1950 USA Caroline du Sud

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Etats-Unis, Caroline du Sud, 1960


Allie était étudiante au lycée de Fairview, en dernière année d'études. Ce jour là, elle se leva groggie, elle avait trop fait la fête la veille et un peu trop abusé de l'alcool. Tout était vague et ne subsistait qu'un douloureux mal de tête et une nausée persistante.


Elle espérait ne pas avoir fait de bêtises. Son petit ami ne lui pardonnerait pas d'autant plus qu'il détestait ce genre de soirées et accessoirement ses amies aussi. Il trouvait qu'elles avaient une mauvaise influence sur elle et ne se lassait pas de les traiter de tous les noms d'oiseaux possibles, pour rester poli. Il essayait de les séparer, elle s'en rendait bien compte mais elle l'aimait... et elle ne pouvait pas tourner le dos à ses amies pour autant.


Elles étaient toutes liées par un secret mais ça, elle avait juré de ne jamais en parler. Elle ne se doutait pas un seul instant que c'était ce secret qui allait tout déclencher.


Pour le moment, elle se leva, s'habilla rapidement pour passer plus de temps à cacher ses cernes et son visage pâle avec du fond de teint. Satisfaite du résultat, elle enfila sa veste et sortit rejoindre son petit ami qui l'attendait en bas. L'avantage d'être logée sur le lycée était de pouvoir se lever le plus tard possible, sans avoir de transport à prendre, pour aller en cours.


Son cher petit ami et son meilleur ami, qui avait toujours été là pour elle, depuis leur plus tendre enfance. Il avait été présent pour le meilleur et surtout le pire. Car sa vie n'avait pas été simple, loin de là. Elle avait d'abord perdu sa soeur jumelle à la naissance. Elle s'appelait Thalia et elle n'avait eu qu'une seule minute de vie. Il ne restait d'elle que son bracelet d'hôpital, trois photos et un tombeau, une magnifique tombe ornée d'un petit ange. Elle savait au fond d'elle-même que Thalia veillait sur elle, du paradis où elle se trouvait. Elle était son ange gardien. Sa grand-mère lui avait offert un médaillon, deux coeurs entrelacés en mémoire de sa soeur, qu'elle portait constamment autour de son cou.

Puis ce furent ses parents, la seule fois où il la laissait pour partir en vacances à Paris, qui périrent dans un accident d'avion. Leurs corps ne furent jamais retrouvés, les cercueils étaient vides. Elle fut confiée à sa grand-mère maternelle qui l'aima et la protégea tout au long de ses merveilleuses années, avant qu'elle ne parte un soir d'été tous les rejoindre au Paradis. A seize ans, elle s'était retrouvé seule, sans aucune famille, abandonnée. Elle avait pensé un temps aller les rejoindre mais sa grand-mère ne l'aurait pas voulu, Thalia qui n'avait pas eu la chance de vivre, n'aurait pas voulu cela.

Alors avec l'aide de Pierre, elle surmonta tous ses malheurs, apprit à vivre au jour le jour, profiter de chaque instant, de tout ce que que la vie avait à lui offrir.


Ce matin là, il lui avait apporté son petit déjeuner, café ,avec une pointe de lait, bien chaud, croissant et pain au chocolat, qu'il allait chercher dans la boulangerie française à proximité du lycée. Elle adorait cet endroit qui lui rappelait ses origines, sa mère venait d'un petit village dans le sud de la France. Elle était partie comme jeune fille au pair à l'âge de dix-neuf ans à Boston et n'en était jamais repartie. Elle avait épousé le fils de la famille d'accueil et avait vécu le rêve américain. Mais qui avait duré si peu de temps.

Allie secoua la tête pour chasser ses pensées négatives, se renconcentrant sur le présent. Elle avait tout juste le temps de grignoter avant d'entamer les cours. Elle embrassa tendrement Pierre, le remerciant. Ils partirent ainsi tous les deux vers le bâtiment central, où se déroulaient les cours. C'était là qu'ils se séparaient, Pierre, était aussi en dernière année d'études mais dans une autre classe, plus scientifique alors qu'elle se trouvait avec les littéraires. Ils se connaissaient depuis l'âge de six ans, il vivait à coté de chez sa grand-mère. Ils étaient allés à l'école ensemble, s'étaient suivis tout au long de leur scolarité, se battant pour la première place du podium. Avant de la laisser, il la tint un moment dans ses bras, savourant l'instant présent.

La matinée passa assez vite, avec un cours très intéressant. Elle allait se rendre à la cafétéria avec Chloé et Maria lorsque tout commença.


Ce fut d'abord un mouvement de foule, puis des cris, suivis de coups de feu. L'impensable venait de se produire, dans ce lycée pourtant si calme. Elles arrivèrent à arrêter un étudiant, lui demandant ce qu'il se passait.

  • Il y a eu des coups de feu tirés dans la cafétéria, au rez de chaussée. Ils sont quatre, répartis dans toute la partie centrale du lycée. Il vous faut fuir, ils ne laissent aucune chance, ils abattent tous ceux sur leur chemin.

  • Qui sont-ils ? Demanda Chloé, tout en étant bousculée par une élève en sang.

  • Je ne sais pas, ils sont masqués. Il ne faut pas traîner ici.

  • Oui, mais par où aller ? s'ils sont en rez de chaussée. Dans les étages, nous n'avons pas d'issue. Se lamenta Maria, mais elle avait entièrement raison.


Tout en disant cela, ils entendirent la sonnerie d'alerte. Ils devaient se réfugier quelque part, les coups de feu se rapprochaient peu à peu. Ils forçaient les étudiants à se réfugier dans les étages, sachant qu'ils n'avaient pas d'échappatoire.

  • Très bien, vous allez me suivire, nous allons nous barricader dans une des salles de classe. Au fait je m'appelle Sean.

  • Maria, Allie et Chloé.

  • Très bien, nous allons essayer de rassembler le plus de monde possible. A plusieurs, on a plus de chance de s'en sortir.


Ce faisant, ils rassemblèrent tous les élèves encore présents au troisième étage dans le grand amphithéâtre où se déroulait les éternels et ennuyeux discours du Directeur, où s'étaient réfugiés aussi les autres professeurs. Ils barricadèrent la porte et les sorties de secours avec tout ce qu'il pouvait trouver, tables, chaises, cartons de livres...


Les coups de feu, les hurlements, tout ce bruit était assourdissant. Puis ce fut le silence.


Un instant, ils crurent être sauvés.


Mais c'est alors qu'une immense explosion se fit entendre, balayant tout sur son passage. Les sièges et pupitres furent projetés sur l'estrade tandis que ne subsistait de la porte qu'un trou béant. Un homme s'avança, le visage masqué et ricana, les voyant terrorisés. Pas après pas, il abattit tous ceux qui essayaient de fuir et ceux cachés sous les sièges. Il n'y avait pas d'échappatoire possible. Les deux autres homme arrivèrent par la suite, relevant les derniers survivants.

Ils étaient cinq en tout, Maria, Allie, Chloé, Sean et un professeur de lettres Madame Lindman. Persuadés qu'ils allaient mourir, ils se préparèrent, en rang devant leur bourreau. Pourtant rien ne se passa. Il leur intima l'ordre de bouger et suivis par ses deux autres comparses, leur demanda de monter sur le toit, au cinquième étage. Les escaliers étaient libres, pour leur plus grand malheur. Le quatrième homme s'occupait de parlementer au rez de chaussée avec la police.


Arrivés sur le toit, les trois hommes enlevèrent leur cagoule et Maria ne put s'empêcher de lâcher un cri de stupeur. Elles les connaissaient tous les trois. Ainsi rien n'était du au hasard, même pas la date.


A cet instant précis, elles surent qu'elles étaient perdues et leur secret certainement dévoilé au monde entier.

  • Nous revoila tous ensemble, comme il y a un an, en cette date anniversaire, commença Jack, ne les quittant pas un seul instant du regard. Sauf que cette fois, vous êtes à ma merci. Je veux connaître enfin la vérité, ce que vous avez fait à ma soeur !

  • Je ne sais pas de quoi tu parles Jack, répondit Maria mais Allie soupçonnait qu'il connaisse la vérité. On faisait pas un tel acte sans en connaître tous les aboutissants. Il n'aurait jamais fait cela sans connaître toute la vérité sur la mort absurde et tragique de sa soeur.

  • Ta soeur s'est noyée, tu le sais bien, dit néanmoins Allie, tentant le tout pour le tout.

  • Ça c 'est la version officielle, mais nous savons tous ici présents que ce n'est pas vrai. Vous êtes toutes responsables de sa mort !

  • Quel rapport avec Sean ?, demanda alors Chloé, Nous ne le connaissons même pas.

  • Mais qui vous a dit que Sean était concerné ?


D'un coup, tout devint clair : elles étaient tombées dans un piège. Sean avait pour mission de les rechercher et de rester avec elles le temps que les autres le rejoignent. Elles étaient perdues, restaient juste à savoir quelle sentence allait choisir leurs bourreaux. Car c'était un tribunal : Jack, Joshua et Ethan étaient les frères de Missie et celui qui était en bas devait être leur meilleur ami, complètement fou et psychopathe, Brian le cinglé.


  • Je veux savoir comment ma soeur est morte, c'est tout ce que je vous demande, la vérité.

  • Et après tu nous tueras, n'est-ce pas ? Fallait-il tuer tous ces pauvres innocents ? Demanda Chloé, en larmes.

  • Innocents ! Innocents ! Comment peux-tu dire une chose pareille ! Vous êtes tous coupables, tous ! Car vous tous pouviez vous rendre compte de ce qu'elle vivait et vous n'avez rien fait ! Personne n'a réagi ! Elle a vécu un véritable calvaire et vous n'avez rien fait !

  • Tu ne sais même pas de quoi tu parles ! S'exclama Allie

  • Oh que si, je ne le sais que trop bien. Vois-tu, après sa mort, j'ai retrouvé ses carnets intimes, que vous n'avez pas eu le temps de cacher ou de faire disparaître. Tout était noté, dans les moindres détails.Tout, vous comprenez ? Y compris les noms de ses tortionnaires, les noms de tous ceux qui ont refusé de l'aider. Vous ne la connaissiez pas ! C'était une jeune fille extrêmement fragile et vous avez fini par la briser. Jamais je ne pourrais vous pardonner, jamais.

  • Et vous, alors, qui êtes ses frères, vous n'avez rien vu ? Vous non plus n'avez rien fait pour l'aider ! Vous auriez pu faire quelque chose aussi.

  • Nous ne savions pas ! Jamais nous n'aurions cru... Jamais je n'aurai pu penser...

  • Vous êtes aussi fautifs que nous ! Continua dans sa lancée Allie très en colère.

  • Oh non, non. Ce n'est pas nous qui l'avons poussé à se noyer.

  • C'est ce que tu crois ? Que nous l'avons noyé ?

  • Maria l'a fait, parla alors Sean pour la première fois, j'étais présent ce soir là. Je vous ai vu arriver au bord du lac, Missie semblait complètement bourrée alors qu'elle ne buvait jamais. Vous vous êtes amusées à la balancer plusieurs fois dans l'eau, là où elle avait encore pied. Je t'ai entendu Allie demander aux deux autres d'arrêter, de la laisser tranquille mais cela te faisait bien rire quand même. Tu t'es alors disputée avec Chloé et Maria a amené Missie sur le ponton, pendant que vous aviez une discussion très animée un peu plus loin. Maria a poussé Missie depuis le ponton, là où elle n'aurait pas pied. Elle le savait très bien, c'était un meurtre.

  • C'était un accident ! J'étais aussi bourrée qu'elle, je voulais juste m'amuser, je n'ai pas pensé à mal, expliqua Maria, sous le regard stupéfait des deux autres.

  • Maria, tu nous avais dit qu'elle avait sauté ! S'exclama Allie, horrifiée de ce qu'elle venait d'entendre. Tu nous avais dit que c'était un suicide !

  • J'ai menti, d'accord ? Je l'ai poussé un peu trop fort et elle est tombée, voilà ! Y a pas de quoi en faire toute une histoire, c'était un accident!


- Un accident ? un simple accident ? Ce n'est pas ce que j'ai vu. Tu l'as poussé ! s'exclama Sean, hors de lui. Vous auriez pu l'aider mais vous n'avez rien fait ! Vous l'avez harcelé pendant toute cette année de malheur, meurtrie son âme si fragile. Elle ne vous avait jamais rien fait ! Elle était si gentille, si modeste, tout ce que vous semblez toutes détestés par dessus tout !

- Bien qu'allez vous faire à présent ? les narga Maria, de son air hautain malgré les circonstances plus que tragiques dans lesquelles elles se trouvaient embarquées.

- Tu n'as donc aucun remord ?Tu es vraiment une personne sans coeur, s'exclama Jack, approuvé par les trois autres. Ne sais tu donc pas que notre vie a été détruite par la disparition de notre soeur bien aimée ? Cela a commencé par notre père, qui aimait d'un amour fou sa fille unique, son joyau, sa perle précieuse comme il aimait l'appeler. Il s'est tout simplement laissé mourir, jour après jour, sans manger, sans boire, à rester assis dans son fauteuil meurtri au plus profond de son âme serrant contre son coeur la poupée préférée de notre soeur. Sais tu ce que ça a été d'être à l'enterrement, de voir ce cercueil blanc descendre dans ce trou si sombre sous les hurlements de douleur de nos parents, sans personne autour de nous ? Comme si nous étions tous des pestiférés et c'était ce que nous étions à vos yeux et rien d'autre. Personne du lycée ne s'est déplacé. Ma mère nous a quitté deux mois après, soit disant d'un accident de voiture mais je n'y crois pas trop. Pour moi, elle a foncé droit dans ce platane en bord de route. C'était un suicide et elle nous a abandonné. Comment pouvez-vous ne pas vous venger après cela, surtout après ce que nous a appris Sean ? Et surtout après avoir lu son journal intime. Nous sommes fautifs aussi d'une certaine façon car nous n'avons rien vu, ne sous sommes rendu compte de rien. Missie a été violée à maintes reprises par un de ses professeurs. C'est pour ça qu'elle était si malheureuse, si pleine de rancoeur et de douleur. Et vous qui vous moquiez de ses rondeurs, de son teint si pâle, de ses vêtements noirs... Elle a tellement souffert, vous n'imaginez même pas à quel point... Maintenant il est grand temps que vengeance soit faîte.


Jack attrapa Maria par les bras, l'obligeant à se positionner sur le bord du toit. Ils pouvaient entendre les cris d'horreur des policiers, pompiers et élèves qui se trouvaient encore en bas. Ils savaient qu'il ne leur restait que de temps pour accomplir ce qu'ils avaient à faire.

- Regarde bien, ils vont tous te voir mourir et tous sauront très vite que ce tu as fait. J'ai intégré un programme informatique qui va diffuser à tous les médias l'histoire de Missie. Pour qu'elle ne soit jamais oubliée.

Il la retint un instant, profitant de l'instant puis la poussa sous les cris horrifiés des spectateurs impuissants. Il y eut un grand bruit lorsqu'elle heurta le sol avec violence. Il se tourna alors vers Chloé mais Allie ne pouvait pas le laisser faire, pas en sachant.

- Chloé n'est pour rien dans tout ça ! laissez la, je vous en prie.

- Vous étiez toutes là et vous n'avez rien fait. Vous êtes aussi coupables que Maria.


Il attrapa alors Chloé, qui n'arrivait même pas à respirer sous le coup de la terreur. Un étrange reflet fit tourner la tête trente secondes d'Allie et elle les vit : les policiers étaient sur le toit mais il était trop tard. Elle était déjà à deux doigts d'être projeté dans le vide.


Allie ne réfléchit pas, seul l'instinct la guida. Elle se jeta sur Jack, l'entraînant avec elle dans sa chute tandis que les policiers tiraient sur les trois autres.


Chloé s'écroula à terre, ne réalisant pas ce qu'il venait de se passer. Sa meilleure amie venait de lui sauver la vie, au détriment de la sienne. Elle se mit à sangloter, se tenant le ventre, où poussait son futur enfant. Allie le savait, elle le lui avait dit dès que le test de grossesse s'était révélé positif. Elle l'avait sauvé pour le bébé et elle ne pourrait jamais assez la remercier pour cela. Toute sa vie, elle vivrait avec ce poids, savoir qu'une personne avait sacrifié sa vie pour en sauver deux autres.


Elle ne voulait pas voir les corps de ses amies, aussi, elle s'éloigna, aidée par les pompiers, fermant les yeux une fois arrivés sur la place centrale. Elle entendait les cris, les sanglots et une voix en particulier. Mon Dieu, faîtes qu'il ne l'ait pas vu tomber... Un instant alors, elle ouvrit les yeux et observa le visage ravagé de Pierre tandis que les policiers recouvraient le corps meurtri de sa petite amie d'un drap blanc, qui se teinta aussitôt de rouge. Le spectacle était insoutenable. Et le pire n'avait pas encore été totalement découvert. Car dans la mort, ils leur réservaient encore une dernière surprise.


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