Vélo si je veux

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Je marchais au bord du fleuve. Il était planté au milieu de la route. Son regard par en dessous a croisé mon regard direct. Je lui ai souri. Son bras a frémi.

C’était un adolescent. Un homme se tenait quelques mètres plus loin, un vélo entre les jambes, un deuxième à la main. Démuni, à moitié résigné, il tentait de garder contenance au passage des promeneurs qui, d’ailleurs, détournaient les yeux de la scène.

Père et fils restaient ainsi, immobiles, depuis un long moment, d’aussi loin que je les avais aperçus depuis le bout de la ligne droite. Le garçon s’est approché à ma rencontre. Son père s’est tendu, sur la défensive. J’ai souri : « Bonjour ». Le jeune n’a pas répondu. Il bavait légèrement. Il ne m’avait plus regardé. Il a pourtant avancé encore. Son père a lancé son nom en forme d’avertissement (pour moi, pour lui ?) :

— Thomas !

Nos corps se sont heurtés, le sien raide et maladroit, le mien l’accueillant pour un hug rapide. Le père nous fixait en essayant de décrypter la situation, cherchant, dans la panoplie de réactions dont il disposait, s’il s’en trouvait une adéquate à adopter. Il semblait autant déconcerté par le comportement de son fils que par le mien.

Thomas avait de nouveau pris racine. L'autre a choisi de s’excuser. Il argumentait dans l’espoir de décider son enfant à remonter en selle. Fort, d’une voix sentencieuse. S'en acquittait-il pour la galerie ? Avait-il jamais réussi à trouver le bon ton  ? Il manquait de conviction :

— Thomas, pourquoi tu m’as fait sortir les vélos si c’est pour rouler seulement deux cents mètres ? Je ne peux pas ramener les deux vélos, tu vois bien. Allez viens, on rentre. Sois gentil, maman va nous attendre. Thomas, ça suffit maintenant. Je n’irais plus me promener avec toi, si tu n’obéis pas.

Et Thomas ne bougeait pas. Il dissimulait, derrière le manque d’expression dû à son handicap, l’air buté d’un petit garçon de trois ans rétif à l’autorité. J’ai cru comprendre soudain que je représentais un public qui renforçait les positions des protagonistes de ce bras de fer. Je me suis donc remise en route, en souhaitant bon courage, avec un clin d’œil complice, au père désemparé. À Thomas, qui n’avait plus cherché à établir le moindre contact visuel depuis notre collision, j'ai demandé :

— C’est bien le vélo avec son papa, non ?

Je pense que je l’ai vu sourire.

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