Chapitre 10 : Battement d'ailes

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Une peur sourde résonne en moi. Je suis terrifiée. Je crains de me retourner. J'ai peur d'affronter ce pour quoi je ne devais pas échouer. Je respire profondément, le front collé contre le métal froid de la porte. Je me décide et me retourne pour faire face à une petite pièce agréable. Je suis choquée d'avoir droit à une chambre au lieu d'une cellule. Je ne sais pas si je dois me sentir rassurée. Un lit occupe la majeure partie du lieu, une table de nuit est coincée entre un pan du mur et la couchette. Une tenue est disposée sur le matelas. Et pour finir, il y a une étagère contenant plusieurs livres sur l'astronomie. Je suis complètement perdue. Pourquoi me fournir des habits si c'est pour m'exécuter ? Qu'est-ce qui se passe ?

Les heures, ou en tout cas c'est l'impression que j'ai, défilent sans que personne soit venu me voir. Je ne tiens pas en place et je suis incapable de me divertir avec un bouquin. Je veux savoir. Même si je suis terrifiée, attendre avec cette incertitude va me rendre folle. J'ai toujours détesté être enfermée. Petite, je pleurais toutes les larmes de mon corps, en suppliant ma mère de laisser la porte entrouverte. La solitude m'effrayait. Soudain, je perçois un bruit. Je porte mon attention sur la sortie. Le loquet se tourne et Jace fait son apparition. Il inspecte la chambre puis son regard se pose sur moi, assis au bord de mon lit. Je n'émets aucun mot. Inutile de me trahir plus qu'il ne faut.

– Je vois que tu n'as toujours rien compris quand tu te trouves en présence d'un haut gradé.

Bien qu'effrayée, une onde de colère se diffuse en moi. "Tu es lieutenant, pas commandant, non plus", je pense fort. Pour éviter les ennuis, je me lève doucement pour faire face à mon supérieur. Celui-ci est bien plus grand que moi, sa carrure carrée et musclée m'impressionne sans le vouloir. Mais le plus terrifiant ce sont ses yeux bleus. Ils provoquent une forme... d'électricité statique dans l'air. Il semble peu aisé de lire en lui. Mais sa moue affligée m'indique que je ne suis pas dans ses petits papiers. Tant pis, je ne suis pas là pour lui plaire. Jace interrompt notre échange, en me demandant de me vêtir avec les habits posés sur le lit, car quelqu'un va venir me chercher.

– Pour aller où ? je ne peux m'empêcher de questionner.

– Sur Kapt, officier Taylor. C'est bientôt l'heure de décoller.

Mon estomac se tord subitement. Comment ça ? Décoller ? C'est quoi ce bordel ? C'est impossible que je parte maintenant ! Aujourd'hui ! Je ne suis pas prête.... je n'ai pas... Louis. L'image de son visage d'ange me pousse dans une colère noire.

– C'est hors de question ! Je ne pars pas sans dire adieu à mes proches ! Ça vous amuse de piéger les gens ! Ça t'excite, peut-être ?! Je veux rentrer. Je veux voir mon frère. Il ne sait pas que je dois partir. J'ai besoin de le voir, je finis par crier.

Je suis hors de moi. Je suis au bord de la crise de nerfs. Mes yeux sont humides, mais il est hors de question que ce foutu dictateur voit une once de mes larmes. Je me jette alors sur Jace ! Mon corps a perdu conscience de toute morale. La rage qui vit en moi ne peut être canalisée. Et je ne veux pas qu'elle le soit. Alors que mes poings sont à deux centimètres de son corps, celui-ci me les emprisonne et me retourne avec violence. Je suis dos à lui, mes bras coincés entre lui et moi. Des larmes trop longtemps repoussées glissent sur mes joues.

– Je veux voir mon... mon frère, je murmure entre deux hoquets.

Je sens Jace diminuer la pression de ses mains sur mon poignet. Et finit par relâcher son emprise. Je n'ai plus la force d'en profiter. Je veux juste que tout ça soit un cauchemar. Seulement un mauvais rêve.

– Je suis désolé. Mais c'est le règlement. Il stipule que le candidat ne doit en aucun cas pouvoir être affecté par des personnes extérieures entre le test de vérité et l'embarquement à bord de Kapt. Une personne viendra te chercher pour t'amener en salle de décontamination avant le décollage. Me lance-t-il d'un ton professionnel.

Puis il sort un écran de sa besace.

– Tiens. Dis au revoir à tes proches. Et prépare-toi.

Jace est parti, et je me retrouve en pleurs avec la tablette holographique dans les mains. Comment suis-je censée dire adieu à la personne que j'aime le plus en ce monde ? Comment expliquer que je fais ça pour lui ? Que je l'abandonne pour qu'il puisse vivre ?

Mais je ne dois pas abandonner la seule façon pour moi de lui dire au revoir. Même si je ne suis pas certaine qu'il recevra cet enregistrement.

J'appuie alors sur l'écran, une femme élégante s'affiche en 4 D dans la pièce, juste au-dessus de mon lit.

Je me rappelle la première fois que j'ai utilisé un écran holographique. J'avais six ans. Et je voulais à tout prix passer ma main dans les beaux cheveux bruns de l'IA. Ce que je me souviens, ensuite, c'est mes pleurs. Croire que quelque chose d'irréel pouvait être réel avait été une profonde déception.

L'IA me présente le mode d'utilisation. Mais je ne l'écoute que d'une oreille. Je suis toujours en train de chercher les mots justes. Les mots qui auront un sens. Mais je ne suis pas sure qu'il existe des mots pour dire adieu. Ou je n'ai jamais réussi à les trouver.

– Vous pouvez dès lors enregistrer votre message en braquant l'écran sur votre visage. Quand vous aurez terminé, il vous suffira de prononcer de manière intelligible « communication terminée ».

L'IA féminine s'efface. Je prends une grande respiration pour détendre mes muscles et diminuer la pression qui s'accumule dans mon cœur. C'est parti Ali, sois forte.

– Coucou Louis... bonhomme.

Je retiens de justesse mes larmes.

— Je sais que je t'avais promis de ne pas partir, de rester auprès de toi. Mais, je ne peux pas, mon cœur. Je n'ai pas le choix. C'est sûrement difficile pour toi de comprendre pour quelles raisons je pars, mais je fais ça pour nous. Pour toi, pour que tu puisses avoir une vie où tu seras heureux. Je veux tellement que tu sois épanoui, bonhomme. Je veux que tu puisses courir sans avoir peur d'être poursuivi, que tu puisses connaître l'amour sans avoir peur de le perdre, je veux que tu réalises tes rêves et que tu aies l'espoir d'en avoir d'autres. Je veux que tu saches que je t'aime, je t'aimerai toujours Louis. Et je suis persuadée que nous allons nous revoir... On devra patienter. Mais je suis ta sœur Louis. Et tu es ma seule famille. Les gens qu'on aime ne sont jamais loin. Quand tu regarderas le ciel, je le regarderai aussi. Tu ne me verras pas, mais je penserai toujours à toi, à nous, à maman et papa. Alors grandis en pensant que le monde a encore beaucoup à t'offrir. Tu es ma lumière Louis, tu seras toujours ma lumière dans cette obscurité. Et comme un papillon, je reviendrais à tes côtés. Comme disait souvent maman, je serais toujours à un battement d'ailes de toi. Ne doute jamais de nous, Louis. Jamais. Je t'aime petit frère... comme il n'est pas permis d'aimer. À bientôt...

Je fixe l'écran noir, qui répercute mon visage. Je vois mes yeux tristes, noyés de larmes. Je vois mon visage contracté par la douleur. Et avec le dernier sursaut de courage, j'énonce clairement :

– Communication terminée.

Des larmes coulent sur mes pommettes. Je ne peux pas les arrêter. J'ai dit adieu à Louis, de la plus horrible des manières. Et rien que pour ça, je me déteste.

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