III - Un rêve étrange

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Jeudi 5 juillet 2018, 9h, à Milwaukie

Madeline était dans son jardin, derrière sa maison. La chaleur était pesante, malgré la fin d'après-midi. La fillette portait une salopette short en jean, recouvrant une brassière de maillot de bain jaune canari. Des poupées Barbie étaient éparpillées sur l'herbe, une cuvette remplie d'eau en accueillait quelques unes en bikini, leur longue chevelure blonde relevée en une queue de cheval haute.

Madeline était assise sur une des racines du grand chêne, boudant, les bras croisés sur sa poitrine. Sa mère était allongée plus loin, sur un transat, lisant un polar qu'elle avait commencé il y a une semaine, et dont elle n'avait toujours pas dépassé le tiers.

- S'il te plaît, Maman ..., chouina Madeline, implorant sa génitrice, plongée dans l'action. Celle-ci releva la tête, exaspérée, et lui répondit froidement :

- J'ai dit non.

- Mais, Maman, je te promets de ne pas salir sa robe de princesse, je ferai super attention, insista la fillette.

- Maddie, stop, c'est non. Je ne veux plus t'entendre.

Evelyn Peterson était sans appel, et retourna à son livre après avoir lancé un dernier regard d'avertissement à sa fille. Cette dernière n'eut d'autre choix que de se contenter des poupées présentes. Soudain, le téléphone sonna. Sa mère soupira, ronchonnant qu'on ne pouvait jamais être tranquille chez soi, et alla récupérer le téléphone dans l'entrée. Madeline tendit l'oreille. Le ton faussement enjoué de sa mère indiquait que l'émetteuse de cet appel était sa grand-mère Violet.

Alors, délicatement, la petite fille se leva et se dirigea en direction du salon. Elle n'avait pas fait trois pas qu'une petite voix aiguë l'appela. Madeline se retourna et découvrit la provenance de cette voix fluette. Une fillette, plus jeune qu'elle, habillée d'une robe rose, le sourire aux lèvres. Puis la jeune Maddie croisa son regard. Des yeux bleus azur. Perçants. Troublants.

BOUM !

Madeline se réveilla en sursaut, alertée par l'énorme bruit qui avait presque fait trembler la maison. La jeune fille était en sueur et ses cheveux lui collaient au visage. Un mal de tête lui vrillait le crâne, et elle ignorait s'il était dû à son manque de sommeil, ou à l'étrange rêve qu'elle venait de faire. Que signifiait-il ? La maison, le jardin, le chêne centenaire, tout correspondait à la réalité. D'ailleurs, Madeline se rappelait de cette salopette en jean, cadeau de sa tante Georgia. Pourtant, un élément clochait. La petite fille aux yeux aussi bleus que le ciel. Madeline avait-elle inclus Willow dans son rêve, encore troublée de leur rencontre ? Cette fillette était-elle vraiment la représentation de Willow ? Madeline ferma les yeux et tenta de se remémorer les images. Seuls les yeux bleus étaient restés dans son esprit. Des yeux qui l'obnubilaient depuis la veille.

Alors qu'elle était trop occupée à interpréter son rêve, Madeline n'avait pas réalisé que son coeur tambourinait de nouveau dans sa poitrine. La jeune fille posa une main à l'endroit où son organe s'affolait, espérant ainsi le calmer, comme s'il était un chiot qu'on voulait rassurer. Après quelques minutes, il reprit sa cadence normale et Madeline s'assit dans son lit.

Le bruit assourdissant venait de l'étage en dessous, sans aucun doute de la chambre de son frère. Madeline pouvait abandonner toute perspective de se rendormir. Sa famille était déjà de retour.

Partis lundi matin, ils s'étaient rendus chez la grand-mère paternelle de Madeline, Eugenia, pour célébrer la fête nationale. Chaque année, la routine était la même. Ils était accueillis par de grandes embrassades, après deux heures d'avion jusqu'à Los Angeles, retrouvant leurs grands-parents, leur tante Georgia et son Saint-bernard Falco. Puis, ils passaient le reste de leur temps à flâner sur la plage, ou à déguster des sucreries préparées par les bons soins de James. Cette fois-ci, Madeline n'avait pas été de la partie, ses parents ayant accepté - au plus grand étonnement de leur fille - de lui laisser la maison pour ces quelques jours, lui permettant d'organiser la plus parfaite des soirées.

Madeline se leva et remarqua que ses draps étaient tout aussi trempés qu'elle. Maudit rêve ! pesta-t-elle intérieurement. Elle les avait changé la veille au matin, il ne lui restait plus qu'à recommencer. Les retirant, Madeline se demanda si elle devait parler de cette rencontre troublante avec sa mère. Elle n'avait pas de secret pour elle. Après réflexion, elle se dit qu' Evelyn s'inquiéterait grandement pour pas grand-chose, et celle-ci avait assez à gérer en ce moment. En tant que maîtresse d'école pour jeunes enfants handicapés, elle préparait en grande pompe un voyage à Los Angeles avec sa classe, ce qui lui demandait beaucoup de temps, et d'énergie.

Descendant dans la cuisine après une rapide douche, Madeline fut accueillie par une boule d'énergie. Son petit frère était ravi de la revoir, et avait aussitôt entrepris de lui raconter, en détails, son voyage, si bien que Madeline n'avait pu salué ses parents. Elle leur adressa un sourire, désignant Theo du bout du doigt et en levant les yeux au ciel. Madeline apprit donc que Georgia avait amené avec elle un nouvel « amoureux », en plus de son fidèle Falco, qui s'était fait une joie de retrouver son compagnon de jeu en la personne de Theodore. Que le feu d'artifice n'était plus tiré sur Venice Beach mais sur Sunset Beach. Que grand-père James avait confondu confiture à la fraise et gelée de framboises, se retrouvant alité pendant la journée de mardi, des plaques rouges lui recouvrant le corps. Et mille autres choses encore.

Une fois le moulin à paroles éteint, Madeline pu passer le bonjour à Evelyn et Darryl, attablés tous deux devant des pancakes à l'air appétissant. Encore l'oeuvre de grand-père, pensa la jeune fille, le remerciant silencieusement d'en avoir fait trop.

- Alors, Maddie, déjà réveillée ? demanda ironiquement Darryl, le nez dans son journal.

Madeline lui lança un regard noir, les cernes violettes sous ses yeux en disaient long sur la nuit qu'elle venait de passer, et son père l'avait très bien remarqué. Les cinq petites heures de sommeil, accompagnées du rêve déroutant de Madeline ne l'avaient pas reposée, loin de là.

- Tu es bien pâle, en tout cas. Tu n'as pas la gueule de bois, j'espère ? Hein, Maddie, dis-moi, tu n'as pas abusé de l'alcool ? s'inquiéta Evelyn, préparant déjà de l'aspirine.

- Non, Maman, répondit Madeline, excédée. Elle lui avait promis une bonne dizaine de fois de ne pas dépasser les trois verres, ne lui faisait-elle donc pas confiance ?

- Bien, je préfère ça, déclara Evelyn, satisfaite. Sinon, comment s'est déroulée la soirée ? A-t-elle été à la hauteur de tes espérances ?

- Oui, tout a été parfait. On s'est amusés comme des fous, et excepté quelques personnes, aucun d'entre nous n'était ivre. Il n'y a eu aucune catastrophe vomi. Aucune bagarre n'a éclaté. Aucun strip-tease malvenu. Vraiment, la soirée idéale, termina Madeline dans un grand sourire. La fierté d'avoir réussi à organiser et gérer sa première soirée en tant que capitaine des cheerleaders la rendait particulièrement heureuse.

- Tant mieux, chérie. Je suis vraiment contente pour toi, tu étais tellement stressée. Je t'avais bien dit que se mettre dans des états pareils pour une simple soirée était ridicule, tout ce que tu fais est toujours parfait, chérie, annonça Evelyn en prenant sa fille dans ses bras.

- Je sais bien, Maman, mais tu sais aussi bien que moi que celle de Cherry était vraiment ...

- Exceptionnelle ? Fantastique ? Remarquable ?

Madeline émit un rictus amusé. Elle n'avait cessé de vanter à sa mère les mérites de la soirée de l'année dernière. Pour elle, cette fête avait été la plus parfaite de toutes celles jamais données par les capitaines des cheerleaders, et même des élèves du lycée tout entier. Elle n'avait pas d'autre choix que d'être à la hauteur.

- En tout cas, je suis fière de toi, ma fille. La maison est nickel, elle me semble même encore plus propre qu'à notre départ, affirma Darryl.

- Heureusement qu'elle est impeccable, Papa, et ça en peu de temps. On était vingt à la nettoyer.

- As-tu vraiment réussi à réquisitionner dix-neuf jeunes lycéens, en pleine nuit, après une soirée arrosée ? se renseigna le père de Madeline, franchement intéressé.

- Avoue que tu n'en reviens pas ? lui rétorqua-t-elle.

Darryl lâcha un petit rire plaisantin, félicitant sa fille d'une telle prouesse. Pour lui, le charme de Madeline avait fait son effet.

Cette dernière débarrassa sa table, laissant son père et son petit frère en grande discussion sur le plus beau moment du feu d'artifice de la veille. Le premier jurait que le final avait été le plus magnifique, tandis que le deuxième argumentait sur l'apparition de leur drapeau national. Une vraie prouesse, d'après Theodore !

Madeline s'approcha de l'évier où sa mère frottait d'un air absent un verre. Les yeux perdus en direction de la rue, elle n'entendit pas approcher sa fille. Celle-ci posa son bol, faisant sursauter Evelyn.

- Ça va, Maman ? s'enquit Madeline.

Sa mère se tourna vivement vers elle, un sourire forcé sur les lèvres. Ses yeux brillaient, elle semblait au bord des larmes. Elle acquiesça, puis secoua sa tête comme pour chasser ses perles salées.

- Tout va bien, ma chérie, la rassura-t-elle.

Pourtant, Madeline n'était pas dupe. Depuis quelques jours déjà, sa mère était en permanence perdue dans ses pensées, les yeux toujours dans le vague. Elle mettait parfois un certain temps à répondre aux interpellations de ses enfants ou son mari. Madeline l'avait même surprise versant quelques larmes devant une publicité pour des poupées Barbie. Quelque chose clochait chez Evelyn, et sa fille se tourmentait de ne pas en connaître la raison.

Elle avait tenté d'écouter à la porte, samedi soir, alors que Carla et sa mère chuchotaient dans la cuisine. Cependant, Ezequiel et Darryl discutaient vivement d'un match de baseball, l'empêchant de discerner les mots que prononçaient les deux femmes. La cerise sur le gâteau avait été Theodore, qui lui avait crié qu'espionner ne se faisait pas. Madeline avait voulu lui tordre le cou. Heureusement, Evelyn et sa confidente n'avaient rien entendu.

Madeline remonta dans sa chambre, tout en écrivant un message destiné à son meilleur ami. Elle ressentait le besoin de lui confier son étrange rêve, résultat fort probable de sa rencontre de la veille. Rien que de repenser à Willow et ses grands yeux bleus, elle percevait des picotements lui parcourir le corps.

Madeline posa son portable sur sa table de chevet, elle savait pertinemment que la réponse n'arriverait pas avant des heures. Puis, elle se souvint qu'elle n'avait pas vraiment remercié comme il se devait ses amis, qui l'avaient aidée hier soir. Elle rédigea donc un message groupé, vantant leurs qualités exceptionnelles concernant le nettoyage, et leur promis qu'elle leur revaudrait ça un jour ou l'autre.

Une minute à peine s'était écoulée que son téléphone sonna. Le nom de Faith apparut à l'écran, agrémenté d'une adorable photo d'elles deux lors de leur première représentation en tant que cheerleaders, en première année.

- Déjà réveillée, Faithie ? demanda Madeline en décrochant.

- Je te retourne la question.

- Mes parents sont déjà rentrés et Theo a fait tomber je ne sais quoi, provoquant un énorme bruit, je suis sûre qu'il a réveillé deux ou trois morts, ajouta la jeune capitaine, provoquant un petit rire à l'autre bout du combiné. Et toi ?

- Mon père a pensé que ce matin était le meilleur moment pour accrocher un cadre dans la chambre d'amis. Il a tapé comme un forcené pour faire rentrer la vis.

Madeline tenta de se retenir de rire, le ton de Faith semblait complètement déprimé. Mais, au bout d'une dizaine de secondes, Madeline ne put réprimer son envie, et éclata tout bonnement d'un rire franc.

- Ne te moque pas ! la réprimanda Faith.

- Bob a quand même choisi la chambre juste à côté de la tienne, quelques heures seulement après que tu te sois couchée, pour faire mumuse avec son marteau !

Madeline ne pouvait cesser de rire, et Faith menaça plusieurs fois de raccrocher. Son manque de sommeil ne la rendait pas d'humeur joyeuse. Loin de là.

Une fois son sérieux retrouvé, Madeline lui proposa de se retrouver au café du centre commercial, histoire de bavarder, puisqu'elles n'avaient apparement rien de mieux à faire. Madeline avait aussi pour projet de lui rendre sa jovialité. Trois minutes plus tard, les deux amies raccrochaient, se mettant d'accord pour se rencontrer tout de suite. Madeline enfilait déjà ses tropéziennes, attrapa au vol son sac, ses clés de voiture qui, pour une raison inconnue, trônait au milieu de ses rouges à lèvres et descendit au rez-de-chaussée. Elle passa une tête dans la cuisine et prévint sa mère qu'elle sortait rejoindre Faith. Celle-ci acquiesça d'un signe de tête, mais elle semblait ne pas avoir vraiment saisi le sens des paroles de sa fille.

Madeline continua son chemin, en s'inquiétant de l'état de sa mère. Aujourd'hui semblait être pire que les autres jours. La main sur la poignée, Madeline s'arrêta vivement. Les sourcils froncés, elle réfléchissait. Une désagréable sensation d'oublier quelque chose s'était invitée dans son esprit. Elle vérifia le contenu de son sac, mais rien ne manquait à l'appel. Elle se regarda toute entière, elle portait bien tous ses habits. L'année dernière, elle avait réalisé juste à temps qu'elle portait encore son short de pyjama, alors qu'elle s'apprêtait à se rendre au lycée.

Après une dernière vérification de son sac, Madeline se décida à partir, cette impression finirait bien par la quitter.

***

9h50

À la terrasse du café, Faith attendait patiemment son amie, le visage tourné vers le soleil. Madeline arriva bientôt, arborant sa tête des mauvais jours. La tête baissée, elle s'impatientait à trouver la raison de ce sentiment d'oubli. Elle se demanda si Willow ne lui retournerait pas complètement le cerveau.

Une fois aux côtés de Faith, Madeline l'embrassa sur les deux joues, affichant un sourire préoccupé. Faith savait lire entre les lignes, surtout entre celles de Maddie. Elle lui annonça qu'elle avait déjà passé commande pour elles deux.

- Alors, quoi de neuf depuis ..., commença Faith en consultant sa montre. Six heures ?

Madeline hésita. Devait-elle lui faire part de la nuit qu'elle venait de passer ? La co-capitaine était sa meilleure amie, pourtant, c'était toujours vers Ezequiel que Madeline se tournait en premier. Sûrement parce qu'il la connaissait déjà dans le ventre de sa mère. En plus, Faith croyait fermement aux « indices du Destin », comme elle les appelait. Dès qu'un évènement incompréhensible arrivait, elle partait tout de suite dans de grands discours sur les signes qu'envoyait Dieu aux mortels pour des raisons que lui seul connaissait, et qu'on se devait de découvrir. La meilleure amie de Madeline n'était pas vraiment croyante, elle ne se rendait jamais à la messe et ne connaissait pas les dates du Carême, mais s'il y avait bien une chose en laquelle elle avait foi, c'était que rien n'était fruit du hasard dans la vie. Jamais. Pour elle, chaque petit incident avait une signification particulière, qui se révélerait tôt ou tard.

Préférant oublier un moment l'intervention de Willow et ses yeux hypnotisants dans ses rêves, elle choisit plutôt de lui confier cette sensation d'oubli qui la gênait depuis son départ de chez elle. Beaucoup moins « mystique ».

- Peut-être avais-tu prévu de faire quelque chose aujourd'hui ? proposa Faith.

- Non, rien de spécial. Le seul truc que j'avais prévu, c'était creuser du côté de ma mère. Je t'avais bien dit qu'elle est genre, hyper bizarre en ce moment ?

- Oui, tu as dû m'en parler pas moins d'une quinzaine de fois en à peine quelques jours, déclara Faith, sans le moindre reproche dans la voix. La jeune fille savait que Madeline avait tendance à se répéter quand quelque chose la taraudait, elle ne pouvait lui en vouloir.

- Oui, c'est parce que je fréquente trop Mme Rockoff, et je commence à radoter comme une petite vieille, répliqua la jeune capitaine.

Les deux amies rirent de bon coeur, Madeline oublia un instant les problèmes qui l'obnubilaient et Faith retrouva sa bonne humeur, que le marteau lui avait fait perdre. C'est alors que leur commande arriva, apporté par un jeune serveur au teint hâlé et aux cheveux en bataille. Il rappela à Madeline son meilleur ami, qui devait être encore dans les bras de Morphée. La blonde repensa alors à l'attitude Faith lors de l'arrivée d'Ezequiel, la veille au soir. C'était l'occasion ou jamais.

- Dis donc, Faithie ... commença Madeline, du ton le plus naturel qui soit. Est-ce que par hasard, il se passerait quelque chose entre toi et Ezi ?

Faith releva soudainement la tête, et manqua s'étouffer avec sa gorgée de thé glacé. Elle ne put empêcher le rouge de lui monter aux joues, même si elle s'efforçait d'afficher un visage impassible. Elle interrogea ensuite Madeline du regard, l'air de ne pas comprendre sa question.

- Ne fais pas cette tête, tu m'as très bien comprise, insista la jeune capitaine.

- C'est juste que je ne vois pas de quoi tu parles. Tu sais aussi bien que moi qu'il n'y a ABSOLUMENT rien entre nous, répondit Faith en fixant son amie, comme pour mieux la persuader.

- Qu'est-ce qui explique tes regards incessants vers lui, hier soir, alors ? J'avais beau danser, je ne suis pas non plus aveugle. Et encore moins idiote. Rassure-moi, tu te souviens comment il est ? Ezequiel, le tombeur. Le dragueur. Le « je-m'en-fous-des-autres-et-surtout-des-filles-avec-qui-je-sors ». Le gars qui a le nombre le plus grand de copines à son compteur de tous les garçons du lycée. Ezequiel, quoi.

- Je sais déjà très bien tout ça, inutile de me le rappeler. Et je te le répète, il ne se passe rien DU TOUT entre Ezequiel et moi, rétorqua Faith d'un ton agacé.

Madeline sentait la mauvaise humeur reprendre le dessus chez sa meilleure amie, et ne renchérit pas. Elle prit une gorgée de sa menthe à l'eau pour lui indiquer que l'interrogatoire avait pris fin. Si Faith avait à convaincre quelqu'un, c'était d'elle qu'il s'agissait, car Madeline n'était pas dupe. Faith rougissait dès qu'on évoquait Ezequiel, et elle ne pouvait s'empêcher de le regarder du coin de l'oeil lorsqu'il n'était pas loin. Madeline avait un petit copain, elle savait très bien comment une fille sous le charme se comportait.

- Dis-moi, je repense à ton sentiment d'oublier quelque chose, là, déclara Faith. Maddie, tu as bien ramené Khloe chez elle, ce matin ?

La jeune fille avait posé sa question doucement, d'un ton qu'on adresserait généralement à un enfant. Madeline réalisa alors son omission. Khloe. Sa recrue lui était complètement sortie de la tête, et sa sensation d'oubli s'évapora aussitôt. Elle avait mis le doigt dessus. Enfin, Faith l'avait fait.

Cette dernière la regardait avec des yeux interrogateurs, attendant une réponse de la part de sa meilleure amie.

- Euh ... Comment dire ... Disons que j'avais prévu de le faire plus tard, essaya de se rattraper Madeline.

- Tu mens ! l'accusa Faith. Je n'arrive pas à croire que t'ais carrément oublié Khloe. C'est pas comme si c'était un poisson rouge qu'on devait penser à nourrir. Normalement, on ne peut pas omettre de ramener une personne chez elle, qui soit dit en passant, dort dans ton salon. Elle n'est pas assez grande comme ça ?

Faith eut pour seule réponse un regard interloqué. Madeline non plus n'arrivait pas à croire qu'elle avait oublié sa recrue. Elle poussa un léger soupir. Sa rencontre avec Willow l'avait tellement chamboulée qu'elle en oubliait ce qu'elle faisait. Madeline n'avait d'autre choix que de retourner chez elle, et honorer sa promesse de ramener Khloe.

Elle remercia Faith de lui avoir rappeler son devoir, et posa un billet sur la table. C'était à son tour de payer, sa meilleure amie lui rendrait la monnaie plus tard. Elle se dirigea ensuite vers sa Chevrolet, après avoir promis de donner des nouvelles à Faith. Madeline enclencha le contact et démarra en trombe, elle ne voulait pas que Khloe se réveille avant qu'elle ne soit chez elle, ou son amie se rendrait compte que sa capitaine l'avait oubliée.

***

10h30

Arrivée chez elle, elle se rua à l'intérieur et découvrit une scène pour le moins comique. Darryl était assis sur la canapé de droite, le nez toujours dans son quotidien. En face de lui, Khloe dormait comme une masse, sans avoir bougé d'un poil depuis que Madeline l'avait laissée.

- Je t'ai envoyé trois messages pour te prévenir, annonça sobrement son père, sans lever les yeux. Ton téléphone doit être en mode silencieux.

- Euh ... Ouais, je pense.

Madeline fixait son père, qui continuait de lire son article sans paraître le moins du monde choqué qu'une fille qu'il ne connaissait que de nom dorme dans son sofa. Madeline était loin d'avoir imaginé une telle réaction de la part de son paternel.

- Ai-je le droit à une petite explication ? demanda Darryl en daignant la regarder.

- Eh bien ... Khloe ne se sentait pas trop bien hier soir, je l'ai posée là pour qu'elle se repose et puis, elle s'est endormie. Je n'ai pas voulu la réveiller pour la ramener chez elle, hier soir, me disant que je le ferai plutôt ce matin.

- Sauf que tu l'as oubliée, devina sans mal son père.

Madeline s'apprêtait à répliquer la remarque qu'elle avait servie plus tôt à Faith, puis se dit que, tout comme l'avait fait sa meilleure amie, son père n'y croirait pas une seule seconde. Elle lança alors un sourire d'excuse à son père, et entreprit de réveiller son amie. Elle lui tapota la joue, tout en répétant doucement son prénom. Cela ne semblait pas fonctionner. Madeline poussa cette fois l'épaule de Khloe, en l'appelant plus fort. Toujours rien. Soudainement, sans comprendre ce qui se passait, un verre d'eau atterrit sur le visage de Khloe, ce qui eut pour mérite de la faire sursauter. Elle était maintenant parfaitement éveillée. Madeline se retourna, et découvrit son petit frère, un verre vide à la main, tout fier de ce qu'il venait de faire.

- Theo, mais enfin ...

La jeune fille n'eut pas le temps de finir car Khloe commença à vociférer des injures contre celui qui avait osé l'arroser de bon matin. Ce dernier se réfugia dans la cuisine, racontant déjà ses prouesses à sa mère. Derrières les deux filles, Darryl réprimait avec peine un fou rire. Il rencontra alors le regard colérique de Khloe et l'envie lui passa complètement.

- Khloe, je suis désolée pour Theo, tenta Madeline pour la calmer. Allez, ce n'est rien ... C'est juste que je n'arrivais pas à te réveiller et, tu sais, mon frère est encore un gamin, il n'a rien trouver de mieux qu'un peu d'eau.

Khloe s'essuyait tant bien que mal le visage, encore rouge de colère. Son mascara coulait, lui donnant un air de panda rageur. Madeline lui proposa d'aller prendre une douche, c'était le moins qu'elle pouvait faire. Khloe se tourna vers elle, acceptant de bonne grâce de se rafraîchir, même si elle venait tout juste de l'être par Theodore.

***

10h50

Une fois remise de ses émotions et sentant bon la noix de coco, Khloe présenta ses excuses à Theodore pour les insultes qu'elle lui avait lancées, puis auprès des parents de Madeline pour le dérangement occasionné. Ces derniers lui répondirent qu'elle ne les avait pas gênés le moins du monde, et Madeline n'osa pas confier à son amie qu'elle et sa famille en rigolerait de bon coeur un bon bout de temps.

Madeline la raccompagna alors chez elle. Les parents de Khloe n'étaient évidemment pas là, et la jeune cheerleader repartit se coucher, comme si de rien n'était.

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