Chapitre 7 : Révélation

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J'ai mal. Terriblement mal. La douleur se propage de derrière mon crâne à mon bassin. Mais le plus terrible c'est que je suis complètement perdue.

Que s'est-il passé ? Pourquoi ai-je si mal ?

J'ouvre un œil. Tout est flou. Tout est en mouvement. Je le referme.

J'attends une respiration. Une présence.

Je ne comprends rien, mais je sais qu'il faut que je me réveille. Il le faut !

Je rouvre les yeux. Je dois patienter plusieurs minutes avant de commencer à voir les détails du plafond au-dessus de moi. Je me relève. Mais une douleur derrière la tête me coupe alors la respiration. Je retombe comme une poupée molle sur le lit.

— Doucement, petite.

Je ne reconnais pas cette voix féminine. Je tourne la tête afin de voir d'où elle provient. La femme de la jeep, celle qui nous a « sauvés », m'adresse un sourire. Elle se lève de son siège, ses cheveux blonds parsemés de mèches roses retombent sur son visage.

— Tu es enfin réveillée ! Mais n'y va pas trop fort, tu as plusieurs blessures, d'accord ? continue la mystérieuse inconnue.

— Où suis-je ? Je parviens à articuler. Ma bouche demeure sèche. J'ai l'impression d'avoir inhalé un trop-plein de poussière.

— Tu es en sécurité. Je vais t'aider à te relever. Mais si tu souffres trop, on arrêtera. Ok ? Je murmure un oui.

Après des efforts douloureux me voilà assise dans une pièce aseptisée. Les murs peints de blancs et le sol recouvert de la même manière donnent la sensation d'être enfermée dans un cube. Mes yeux errent à travers le local. Je suis complètement perdue. Mes pensées ont du mal à se frayer un chemin jusqu'à mon cerveau.

— Bonjour, je me présente Adriana Yale. Me déclare-t-elle avec un sourire sincère. Son rictus a beau paraître rassurant, je me sens incapable de lui retourner le moindre signe amical. Je n'ai qu'une idée en tête, la seule qui réussit à ordonner mes pensées. La seule.

— Où est mon petit frère ? je tonne durement. Ma voix se répercute, comme un écho, à travers cette pièce ornée simplement d'un lit et d'une armoire médicale. Mais je me fous de paraître vindicative. À vrai dire, je me fous de savoir comment elle s'appelle et de savoir où je suis. Je veux juste voir Louis. C'est la seule chose qui m'importe. Je pose alors mes pieds au sol. Le carrelage froid provoque des frissons dans tout mon corps. Je flanche plusieurs fois avant d'être stable. Je me dirige vers l'unique porte de la pièce. Mon obsession première reste de trouver Louis. Le reste attendra. Je parviens à attraper la poignée. Sans prévenir, mes jambes lâchent et je me retrouve à genoux sur le sol. Un sursaut de douleur se réveille dans mon bassin. L'image de l'homme me donnant... Non, je ne dois pas penser à ça. Pas maintenant. Je me punis mentalement de n'être pas assez concentrée. Soudain, deux bras tatoués de symbole énigmatique passent sous mes aisselles.

— Reste tranquille. Ton frère, Louis va bien. Je vais t'emmener le voir. Mais tu dois t'asseoir. Je sens les bras d'Adriana passer derrière mon dos et me trainer comme si je ne pesais pas grand-chose, sur un fauteuil roulant. J'éprouve un certain soulagement à être assise. Ma mâchoire se décontracte progressivement. Je ne m'étais pas aperçu, d'avoir serré les dents aussi fort. Marcher était bien trop douloureux. La femme se met à pousser ma chaise et me déplace à travers un couloir de brique rouge. Quelques fenêtres me permettent de voir que dehors il fait jour. Combien de temps ai-je été inconsciente ? Une boule dans ma gorge se forme. Je m'inquiète pour Louis, et la route me menant à lui semble interminable. De plus, le corridor est vide. Il n'y a personne. Seul le bruit des roues sur le carrelage résonne. Je reste silencieuse. Noyée dans les souvenirs. C'est peut-être un cauchemar. Peut-être que j'ai tout imaginé. Peut-être que quand je rentrerai à la maison, maman m'attendra sur le perron. Perdue dans mes pensées utopiques, voire morbides, je ne m'aperçois que bien plus tard que le fauteuil s'est arrêté. Je regarde alors autour de moi. C'est une petite pièce avec des vitres tout autour. Mes yeux balayent la salle. Et là se trouve Louis. Il joue avec un autre enfant. De multiples jouets d'enfants se situent au centre de la pièce. Il ne m'a pas remarquée. Je profite de quelques secondes pour regarder sa petite bouille. Mais je ne résiste pas longtemps et je l'appelle. Il se retourne. Et il fend le local pour atterrir dans mes bras. Une sensation de chaleur envahit progressivement mon corps. Quel bien, de l'avoir contre moi. C'est décidé, je ne m'en sépare plus jamais.

– Ali, elle est où maman ? me questionne Louis, les yeux larmoyants, en se détachant de mes bras.

Une douleur profonde m'assaille au ventre. L'entendre demander par Louis me rappelle encore plus vivement les événements de l'autre soirée. Qu'est-ce que je peux lui dire ? Comment expliquer à un enfant, qui n'a pas connu son père, que sa mère n'est plus de ce monde ?

– Bonhomme... Louis, tu es grand maintenant et je sais que tu ne veux pas que je te mente. Je prends une profonde inspiration espérant que cela me donne la force d'aller au bout de cette conversation. Je vais démolir le cœur pur et enfantin de mon frère aujourd'hui. Rien qu'à cette idée, j'ai l'envie de vomir. Deux inspirations. Tu sais quand tu t'es caché ? Il hoche la tête. Il y avait un monsieur qui voulait nous faire du mal. Et il... il... Mince ! Je suis en train de pleurer. Ce n'était pas dans mes plans. Il faut que je reste forte pour Louis. C'est lui l'enfant et moi je dois être une adulte. Trois inspirations. Je reprends difficilement :

– Il a fait du mal à maman. Et elle... elle est partie. Elle n'est plus là. Je murmure à son oreille.

Il me regarde, et je ne sais pas ce qui se joue dans sa petite tête. Ses yeux sont braqués sur les miens. Puis un sourire fend son visage d'enfant.

– Elle est partie où Ali ? On pourra bientôt la voir ? me demande-t-il plein d'espoir.

Quelle conne Ali ! Pourquoi ai-je eu besoin de lâcher le mot, partir ? Mais prononcer le terme « mourir » rend les choses si réelles. Malgré tout, je lui dois la vérité. Quoiqu'il m'en coute. Le plus triste c'est que je vais briser ses derniers espoirs et je me déteste pour cela.

– Non mon cœur. Elle ne reviendra pas. Je parviens à prononcer entre deux sanglots. Elle est... Elle est... je ferme les yeux quelques secondes. Puis je les rouvre et regarde Louis dans les yeux. Quatrième inspiration. Maman est morte, Louis. Elle est avec papa.

Il me fixe durant ce qui me semble être des heures. Aucune larme ne coule sur son visage. Je reste pétrifiée, prête à le consoler. Mais aucune émotion ne se peint sur son visage. Il demeure de marbre. Je me demande s'il a saisi le sens de mes mots. Des souvenirs de Louis surgissent devant mes yeux. Je me rappelle qu'il demandait souvent pourquoi papa ne rentrait pas à la maison. Il ne comprenait pas vraiment que mourir voulait dire ne jamais revenir. Durant des années, il pensait que par sa pensée magique d'enfant, il pourrait refaire venir papa.

– Je peux aller jouer avec mon copain ?

– Oui, bien sûr. Va t'amuser. Je lui réponds en ne sachant plus très bien ce qui se trotte dans sa petite tête. Peut-être que c'est trop pour lui et qu'il mettra du temps à comprendre ce que cela veut vraiment dire. Je ne suis pas sure, moi-même, de le réaliser.

Louis partit au fond de la salle, je tourne ma tête en direction d'Adriana.

– Qui êtes-vous ? je riposte.

– Nous allons tout t'expliquer, je te le promets. Mais nous ne te voulons aucun mal. À toi comme à Louis.

– Nous ? Qui c'est ce nous ? Je crache. Je me rends compte que je suis légèrement vindicative. Mais je m'en fiche. Je ne comprends rien. Pourquoi ma mère est-elle morte ? Pourquoi ce monstre voulait-il nous tuer ? Pourquoi cette femme nous a-t-elle sauvés ? Trop de questions bouillonnent en moi et une sombre et froide rage gronde à l'intérieur de mes entrailles. J'ai besoin de réponses. C'est tout ce dont j'aspire pour le moment. De vérité.

– Je vais t'emmener voir une personne qui t'expliquera tout. Absolument tout. Je te le promets. Tu permets ? Elle pose sa main tatouée sur une des anses du fauteuil, attendant mon accord pour me pousser hors de la pièce.

Je regarde Louis. Il continue de jouer avec un enfant que je suppose avoir son âge. Un vrai combat se joue dans ma tête. Dois-je réellement suivre cette femme ? Je suis angoissée de laisser mon petit frère ici alors que je ne connais pas ces gens. Je dévisage de nouveau Adriana, son petit sourire compatissant me rassure légèrement.

– Ok ! j'abdique. Mais je veux tout savoir. Je veux savoir qui a... tué ma mère. Elle hoche la tête d'une manière entendue. Puis je me sens pousser, encore une fois, à travers les couloirs du bâtiment. Et plus le trajet défile plus ma rage, persiste.

Quelques minutes plus tard, je suis installée dans une pièce chaleureuse face à une table où une assiette remplie de nourriture n'attend plus que moi. Mais je n'ai pas faim. Rien qu'imaginer mastiquer ce bout de poulet me donne envie de vomir. Je prends cependant le verre d'eau et j'avale d'une gorgée le liquide. Cela a le mérite d'apaiser ma gorge sèche et douloureuse. Adriana m'a dit d'attendre dans cette pièce, et qu'une personne viendra tout m'expliquer. Je me sens mal à l'aise. Je ne peux m'empêcher de penser : et si c'est un piège. Et s'ils voulaient me tuer. Mais la part rationnelle en moi se dit qu'ils auraient pu le faire quand j'étais inconsciente. Pas de suite du moins. D'un coup, je vois la porte s'ouvrir, et laisser apparaitre un homme grand et élancé. De fines lunettes sont posées sur le bout de son nez et ses bras sont envahis de tatouages. J'observe son visage scrupuleusement. Il ne sourit pas, mais son regard est chaleureux. Bizarrement, il me dit quelque chose, mais je ne parviens pas à mettre le doigt dessus. Ses yeux sont animés par je ne sais pas trop quoi. Mais une aura de mystère et à la fois de leader émerge de sa posture. Il s'assoit face à moi tout en gardant ses yeux plantés dans les miens.

- Bonjour Ali. Je trouve ça bizarre qu'il connaisse le diminutif de mon prénom. C'est un surnom que m'a donné Louis petit quand il avait des difficultés à prononcer le son "se" d'Alison. Et comme je n'ai jamais apprécié ce prénom, j'ai décidé qu'Ali serait mon nom.

– Je suis Emanuel Brings.

Mes yeux le regardent encore plus intensément. Je n'arrive pas à y croire. C'est impossible ! Je ne peux pas croire que je me trouve face à un des leaders du groupe terroriste. Ma respiration s'accélère. Il faut que je parte d'ici avec Louis. De suite. Ces gens sont des tueurs. Ils n'hésitent pas à tuer des centaines de personnes. Je suis sure que c'est eux qui ont assassiné ma mère. Un sentiment de haine s'anime en moi. Je parviens de justesse à réfréner mon envie de sauter par dessus la table pour l'étrangler.

– Calme-toi Ali. Tout va bien. Nous ne te voulons aucun mal.

– Vous êtes un terroriste ! je parviens à cracher au visage de cet Emanuel.

– Le terme terroriste est un peu fort, ne trouves-tu pas ? Je préfère le mot résistant. Après tout, c'est ce que nous faisons, nous résistons à l'oppresseur. Et puis terroriste est un bien gros mot, il me semble. Tu savais qu'il provient du latin « terror », qui signifie terrifier. Si tu apprenais à nous connaître tu verrais que notre but n'est pas de terrifier, mais bien plus de conscientiser la population. Ses yeux s'attardent sur la table. Tu n'as rien avalé. Mange, un peu, veux-tu ? reprend-il.

Je regarde mon assiette. Je suis sidérée, ce mec vient de me faire l'étymologie du mot terroriste. Mais étymologie ou pas, c'est un tueur. Je balance alors l'assiette posée devant moi à travers la pièce. Elle vient s'écraser sur un des murs. Je me lève de mon fauteuil. C'est douloureux, mais l'adrénaline qui coule dans mes veines me donne de la force. Je parviens jusqu'à la porte. Je tourne alors la poignée. Je suis presque partie.

– Ali. Tu es libre de t'en aller. Relève Emmanuel. Très bien, c'est ce que je comptais faire. Et je n'avais pas l'intention d'attendre son autorisation.

– Mais tu ne seras jamais qui a tué TES parents.

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