Chapitre 20

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La sonnette retentit. Nanoki émergea de sa couverture dans un bâillement. Qui pouvait bien lui rendre visite ? Aussi tôt surtout ? Elle plissa les yeux pour déchiffrer l’heure sur l’horloge murale, mais l’obscurité ainsi que sa fatigue ne l’aidait pas. Elle pouvait seulement affirmer qu’il n’était pas 7 heures, car l’annonce ne s’était pas fait entendre.

La sonnette retentit à nouveau. Nanoki pesta et quitta son lit, non sans manquer de trébucher. Elle colla son oeil au juda. Daphné attendait devant, bras croisé et tapant du pied.

Les sourcils froncés, la karatéka lui ouvrit. Daphné entra et s’installa sur son lit tout en débitant un flot de parole incompréhensible. Nanoki papillonna des yeux et la rejoignit après avoir refermé la porte.

— Wow, wow, wow ! Calme toi, je ne comprends rien à ce que tu dis !

Elle la saisit par les épaules et Daphné finit par se calmer. Elle prit une grande respiration puis se repris, plus lentement.

— Lou et Timéo sont vivant.

— Quoi ?

Nanoki n’eut rien d’autre à dire. Les mots de Daphné tournaient dans sa tête, alors que la karatéka se demandait si elle avait bien entendu ou ne rêvait pas. Parce qu’elle ne pouvait pas croire une seule seconde que ces deux là pouvaient être vivant. Elle avait bien vu le cadavre de Lou, son cou tordu, la flaque de sang. Et même si l’exécution de Timéo ne leur était parvenu qu’à travers un écran, tout était trop réaliste pour croire à du faux. Les cris, ses membres brisés, le sang qui giclait.

— Je les ai vus dans mon rêve.

Nanoki souffla. Evidemment, elle aurait dû s’en douter. Daphné était bien trop crédule pour croire ce que son rêve lui montrait. Peut-être qu’il y avait une vraie signification, mais si c’était le cas, ce ne pouvait être leur survie.

— Tu ne me crois pas c’est ça ? Je te jure que c’est vrai ! Je pouvais voir Timéo pleurnicher et supplier à l’instigateur d’arrêter tout ça. Il était juste derrière la barrière qui nous enferme. Et y’avait Lou qui lui disait qu’il avait pas à penser à nous et qu’ils pouvaient partir et rentrer chez eux parce qu’ils avaient plus leurs bracelets !

Daphné se redressa, traversé par un éclair de génie.

— Peut-être que si j’essaie de retourner dans ce rêve, je pourrais connaître l’identité de l’instigateur ! Je suis un génie ! T’en dis quoi ?

La rêveuse se tourna vers elle, les yeux brillants. Nanoki bougea la tête de gauche à droite. Elle n’était pas défaitiste et ne comptait pas s’avouer vaincu, même si cela lui prendrait du temps pour trouver une bonne idée. Cependant, se nourrir de faux espoirs de l’aiderait pas. Elle allait donc devoir résonner Daphné ou cette dernière allait tomber de haut.

— Daphné, ce n’était qu’un rêve. Tu as peut-être été perturbée par les événements et inconsciemment, tu as fait ce rêve pour te convaincre qu’ils allaient bien. Ou alors ce rêve n’a pas la signification que tu crois.

— Je savais que tu ne me croirais pas…

Elle se leva sans lui adresser un regard et claqua la porte derrière elle. Nanoki n’eut pas le temps d’esquisser un mouvement pour l’arrêter. Quand elle comprit ce qui venait de se passer, elle se posta devant la porte, main sur la poignée.

Le monde des rêves était la grande passion de Daphné, évidemment qu’elle s’était vexée. Nanoki s’était sûrement montré trop sec. Tout ce qu’elle voulait était lui ouvrir les yeux. Ou bien Daphné avait parfaitement compris que son rêve ne signifiait pas que Lou et Timéo était vivant et c’était donc pour ça qu’elle boudait. Elle lui en voulait peut-être de ne pas avoir nourrit son espoir naïf.

Nanoki lâcha un profond soupir, puis relâcha la poignet. Elle se roula en boule dans son lit pour tenter de retrouver le sommeil, tout en sachant qu’elle n’y parviendrait pas. Ses yeux s’humidifièrent alors qu’elle se recroquevillait un peu plus.

POurquoi est-ce que ça m’atteint autant ? Daphné est juste une débile qui refuse d’écouter la vérité si ça l’arrange pas… Si ça se trouve c’est juste une blague de Kuro et Shiro…

L’annonce émana de son bracelet sans qu’elle n’eut dormit une minute. Nanoki se traîna dans la salle de bain et se balança de l’eau sur le visage. Elle frissonna au contact du liquide froid. Coude appuyé sur les coins du lavabo, elle planta son regard dans celui de son reflet. Elle ressemblait à un zombie avec ses énormes cernes et son air déconfit. Elle soupira, puis sortit de sa chambre sans prendre la peine de s’essuyer le visage.

L’air extérieur la fouetta, mais elle n’y prêta pas attention et rejoignit le réfectoire, mains dans les poches.

Daphné était assis à la même place que d’habitude. Des rides se dessinaient sur son front et elle tapotait la table de son index. Son aura elle-même indiquait qu’elle ne voulait parler à personne. Mais il en faudrait plus pour que Nanoki lâcha l’affaire. Elle s’assit en face de la rêveuse, qui leva la tête.

— C’est bon, me regarde pas comme ça. T’as envie que je te dise quoi ? (elle prit une voix de crécelle) Bravo, t’avais raison, mon rêve c’était que dalle ! Laisse moi te lécher les pieds pour me faire pardonner !

Sa gestuelle était caricaturale. Nanoki fronça les sourcils. Est-ce que Daphné la voyait réellement comme ça ?

— Donc… si je comprends bien, tu t’es rendu compte que c’était une erreur de prendre ton rêve au premier degré ?

Daphné lui jeta un regard noir, puis grogna. Nanoki avait le sentiment de devoir se sentir coupable d’avoir eu raison. Le raisonnement de la rêveuse la laissait perplexe.

— Pas besoin d’insister sur ça… Shiro est venu me rendre visite juste après l’annonce. Il m’a demandé si j’avais aimé le rêve qu’il m’avait préparé. Il s’est moqué de moi en disant qu’il ne pensait pas que j’y croirait autant.

Elle s’affala sur sa chaise, bras croisé, le regard ailleurs. Nanoki comprenait mieux l’expression qu’elle arborait. Elle ne le montrait pas, mais elle se sentit fière d’avoir deviné que Shiro était derrière cela.

— Ça m’énerve tellement d’être tombée dans son piège !

— J’ai cru comprendre… Ça t’as coupé l’appétit ?

— Non, certainement pas ! C’est plutôt le contraire. Je voulais juste montrer à tout le monde que je suis en colère.

Daphné alla dans la cuisine d’un pas rapide et revint avec des gâteaux sous les bras. Elle avala tout dans un bruit des plus désagréables qui lui valut plusieurs regards inquisiteurs.

— Tu veux pas aller au gymnase ?

Nanoki haussa les sourcils. La veille, Daphné disait être fatiguée de les voir faire du sport et ce jour-là elle proposait d’y aller ?

— Pas que ça me dérange mais, de un, tu viens de manger, et de deux, je pensais que ça t’intéressait pas ?

— Ça m’intéresse pas, je demande si toi t’as envie. J’ai la bougeotte mais je déteste le sport. Du coup si je pouvais te regarder, ça me suffit à me calmer.

— Je ne suis pas sûre que ce soit très logique, mais soit… J’ai remarqué des karategis, je vais en profiter pour pratiquer, ça fait longtemps.

— C’est vrai que t’es une karatéka. (son visage devint plus dur) Qu’est-ce que tu fais là, toi ?

Nanoki tourna la tête et croisa le regard de Randy qui était juste derrière elle. Elle haussa un sourcil. Ils ne s’étaient pas parlé depuis leur arrivée.

— Je te défie à un combat de karaté, ou qu’importe comme ça s’appelle.

Nanoki dut se retenir de rire. Randy n’avait pas encore découvert sa capacité, mais il était peu probable qu’il fût karatéka également. Il n’avait aucun intérêt à se battre contre elle, à moins que ce sport ne l’intéresse.

— Euh, tu sais que je suis une karatéka ? Tu connais les bases, au moins ?

— Oui, j’ai entendu ta copine le dire, c’est pour ça que je te défie. Je suis curieux de voir ce que ça donne de voir une pro à l'œuvre. Et non, j’y connais que dalle.

— T’es vraiment débile, commenta Daphné.

Randy se renfrogna mais ne répliqua pas.

— Si ça te fais plaisir de te prendre des coups de pieds aux fesses par des professionnels, pourquoi pas.

Non loin d’eux, Soen et Eden pouffèrent en s’approchant.

— Faut qu’on voit ça, hein Eden ?

— Grave ! Je veux pas manquer ça !

— Vous faites vraiment chier… grogna Randy.

Il tenta de les ignorer et commença à partir pour le gymnase. Nanoki haussa simplement les épaules. C’était loin d’être la première que des personnes la regardaient pratiquer ou combattre alors cela ne lui faisait plus rien. Elle aurait bien eu de la peine pour Randy qui allait perdre devant Soen qui le charirait avec cela, mais il savait ce qu’il encourait.

Après un dernier regard, Nanoki et Daphné suivirent Randy, bientôt imitées par les deux garçons.

— Je t’ai jamais demandé, d’ailleurs, mais pourquoi t’as commencé le karaté ?

Nanoki ralentit sa marche sans s’en rendre compte. Elle tenta à nouveau de visualiser le visage de sa meilleure amie. Ce nouvel échec la fit soupirer.

C’est pour elle…

— Je veux pas en parler…

Daphné se tourna vers elle, mais Nanoki baissa la tête, perdue dans ses pensées. Pourquoi ne parvenait-elle pas à dessiner les traits de son visage ? Se souvenir de son nom qu’elle avait prononcé tant de fois ? Imaginer sa voix qu’elle était presque capable d’imiter ? Le reste de ses souvenirs étaient clair pourtant. Les moments passaient ensemble était gravés dans son esprit. Certaines paroles prononcées par elle défilaient devant ces yeux. Mais dès qu’une voix s’ajouter, c’était comme si on lui parlait alors qu’elle avait la tête sous l’eau.

Nanoki sortit de ses pensées quand Daphné l’empoigna.

— T’as faillit foncer dans le mur.

Nanoki tourna la tête pour constater qu’en effet, elle était à au moins un mètre de la porte, prête à enlacer la surface plate.

— Merci.

Daphné lui lâcha le bras et entra dans le gymnase, précédé par la karatéka. La rêveuse s’éloigna d’elle pour s’assoir sur la plus haute place des gradins. Quand à Nanoki, elle partit dans les vestiaires pour se changer, avant de rejoindre Randy qui l’attendait.

Ils se saluèrent, puis Nanoki se positionna en fente avant. Randy tenta de l’imiter, mais en plaçant tout son poids dans sa jambe avant. Elle commença par un coup de pied circulaire. Par réflexe, Randy croisa les bras devant son visage pour se protéger. Il perdit l’équilibre en changeant de pied d’appui et tomba à la renverse.

Il sauta sur ses pieds et se jeta sur elle pour lui asséner un coup de poing. Nanoki dévia sa trajectoire de son coude, enchaîna avec un ippon ken. Il s’écroula devant elle dans un gémissement.

Il continuèrent ainsi. Nanoki lui laissait le temps d’essayer d’attaquer, chose qu’il devait sentir. Toutefois, sans grande surprise, il ne parvint pas à ne se fût que la frôler. Après une dizaine de minutes, il resta au sol, essoufflé.

— C’est bon, j’abandonne, j’ai eu ma dose…

Des applaudissements jaillirent des gradins, puis Soen et Eden sautèrent de palier en palier puis coururent vers eux.

— J’ai rien compris à ce que t’as fait mais c’était trop stylé ! s'exclama Eden.

— Ouais, t’as été trop nul le non capacitaire.

Ce dernier s’appuya sur ses coudes pour se redresser et lui lancer un regard noir. Le menteur gloussa avant de se diriger vers la sortie.

— En tout cas, c’était vraiment bien. J’espère te revoir à l'œuvre !

— Moi aussi ! approuva Eden.

Les garçons remontèrent dans les gradins et quittèrent le gymnase. A ce moment, ce fut au tour de Daphné de venir à eux, passant elle, par les escaliers. Elle jetait des regards vers la porte, pour s’assurer que les deux amis n’allaient pas revenir.

— Ça m’a bien défoulé de vous regarder bouger. Faudrait qu’on se refasse ça !

— T’es vraiment bizarre, fit Randy.

Daphné leva les yeux au ciel sans répliquer.

— C’est pas tout, mais ça m’a donné soif, je vais au réfectoire.

— Je te rejoins après.

Nanoki s’engouffra dans les douches des vestiaires, avant de retrouver la rêveuse.

Au repas, tout le monde se réunit à nouveau. Les seuls moments de la journée où Kaïs et Anaïs faisaient leur apparition.

Nanoki balaya la pièce du regard. Elle s’était déjà faite la réflexion qu’elle s’asseyait toujours à la même place, mais elle constata que c’était plus ou moins le cas de tout le monde. Même si ceux de la grande table ne posaient pas leurs fesses exactement à la même chaise tout le temps, des groupes s’étaient formés. Le plus flagrant était les trois petites tables qui se remplissaient des mêmes personnes.

Kaïs monopolisait l’une d’elle qu’il avait d’ailleurs bougé dans un coin dans l’après midi. Parfois, Gaël mangeait avec lui, et quand ce n’était pas le cas, il rejoignait Nanoki et Daphné.

L’autre table, elle, était constituée de Noémie, Jessica, ainsi qu’Anaïs. Il y a quelques jours, Timéo figurait parmi eux.

La grande table contenait les autres. Soen et Eden étaient juste à côté, mais les autres gardaient une chaise d’écart entre eux. Sauf ce soir-là, où Célia vint s’assoir à côté de Randy.

— A quoi tu penses ?

— Je me disais que…

Elle hésita un instant. La dernière fois qu’elle avait rappelé leur séquestration, l’ambiance était devenu tendu. Daphné tendit le cou pour l’inciter à continuer.

— On a nos habitudes ici… malgré tout.

Daphné baissa la tête pour jouer avec le riz dans son assiette. Elle porta la fourchette à sa bouche, mais se stoppa au bout des lèvres.

— C’est pas faux… malheureusement.

Une chaise racla avant d’être jetée sur le sol. Le silence se fit dans la pièce. Nanoki leva les yeux vers la source du bruit. Sans se presser, Anaïs s’avancer vers la grande table. Au fur et à mesure qu’elle avançait, Nanoki comprenait vers qui elle se diriger ; Eden. Il perdit son sourire alors que son visage blêmit.

Personne ne vit la suite venir.

La seconde d’après, Eden était plaqué contre le mur. Anaïs le soulevait par le col et bientôt, la pointe de ses pieds ne touchaient plus le sol.

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