Chapitre 21

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— Répètes un peu ce que t’as dit, crevard ?

Eden balançait ses pieds dans le vide. Il agrippa les mains d’Anaïs pour se défaire de sa prise, sans grand succès.

Anaïs colla son front contre son front et réitéra sa question.

— Assez ! Relâche-le, c’est un ordre !

Aaron venait de se lever, penché en avant, les paumes des mains appuyées sur le table.

Anaïs obéit. Elle posa doucement Eden sur le sol, fit quelques pas en arrière, jeta un dernier éclair en direction d’Eden qui se fit tirer par Soen, puis quitta le réfectoire en grandes enjambées.

— Célia pense… qu’elle ne t’en veut pas directement. Elle passe ses nerfs sur toi.

Eden ne répondit pas, serrant la manche de la veste de Soen, le front sur son épaule. Ce dernier fronça les sourcils.

— C’est pas une raison de l’agresser comme ça. Cette idiote risque de se faire tuer en plus maintenant. Et plus personne ne lui fera confiance.

Les dires de Soen firent frissonner Nanoki. Elle se rendit compte qu’elle détestait le voir aussi sérieux.

Anaïs l’aurait-elle vraiment tuée ? La karatéka n’avait pas pu voir ses yeux, mais à voir le visage blême d’Eden… Il chuchota quelque chose à l’oreille de Soen, qui acquiesça, avant de le suivre en dehors du réfectoire.

Nanoki baissa la tête sur son assiette de riz cantonais, mais elle n’avait plus faim.

— Je vais dans ma chambre…

Elle se leva, sans attendre de réponse de Daphné. D’autres personnes firent de même, ce qui lui apportait un certain réconfort.

Dans sa chambre, Nanoki se laissa tomber en étoile de mer, les yeux fixés sur le plafond. A cet instant, elle ne ressentait rien. Seulement un immense vide. Elle ferma les yeux pour tenter de s’endormir. Ses paupières étaient lourdes et son corps s’enfonçaient dans le matelas, comme dans ses sables mouvants. Mais elle ne parvint pas à s’endormir.

Un bourdonnement frémissait dans ses oreilles, puis des bruits étouffés par une lourde porte. Tout cela était dans sa tête. Puis sa tête se vida.

Au réveil, une étrange sensation faisait surface. La sensation, que quelque chose s’était passé pendant son sommeil. Nanoki se frotta les yeux avant de balayer sa chambre du regard. Et comme elle le pensait, elle avait reçut une visite de Shiro ou de Kuro. Une enveloppe était posé sur son bureau, bien en évidence.

Nanoki s’en approcha, intriguée. De quoi pouvait-il s’agir ? Elle effleura le papier du bout des doigts, comme s’il risquait de la brûler et d’exploser au moindre contact. Rien ne se passa, alors elle souleva l’enveloppe par les coins et l’ouvrit minutieusement. Elle tendit le cou pour voir l’intérieur.

— Qu’est-ce que c’est que ça…

Elle récupéra une feuille pliée avec soin sur laquelle trônait quelques mots qui semblaient imprimés. Shiro et Kuro devaient sûrement l’avoir écrit pour éviter de reconnaître l'instigateur.

— La vérité sur Daphné : ses secrets révélés…

Nanoki se mordit la lèvre. Il s’agissait très certainement d’un mobile pour les pousser à être méfiant pour qu’ils s’entretuent… Et s’il s’agissait d’un secret, Daphné n’allait peut-être pas lui dire que c’était vrai. Ce qui pourrait permettre à leur bourreau de raconter des mensonges.

Pourtant… Nanoki mourrait d’envie de lire le contenu. Juste une petite phrase…

Non, tu ne devrais pas faire ça… s’ils te l’ont donné c’est que cette information pourrait te pousser à la tuer…

La karatéka étendit les bras pour augmenter la distance entre elle et ce mobile, tout en détourna le regard. Mais la force qui les rapprochaient étaient égale à celle d’un aimant.

Après tout, si toi tu as le sien, peut-être que Daphné a reçu un secret sur moi et elle ne se gênera pas pour lire… Ça permettra au moins de… oh merde !

Sans réfléchir, Nanoki déchira la feuille en miette, avant d’être trop tenté. Voilà… elle ne risquait plus de le lire. La respiration saccadée, elle ramassa les morceaux en une poignée et les rangea dans l’enveloppe. Puis, elle sortit de sa chambre en trombe. Il fallait à tout prix qu’elle convie les autres pour les empêcher de lire les enveloppes.

Nanoki sonna à toutes les portes, plusieurs fois, pour être sûre que tout le monde l’eut entendu.

— N’ouvrez surtout pas l’enveloppe ! Venez au réfectoire avec !

Elle répétait cela en boucle, jusqu’à ce qu’elle fût coupé par l’annonce.

Les premières personnes commencèrent à sortir, en baillant et se frottant les yeux, l’enveloppe au bout des doigts comme si elle pesait une tonne. En chemin vers le réfectoire, Daphné rejoignit Nanoki.

— C’est quoi cette enveloppe ? Qu’est-ce qu’il y a dedans ?

— Il vaut mieux ne pas savoir…

Daphné la dévisagea un moment, avec le même air que lorsque Soen parlait.

— Tu as ouvert la tienne pourtant…

— Je n’ai pas lu l’intérieur, j’ai déchiré la lettre.

— T’as l’air de quelqu’un qui laisse la curiosité guider ses choix.

Nanoki ne répondit pas. Elle avait du mal à déterminer à quel point la rêveuse avait raison, mais quand des milliers de scénarios tournaient dans sa tête où elle tuait Daphné pour des raison toutes plus sombre les une que les autres.

— Alors, tu as vraisemblablement découvert l’enveloppe avant tout le monde. Que penses-tu faire avec ?

— D’abord, je veux m’assurer d’une chose. Est-ce que quelqu’un a lu le contenu de l’enveloppe ?

Un brouhaha remplit le réfectoire. La réponse fut négative pour tout le monde.

— TU nous as sûrement tous réveillée donc, genre, je pense que personne a du avoir le temps.

— Clarisse, tu n’es doté que d’une réflexion minimale. Nous ne pouvons pas avoir confiance envers les autres. Il est possible que l’un de nouos ai mentis. Il y a un menteur parmi nous, n’oubliez pas.

— Moi ? Mais je suis super méga innocent ! Et je suis totalement honnête avec vous les copains ! Comment vous pouvez penser ça de moi…

Il baissa la tête, en proie à des sanglots.

— Awh, mon pauvre Soenounet, vous êtes vraiment horrible avec lui… gémit Eden.

Il lui caressa la tête, une moue sur le visage. Il semblait déjà s’être remit de l’événement de la veille. S’il s’agissait du menteur, Nanoki aurait pu croire qu’il agissait ainsi pour ne pas perdre la face ou quelconque autre raison. Mais le fait que ce fût Eden… A quel point ce derniers était aussi un menteur ?

— Et si, euh, on revenait au sujet principal ? proposa Jessica de sa petite voix.

— Tu as raison. De ce que j’ai compris, le mobile est un secret sur l’un d’entre nous distribué aléatoirement ou au contraire à la personne qui sera la plus affectée. Le tout dans le but de nous pousser à tuer cette personne. Alors il vaut mieux ne pas prendre ce risque.

— Mais du coup, si personne n’a lu le secret, le mobile est genre, carrément inutile. T’es un génie Nanoki, on voit bien que t’es une de mes fans.

Léo soupira et se tapa le front, comme s’il était entouré de personne toutes plus débiles les unes que les autres.

— Certes, mais même en partant sur le principe que tout le monde a été honnête sur le fait de ne pas l’avoir lu… Que fait-on des enveloppes ? Les cacher serait inutile, étant donné qu’une personne au minimum sera au courant de leur localisation.

— Célia propose que chacun récupère l’enveloppe à son nom. Comme ça, personne d’autre que soi pourra le lire.

— Ça ne change pas grand chose. Si l’un de nous veut absolument connaître le secret des autres, il trouvera un moyen.

Nanoki se mit à réfléchir à toute vitesse. Quand une idée germa dans son esprit, elle voulut se taper le front.

— Le meilleure moyen d’en être sûr, c’est de détruire le mobile.

— Mais t’es malade ! Détruire le mobile, tu veux mourir ou quoi ?

— J’ai déjà détruit le mien et je suis toujours vivante. Mais si vous avez vraiment des doutes, je peux prendre la responsabilité. Si Shiro et KUro décide de nous punir, c’est déjà trop tard pour moi.

Malgré cela, le mannequin ne semblait pas convaincu. Il affichait une moue et devait préparer ses arguments.

— Et… et si on était aussi punit parce qu’on est complice ?

— T’es vraiment un trouillard ! Moi je suis d’accord avec Nanoki, mais genre, si tu veux prendre le risque qu’on connaisse ton secret le plus sombre, t’as cas genre, trouver ton enveloppe et la garder. Mais ce serait carrément stupide et carrément pas à ton avantage.

Clarisse partit dans la cuisine pour récupérer des allumettes. De leur côté, ils récupérèrent les enveloppes pour les déposer à l’extérieur, tandis que Léo et Aaron remplissaient des seaux d’eau.

La chanteuse arriva avec sous un bras de l’huile.

— TU es folle ! De l’huile ! Tu veux tous nous brûler !

— C’est vrai que c’est dangereux, et pas vraiment nécessaire, approuva Gaël.

— Je voulais être sûr que ça brûle bien.

— Ce sera pas nécessaire, ajouta Aaron.

— Quelle idiote… commenta Léo.

Clarisse fit la moue, mais donna la bouteille d’huile et Gaël. Elle balaya les enveloppes du pieds pour les coller un peu plus. Puis, elle craqua une allumette qu’elle lança dans le tas.

Nanoki resta fixée sur le flammes qui grandissaient et dansaient. Elle s’étaient éloigné à un bon mètre, mais la chaleur caressait sa peau, ce qui lui donna des frissons. Malgré le contexte particulier, ce moment était agréable.

Un étrange sentiment de liberté la submergea et elle ferma les yeux. Elle voulait profiter de cette sensation éphémère, avant que tout ne partît en fumée.

Il ne restera bientôt que des cendres du mobiles… J’espère que nous ne faisons pas erreur… POurquoi Shiro et Kuro nous laisse faire ?

Après quelques minutes, Léo et Aaron jetèrent tour à tour leur seau d’eau.

— Alors c’est bon ? C’est finit ? Il n’y a plus de mobile ? demanda Jessica.

— Ouais ! Prenez ça dans vos gueules les robots ! On a été plus intelligent que vous… s’exclama Randy.

— N’empêche, débuta Soen, ce n’est pas normal que tu te sois autant dévouée, Clarisssounette. Toi, une personne égoïste !

Clarisse croisa les bras, l’air offusquée.

— Tu ne me connais pas. Genre, t’as pas intérêt à redire ça.

Soen éclata de rire sans rien ajouter de plus.

— Bon, on s’est débarrassé du mobile, on est génial et tout, mais on n’oublie le plus important. Le petit déjeuner !

— Comment est-ce que tu peux en avoir rien à foutre à ce point ? hurla Anaïs.

Tout les regards se tournèrent vers la mangaka. Elle qui s’était faite toute petite, sûrement liée à ce qu’il s’était passé la veille, venait d’exploser. Elle s’en rendit compte et, après avoir croisé le regard de chacun, elle retourna dans sa chambre.

— Elle a vraiment pété un câble celle-là… fit Randy.

— Elle va tous nous tuer !

— Célia ne lui en veut pas de se comporter de la sorte. Ni Célia, ni personne ne peut la critiquer s’ils n’ont pas vécu la perte d’un proche. Et même si c’était le cas, on le vit tous différemment.

— Il y a tout de même une différence entre expliquer un comportement et l’excuser, intervint Noémie. Qu’importe. Allons-y.

Noémie, la collectionneuse partit devant sans attendre de réponse. Elle ne collectionnait clairement pas les conversations. Cachait-elle une certaine paranoïa ?

Les autres l’imitèrent peu à peu.

— Franchement, je lui ai fait quoi pour qu’elle me parle comme ça ? grogna Daphné.

— Hmm… je pense qu’elle n’a pas la même vision que toi de la nourriture et considère que le fait que tu veuille aller manger alors qu’on vient de recevoir un mobile, lui a fait se dire que tu te fichais qu’il y ait des morts, et donc, que tu te fiches de son frère.

Daphné se stoppa et la dévisagea, les yeux plissés.

— Je crois que tu sur-interprètes trop.

Peut-être… mais même si je ne le dirais pas, c’est que ça m’as fait ressentir…

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