45 – Tsadir : La plume et l’épée

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L’entrepôt est resté éteint : seule la lumière provenant de l’entrée et celle des lampes des conspirateurs éclairent la pièce. Les caisses suspendues dans les airs projettent des ombres particulièrement denses et même Alice parvient à s’approcher d’eux sans se faire remarquer. Avec sa combinaison de camouflage, la samouraï se place si près du groupe qu’elle pourrait presque les frapper de sa lame sans avoir à se déplacer.

L’approche d’Alice se révèle aussi surprenante. Faisant irruption brutalement, elle accuse le faux Joshua : « Tiens donc ! Je venais pour que tu arrêtes ces fichus messages et je me disais que tu faisais un peu de contrebande ici… Mais en fait, t’es un vrai traître ! ».

Donnart se révolte et incendie l’imposteur : « Quels messages ? Qu’est-ce que tu as fait Josh ?

– Je ne sais pas de quoi elle parle, mais on va effectivement envoyer quelqu’un dans le vide aujourd’hui, se défend Joshua.

– Tu es vraiment un traître « Joshua »… Et pas vraiment finaud en plus, surenchérit-elle. Dire que si tu n’avais pas passé tout ce temps à m’envoyer ces insultes…

– Qu’est-ce que tu as fait ? », hurle Alexander. À la surprise de Tsadir, Alice se montre très douée pour exploiter la situation. L’assassin du Mona Lisa fixe Joshua avec haine. Les deux onusiens qui l’aidaient à se préparer semblent eux aussi pris d’un doute.

L’imposteur tente de se défendre et va pour agresser physiquement Alice, mais l’un des soldats le retient et lui demande : « C’est quoi ces conneries ? Comment elle est rentrée ici ?

– Je ne sais pas, mais on doit s’en débarrasser !

– Vous me donnerez une combinaison à moi aussi ? Où vous ne vous embêterez pas à me mentir ? », lance Alice sarcastiquement. Donnart la regarde et la wardner lit la peur et la colère dans son regard.

Tentant de se reprendre, Joshua lance d’une voix autoritaire : « Ça suffit ! On la bute et on suit le plan.

– Non, se révolte Alexander, tu vas d’abord nous expliquer comment elle nous a trouvés. Et pourquoi tu as compromis notre opération en envoyant ces hommes attaquer le centre de sécurité pour me récupérer ?

– Je… Je ne sais pas, mais je peux t’assurer qu’elle va crever ! s’énerve l’imposteur.

– Lui, il a déjà essayé, nargue Alice en rappelant l’échec d’Alexander.

– Passe-moi ton arme… ordonne Joshua à l’un des deux soldats.

– Tu croyais vraiment pouvoir sortir de la station avec ta combinaison en espérant qu’un vaisseau te récupère ? Tu penses vraiment qu’une navette peut faire une halte à proximité sans se faire remarquer ? Et puis, franchement, à part moi, qui sait vraiment préparer une combinaison ici ? assène Alice froidement.

– On savait pas, lance l’un des onusiens. On pensait vraiment qu’il y avait un vaisseau pour te récupérer.

– Mais merde ! Vous n’allez pas vous faire avoir par cette chieuse ! Je suis à la division d’ingénierie spatiale ! Bien sûr que je sais préparer une combinaison et oui, le Xavier Brown est déjà en route pour te récupérer. Elle va nous faire rater la fenêtre de rendez-vous !

– On devra la buter dans tous les cas. », fait remarquer l’onusien resté silencieux jusque-là.

L’homme dégaine son arme. Le logiciel de combat de Tsadir s’active d’un coup et le temps semble s’immobiliser. Ouvrant son manteau, elle fait jaillir son katana. Dans le mouvement la lame passe à travers le pistolet de l’onusien comme s’il n’était fait que de papier.

Sous cette échelle de temps, la lame semble avoir l’inertie d’un poids lourd et Tsadir en dévie lentement la trajectoire. Les premières centaines de millisecondes sont passées et les deux soldats commencent à peine à réagir, encore inconscients de la nature de l’évènement.

La lame dont le fil s’est reconstitué redescend vers l’arme du second soldat. D’un puissant coup de pied en pleine tête, Tsadir prend appui sur Alexander pour s’avancer vers Joshua. Le katana traverse l’arme qui pointait Alice, emportant au passage quelques doigts du soldat. Continuant sur sa rotation, la samouraï s’arrête d’un coup de talon sur le plastron du premier soldat. Les corps commencent à dériver et les logiciels probabilistes de Tsadir prédisent déjà le chaos à venir.

Derrière elle, le premier soldat a eu le réflexe de dégainer une grenade shock. Empoignant Joshua, elle se glisse derrière et l’emporte dans son élan. La grenade vole dans les airs sur une trajectoire rectiligne. De ses deux pieds, elle repousse Joshua dessus et lorsque l’arme se déclenche, le corps de l’homme bloque tout le champ. Le flash violet illumine brièvement la salle et Joshua est pris de quelques convulsions. Visiblement, les trois autres ont aussi été pris dans le champ d’effet.

De son côté, Alice a eu le réflexe d’essayer de se mettre à couvert, mais non préparée aux combats en apesanteur, elle ne fait que dériver à la recherche d’une prise. Tsadir rengaine son arme et d’une pression de la main au plafond, elle dérive près de la cadette et l’aide à se stabiliser en la félicitant : « Eh bien. Tu es surprenante Alice.

– Merci, heureusement que tu étais là… Sinon, je pense que j’y passais.

– J’en reviens pas ! réalise la samouraï. Ils nous ont même donné le nom d’un de leurs vaisseaux et on a même des éléments pour suspecter cette Martha.

– Ils ont été bien plus bavards que je ne le pensais, se défend-elle modestement. Mais du coup, si c’est un de leurs alliés qui prend la situation en main, on est mal non ?

– Ne t’en fais pas, recentre Tsadir. Je vais les attacher. Va chercher de quoi panser celui-là. J’y suis allé trop à ras.

– Je fonce. », confirme la cadette en se dirigeant vers la sortie pour aller chercher un medikit.

Malgré l’obscurité déchirée par les faisceaux des lampes, Tsadir fouille les hommes, aidée de ses implants oculaires. La vision monochromatique lui permet de discerner les détails des hommes. À part leurs armes de poings et une grenade shock, ils ne transportaient pas d’autres armes. En revanche, leurs links, et surtout leur contenu, seront très intéressants. Et celui de ce Joshua plus que tout.

Sans surprise en revanche, Alexander ne possède rien. À moitié dans sa combinaison, il est littéralement en slip avec, pour seul autre vêtement, le gilet de tubes de régulation thermique.

Le temps de les entraver avec les serre-câbles des onusiens, Alice revient avec une mallette d’urgence médicale. L’ouvrant avec soin, elle en sort un désinfectant et des bandages auto-refermants. Pour commencer, la cadette utilise la petite paire de ciseaux pour découper le gant et en libérer les membres estropiés. Elle applique ensuite les soins sur la main de l’homme. Il a perdu les deux dernières phalanges de son index et une partie de l’articulation du majeur.

Ces morceaux flottent désormais dans la pièce, quelque part, à moins qu’ils ne se soient collés à une surface par la tension de surface du sang… Tsadir les recherche avec ses yeux perçant et l’assistance de son link intégré. Sur l’une des caisses, elle en aperçoit un qui dérive. Son link tient note de sa trajectoire. Et l’autre morceau s’est coincé dans le filet. Attrapant une pochette vide du kit médical, Tsadir les collecte.

De son côté, Alice démontre la pertinence de sa formation en appliquant avec précision les pansements. L’opération terminée, elle range les éléments surnuméraires à leur emplacement. Quant à ce qui a touché le sang ou le tissu du gant : ils finissent dans une pochette plastifiée que la cadette place soigneusement dans la mallette médicale en demandant : « Tu n’aurais pas vu les morceaux qui manquent ? Ils pourraient lui greffer à l’infirmerie. Ce serait mieux qu’un remplacement cybernétique… ».

Tsadir lui montre le sachet et le lui tend. Alice rouvre la mallette et le range avec précautions dedans.

La samouraï attrape l’un des plus grands containers et le vide de son contenu : une bonne centaine de serviettes blanches empaquetée dans une dizaine de filets. Le caisson vidé, elle y glisse les deux soldats. Avant de le refermer, elle pratique deux ouvertures sur le côté pour y laisser passer l’air à l’aide de l’une de ses lames intégrées aux poignets. Réitérant l’opération avec un autre container, elle « range » Joshua et Alexander dedans.

Alice l’observe un instant puis lui demande : « On va en faire quoi maintenant ?

– On va les transporter sur l’Akasha, explique Tsadir, le temps que le capitaine soit de nouveau aux commandes.

– Et on ne fait rien pour cette Martha ? proteste Alice.

– Oh, si, mais pas immédiatement, la rassure-t-elle. Avant, il faut lui retirer la possibilité de passer ces hommes-là sous silence.

– Ok, concède la cadette. On va comment à l’Akasha sans se faire prendre par la sécurité ?

– Je m’en occupe ! », assure Tsadir qui commence à pousser l’un des containers vers l’entrée.

C’est une bonne prise et la situation va évoluer beaucoup plus vite que ce que la wardner pouvait espérer.

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