Chapitre 11 : Cette ombre

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Il y a du sang partout autour de moi. Il est mort. Et je reste là sans bouger. Je dois prévenir quelqu'un. Il le faut. Pourtant mes jambes sont clouées au sol. L'ombre à côté de moi m'en empêche...

Deux ans plus tard

Je suis accoudée au rebord du hublot. Je regarde le vide qui s'étend à perte de vue, sous mes petits yeux fatigués. Je crois que je ne m'habituerai jamais à cette vue. C'est immense. Infini. Moi qui pensais qu'il n'y aurait aucune couleur, si ce n'est le noir. Mais je me trompais. Lourdement. Suivant, où l'on se trouve, des teintes qui ferait jalouser l'arc-en-ciel s'offre à moi. Ce nouveau système solaire est sublime. Différent, mais sublime. J'aperçois au loin une nébuleuse. Je n'en ai vu aucune au sein de notre système, mais ici, la matière est en fusion, ça bouillonne de vie. Et bien qu'elle se trouve à des millions de kilomètres (heureusement pour nous), la lumière se refète à travers l'espace. Cette fois-ci, c'est une nébuleuse à émission. Un nuage de gaz et de poussière. Ce que j'ai appris par mes différents livres d'astronomie, c'est que cette explosion de rose, de bleu, de vert et de jaune résulte de la lumière des étoiles chaudes. Depuis que je suis ici, c'est à dire deux ans et trois mois, je suis avide de comprendre les mystères de ce qui se joue autour de moi. Mais l'univers, l'espace, la galaxie, le système solaire restent très flou. Mon cerveau à des difficultés à comprendre la symbiose des molécules et les calculs savants de la gravité. Mais je ne peux m'empêcher de me questionner, et d'y chercher des réponses.

L'Homme s'est toujours demandé quelle est la taille de l'univers. Depuis ces deux ans, je peux croire que c'est sans fin. De temps en temps, j'ai même le vertige en pensant à ce qu'il reste à découvrir. Aujourd'hui, j'apprécie sa beauté. Il en est parfois différemment. Certains jours j'ai cette sensation d'étouffement qui ne me quitte pas. Comme si j'étais prisonnière. Pourtant le vaisseau est grand. Tellement immense que je continue de m'y perdre si je ne fais pas attention. La première fois que je suis montée à bord, je n'avais pas les idées très claires, j'enrageais. Mais j'ai bien dû admettre que l'Homme, avec les derniers moyens qui lui restait, a construit ce que jamais les anciennes générations n'auraient pu imaginer ; un vaisseau de la taille d'une grande cité !

Soudain, je ressens une vibration contre mon tibia. Je regarde autour de moi, pour être sûre que Kloé et Elizabeth ne sont pas dans le coin. Vivre à trois peut avoir ses inconvénients. Mais si c'était à refaire, je recommencerais. Elles sont de véritables piliers pour ma santé mentale. Je remercie la politique de Kapt, sur ce coup-là, pour nous avoir laissé le droit de choisir nos partenaires de chambres.

Ne percevant aucun bruit dans le couloir. Je me lève et soulève le bas de mon pantalon. Une espèce de minuscule bipeur avec écran se retrouve au creux de ma paume. Je déteste avoir ça sur moi. J'ai toujours l'impression d'être observée. Pour m'éviter ce sentiment, je le laisse sous mon matelas. Ce n'est pas une solution, mais c'est tout ce que j'ai trouvé.

Je fixe l'écran noir. Je saisis le code pin : 917 643. L'écran s'allume et un message apparait :

« Trouve les coordonnées d'atterrissage, regarde salle de contrôle. Pas prendre. L. va bien. Détruis-le. »

Mes muscles se détendent, Louis se porte bien. J'ai toujours peur de voir afficher des mots qui déclareraient tout le contraire. J'aimerais avoir un message de sa part, mais en deux ans, je n'ai jamais rien reçu. J'ai peur que ce soit lui, qui refuse de me parler. Rien qu'à cette idée, mon estomac est tout retourné. Il faut que j'arrête de me faire du mal, je ne peux rien y changer pour le moment. Et j'ai d'autres plans qui m'attendent.

Je lis le message une seconde fois avant de l'effacer. Je réfléchis à cette nouvelle mission donnée par la résistance. Elle se trouve être bien plus difficile. Auparavant, je devais seulement transmettre notre position, le nombre de personnes sur le vaisseau, des descriptions de notre nouvelle galaxie. Que des informations qui étaient assez simples d'accès, surtout pour une personne comme moi faisant partie de la sécurité. Aujourd'hui, c'est une autre paire de manches. Et je sens qu'elles vont rester retroussées pendant un long moment.

Il faut que je m'active. Il est 7 h. L'heure d'embaucher. Comment le sais-je ? L'horloge face à moi. Car à l'extérieur, il n'existe aucune notion de temps. La galaxie ne connait pas les heures, seulement la lumière.

Je sors de mon dortoir et longe les couloirs de l'aile ouest, d'un blanc éclatant. Tout est toujours clean ici. Le vaisseau doit être entretenu par une armée de maniaque du ménage. Je ne vois pas d'autres explications. Tout en me dirigeant vers la salle de réunion de mon secteur, je repense à ma mission. Je fais comment pour trouver ces coordonnées ? En salle de contrôle, les officiers ne peuvent pas y accéder. Je vais devoir trouver un plan carré pour ne pas me faire choper.

Arrivée devant le local, qui fait office de réunion, pour le service de protection, je prends une profonde inspiration. Je tente de me vider la tête. C'est un rituel qui n'a de cesse de se répéter depuis maintenant six mois. Six mois...

Il faut que je me concentre, je ne peux pas être toujours à flux tendu, quand je suis en sa présence. Pour rompre cet état de frayeur, je redresse le buste, ferme mon visage à toutes émotions et entre enfin dans la salle.

Il y a foule ce matin. Tous les officiers et les deux lieutenants sont présents. La salle prévue pour une vingtaine de personnes succombe sous nos trente-cinq corps. Bien sûr, je suis en retard. Je vais surement m'attirer des regards furieux de Jace. Mais contre toute attente, celui-ci m'adresse un sourire crispé. Je tente de le lui rendre, mais l'ombre derrière lui me provoque des frissons de dégout et de peur. Je reporte alors mon attention ailleurs, afin de reprendre la maitrise de mon pouls.

— Si je comprends bien, nous n'avons toujours aucune piste. Nada. Rien. C'est quand même incroyable. On est enfermés dans l'espace, toutes les salles sont équipées de caméra. Et, on n'a toujours pas retrouvé Jacob Whide. Je veux une explication ! Les gens commencent à s'interroger sur notre capacité à régler un problème. Alors, trouvez-moi quelque chose ! Putain de merde !

Tandis que le lieutenant de l'aile Sud-Est nous remonte les bretelles, je garde le visage baissé. Je ne supporte plus cette situation. Je ne supporte plus de mentir. Mais ai-je le choix ? Bien sûr que non. Si je devais dire la vérité, on m'éjecterait dans l'espace. Sans même réfléchir, on me tuerait.

La salle finit par se vider et je suis la foule pour me diriger vers Jace. Trop préoccupée, je n'ai même pas entendu mes ordres de mission.

Celui-ci m'a attendu à la sortie.

— Ali... encore en retard. Que s'est-il passé cette fois ? me questionne-t-il, avec son regard suspicieux.

— Rien d'important.

— Tu sais que tu peux me parler. Je sens bien que t'es préoccupée.

— T'en fais pas. Je vais bien. J'ai juste besoin d'avoir mon planning pour la semaine.

— Ali ?

— Sérieusement, Jace.

— Ok, comme tu veux. Tu peux disposer alors, me dit-il, en me tendant mon planning.

Je hoche rapidement la tête. Et file le plus vite possible sans demander mon reste. Je ne supporte plus de lui mentir. J'ai l'impression qu'il peut lire en moi, et ça m'est désagréable. Je sais qu'il s'inquiète. Que malgré ce qu'il s'est passé entre nous, il tient à moi ! Mais je ne peux pas lui faire confiance. C'est peut-être pour cela que notre relation était vouée à l'échec. Nous étions plus doués pour nous détester que pour nous aimer. Et dans un couple, il me semble que c'est l'amour qui doit gagner. Nous, nous avons perdu. Lamentablement échoués. Jace malgré toutes mes aversions du début, est quelqu'un de bien. Il a vécu son lot de douleurs, ce qui le rend froid parfois. Souvent. Mais j'ai appris à connaitre cet homme. Difficilement. Mais j'ai réussi. Seulement, Jace a une part sombre en lui. Une partie que je n'ai jamais comprise. Et cela me terrifiait. L'intimité n'était pas faite pour nous. Et l'histoire s'est terminée. Comme ça. En une nuit. Nous nous sommes disputés, battus et frappés même. C'était horrible à vivre. Ce soir-là nous sommes allés trop loin. L'un comme l'autre. Chacun, avec sa propre rage, son propre conflit. C'était il y a un an maintenant. Et pourtant, cela est toujours ancré en moi. Comme une marque indélébile. Comme une plaie qui ne se serait jamais vraiment refermée.

Je cesse de penser à cette histoire. Je dois être concentrée. Stratège. Ne pas me laisser influencer.

Je décide de retourner dans ma chambre pour me rafraîchir, avant de commencer ma ronde habituelle. Seulement, un attroupement s'est créé dans le couloir des vingt dortoirs. Je pousse mes camarades de paliers, pour me diriger vers mon "chez moi". Khloé est à l'entrée. Son visage est crispé. Ce qui est plutôt inhabituel chez elle.

— Que se passe-t-il ?

Passer la porte, je n'ai pas besoin de réponse. Pourtant, Kloé me répond :

— Inspection générale de la chambre.

Je suis livide...

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