41 – Tsadir : Fibre de carbone

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Après le départ de Feyn et Alice, Tsadir est retournée à l’infirmerie, veiller sur son prisonnier. Alexander Donnart est un homme en apparence banal, mais sa musculature indique qu’il s’est longuement entraîné et qu’il a certainement utilisé des drogues pour compenser les effets de l’absence de gravité. En dehors de cette particularité, rien : pas d’implant, pas de modification…

Une dizaine de minutes après le départ du commandant, Akasha prévient Tsadir : « Tsadir : des soldats approchent du tube de connexion.

– Merci Akasha, je m’en occupe. », confirme-t-elle.

Désormais parfaitement habituée à la disposition des lieux, la samouraï fonce à travers les coursives et gagne l’écoutille de sortie. De l’autre côté, des soldats portant l’uniforme bleu de l’ONU, commencent à traverser l’origami géant servant d’accès au vaisseau. Elle lance le cycle du sas et se prépare à les recevoir.

De ce qu’elle voit à travers la caméra de la connexion, il s’agit d’un gradé accompagné de quatre soldats. Lorsque l’écoutille externe s’ouvre, elle accueille l’équipe : « Bonjour, je suis Tsadir, vous devez être le Capitaine Jordan ?

– Oui, et ce sont mes hommes, atteste le gradé. Nous venons récupérer le traître pour le mettre aux arrêts et le préparer au jugement qu’il mérite.

– Très bien, confirme la samouraï. Suivez-moi. Nous l’avons installé dans l’infirmerie et maintenu sous sédatif.

– Il est dangereux ? demande l’une des femmes de l’escorte.

– Si on prend en compte le nombre de morts dont il est responsable, certainement, déclare Tsadir. Il a aussi tenté de s’en prendre à la cadette Noterger pendant sa convalescence. C’est depuis ce moment qu’on l’a maintenu en hibernation.

– Est-ce que vous avez essayé de l’interroger ? demande Jordan.

– Oui, mais je n’ai rien obtenu. », déplore Tsadir.

Le groupe pénètre dans l’infirmerie et deux des hommes se placent au fond pour encadrer le suspect. Une mesure de sécurité qui paraît convenable compte tenu du peu d’information dont disposent ces hommes. Le capitaine demande des entraves à l’un de ses hommes et s’approche d’Alexander. Tsadir se positionne en face, de l’autre côté de la table.

« Je le détache de la table quand vous voulez Capitaine Jordan, prévient Tsadir.

– Faites donc. », commande l’homme.

La samouraï donne le signal à l’IA de bord et les entraves de la table se dégagent, libérant les bras et les jambes du criminel. Elle retire ensuite le masque respiratoire, qui lui injectait un air modifié pour le maintenir inconscient, et recule d’une longueur de bras pour laisser les onusiens faire leur travail.

Les deux soldats du fond se saisissent de l’homme sans ménagement et lui passent les bras dans le dos pendant que le capitaine y attache une paire de menotte en carbone. Ils réitèrent l’opération pour lui entraver les jambes avec un dispositif similaire aux chevilles. Toujours inconscient, Donnart est emporté par deux des onusiens. Tsadir les accompagne en silence hors de l’infirmerie.

De retour hors de l’appareil, le capitaine demande à la wardner : « Nous allons le conduire au centre de sécurité de la station. Est-ce que vous voudriez nous accompagner ? J’ai de nombreuses questions pour vous et je pense pouvoir vous apporter quelques informations en contrepartie.

– Avec plaisir, accepte-t-elle. Et puis, ça me permettra d’être certaine qu’il arrive jusqu’à sa cellule. J’aime avoir l’esprit libre de tout doute.

– Alors c’est entendu ! », conclu le capitaine en faisant signe à ses hommes d’avancer.

Le groupe remonte la coursive menant au quai numéro cinq et atterri dans une grande coursive en anneau. L’espace ouvert rend le transit des marchandises et cargaisons beaucoup plus aisé et visiblement l’un des vaisseaux voisins est en train d’être chargé de grands containers bleus marqués de l’emblème des Nations Unies.

Les onusiens la conduisent à travers le dédale de la station : de nombreux panneaux sont placés aux différents embranchements, mais de l’aveu même des soldats qui l’accompagnent, les suivre ne fait pas toujours passer par le plus court chemin. En revanche, difficile d’être complètement perdu.

Sur les plans, le centre de sécurité est un grand module cylindrique, situé juste « au-dessus » du port spatial. Par les chemins qu’ils ont empruntés, Tsadir constate qu’il est peu probable qu’on puisse passer du port au reste de la station sans y passer. À l’entrée, les trois soldats semblent halluciner lorsqu’ils la voient approcher avec ses sabres à la ceinture. Le capitaine leur adresse un simple signe de main, et tous trois retournent à leur discussion.

Une fois à l’intérieur, ils se dirigent d’abord vers les cellules. Y accéder donne l’impression de traverser un labyrinthe et la wardner suspecte que ce soit l’effet recherché. Après une fouille rapide, Donnart, encore inconscient, y est placé. Détaché, il est « rangé » dans le hamac de la pièce avec les deux rabats qui passent par-dessus les bras pour l’empêcher de dériver dans la minuscule pièce.

Ceci fait, Jordan assure à Tsadir : « Croyez-moi, il n’est pas près d’en sortir libre… ». Il l’invite ensuite à gagner son bureau pour discuter et échanger quelques bons procédés. Son escorte se disperse et disparaît dans les méandres du complexe.

Par comparaison au reste de la station, le poste de travail du capitaine est particulièrement luxueux et offre un espace généreux et suffisamment isolé pour permettre à l’homme de tenir des réunions sensibles.

L’invitant à prendre place sur l’un des sièges devant elle, Jordan commence à lui donner quelques explications : « Si le général Simh avait choisi de rejoindre la colonie Tolkien, c’est parce qu’il y a plusieurs alliés et amis. En partant d’ici, sa mission aurait été plus compliquée : comme c’est la principale zone d’échange de Mercure, nous voyons passer des centaines et des centaines de personnes tous les jours et, dans ces conditions, difficile d’avoir une confiance totale. À sa place j’aurais fait pareil.

– Vous avez une idée de ce qui a valu la mort du général ? demande Tsadir.

– Pas précisément, déplore le capitaine. Je sais qu’il avait commencé à faire un inventaire de notre armement. Il est possible qu’il y ait des gens qui ont piqué dans la caisse. Vous savez, beaucoup de nos hommes partent pour Mercure sans être complètement volontaires. D’autres se rendent compte que ça ne va pas le faire à mi-chemin.

– Qui gère la flotte ici ? s’interroge Tsadir.

– Vous pensez que des vaisseaux ont été détournés ? déduit le capitaine.

– Dans le message qu’il a laissé, il parle de trois frégates disparues, précise Tsadir. On ne vous a pas transmis cette pièce du rapport ?

– Non… Et je n’aime pas ça, confirme-t-il. Il y a d’autres choses que je pourrais avoir raté ?

– Rien qui me vienne en particulier, c’était l’essentiel de son message, défausse Tsadir. Ah, si, sa mission sur Mercure a été commanditée par le secrétaire général lui-même.

– Vous avez des détails sur sa mission ? tente-t-il de savoir.

– Seulement ce qui était dans son message, résume la wardner. Vous voulez que je vous le transfère ?

– Je veux bien, s’il vous plaît. », demande Jordan alors qu’il se retourne pour attraper une carte de données accrochée à une sorte de sphère velue.

Il la tend à Tsadir qui s’en empare et la connecte à son propre link. Elle dépose une copie complète du rapport de Feyn dessus et rend le support de données à l’onusien. Ce dernier la passe sur son terminal et récupère les précieux fichiers.

Après avoir planté la carte dans la boule, qui représente le globe terrestre, le capitaine reprend : « Merci, j’étudierais tout ça et je mènerais ma propre enquête pour comprendre pourquoi on ne m’a pas transmis cet élément. Mais dites-moi, qu’est-ce qui vous amène sur Mercure ? D’habitude les Solar Wardners ne se préoccupent pas des affaires terriennes.

– Après l’attentat du Meerk, en plus de l’enquête propre à l’incident, nous vérifions que les colonies n’essaient pas de tirer profit de la situation à vos dépens, explique Tsadir. J’ai été affectée à Mercure.

– Et vous avez découvert beaucoup de choses ? la questionne-t-il.

– Non, je viens à peine d’arriver, esquive la wardner. Pour le moment je n’ai vu qu’une affaire qui me semble interne à la Terre, aussi dramatique qu’elle soit.

– Peut-être que notre interrogatoire de Donnart donnera quelque chose, espère le militaire. Je vous enverrais quelqu’un pour vous faire venir lorsqu’il sera en état.

– D’accord, si je ne suis pas sur l’Akasha, demandez à Feyn, il saura comment me contacter, précise-telle.

– Bien, que diriez-vous d’aller manger un peu ? propose l’homme. On approche de midi, mine de rien.

– Je suis désolée, mais notre cycle est décalé par rapport au vôtre, décline Tsadir. Une autre fois sans doute.

– Très bien, je le note ! Je suppose que vous allez retourner à votre vaisseau, devine Jordan.

– Oui, je me demande où en est Feyn.

– Vous retrouverez votre chemin ? s’inquiète-t-il.

– Ne vous en faites pas. », le rassure Tsadir défaisant la sangle de son siège.

Les deux s’adressent quelques salutations de rigueur et Tsadir ressort de la pièce. Retraversant le complexe de la sécurité, elle débouche à nouveau sur l’anneau des quais. La singularité architecturale de la grande coursive en fait un point de repère immanquable.

Approchant du quai numéro cinq, la samouraï croise une quinzaine d’individus transportant des caissons mortuaires arborant le logo de Suan et l’inscription « Suan, division de récupération et de sauvetage spatial. ». Tsadir leur adresse un discret hochement de tête et s’engage dans la longue coursive radiale jusqu’au point de connexion.

À l’entrée de l’Akasha, Feyn s’apprêtait visiblement à rentrer. Tsadir l’interpelle chaleureusement.

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