• Dites moi, Monnier, c'est qui ce gugusse ?
• Lequel, Commissaire ?
• Celui qui squatte dans votre bureau, Monnier ! Le barbu qui chiale comme une Madeleine de Proust, agenouillé comme certains prient sur un tapis persan.
• Ah, lui ? C'est rien, un pauvre type que j'ai ramassé sur les quais. Il voulait se jeter dans la Seine.
• Si c'est pas malheureux, Monnier, de vouloir se foutre en l'air pour une histoire de bonne-femme !
• Ah mais non, Commissaire, vous n'y êtes pas du tout ! Mahomet n'a pas de meuf. Il pleure parce que personne n'a compris le message qu'il a voulu faire passer...
• Sur Twitter ou sur Facebook ?
• Je ne sais pas, Commissaire, il dit qu'il avait pourtant laissé des consignes très claires, qu'il en avait même parlé à sa bande de potes, et qu'ils avaient pris des notes. Les disciples qu'il les appelle...
• Vous êtes sûr, Monnier, qu'il n'aurait pas plutôt un coup dans le nez, votre bonhomme ?
• Mahomet ? Non, c'est pas le genre. C'est même contraire à sa religion.
• Allons bon ! Et Mahomet comment d'abord ?
• Juste Mahomet. Il n'a pas voulu m'en dire plus.
• M'enfin, Monnier, vous n'avez pas songé à lui demander une pièce d'identité ?
• Il n'en a pas, Commissaire. Il est apatride.
• Il nous manquait plus que ça, Monnier, un sans-papier ! Bon, écoutez, on va le laisser se calmer tout seul parce que le divisionnaire s'impatiente. Il faut dire aussi qu'il y a trois illuminés qui sèment la terreur dans Paris, et au nom de leur religion paraît-il !

Les sanglots de Mahomet redoublèrent alors d'intensité en entendant ma dernière phrase.

• Non mais je vous jure, Monnier, parfois je vous envie...
• Mais de quoi donc, Commissaire?
• De ne plus croire en rien, Monnier, de ne plus croire en rien...