43 – Tsadir : Poussières et cambouis

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Comme l’atteste les nombreuses cales sèches, Otessa Orbitals est avant tout un chantier spatial, l’un des plus grands de Sol6, seulement dépassé par ceux de la Lune. De nombreuses équipes y travaillent en permanence et depuis l’annonce du secrétaire général de l’ONU, l’activité n’y a probablement fait que croître.

Arrivée devant le chantier C-3, Tsadir aperçoit une patrouille de l’ONU qui semble entourer un technicien. Deux des agents semblent l’interroger tandis que le troisième se tient en retrait et surveille les alentours. Alors que Tsadir s’approche, l’homme dans son uniforme bleu fait signe à l’un des deux autres. Ce dernier se retourne et interpelle Tsadir : « Désolé, mais cette section est temporairement fermée aux civils. Veuillez revenir plus tard.

– Ça tombe bien je ne suis pas une civile, réplique-t-elle. Tsadir, Solar Wardner. Que se passe-t-il ici ?

– Cela ne vous concerne pas ! Veuillez circuler. », ordonne l’agent.

Tsadir incline légèrement la tête sur le côté et fixe l’homme dans les yeux avant répéter : « Que se passe-t-il ici ?

– C’est un contrôle de sécurité ! Vous n’avez rien à faire ici : on n‘est pas dans vos saloperies de colonies, l’insulte-t-il.

– L’ONU a signé le traité qui me permet de vous demander ce qui se passe et qui vous oblige à répondre. Par ailleurs, vous n’affichez pas votre matricule. C’est une infraction grave. Je vous repose une dernière fois la question : que se passe-t-il ici ?

– Vous vous cherchez les ennuis ! fait remarquer l’onusien plein de colère.

– C’est probable : mon métier demande de remuer les choses, ajoute-t-elle avec une voix froide. Et s’il vous passait l’idée de m’attaquer, réfléchissez-y à deux fois.

– Ce sont des menaces ? l’agresse-t-il.

– C’est un constat : vous êtes en infraction. Vous faites quoi ici ? De l’intimidation ? De l’extorsion ? », dénonce-t-elle sur une voix calme, le souffle maîtrisé par son IA de supervision.

Sa main effleure ostensiblement la poignée de son katana : un signal qu’elle espère assez fort pour les décourager de faire n’importe quoi. L’effet semble fonctionner, comme paralysés, les onusiens ne bougent plus. Le technicien, une femme en fait, ouvre grands ses yeux, comme si elle hallucinait.

Brisant l’état de suspension, elle reprend d’une voix plus autoritaire sans pour autant hausser le ton : « Vous savez-quoi. Tirez-vous. Et si je vous recroise sans vos matricules ou si vous refaites obstruction à mon enquête, je ne serais pas aussi permissive. »

Le chef de la bande fulmine, mais ses deux collègues finissent par le convaincre de partir. Une fois les gardiens de la paix hors de portée, la technicienne tente de s’éclipser, mais Tsadir l’interroge à son tour : « Bon, ils vous voulaient quoi ?

– Je ne sais pas, ment maladroitement la femme.

– Comment vous appelez-vous ? demande Tsadir.

– Kim Bun’Ki, madame, répond la femme en s’enveloppant d’un ton formel. Je suis juste une technicienne.

– Ce n’est pas exact, conteste Tsadir. Mais ça fera l’affaire. J’ai besoin de quelqu’un pour un conseil technique à bord du vaisseau qui m’a amené ici. Et, appelle-moi, Tsadir, pas madame.

– D’accord mada… Tsadir. », accepte-t-elle en la suivant.

Les deux femmes se dirigent vers l’Akasha. Échangeant des banalités, Tsadir lance son logiciel de langage informel et rapidement, il commence à se synchroniser avec celui de l’espion d’Aesir. Ceci semble rassurer un peu la femme sur son réel statut.

Arrivées dans le sas, Tsadir fait signe à l’avatar de l’IA de bord : « Akasha, est-ce que Feyn est à bord ?

– Oui, Tsadir, répond l’être éthéré. Veux-tu que je le prévienne de votre arrivée ?

– Je veux bien, confirme la wardner. Voici Kim, la technicienne dont on nous a parlé.

– Je lance le cycle du sas, faites attentions à vos bras et jambes », prévient Akasha alors que l’écoutille derrière elles se ferme.

Plus décontractée, Kim semble se détendre et sourit à Tsadir. Profitant de l’intimité de l’appareil colonial, elle lui avoue : « Je ne sais pas si ton intervention est une bonne ou une mauvaise chose. D’un côté, il est très probable que ma couverture soit tombée, de l’autre, si ce n’était pas le cas, c’est fait désormais.

– À vrai, dire je n’avais aucune idée de qui tu étais, mais le comportement de ces soldats appelait à être un peu recadré, ironise Tsadir. Tu as une idée de ce qui se passe ?

– Une faction des colonies qui se fait appeler les Dragons de Neutrons a commencé à infiltrer Otessa. Ils ont réussi à corrompre quelques agents de l’ONU pour effectuer un peu de contrebande. Mais je n’ai pas encore réussi à identifier qui que ce soit. Visiblement mes tentatives d’en savoir plus ont attiré l’attention sur moi.

– Les Dragons de Neutrons, intervient Feyn. C’étaient pas les types qui avaient revendiqué l’attentat de Meerk avant de se rétracter et d’être décrédibilisé ?

– Si, confirme Kim. En vrai, nos services de renseignement les ont fait se rétracter et Aen s’est chargée de les tuer diplomatiquement.

– Mais, ils sont encore opérationnels ?

– Ils sont sur Mercure depuis bien avant le Meerk. Et, autant te dire, je n’aime pas ça.

– Si ça vous dit, on peut aller discuter de tout ça au mess, plutôt que dans le sas. », propose le raton laveur dans l’uniforme bleu et blanc de Suan.

Le mess : « La meilleure pièce du vaisseau », explique-t-il en plaisantant. Il leur indique l’une des deux tables pour s’y asseoir.

Il est ironique de voir que siéger sur une chaise en apesanteur est parfois moins confortable que de rester au repos dans l’espace. Sans la gravité pour vous replier les jambes vers le bas, elles ont tendance à rester droite. Les chaises du mess de l’Akasha disposent d’une tige souple en dessous des pieds pour les y glisser, les retenant en place. Une petite sangle, semblable à une petite ceinture de sécurité ventrale vous maintient alors sur le siège. Le dispositif peut sembler contraignant, mais pouvoir utiliser ses deux mains sans risquer de dériver est finalement appréciable. Avec le temps, Tsadir s’est habituée à ce processus et Feyn en utilise même une variante plus contraignante dans l’atelier pour lui permettre de mettre plus de force si nécessaire.

Une fois tout le monde installé, Tsadir reprend : « Donc, nous avons un problème avec ce groupe. A-t-on une idée de leurs moyens ?

– Nos éclaireurs ont repéré une flotte de combat d’une douzaine d’appareils dans le système de Mercure, indique Kim. Nous avons demandé des renforts, mais ils ne seront pas là avant plusieurs jours. Et même là…

– Une bataille dans l’espace onusien serait vraiment un problème, considère Tsadir. Surtout s’ils ont des défecteurs de l’ONU dans leurs rangs.

– Oui, mais nous n’avons pas repéré d’autres vaisseaux que celui que nous avons intercepté lors de la récupération du Mona Lisa, objecte l’espionne d’Aesir.

– D’après le message posthume laissé par le général Simh, trois frégates onusiennes ont probablement fait défection. Il nous en manque deux, fait remarquer Feyn.

– Il faut qu’on parvienne à révéler les membres de ce groupe à bord d’Otessa Orbitals, expose Tsadir.

– Comment ? demande Feyn.

– Je pense faire un appât suffisant, explique Kim.

– Vous seriez en danger, non ? conteste le raton laveur.

– J’ai des sauvegardes, je connais les risques et j’ai une cyber-samouraï lourdement armée avec moi, explique l’espionne. Ça ira.

– Lourdement armée ? demande le commandant avec suspicion.

– Même les onusiens qui m’ont coincée savaient qu’ils n’auraient eu aucune chance contre elle, expose Kim.

– Ok, je veux bien le croire.

– Commandant, un message urgent du Capitaine Jordan, intervient Akasha.

– Passe-le-nous. », ordonne Feyn.

L’avatar du capitaine provenant visiblement de la caméra d’un terminal fixe apparaît au milieu de la table. Il se tient le ventre et une tache de sang est clairement visible. Il leur explique la situation rapidement : « Commandant, j’ai été trahi par deux de mes hommes. Ils ont libéré Donnart. Mes hommes sont à la recherche des mutins et du prisonnier, mais nous ne savons pas où ils sont en ce moment. Soyez prudents ! ».

Difficile de faire plus explicite comme message.

Alice… Elle est en danger !

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