IV - Une soirée mouvementée

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Vendredi 6 juillet 2018, 20h, à Milwaukie

Ce soir, Ezequiel avait organisé une soirée entre amis. Enfin, il avait invité tous ses amis et Madeline, qu'ils connaissaient vaguement. Son départ pour Cannon Beach avec « sa bande » était prévu pour le lendemain, et le jeune hispanique avait absolument tenu à célébrer son premier séjour vacancier sans sa mère. Certes, ce n'était qu'un week-end, mais pour lui, cela représentait un premier pas vers la liberté.

Madeline arriva, comme à son habitude, une demi-heure avant l'heure prévue, afin de l'aider à tout préparer. Lui n'avait pas toute une équipe de cheerleaders énergique prête à mettre la main à la pâte. Ezequiel avait Madeline, et elle lui suffisait amplement. Cette dernière pensait en profiter pour discuter avec lui de sa troublante rencontre au supermarché, et du rêve qui avait suivi la nuit même.

Madeline se trouvait dans la cuisine, ouvrant frénétiquement toutes les portes de placards. Il lui était impossible de mettre la main sur ses aliments préférés, et elle commençait à s'impatienter de ne pas les trouver.

- Ezi ! Où sont passées les chips ?

- Dans mes mains.

Madeline pesta intérieurement contre son meilleur ami. Voilà cinq bonnes minutes qu'elle faisait le tour de la cuisine, jurant à chaque fois qu'elle ouvrait un placard sans découvrir un paquet Lay's. Elle descendit du plan de travail sur lequel elle était grimpée, et rejoignit Ezequiel dans le salon, des gâteaux apéritifs déjà plein la bouche.

La maison des Ramírez n'était pas très grande, ce qui n'empêchait pas qu'on s'y sente tout de suite comme chez soi lorsqu'on y entrait. D'ailleurs, Madeline adorait être ici, elle considérait cet endroit si chaleureux qu'elle aurait volontiers échangé son lieu de vie contre celui-ci.

La maisonnée était construite en pierres blanches. Le rez-de-chaussée était entièrement ouvert, faisant communiquer ensemble le salon, la cuisine et la salle à manger. C'était un des éléments qui rendaient l'habitation si conviviale. Ensuite, l'étage se composait de deux chambres et d'une salle de bain simpliste.

Ezequiel critiquait sans arrêt son chez lui, le trouvant trop « minuscule ». Pour cette raison, il allait souvent squatter chez Madeline. Cette dernière avait alors mis au point une stratégie pour traîner chez son meilleur ami. Elle prétextait qu'Evelyn nettoyait de fond en comble sa maison, repoussant Ezequiel qui craignait d'être mis à la tâche. Les deux amis se retrouvaient donc dans le jardin du jeune hispanique, et Madeline pouvait profiter de son affection pour cet endroit, et de Carla, qui était comme sa deuxième maman.

Dommage pour la jeune capitaine, sa marraine s'était absentée, préférant dîner avec Evelyn et Darryl. Elle leur laissait ainsi la maison pour eux, ce qui n'était pas pour déplaire à son fils. Mais Madeline connaissait la véritable raison de son départ pour Willow Street. Carla ne souhaitait pas avoir à supporter la vue d'une bande d'adolescents se goinfrant de chips, éparpillant des miettes sur son joli canapé en velours bleu nuit. Puis, surtout, elle détestait voir son fils, ou même des jeunes en particulier, boire de l'alcool comme du petit lait.

- Ezequiel ? l'interpella Madeline en s'asseyant dans le sofa.

- Oui ?

- Euh ... En fait, j'ai rencontré quelqu'un mercredi, et c'était super ... étrange, termina la jeune fille en se demandant si le mot n'était pas un peu faible pour décrire ce qu'elle avait ressenti.

Son meilleur ami se retourna, à l'air franchement surpris. Il scruta Madeline de ses yeux verts émeraude, d'une nuance incroyablement proche de la sienne. Petits, ils s'amusaient à faire croire qu'ils étaient de faux jumeaux, leurs mêmes yeux brillants appuyant leur mensonge.

- Dans quel sens, rencontré ? la questionna-t-il, très intéressé. Un rictus amusé sur les lèvres, il imaginait déjà Madeline quitter Jared, un rêve qu'il tardait à voir se réaliser.

- Comment ça, dans quel ... ? Oh, je vois, déclara la jeune fille d'un ton exaspéré. Désolée de te décevoir, mais non, ce n'était pas un garçon. Et même si je sais que tu souhaites me voir rompre avec Jared depuis le premier jour, ce n'est toujours pas demain la veille.

Ezequiel parut déçu. Madeline se lassait de l'espérance de son ami d'enfance à la voir se séparer de son petit ami. Encore, si c'était parce qu'ils ne s'appréciaient pas réellement. Mais la raison de cette antipathie était due au fait que Jared avait eu un certain de nombres de petites amies avant elle, et qu'Ezequiel craignait que le quarterback considère Madeline comme une simple « proie ». La jeune fille lui rétorquait alors qu'il n'était pas mieux, voire même pire puisque lui n'avait pas encore de relation sérieuse. La conversation s'arrêtait là. Pourtant, le jeune hispanique ne pouvait s'empêcher de conserver une lueur d'espoir.

- C'était une fille, Willow, continua Madeline. Je l'ai trouvée errant dans le rayon des articles de fête, mercredi. Elle était perdue dans le supermarché.

- Hmm ... Et ? En quoi faire la rencontre d'une gamine dans un magasin est bizarre ?

- Ce n'est pas le fait de la rencontrer qui était étrange, mais ce qu'elle m'a fait ressentir. Quand j'ai croisé son regard, mon cœur s'est affolé, je le sentais carrément cogner dans mes oreilles. Mes jambes se sont mises à trembler, comme tout mon corps d'ailleurs. J'avais l'impression que le monde s'était effacé autour de moi.

- T'as eu le coup de foudre, quoi. Tu sais, ce n'est pas parce que t'es complètement hétéro un jour, que le lendemain, tu ne peux pas tomber amoureuse d'une f...

- Je suis sérieuse, Ezi ! s'agaça la jeune blonde devant l'amusement de son meilleur ami. Ça n'avait rien à voir avec un sentiment amoureux. Dès que j'ai croisé ses yeux, une impression de déjà-vu m'a assaillie. Quelque chose m'était familier chez elle, pourtant je suis sûre de ne l'avoir jamais vue de ma toute ma vie. Écoute, je ne sais pas trop comment l'expliquer mais ... j'étais toute chamboulée. Ses yeux bleus me semblaient tellement perçants, je ...

- Bleu ? demanda abruptement Ezequiel, devenu soudain tout pâle.

La question du jeune hispanique déconcerta Madeline, si bien qu'elle n'arrivait plus à trouver ses mots. De tout ce qu'elle venait de lui confier, il n'avait retenu que la couleur des yeux de Willow ? Elle l'interrogea du regard. Ezequiel présentait un visage grave. L'once de plaisanterie qui rayonnait tout à l'heure avait laissé place à un sérieux déstabilisant.

- Euh ... oui, des yeux bleus. Ils étaient même bleus azur. Mais je ne pense pas que ce soit le plus important.

- Au contraire ..., murmura Ezequiel pour lui-même.

Le jeune homme se leva et se servit un verre de whisky. Il ajouta une flopée de cola, avalant de suite une grande gorgée. Son teint restait pâle. Ses sourcils étaient froncés, comme à chaque fois qu'il essayait de répondre à une question difficile. Ou qu'il étudiait une situation compliquée.

Mais que trouvait-il d'énigmatique ? Les yeux de Willow ?

- Je te sers quelque chose à boire ? proposa-t-il à la jeune blonde restée interdite devant son attitude, pendant qu'il remplissait son verre pour la deuxième fois.

- C'est vraiment la seule chose qui te vient à l'esprit, Ezi ? C'est toi qui est bizarre maintenant. C'est à peine si tu prends mon histoire au sérieux, ensuite tu ne retiens que le fait que Willow ait des yeux couleur du ciel, puis tu te sers à boire comme si nous n'étions pas en pleine conversation. Qu'est-ce qui cloche ?

Ezequiel bu une nouvelle gorgée de son mélange, évitant d'avoir à répondre aussitôt. Ses sourcils, toujours froncés, le vieillissaient. Madeline le jaugea du regard, il n'était pas normal. Habituellement, il prenait tout à la légère, s'amusant d'un rien, et répliquant toujours « à la cool ». Là, il était droit comme un I, l'air sombre, méditant dans le vide.

- Ezequiel ? J'attends que tu dises quelque chose, là.

- Écoute, Maddie, j'en sais rien, moi. Oui, c'est bizarre, mais des fois, la vie nous joue des tours, et on ne sait pas très bien pourquoi.

Il ne rajouta rien, laissant son amie dans le brouillard le plus complet. En tant que grand frère - de coeur -, il avait pris le pli de toujours trouver un bon conseil à donner à Madeline, de lui glisser un mot rassurant. Maintenant, il devenait philosophe. Visiblement, le récit de la jeune blonde l'avait aussi retourné.

- Ezi, t'es sûr que tout va bien ? renchérit Madeline

- Oui, oui. Je ne sais pas quoi te dire, c'est tout. T'as rencontré une gamine, ça t'a fait un effet bizarre, et après ?

- Bah, c'est étrange, non ? Et puis, je crois même que j'ai rêvé d'elle, déclara sans réfléchir Madeline. Devant la réaction de son meilleur ami, elle hésitait à tout lui confier. Je veux dire, je l'ai incluse dans mon rêve, cette nuit, reprit-elle.

- Comment ça ?

- Eh bien ... Là encore, c'était zarbi. Au début, je croyais que c'était un souvenir qui resurgissait. J'étais dans mon jardin, sous le chêne, et j'avais l'air de bouder. Ma mère était plus loin, lisant sur un transat. Elle répétait qu'elle m'avait dit non à quelque chose que j'ignore. Puis, le téléphone a sonné, et elle est allée répondre. Je m'apprêtais à la suivre quand une voix fluette m'a interpellée. En me retournant, j'ai découvert une Willow toute jeune, habillée d'une adorable robe rose. Ses yeux bleus me fixaient, inquiets.

Alors qu'il semblait impossible à Madeline qu'Ezequiel puisse encore pâlir, il devint si blanc que sa meilleure amie craignait qu'elle finisse par le confondre avec les rideaux, derrière lui. Il vida son verre d'un trait. Il attrapa la bouteille de whisky, et il parut mettre plus d'alcool que de soda. Il arrivait à Ezequiel de boire, mais seulement lors d'une fête, et la leur n'avait pas encore commencé. Madeline le scruta. Lui fuyait son regard.

- Et après ? lui demanda-t-il, prêtant une attention toute particulière à ses pieds.

- Theo a fait tombé quelque chose dans sa chambre, me réveillant au passage. À moins que ce ne soit mon rêve. Mon coeur cognait si fort dans ma poitrine. Après mon corps, voilà que mon cerveau se comporte étrangement.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ? se renseigna-t-il, d'une voix chevrotante.

- Tout ça paraît logique. J'ai été fortement troublée par ma confrontation avec Willow, mon cerveau la garde en mémoire et l'inclut dans un rêve qui se présente d'abord comme un souvenir. Preuve qu'il est complètement en vrac.

Ezequiel, toujours aussi pâle comme un linge, tremblait légèrement. Le liquide, dans son verre, remuait doucement. Mais sûrement.

- Ezi, s'il te plaît, dis-moi si quelque chose te chiffonne. Je m'inquiète, là, tu es pâle à faire peur. On dirait un vampire qui n'a pas vu le jour depuis des siècles.

- J'ai juste l'estomac qui me brûle. J'ai descendu trop rapidement mes verres de whisky.

- C'est bien ce que je dis, il y a un truc qui ne va pas. Qu'est-ce que tu essaies de me cacher, Ezequiel ? Je t'en prie, on se raconte tout depuis qu'on sait parler, tu ne peux pas commencer à me faire des cachotteries.

Madeline s'impatientait. Elle était persuadée que son histoire avec Willow avait aussi réveillé des sentiments chez Ezequiel, qu'il ne voulait pas lui confier. Pourtant, elle lui avait révéler s'être retrouvée tremblante devant une inconnue. De quoi avait-il peur ?

Le jeune homme jugea son amie quelques minutes, la mine abattue. Les yeux désolés, il secoua la tête, comme pour chasser ses pensées. Son regard revint alors à Madeline, qui attendait, patiente - ce qui était loin d'être son fort - sa réponse. Ses épaules s'affaissèrent, comme s'il rendait les armes à un combat intérieur.

- Maddie, il faut que ...

DING ! DONG !

Les deux amis se retournèrent soudainement. Le jeune homme poussa un léger soupir de soulagement. Sauvé par le gong. De son côté, Madeline analysa la silhouette derrière la porte d'entrée. Elle avait la certitude de la connaître. La « forme » se mut, et repoussa ses cheveux sur son dos. Une longue chevelure bouclée.

- Faith ! l'accueillit faussement enjouée la jeune capitaine. Madeline, irritée d'avoir été dérangé au moment où Ezequiel ouvrait enfin la bouche, ne pouvait réprimer un ton railleur . Si je m'attendais à te voir ici !

Faith devait avoir perçu l'agacement chez sa meilleure amie, car le sourire qui illuminait son visage s'effaça. Elle ouvrit la bouche, puis la referma. Madeline ne semblait pas heureuse de la voir, ce qui la décontenançait beaucoup.

- J'ai été invitée par Ezi ... Euh ... Ezequiel, parvint-elle à articuler.

Madeline faillit lui refermer la porte au nez, de colère. Déjà, elle bouillait de ne pas connaître la raison du soudain changement de comportement de son meilleur ami, mais voilà que Faith osait le nommer du surnom que lui avait attribué la jeune capitaine, alors enfant. Originalement, Madeline n'arrivait pas à prononcer le prénom d'Ezequiel, ne retenant que deux syllabes : Ez, au début, puis le i. Cette appellation était toujours restée, et personne ne l'avait jamais reprise. Ce surnom était à elle, et à elle seule.

Madeline finit par se décaler, laissant entrer l'invitée surprise. Ezequiel ne l'avait pas prévenu de la présence de la jeune blonde, une question qui se rajoutait aux nombreuses interrogations de Madeline. À la vue de Faith, le jeune hispanique oublia son air renfermé. Il lui réserva un accueil digne de ce nom, augmentant l'hérissement de Madeline. Depuis quand ces deux-là s'appréciaient-ils autant ? Madeline avait-elle vraiment raison, et une histoire lui ayant échappé se déroulait entre ses deux meilleurs amis ?

Jusqu'ici, Madeline avait été la seule fille qui comptait véritablement pour Ezequiel. Une petite amie ? Il n'en voulait pas. À bien y réfléchir, le jeune homme n'avait jamais évoqué la possibilité d'une vraie relation amoureuse. Cependant, à l'observer se réjouir de l'arrivée de Faith, Madeline se demanda si, au lieu de l'attitude bad boy de son meilleur, ce ne serait pas elle, la raison de son instabilité sentimentale. Elle avait toujours manifesté son amour - fraternel, bien évidement - pour elle, le considérant comme « à elle ». Ce qui n'avait pas posé problème jusqu'à aujourd'hui. Mais Madeline devait se faire une raison. Ezequiel ne pouvait continuer de butiner de fleur en fleur pendant l'éternité. Un jour, il présenterait une fille à la jeune capitaine. Une fille qui serait son « amoureuse », synonyme d'oubli pour Madeline. Et elle espérait que ce jour attendrait encore longtemps.

La jeune blonde ravala ses larmes, qu'elle n'avait pas senti monter. Le moment n'était pas à la tristesse. Elle rejoint ses deux amis dans le salon. Faith, un sourire éclatant au visage, et Ezequiel, qui avait repris de vive couleurs, discutaient vivement. Ils ne semblaient pas s'être rendus compte que Madeline avait plongé dans ses pensées près de la porte d'entrée.

Même amoureux, on ne pouvait oublier dix-sept ans d'amitié, si ?

***

23h

Madeline rigola de bon coeur à la blague de Stan. Depuis le début de la soirée, le jeune blond flirtait avec elle, enchaînant les plaisanteries. Si Madeline n'avait pas été pompette après ses trois verres de sangria, elle l'aurait, sans aucun doute, repoussé dès le départ. L'alcool ayant fait son effet, elle se trouvait collée à lui, riant sans arrêt. De plus, les regards noirs que leur lançait Ezequiel n'étaient pas sans déplaire à Madeline, cela lui apprendrait à vouloir la remplacer !

Les amis d'Ezequiel étaient tous arrivés quelques minutes après Faith, qui a été invitée pour que Madeline « ne se sente pas à l'écart durant la soirée », selon l'hôte. C'était une gentille attention de la part de son meilleur ami, puisque la jeune fille connaissait mal sa bande de copains, et Madeline aurait pu passer une agréable soirée si Faith avait été disponible pour elle. Cependant, Ezequiel et elle ne s'étaient pas quittés de la soirée, se couvant de regards doux toutes les deux minutes.

Les personnes présentes ici étaient sympathiques, et avaient mis tout de suite Madeline à l'aise. Ashley, une grand métisse aux yeux presque noirs, venue avec sa petite amie Savannah, l'avait embrassée sur les deux joues à peine présentées. En ce qui concernait la jolie rousse qui l'accompagnait, elle était la cousine de Lizbeth et avait longuement discuté avec la jeune capitaine de leurs entraînements de cheerleading. Celle-ci ne mâchait pas ses mots, et rappelait à Madeline une autre de ses recrues, répondant au nom de Joyce. Ensuite, Stan, le plus vieil ami d'Ezequiel - après Madeline, cela va sans dire - avait semblé ravi de passer la soirée en compagnie de la jeune fille, qu'il essayait de charmer de ses yeux bleus canard depuis le premier verre de sangria bu.

Sur le fauteuil en face, Rory, un asiatique plutôt timide, embrassait à pleine bouche sa petite amie, Phoebe, une fille de la classe de Madeline. Elle avait participé aux sélections de cheerleaders, la rentrée dernière, mais s'était vue refuser la place. Lorell avait supplié sa capitaine de recruter sa petite soeur, Brittany, sous peine que cette dernière ne l'étripe. Madeline, qui refusait le favoritisme, lui avait rétorqué que Brittany devrait avoir un petit quelque chose en plus pour entrer dans l'équipe, ou Phoebe la remplacerait. La petite soeur de Lorell avait prouvé à Madeline qu'elle était dotée d'un jeu de jambes merveilleux, et était devenue une cheerleader.

Sur le tapis, Marlene, une jeune française débarquée tout droit de Paris, il y a trois ans, racontait sa vie à deux garçons. Ces derniers n'en avaient visiblement rien à faire, mais faute de meilleure occupation, ils restaient là, à faire semblant d'écouter le monologue de la meilleure amie de Phoebe. À ses côtés se tenait Adan, un châtain aux yeux gris, plongé dans son téléphone, écrivant à sa conquête du moment. La jeune fille refusait d'accepter un rendez-vous avec lui, et d'après ses dires, Adan n'abandonnerait pas avant d'obtenir un « oui ». Le jeune homme était si obnubilé par son écran qu'il n'avait pas remarqué le regard dévorant du métisse, en face de lui.

Alexander, dont la coupe afro faisait bien rire ses amis, avait fait son coming out l'année passée. Alors que Madeline devait rejoindre Jared après son entraînement, elle était arrivée en avance, et avait eu la surprise de trouver Alexander, épiant le vestiaire par une petite fenêtre, à l'arrière du gymnase. Gêné qu'on le trouve ici, il n'avait pu émettre un son. Aucune raison ne justifiait son matage d'abdominaux en acier. Madeline s'était alors installée à ses côtés, plus pour lui faire comprendre qu'elle n'en dirait pas un mot, que pour profiter des allées et venues des sportifs en caleçon. Elle avait Jared, et profitait de sa musculature dès qu'elle le pouvait. Alexander et la jeune fille n'avaient jamais reparlé de cet évènement, à vrai dire, ils se croisaient très rarement, et trop furtivement pour discuter. De toute façon, trois semaines après la séance d'espionnage de l'équipe des Kingsmen, le jeune métisse avait révélé à tout le lycée son homosexualité. Il avait fait dans la pure simplicité, en embrassant Chad, un sophomore, en plein hall.

C'était avec eux, excepté la française Marlene, qu'Ezequiel partait en vacances le lendemain. Il avait proposé à Madeline de se joindre à eux, alors qu'ils organisaient leur voyage. Il restait une place. Jared ne pouvant être de la partie, la jeune blonde avait poliment refusé. De plus, elle estimait qu'Ezequiel était déjà bien souvent en sa compagnie en temps normal. Le temps d'un week-end, ils pouvaient se passer l'un de l'autre.

Au bout du salon, Faith et le jeune hispanique ne se cachaient pas pour flirter. La meilleure amie de Madeline affichait un sourire éclatant, si grand que la jeune capitaine plaignait ses zygomatiques.

- Tu aurais vraiment dû venir, Maddie, rien que pour cette raison, insista Stan pour la dixième fois de la soirée (au moins). Il n'est pas trop tard, tu sais ? La place vacante n'a pas été encore prise et je serais ravie de la prendre pour t...

Madeline n'écoutait plus la litanie de son cavalier d'un soir. C'était inutile puisqu'il répétait la même chose depuis une heure : la jeune fille aurait dû accepter la proposition d'Ezequiel, leur permettant ainsi d'apprendre à mieux se connaître. Fatiguée des paroles de Stan et irritée d'avoir en ligne de mire ses deux meilleurs amis ô combien proches, Madeline se leva précipitamment. Il était temps de mettre fin à ce petit jeu.

- Dis, Faith, il est tard, je te ramène ? proposa gentiment Madeline à l'intéressée. Cette stratégie lui avait paru la moins brutale pour faire cesser ces regards doucereux, l'autre étant de la tirer par les cheveux pour lui apprendre à ne plus approcher Ezequiel.

Justement, seul ce dernier se retourna, franchement mécontent de l'interruption de Madeline. Sa « partenaire » portait toujours sur lui un regard de merlan frit, les yeux brillants, et les joues rosies. Madeline eut presque un haut-le-coeur rien qu'en imaginant une seconde que sa meilleure amie puisse être amoureuse du jeune espagnol. Elle qui attendait le prince charmant, elle serait pour le moins surprise.

- Hé ho, Faith, tu me reçois ? s'obstina Madeline en claquant des doigts devant ses yeux gris.

- Hein ? Euh ... Oui. Quoi ?

- Il est tard, je te raccompagne ? répéta la jeune capitaine, en appuyant son regard pour lui faire comprendre de ne pas résister. Madeline était loin de se sentir d'humeur joviale, et un refus ne ferait qu'alimenter sa colère naissante.

- Je le ferai, s'en mêla Ezequiel. Rentre chez toi si tu veux, Maddie, je vais m'occuper de Faith.

- Je t'ai pas sonné, Monsieur je-drague-tout-ce-qui-bouge, s'emporta Madeline. Il me semble t'avoir déjà mis en garde, je ne veux pas que tu t'approches de mes amies !

La remarque de son meilleur ami avait été celle de trop, et Madeline sentait maintenant la rouge bouillonner en elle. La raison semblait être la peur de voir le coeur de Faith éclater en mille morceaux. Pourtant, Madeline savait que cela allait plus loin.

Ses deux compères, choqués de son ton colérique, ne surent pas quoi répondre. Dans le salon, les conversations - et les baisers de Rory et Phoebe - avaient cessé. Tous avaient le regard rivé sur le trio, curieux de voir éclater une dispute alors que l'ambiance, légère et joyeuse, invitait plutôt à la fête.

- Je crois que l'alcool ne te fait pas de bien, Maddie. Reste dormir ici, je ne veux pas que tu conduises dans cet état, lança Ezequiel, d'un ton en apparence posé, mais qui cachait une certaine dureté.

- Je vais très bien, Ezequiel. En revanche, le fait que tu dragues ma meilleure amie me plaît moins. On s'était mis d'accord, tu peux coucher avec qui tu veux, tant que tes proies ne soient pas mes recrues. En plus, on sait tous que les blondes ne sont pas ton genre.

D'un ton rageur, Madeline était passée au venimeux. Son impulsivité la guidait vers la méchanceté. Elle voulait voir disparaître de leurs visages cet air d'être aux anges. Les attaquer n'en était que la méthode la plus rapide.

- Mes proies ? Es-tu bien sérieuse ? demanda Ezequiel doucement, s'efforçant de se contenir.

- Comment les appelles-tu, toi ? Tes conquêtes ? Tes aventures ? Tes coucheries ? On sait tous que toutes ces filles ne te servent qu'à entretenir ton image de bad boy, et entre nous, ça marche plutôt bien. Sauf que tu ne sais pas t'arrêter, et que là, ça devient urgent. Tu n'es qu'une espèce de ... !

- Ça suffit, Maddie, intervint rapidement Faith, devant l'urgence de la situation.

Le visage écarlate, les deux amis se regardaient comme deux chiens de faïence. Faith s'empressa d'attraper le bras de Madeline, et de ramasser leurs affaires respectives. En adressant un sourire désolé à la ronde, elle sortit précipitamment dans la nuit, entraînant sa meilleure amie avec elle.

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