se rua dans la Chevrolet de sa soeur, bientôt rejoint par Madeline. Son entraînement de baseball débutait à quatorze heures, et il fallait compter une dizaine de minutes pour s'y rendre, en espérant que les feux ne soient pas tous rouges. Madeline était de corvée de taxi car sa mère était partie il y avait environ une heure, vers un lieu qu'elle ne savait même pas. Quant à son père, il était cloué au tribunal toute la journée.

Depuis la semaine dernière, Madeline avait remarqué une attitude étrange chez son père. Comme Evelyn, il semblait forcer tous ses sourires et apparaissait distant. En règle générale, lors des vacances d'été, Darryl ménageait ses affaires, afin de profiter de ses deux enfants. Cette année, le père de famille se plongeait dans le travail, et était rarement chez lui si ce n'était pas le week-end. Quant à Evelyn, elle continuait de vagabonder à droite, et à gauche, pour son projet de voyage à Los Angeles. Elle prétextait que l'organisation du road trip demandait beaucoup de temps.

Pourtant, le périple ne durait que cinq jours, mais apparement, emmener une classe de douze élèves handicapés demandait beaucoup d'autorisations, et puis, il lui fallait s'occuper du transport, du logement ainsi que des accompagnants. Evelyn tenait à leur préparer un voyage de rêve, même si cela devait lui prendre tout son temps. La maman était très attachée à ses élèves, et se pliait déjà en quatre toute l'année pour leur offrir des cours originaux où ils pouvaient apprendre en s'amusant. L'année passée, elle avait imaginé consacrer toutes ses leçons - que ce soit en géographie, en sciences ou en langue - à une seule ville, pour les intéresser encore plus. Son choix s'était porté sur la cité des anges, et elle n'avait pas regretté : tous ses élèves étaient incollables sur le sujet ! En récompense, elle leur avait promis de les y amener.

Douze minutes exactement après leur départ de Willow Street, Madeline ralentit sa voiture devant le parc North Clackamas, lieu des entraînements de baseball de Theodore. Elle n'était pas garée complètement que son frère sauta de la voiture.

- Maman revient te chercher à 15h30 ! lui cria-t-elle, mais Theodore courait déjà vers le terrain, sa casquette des Yankees vissée sur la tête.

Le jeune garçon trouvait toutes les occasions bonnes pour porter sa casquette fétiche, un cadeau d'Ezequiel. Offerte il y a quatre ans, cette casquette était un vrai symbole pour le jeune hispanique. Celle qu'il possédait était le seul souvenir que lui avait laissé son père avant de partir, et le jeune homme y tenait comme à la prunelle de ses yeux.

Devenue un fan de l'équipe, il portait son accessoire préféré en permanence, même lorsqu'il se rendait en classe. Dès qu'Ezequiel passait la porte des Peterson, Theodore la lui subtilisait. Le jour de ses six ans, le jeune garçon s'en ait vu offrir une, rien qu'à lui. Il ne la quittait plus depuis, contrairement à Ezequiel, qui l'avait relégué au placard le jour de son entrée au lycée. S'il lui arrivait de la revêtir, c'était uniquement lorsqu'il venait chez les Peterson, pour faire plaisir à Theodore. Et même s'il ne l'avouait pas, c'était parce qu'il n'y avait aucune fille à séduire dans le coin.

Lorsque le frère de Madeline arriva à destination, son entraîneur leva la tête en direction de l'entrée du parc. Il salua la jeune blonde d'un signe de la main, lui adressant un grand sourire. Madeline lui répondit de même, rosissant légèrement. Damin était un jeune homme de vingt ans, au beau regard ocre. Les cheveux bruns, il ne cessait de passer la main dedans, révélant un bras gauche tatoué. Il possédait un charme fou, et il n'y avait jamais eu autant de mères aux matchs que depuis qu'il était entraîneur.

Un jour, Theodore avait affirmé à sa soeur que Madeline plaisait à son entraîneur. Apparement, il demandait de ses nouvelles à chaque entraînement, et avait déjà assuré au jeune garçon que Madeline était « très jolie ». Son aînée lui avait répondu par un sourire, hors de question de lui avouer que si Jared n'était dans sa vie, elle accepterait volontiers de sortir avec lui. Damin était séduisant, et parfaitement le genre de Madeline.

- Maddie ! Maddie !

L'interpellée fut tirée de sa rêverie par une voix guillerette, qui l'appelait du bord du premier terrain de sport. Madeline tourna la tête et croisa le regard de Janice, une élève de sa mère. La jeune fille alla à l'encontre de la petite trisomique, qui venait encourager sa soeur à chaque entraînement. À peine passée le portillon d'entrée, Janice lui sauta dans les bras.

- Maddie !

Madeline l'accueillit dans un grand éclat de rire, elle s'amusait toujours des démonstrations d'affection de la fillette. Lui prenant la main, elle prit le chemin qui les menait à Peter Shepard, son père.

Janice était une petite fille très gaie, et très affectueuse. Elle était le genre d'enfant à croquer la vie à pleines dents. Madeline ne se rappelait pas l'avoir déjà vue triste. Au contraire, elle affichait sans cesse un grand sourire, qui ne s'altérait même jamais à l'évocation de sa mère, qu'elle n'avait pas connue.

Rachel Shepard était une mère exceptionnelle avec sa première fille, Zoey. Aux anges lorsqu'elle avait appris sa deuxième grossesse, son attitude changea radicalement dès l'annonce de l'handicap de Janice. Dès ce jour, elle commença à s'éloigner de sa famille, pensant même à avorter. Elle était persuadée qu'elle n'arriverait pas à élever une enfant trisomique. Peter, et toute sa famille, l'en avait empêchée, la rassurant autant qu'ils le pouvaient. Mais, trois mois après la naissance de Janice, Rachel s'enfuyait, laissant derrière elle une lettre d'excuses. Elle y expliquait qu'on ne pouvait l'obliger à élever une enfant qu'elle n'arrivait pas à aimer.

Peter l'avait recherché pendant six mois, jusqu'à abandonner, se convaincant qu'elle ne reviendrait jamais jamais, même s'il la retrouvait. Il préféra consacrer son temps et son énergie à ses deux filles, qu'il devait apprendre à élever seul.

Quant à Zoey, elle se montra forte. Alors que tout le monde pensait qu'elle ne se remettrait jamais du départ de sa mère adorée, ce fut elle, la première, qui accusa sa mère d'abandon. Elle aimait Janice, et en voulait terriblement à Rachel d'avoir osé s'enfuir devant son propre bébé.

- Bonjour Peter, comment allez-vous ? le salua Madeline, arrivée à sa hauteur.

- Très bien, Maddie, et toi ?

- Ça va, ça va.

La conversation s'arrêta là, et ils se concentrèrent sur les frappes qu'effectuaient les petits. Zoey était très douée, et aussi très jolie. D'ailleurs, Theo en était amoureux depuis le « jardin d'enfants ». Chaque lundi, il passait des heures dans la salle de bains, se tartinant les cheveux de gel avant son cours. Madeline lui avait fait remarquer une fois que c'était inutile, puisqu'il portait sa casquette à chaque entraînement. Theodore ne l'avait pas écouter, et continuait de vider des pots de gel pour elle.

- Alors, comment vont tes parents ? s'enquit soudain Peter.

- Ça a l'air d'aller, même s'ils sont pas mal absents ces derniers temps.

- Je me doute, l'affaire sur laquelle bosse ton père est très compliquée. Il m'a demandé conseil il y a quelques jours, et ça n'a pas l'air facile.

- Quant à Maman, les préparations pour le voyage de Los Angeles l'occupent aussi énormément.

L'évocation de la ville fit se retourner Janice, jusque là concentrée sur les prouesses de sa soeur. Elle adressa un large sourire à Madeline, comme si la jeune fille était responsable du projet et qu'elle voulait la remercier. Puis, elle se retourna, et cria pour féliciter le coup de batte de Zoey. L'éclat de voix attira l'attention de Damin, et il remarqua la présence de Madeline. Se passant une main dans les cheveux, il lui lança un rictus mi-amusé, mi-charmeur. Se sentant rougir, la jeune blonde reporta son regard sur Peter.

- Ta mère consacre tellement à nos enfants, reprit-il, elle est vraiment merveilleuse. Surtout quand on sait ce qu'elle a vécu ...

Madeline se sentit défaillir. Qu'avait vécu sa mère de si spécial ? Et quel était le rapport avec son attachement aux enfants ? La jeune blonde attendait impatiemment la suite, mais Peter paraissait rêveur, les yeux plongés dans le vague.

- Peter, vous disiez ... ?

Driing ! Driing !

Le portable de Madeline sonnait et vibrait dans son sac. Elle farfouilla à l'aveuglette jusqu'à le trouver. Le nom d'Ezequiel apparut à l'écran.

- Excusez-moi, Peter, mais je dois répondre.

L'intéressé acquiesça faiblement, toujours dans ses pensées. Madeline embrassa Janice sur la joue pour lui souhaiter au revoir, et sentit le regard de Damin peser sur elle. Elle s'éloigna, et répondit à son meilleur ami.

- Allô, Ezequiel ?

- Ouais, salut Maddie. En fait, je suis rentré de Cannon Beach il y a deux heures, et je me demandais si tu voudrais bien passer ? Histoire de discuter, tu vois ?

- D'accord, oui, j'arrive. Je suis au parc North Clackamas, là, je suis chez toi dans cinq minutes.

Sans attendre une réponse de son interlocuteur, Madeline raccrocha et s'engouffra dans sa Chevrolet. Elle lança un dernier signe d'au revoir à Janice, et un dernier sourire à Damin. Heureusement que Jared n'était pas ici.

***

14h20

- Salut, Carla ! Tu ne travailles pas, aujourd'hui ?

- Hola, querida ! No, je suis de repos. Ezequiel est dans sa chambre, et, je préfère te prévenir, il n'a pas l'air dans son assiette.

Madeline fut étonnée de sa remarque. Ezequiel était le « gars cool », toujours joyeux. Les seules fois où il perdait de sa bonne humeur habituelle étaient celles où il pouvait évoquer son père. Était-il question de lui ?

La jeune blonde grimpa les marches quatre à quatre, débouchant sur un couloir étroit. Elle toqua à la première porte à droite, la chambre de son meilleur ami, avant d'entrer. C'était la plus grande pièce de l'étage, mais personne ne pouvait s'en rendre compte, car son repaire était sans dessus dessous.

Son lit était, en permanence, défait. La couette traînait par terre, et l'oreiller, rangé dans un coin, en boule. Son tapis, à l'effigie des Yankees, était jonché de magazines sur le baseball et les vieilles voitures. La porte de son armoire, jamais fermée, présentait une cible de fléchettes avec laquelle il ne jouait jamais.

Au fond de la pièce, son bureau était recouvert de cahiers, feuilles, stylos vides et notices d'information sur des pièces de moteur. À droite du meuble, un mannequin portant la tenue des Yankees se dressait fièrement, sans un gramme de poussière. Cet objet en prenait beaucoup soin, car les vêtements avaient été portés par un vrai joueur, dont Madeline ne se souvenait jamais le nom. Non loin de « l'objet sacré », le banc de musculation d'Ezequiel était bon à changer, le tissu se dégradant de jour en jour.

Madeline s'assit sur un pouf bleu, au milieu de la pièce. Elle avait réussi à l'atteindre sans écraser un magazine ou tee-shirt au passage. Un exploit ! Sous son poids, le siège s'affaissa, et le rembourrage s'échappa de l'énorme trou qui se trouvait en dessous. À chaque fois, Madeline avait l'impression de s'asseoir par terre.

- C'est toujours autant le foutoir, ici, déclara la jeune blonde en guise de bonjour.

- C'est pour tromper l'ennemi, rétorqua-t-il sérieusement.

Madeline ne comprit pas le sens de sa phrase, ce qu'elle signala par un froncement de sourcils. Ezequiel, la tête sous son lit, ne put remarquer l'incompréhension de sa meilleure amie.

- Ma mère est découragée quand elle entre dans ma chambre, annonça-t-il. Du coup, elle ne cherche jamais à ranger, et donc, ne trouvera en aucun cas ce que je cache ici.

Il joignit le geste à la parole, et tendit à Madeline un papier. Toujours dans le flou, la jeune capitaine attrapa la feuille d'un geste brusque. Elle détestait ne pas savoir ! Parcourant les premières lignes, elle découvrit l'acte de naissance d'Ezequiel. N'allant pas plus loin dans sa lecture, elle lança un regard furibond à son ami.

- T'as fouillé dans les papiers de Carla, pour trouver ça ?

- Je n'avais pas le choix ! Maddie ..., tenta-t-il de la rallier d'un ton désespéré. Mamá ne veut rien me dire, alors je me débrouille comme je peux pour trouver mes réponses.

Madeline secoua négativement la tête, elle ne cautionnait pas la malhonnêteté. Et cet acte en était bel et bien ! Fouiller dans les papiers de sa propre mère était, pour elle, impensable. Puis, si Carla lui cachait l'identité de son père, c'était pour le bien d'Ezequiel, ce qu'il ne comprenait pas encore.

Enfant, il espérait toujours que son géniteur sonnerait à la porte, à Noël ou à son anniversaire, le sourire aux lèvres et des cadeaux plein les mains. Il passait toutes ses fêtes l'œil rivé sur la porte d'entrée, et se couchait, à chaque fois, déçu. Il avait fini par arrêter de croire que son père se présenterait, mais n'avait jamais cessé de prêter foi en leurs retrouvailles. Ce jour en était la preuve.

Pourtant, même si Madeline n'ignorait pas sa souffrance quant à l'absence de son père, elle pensait qu'il avait passer outre les recherches. Un épisode marquant d'il y a trois ans lui aurait, elle, fait s'envoler l'envie de continuer sa quête de réponses.

***

Samedi 13 juin 2015, 16h

Ezequiel avait invité Madeline chez lui, car il était certain d'avoir trouvé LA stratégie pour faire avouer à sa mère l'identité de son géniteur. Rien de plus que de la faire craquer pour qu'elle livre ses secrets, le jeune hispanique en avait bien conscience.

Depuis les années, ses interrogatoires lui avaient donné une piste : son père l'avait abandonné à ses sept ans. Il n'était donc ni issu d'un don de sperme, ni d'un « coup d'un soir », mais avait bien été conçu dans l'amour de deux jeunes gens. Malheureusement pour lui, l'amour n'avait pas semblé durer, et il grandissait aujourd'hui sans figure paternelle.

Ezequiel étant encore un enfant le jour du départ de son père, il n'en gardait fâcheusement aucun souvenir. Quelques bribes de moments passés avec lui étaient restés en mémoire, mais il ne se rappelait ni son visage, ni sa voix. Tout ce qui tournait autour de son géniteur était flou, et sans son nom, il ne pourrait avancer dans ses recherches.

Le jeune adolescent répéta le plan à Madeline, par la troisième fois. Son amie, qui avait toujours su l'épauler, était réticente. L'idée de faire du chantage à Carla, sa marraine qu'elle adorait, ne lui plaisait absolument pas. Depuis huit ans, la mère d'Ezequiel l'élevait seule, supportant ses crises de nerfs passagères. Elle n'avait d'ailleurs rencontré personne depuis le départ de son fiancé, car son fils l'avait toujours refusé. Madeline considérait qu'elle ne méritait pas qu'ils s'attaquent à elle.

- C'est la meilleure solution, j't'assure, insista Ezequiel.

- Ouais ... J'sais pas ... T'es vraiment sûr de toi ?

- Oui !

- Écoute, je me sens pas confiante. De toute façon, tu n'as pas besoin de moi pour faire ça, déclara Madeline, distante. Elle savait que son meilleur ami comptait sur elle pour le soutenir, mais elle ne s'en sentait pas la force.

- Très bien, souffla-t-il, visiblement hors de lui. Je vais me débrouiller tout seul, si je ne peux pas compter sur toi !

Sur ces paroles, Ezequiel sortit en trombe de sa chambre. La force qu'il mit à ouvrir sa porte la fit rebondir sur le mur, puis se refermer seule dans un claquement. La rage semblait avoir pris possession de lui, et Madeline s'empressa de le suivre. Elle espérait qu'elle pourrait l'empêcher d'aller trop loin.

- Maman, il faut qu'on parle, annonça froidement Ezequiel, arrivé dans le salon.

Carla, assise sur son fauteuil fétiche, soupira. Elle ne connaissait que trop bien le sujet de la discussion qui allait suivre, et elle en était incroyablement fatiguée. Le géniteur de son fils avait tourné à l'obsession chez lui, et c'était elle qui en subissait , aujourd'hui, les conséquences.

- Encore ? demanda-t-elle, le nez toujours dans son bouquin.

- Je te préviens, si tu ne me le dis pas maintenant, je pars d'ici ce soir.

Carla releva la tête, alertée. L'inquiétude se lisait sur son visage, et elle n'arrivait à déterminer si son fils était réellement sérieux. Un sourire se dessina sur le visage de ce dernier, il était fier d'avoir réussi son coup.

- Ça commence à devenir n'importe quoi, Ezequiel. Tu es passé aux menaces, maintenant ?

- Tu ne comprends absolument rien, lança méchamment Ezequiel. J'ai BESOIN de connaître mon père, de le rencontrer, au moins une fois dans ma vie.

- Et toi, tu ne saisis pas que tu l'as déjà vu ! Pendant les sept premières années de ta vie, Ezequiel, tu as vécu avec lui !

Carla était dorénavant debout, face à son fils. Le ton était monté crescendo, et la femme se voulait menaçante. Pas facile quand on faisait quinze centimètres de moins que sa progéniture ! Ce dernier, quant à lui, réfléchissait à sa prochaine pique.

Madeline, adossée à la rampe de l'escalier, se sentait presque effrayée. Elle détestait les démonstrations de colère, et celle d'Ezequiel et sa mère était chargée de foudre. Elle les imaginait se sauter bientôt à la gorge.

- Facile pour toi de dire ça, tu as des souvenirs ! Moi, je ne me rappelle de rien, ni son visage, ni ce que nous faisions ensemble, RIEN ! Tu n'es qu'une sale égoïste, à tout vouloir garder pour toi !

- Ezequiel, por favor, cállate !

- Je vais me barrer d'ici, tu entends ?! continua-t-il en hurlant. Je vais me casser, et le retrouver, et ce jour-là, tu pourras pleurer de m'avoir perdu ! À ta place, il m'aurait avoué ton nom, car il aurait su que sans lui, je n'aurais pu me construire correctement !

- Sauf qu'il n'est pas à ma place, mais je ne sais où, tranquille, sans avoir à supporter un fils colérique ! Et puis, tu ne le connais pas, tu n'as aucune idée de quel genre d'homme il est.

- Toi non plus, puisqu'il est parti ! Je suis sûr qu'il ferait un meilleur parent que toi ! asséna-t-il.

Madeline fit un pas vers Ezequiel, prête à l'attirer vers les escaliers, pour lui faire comprendre qu'il allait trop loin. Seulement, Carla la vit du coin de l'oeil, et arrêta sa filleule d'un signe de main. Si son fils demandait la vérité, il l'aurait !

- Un meilleur parent, hein ? Comment un bon père pourrait abandonner son fils, je te le demande ? Car, oui, il t'a A-BAN-DO-NNÉ ! Il t'a jeté comme une chaussette pourrie, partant comme un lâche vers une vie sans histoires, sans enfant. Je te rappelle qu'il m'a laissée avec un gamin de sept ans sur les bras, et je ne me suis jamais plainte ! Jamais ! Cet homme ne t'aimait même pas, ou il ne serait pas parti. Tu devrais l'oublier, et arrêter de penser qu'il se pointera comme une fleur, avec des excuses plein la bouche. Il se fout de toi, et de ta vie ! Il n'a jamais cherché à savoir si tu allais bien, si tu grandissais bien. Tu pourrais être mort qu'il ne s'en inquiéterait même pas, alors arrête de te bercer d'illusions ! Mierda !

Madeline eut un hoquet de surprise, sous le choc des paroles assommantes de sa marraine. Le souffle court, Carla décrocha son regard de son fils, les mains tremblantes. Les larmes roulaient sur ses joues. Lui donner une gifle n'aurait pas été pire. En tout cas, elle espérait que son discours eut le même impact.

Ezequiel, les lèvres pincées, tentait de retenir des sanglots menaçants. Il foudroya sa mère du regard, et se réfugia en vitesse dans sa chambre, poussant Madeline au passage. Celle-ci se sentait défaillir. Elle venait d'assister à un changement radical. Rien ne serait plus comme avant.

Au milieu du salon, Carla s'effondra sur le tapis rouge. Madeline hésita à aller la réconforter, le prendre dans ses bras pour la rassurer. Mais comment pourrait-elle ? Elle connaissait parfaitement Ezequiel, et sa rancune tenace ne permettait pas de savoir s'il pardonnerait à sa mère ses paroles assenantes. Mal à l'aise, Madeline préféra rentrer chez elle.

***

Lundi 9 juillet 2018, 14h15

- Alors, t'as vu ? Je connais enfin le nom de mon père, J...

- Comment as-tu pu ? l'interrompit Madeline. Si Carla ne voulait pas que tu le saches, c'était pour de bonnes raisons.

- Tu ne vas pas t'y mettre, toi aussi ! Ce n'est pas à elle de décider ce qui est bon pour moi, ou non. Si tu préfères être de son côté, ne te gêne pas, mais ne m'adresse plus jamais la parole.

Ezequiel arracha le précieux documents des mains de Madeline, furax devant sa réaction négative. Il rangea le papier dans sa boîte, puis sous son lit. La jeune blonde, interdite, le regardait faire.

- Pourquoi tu aurais le droit à ta vérité et pas moi ? demanda-t-elle soudainement.

Son meilleur ami se retourna vers elle, les yeux écarquillés. Comme lors de ce fameux vendredi soir, il pâlit à faire peur. Espérant changer de sujet, il comprit vite, au regard de Madeline, qu'il ne pourrait échapper à la question.

- De quoi tu parles ?

- Tu le sais très bien, on me cache des choses, et toi le premier. Ezi, je t'en supplie, dis-moi ce que je ne sais pas.

- Écoute, Maddie, ce n'est pas parce qu'il y a des secrets dans ma famille, que c'est forcément le cas aussi dans la tienne ! rétorqua-t-il durement.

Madeline, déçue de voir son meilleur mi lui mentir, le fusilla du regard. Elle se leva, sans faire attention aux protestations du jeune homme, et s'enfuit. Si elle ne devait compter que sur elle-même, très bien, elle le ferait. Cela tombait bien, Ezequiel lui avait soufflé une idée.

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