Chapitre 24

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Tout le monde se tourna vers la chanteuse, qui baissa la tête. Une minute s’écoula. Randy grogna et abattit ses poings sur la table. Clarisse sursauta, se racla la gorge, puis se décida à parler.

— Célia est-elle aussi innocente qu’on le croit ?

Il ne fallut qu’une seconde à Nanoki pour comprendre. Clarisse avait lu son enveloppe. Et cette dernière contenait un secret sur Célia.

— Je suspecte Célia d’être l’instigateur.

— Si l’instigateur était vraiment mort, on serait pas là ! s’écria Randy.

— Peut-être que les robots sont programmés pour continuer même après la mort de l’instigateur ? Ou peut-être qu’il y a un complice ? proposa Jessica.

— Qu’est-ce qu’il y avait dans l’enveloppe, l’interrogea Nanoki.

Clarisse leva les yeux vers la karatéka, l’air impassible. Cependant, elle ne répondit pas. Nanoki frissonna à son regard ; il était d’une telle profondeur qu’elle eut l’impression que Clarisse lisait en elle, capable de lire la moindre de ses pensées, de voyager dans ses souvenirs.

Une sueur froide traversa son dos et elle recula aussitôt, comme pour fuir. A cet instant, elle oublia qu’elle était assise et trébucha sur sa chaise, tombant à la renverse. Elle se releva, aidé par Daphné. Quand ses fesses retrouvèrent le siège, Nanoki n’essaya pas de croiser le regard de la chanteuse. Au contraire, elle le fuya.

— Tu admets donc être la coupable ? demanda Léo.

— Je voulais tuer l’instigateur.

— Bien ! Maintenant que vous avez trouvé le coupable, place au vote !

Ils récupérèrent leur tablette. Tout le monde sans exception vota pour Clarisse. Nanoki retint sa respiration pendant le chargement, les phalanges blanchis. Un soupire de soulagement s’échappa de ses lèvres quand le résultat afficha qu’ils avaient raison.

— Clarisse, explique nous ce qu’il y a avait dans l’enveloppe et la façon dont tu as trouvé le débarras ! lui ordonna Aaron.

— S’il te plait, ne m’ordonnes pas de le faire… C’est carrément mieux comme ça, croyez-moi. Genre, je sais toujours pas si ce que j’ai lu est vrai, et peut-être que je me rassure juste à me dire que Célia à eut un rôle dans la création de cette tuerie. Pour le débarras par contre, je peux vous expliquer.

Clarisse entra dans le gymnase sur la pointe des pieds, alors que la nuit était tombée depuis plusieurs heures déjà. Elle ne voulait pas perdre de temps à dormir alors qu’elle pouvait trouver quelque chose. Mais elle se stoppa net en voyant Lou, à genoux devant les gradins.

Clarisse referma la porte en faisant le moins de bruit possible et continua d’observer la chercheuse. Que faisait-elle ?

Lou déplaça ce qui servait d’entrée au débarras et descendit les escaliers. A cet instant, Clarisse se demande comment Lou de n’avait pas encore remarqué ; elle était en face d’elle, seulement à un ou deux mètres de hauteur.

Clarisse se reprit et se précipita dans le coin de la pièce, cachée derrière un pilier. Elle priait pour que la chercheuse partît ensuite du gymnase sans vérifier qu’elle était toujours seule.

La chanteuse retint sa respiration quand Lou sortit de ce qu’il y avait sous les gradins. Cette dernière balança la zone pour refermer la porte et fonça en dehors du gymnase.

Une fois sûre que Lou ne reviendrait pas, Clarisse sortit de sa cachette et se plaça à l’endroit exact où était Lou quelques minutes auparavant. Elle imita ses mouvements et ouvrit l'accès au débarras. La lumière était toujours allumée. Clarisse devrait-elle éteindre après ? Si Lou revenait, elle se rendrait compte que quelqu’un était passé après elle et avec sa capacité, elle ne chercherait pas longtemps. La chanteuse secoua la tête et décida de remettre sa réflexion à plus tard. Elle voulait d’abord savoir ce qu’il y avait à l’intérieur.

Clarisse descendit les escaliers marche après marche alors qu’une boule se formait dans sa gorge. Qu’allait-elle découvrir en bas ? La porte du débarras était mal refermée.

C’est peut-être une mauvaise idée… Lou est parti dans la précipitation, c’est bien pour une raison… mais, genre, j’ai carrément envie de savoir !

Elle se fit la remarque que ce serait bête d’avoir fait tout cela pour remonter sans savoir ce qu’il y avait derrière cette porte. Même si elle regretta très vite son choix. Alors elle poussa la porte. Elle n’eut pas le courage de dépasser l’encadrement. Elle ne voulait pas toucher ses choses qui devinrent l’objet de ses cauchemars. A ce moment, elle ne se doutait pas une seconde qu’elle reviendrait et entrerait en contact avec ces poupées de cire qui la hantaient toujours.

Clarisse fut prise de nausées et dut se tenir au mur pour ne pas tomber. Elle ne savait pas si Lou avait eu le même sentiment qu’elle, mais ce dont elle était persuadée, c’était que personne d’autre ne devait découvrir ce lieu.

Elle recula doucement, comme si les pendus pouvaient se réveiller et lui courir après. La chanteuse chercha l’interrupteur à taton pour se couper de cette vue. Et lorsque l’obscurité envahit le débarras, elle courut pour remonter, manquant de faire disjoncter l’ampoule et d’arracher l’interrupteur.

A son tour elle fit claquer la zone contre le mur, puis monta les marches deux en deux. Une fois la porte de gymnase refermer, elle se sentit essoufflée comme si elle venait de courir un marathon. Mais elle se calma vite, comme en transe. Elle n’entendait plus et ne voyait plus. Sauf le chemin qui la menait à sa chambre ainsi que le son du vent qui ses oreilles.

— Quand Lou est restée impassible, même si certains la suspectaient de cacher une trouvaille, ça m’a genre, rassurée. Je voulais carrément pas que quelqu’un d’autre tombe dessus et voit ces… choses… Mais finalement, je m’en suis carrément inspirée pour mon meurtre.

Sa voix devint plus aiguë à ces derniers mots et sa respiration devint tremblante. Mais elle faisait tout pour ne pas craquer, c’était évident.

— Alors c’est bon ? On peut passer à la punition ? s’exclama Shiro.

— Attendez ! Laissez moi deux minutes ! J’aimerais… chanter une dernière fois.

Shiro roula des yeux, mais Kuro posa sa main sur son bras, ce qui le calma.

— Très bien. Deux minutes, pas une de plus.

Clarisse remercia les robots du regard et prit une grande inspiration, les mains serrées sur son coeur.

Il y a encore tant de chose que j’aurais voulu faire

De choses à dire, pour avoir à me taire

On a qu’une vie, je l’ai toujours su

J’aurais pu faire tellement mieux, mais voilà, je suis déçu

Et je sais que je ne suis pas la seule

On m’a dit que ce n’est pas si mal de fermer sa gueule

Qu’à trop parler, je fais juste couler les larmes

J’ai tant serré dans mes bras tout ce vacarme.

A toi ma petite soeur que j’aime

Je prie pour que tu ne m’oublies pas

Je chasserai tes problèmes

En un claquement de doigt

Je t’accompagnerai pour te guider, si tu l’accepte

Je t’empêcherai de faire les erreurs que j’ai faites.

Il y a encore tant de chose que j’aurais voulu faire

De choses à te dire, mais je vais devoir me taire

Je serais ton ombres, toujours à tes côtés

Car sache que la mort ne va pas m’effacer.

Même si tu ne me vois plus

Je serais avec toi

Près de moi, tes larmes ont disparu

A ma mort je vais les faire disparaître, il faut juste que tu y croies.

A toi ma petite soeur que j’aime

Je prie pour que tu ne m’oublies pas

Je chasserai tes problèmes

En un claquement de doigt

Je t’accompagnerai pour te guider

Sache que je ne t’abandonnerai jamais.

Même la voix tremblante, même en hésitant, même si c’était de l’improvisation qui se sentait, même si c’était décousu, Nanoki n’avait jamais entendu de chanson aussi belle, aussi intense. Les chansons de Clarisse pouvait lui faire ressentir tant, mais la dernière chanson que cette dernière aura pu écrire avait atteint son apogée.

Nanoki ne pouvait empêcher les larmes de couler le long de ses joues, en proie à des sanglots. Sanglot que Clarisse ne retenait plus. Elle avait chanté de toute son âme l’amour pour sa sœur, comme pour se donner du courage avant la fin. Car malgré les larmes les plus salés de sa vie qui dévalaient, Clarisse souriait.

A l’instant même où les deux minutes s’étaient écoulées, un trou se forma sous ses pieds.

Le reste des survivants levèrent les yeux vers l’écran. Ils y voyaient Clarisse, assise sur ses chevilles, une corde autour de son cou. Elle ne sanglotait plus. Son regard était fixé devant elle. Elle était prête.

Un son strident retentit, la forçant à se boucher les oreilles et des cailloux lui atterrirent sur la tête. Puis le son se fondit dans le silence. Les cailloux ne semblaient être qu’un mirage. Clarisse n’eut pas le temps de réfléchir à ce qui se passait, la corde se souleva, jusqu’à ce que ses pieds ne touchèrent plus le sol. Elle agrippa la corde pour la desserrer, en vain. Elle finit par laisser ses bras retomber, à la limite de l’inconscience. Mais ce n’était que le début de son calvaire.

Elle retrouva le sol et toussa entre deux grandes inspirations. Puis le son et les cailloux revinrent, disparurent. La corde se souleva, puis la laissa tomber.

Clarisse frôlait la mort pour finalement y échapper. Encore et encore. Des minutes durant, peut-être même des heures. Mais elle en était venue à un point où elle n’avait plus la force de lever les bras pour couvrir ses oreilles.

Une dernière fois, ses pieds quittèrent le sol, accompagné de ce son plus perçant que les fois précédentes et des cailloux lancés plus fort. Du sang sortit de ses oreilles ainsi que des trous dans son crâne et puis… tout cessa. Le corps de Clarisse se balançait légèrement. Mais surtout. Ses yeux était écarquillés, presque à sortir de ses orbites.

Un frisson parcourut l’échine de Nanoki. Et elle ne savait pas si c’était du à l’exécution, ou à l’expression de terreur gravé sur le visage de Clarisse.

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