39 – Tsadir : Les échos de la guerre

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La station spatiale Otessa Orbitals est une ancienne station en orbite basse. Protégée par un immense bouclier thermique, cette voile réfléchissante qui s’étends sur presque un kilomètre, la station est aussi l’une des plus grandes contrôlée par Sol6.

L’Akasha possède bien deux salles d’observation ventrales, mais l’image n’est que celle prise par les caméras de l’appareil et retransmise sur un grand écran virtuel. Arrivés dans l’ombre de la station, Feyn commande le repliement des grands panneaux radiatifs : ces éléments pliables de vingt mètres de long servent à évacuer la chaleur du vaisseau par rayonnement.

« Normalement, explique Feyn, on ne les déploie que pour les poussées des moteurs principaux, quand le générateur à fusion travaille à plein régime. Mais là, le rayonnement du soleil est tellement intense que, sans un refroidissement supplémentaire, les climatiseurs seraient complètement saturés. »

Évidemment, une fois abrité dans l’ombre du colossal bouclier de la station, la température n’est plus tout à fait un problème. Pour autant, la station derrière n’est pas dans le noir : la lumière réfléchie par Mercure illumine toute l’installation et les vaisseaux abrités derrière. D’ailleurs, remarque Tsadir, il est même possible de voir l’ombre de la voile sur le sol de mercure, comme une minuscule tache floue.

Est-ce parce que l’Akasha se meut lentement ou parce que la station est immense, mais la wardner à l’impression d’une lente et interminable dérive. Sur l’interface de commandement, d’innombrables informations de positions et autres vecteurs s’affichent en tous sens, rendant l’écran particulièrement difficile à lire pour quelqu’un qui ne s’y connaît pas. Pour un peu, ça lui donnerait presque la migraine.

À côté de Feyn, la jeune Alice observe les opérations avec attention : la technologie des colonies semble encore l’impressionner et Feyn se montre un bon professeur. Bientôt, elle devra malheureusement descendre de l’appareil et rejoindre les siens.

La procédure d’amarrage se déroule lentement, dans un calme reposant. À mesure qu’il s’approche de son point d’amarrage, le vaisseau ralenti jusqu’à donner l’impression d’immobilité, pourtant les nombres qui composent la distance entre les deux écoutilles continue de se réduire à une vitesse de quelques centimètres par secondes.

Puis, vient l’ultime arrêt. Un système de verrou attrape le vaisseau pour le maintenir en place. Le tube de connexion de l’Akasha se déplie alors lentement jusqu’à atteindre l’écoutille de la station. Les sûretés se mettent en place pour assurer l’étanchéité de la connexion.

Quelques minutes plus tard, l’air afflue dans l’espace clos et gonfle très légèrement les parois du tube. Lorsque les dernières vérifications sont terminées, le commandant de l’Akasha annonce : « Amarrage terminé. Vous pouvez détacher vos sangles et vous préparer pour le débarquement. On sera très probablement reçus avec un comité conséquent alors n’hésitez pas à vous montrer sous votre meilleur profil.

– Très bien, approuve Tsadir. Allons mettre un petit coup de pied dans la fourmilière, voir ce qui en ressort.

– Je ne sais pas où je dois aller, se soucie Alice.

– Ne t’en fais pas, Sol6 sera contente de te récupérer et je doute qu’on te laisse errer bien longtemps, ironise Tsadir. En vrai, je ne pense pas que tu aies même le loisir d’errer.

– Tes futurs instructeurs et collègues t’attendent probablement déjà, ajoute Feyn.

– Alors, allons-y. », se résigne la jeune femme, perdue.

Redescendant vers le hub principal : l’équipe passe rapidement par leur cabine. Tsadir y récupère son sac et réajuste ses sayas. Depuis Io, elle a délaissé le nodachi. Bien qu’il soit pratique pour les combats ouverts, elle préfère désormais les lames plus courtes qui lui permettent des combats plus rapprochés. Certes, ses lames de poignets intégrés à ses avants bras sont techniquement suffisants pour tout ce qu’elle pourrait avoir besoin de faire, mais porter ces deux lames lui permettent de dire : « Je porte des armes ; je sais m’en servir ; gardez vos distances. ».

L’espace, la cybernétique, ses réflexes inhumains, tout ça rend à nouveau le combat à l’arme blanche efficace. Certes, seul un fou chargerait de l’extérieur le sabre en main, accroché à son jet pack. Mais dans l’espace exiguë et étriqué des coursives, les lames lui donnent un avantage : pouvoir frapper avant que l’autre n’ait le temps de te mettre en joue confère un certain avantage.

Les cyber-samouraïs ne sont pas très nombreux, mais tous les commandos ont appris à les craindre et si elle-même elle l’est devenue, c’est parce qu’à la base son rôle de chef de sécurité lui demandait de comprendre les limites de ces agents augmentés. Et une fois qu’on y a pris goût, l’imagerie du néo japon médiéval n’est plus aussi repoussante. Avec son camouflage thermo-optique, elle se sent même parfois presque invincible. Presque : elle ne connaît que trop bien ses propres limites ce qui, en y réfléchissant bien, la rend encore plus dangereuse. Vranberg-Lytan l’avait bien compris lorsqu’ils ont commencé sa formation, avant qu’elle ne devienne une wardner, avant de rejoindre Aesir, avant la guerre, au début de cette colonisation.

La voici devant l’entrée avec les deux autres. L’écoutille s’ouvre sur le tunnel de triangles blancs désormais familier. Feyn prend les devants flottant avec une certaine grâce – probablement due aux mouvements de la queue rayée et touffue, il ne la retire pas en EVA d’ailleurs ? – et avec une certaine vitesse. La samouraï invite Alice à faire de même et peu après que la jeune fille se soit lancée dans le passage blanc, elle s’y jette à son tour.

De l’autre côté, deux soldats de l’ONU encadrent un homme arborant l’uniforme jaune et brun de Sol6. Il les accueille en s’adressant à Feyn : « Bienvenue à Otessa Orbitals. Je suis l’administrateur Mikaël Rombes. Mes supérieurs et moi-même avons pris connaissance de votre rapport et nous vous adressons nos remerciements pour le sauvetage et la récupération du Mona Lisa.

– C’est mon travail monsieur, répond Feyn avec un ton formel.

– Je sais que les accords spatiaux imposent légalement l’entraide dans ce genre de situation, mais vous avez fait bien plus que ces obligations conventionnelles. Le sauvetage de la cadette Noterger, le rapatriement du vaisseau et l’arrestation du principal suspect dépassent ce que nous étions en droit d’attendre de vous. », proclame l’administrateur. Feyn laisse échapper un sourire de fierté mais se reprend rapidement.

L’homme de Sol6 continue son discours : « En plus, commandant, votre enquête nous a fait gagner beaucoup de temps. Évidemment, les enquêteurs de l’ONU auront beaucoup de questions à vous poser, mais nous sommes désormais en mesure de faire le lien entre cette affaire et d’autres qui nous préoccupent depuis quelques temps. Et croyez-moi, ça aura des répercussions jusqu’au Secrétariat des Nations Unies même !

– Quel genre d’affaire ? interrompt Tsadir intriguée par ces événements.

– Oh, du vol de matériel et des armes non enregistrées retrouvées lors d’une opération de maintenance, précise l’homme. La sécurité de la station est sur l’affaire. Mais nous aurons d’autres occasions d’en parler. Pour le moment, nous avons un certain nombre de points administratifs à régler et bien sûr préparer le débarquement de tous ces pauvres gens qui ont péri durant l’incident. Quant au prisonnier, le capitaine Jordan aimerait beaucoup mettre la main dessus. L’ONU a de nombreuses questions à lui poser et les Nations Unies veulent bien sûr le faire juger par la cour pénale internationale.

– J’aimerais pouvoir assister aux interrogatoires de Donnart, si c’est possible, requiert Tsadir.

– Je plaiderais en votre faveur si c’est nécessaire, mais le Capitaine Jordan aimerait vous rencontrer en personne.

– Parfait, confirme la samouraï.

– Ah, Cadette Noterger, nous souhaiterions vous faire passer quelques examens et régler les détails administratifs pour votre enregistrement sur Mercure, précise l’homme. Rassurez-vous ça ne sera pas grand-chose.

– D’accord monsieur, accepte la jeune femme.

– Bien, je pense avoir dit l’essentiel. Commandant, si rien ne vous retient à bord, je vous invite à vous rendre au contrôle spatial pour les formalités administratives. », explique l’homme. Feyn acquiesce d’un hochement de tête et commence à se mettre en chemin.

Tsadir relance la discussion : « Je vais superviser le transfert du prisonnier, vous pouvez prévenir monsieur Jordan qu’il est prêt à leur être confié.

– Prévenez le Capitaine, ordonne-t-il à l’un des deux soldats avant de revenir vers Tsadir. Je suis sûr qu’il a autant envie que vous de faire ce transfert rapidement.

– Je l’attendrais ici, alors. », indique la wardner alors que l’un des soldats s’éloigne avec son link pour annoncer les nouvelles informations à son supérieur. L’appareil tenu à la main rappelle une vieille époque à Tsadir. La technologie ici n’a pas autant évolué que ça.

Mikaël Rombes reprend et s’adresse à Alice : « Cadette Noterger, suivez-moi, nous avons un peu de paperasse à régler avant de vous faire visiter votre nouveau chez-vous.

– Ah, je pensais être affecté sur Tolkien, objecte Alice.

– Oh, j’avais oublié : cet événement et ses implications ont quelque peu chamboulé les plans de la corporation, madame Noterger, lui explique-t-il. Dans un premier temps, vous allez poursuivre votre formation ici, au centre du plus grand chantier spatial de cette partie du système solaire. Vous verrez, nous avons des gens formidables pour vous encadrer !

– D’accord monsieur. », accepte-t-elle.

Alice et l’administrateur s’éloignent, escortés par les deux soldats. Si tout va bien, les formalités seront rapidement réglées et la Solar Wardner pourra enfin poursuivre son enquête.

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