Chapitre 19

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Nanoki se demanda si elle avait bien entendu. S’amputer le bras ? Il faudrait être fou pour réaliser une telle idée ! Il n’y avait pas de médecin parmi eux, ce qui rendait la chose bien trop dangereuse.

— C’est stupide ! commenta Léo.

— Célia se fiche de votre avis. Elle va faire son idée quoi que vous lui disez ! Célia est prête à prendre ce genre de risque si ça peut lui permettre de s’enfuir.

Léo ricana. Il croisa les bras et releva le menton, un sourire en coin.

— Et comment tu comptes t’u prendre, hein ? Tu sais t’y prendre ? Oh, laisse moi deviner ! Tu vas juste prendre un couteau et te couper le poignet juste après le bracelet et prier pour ne pas mourir, c’est ça ?

— Célia utilisera les bandages de la trousse de secours dans nos chambres. Et elle va faire ça maintenant !

Elle se dirigea vers la sortie, mais fut bloquée par l’apparition de Shiro.

— T’es sur le chemin de Célia.

— Je sais, c’était calculé. Je ne pensais pas avoir à le faire, mais je vais devoir ajouter une règle ; interdiction de tenter une quelconque amputation !

— Pourquoi ? Est-ce que Célia a trouvé une idée qui marche ?

— Oh non, du tout ! Si tu te coupes un bras, le bracelet te distribuera un somnifère et on te mettre un bracelet sur l’autre bras. Même si tu te coupes l’autre bras d’une façon ou d’une autre, on te le mettra à la cheville. Donc c’est inutile ! Mais la raison pour laquelle je refuse catégoriquement de te laisser faire, c’est parce que tu risques de te tuer. Et hors de question de faire un procès pour un suicide pas voulu.

Nanoki fronça les sourcils. Le but de cette tuerie était de s’entretuer, alors en quoi cela le dérangerait ? Etait-ce parce qu’elle leur avait parlé de son idée et qu’ils n’auraient pas besoin d’enquêter, ce qui ferait un procès inutile sans même d’exécution ? Ce n’était pas insensé…

Au même moment où Shiro partit, le bracelet de Nanoki vibra, comme ceux des autres. Elle consulta sa tablette. La règle venait d’être ajoutée.

Célia soupira et quitta tout de même la pièce, poings serrés.

— Les gars… je sais que c’est stupide, mais… je me demande si la police nous cherche, avoua Randy.

— Encore une interrogation aussi stupide que ta personne. Tu ferais mieux de te taire au lieu de laisser la puanteur de ton haleine envahir mes pauvres narines.

Randy se crispa, puis se leva subitement, faisant tomber sa chaise. Le bruit de sa chute attira l’attention des autres. Randy lui jeta un regard noir. Un regard qui transmettait une envie de meurtre.

Léo se leva sans sourciller pour se mettre à la hauteur de son interlocuteur. Ils faisaient tout deux la même taille, bien que cela n’empêchait pas Léo de le fixer comme s’il s’agissait d’un enfant d’un mètre quarante.

Nanoki retint son souffle.

— Eloignez vous l’un de l’autre immédiatement ! C’est un ordre ! Léo, toi qui affirme avoir une intelligence supérieure, ne rentre pas dans son jeu.

— Dans mon jeu, mais c’est lui qui…

— Il suffit. Je vous ordonne d’aller dans vos chambres. Léo, tu pars en premier.

L’analyste ne lui adressa pas un regard et se retourna. Randy l’imita quelques minutes après, bien que le simple fait de savoir Léo loin de lui l’avait déjà calmé.

Nanoki se permit de respirer à nouveau, avant de s’affaler sur la table.

— Sacré journée, lâcha Daphné. Je n’ai rien dit mais honnêtement, je n’ai pas trouvé l’idée de Célia si débile que ça. Avant que Shiro n’apparaisse.

— Moi non plus. Mais c’était fou. Tu sais, je me dis que si on ne vivait pas tout ça et que ce n’était qu’un roman écrit, je l’aurais sûrement adoré.

— Ça ne m’étonne pas. T’as l’air complètement timbrée.

Une tignasse blonde dépassa de la porte d’entrée, avant d’entrer. Jessica avant dans le réfectoire sur la pointe des pieds, comme si le sol risquait de se briser sous elle.

— Est-ce que je peux m'asseoir là ?

Elle pointa une chaise vide en face de Nanoki et Daphné. La rêveuse sembla réticente.

— Tu peux, s’enquit Nanoki.

Jessica faisait partie des personnes qui l’intriguaient le plus et elle avait bien envie de jouer les enquêtrices sociales.

Les diversions s’enchaînaient et la karatéka comptait toutes les saisir.

— Alors, c’est quoi ta capacité ?

Jessica, qui jouait avec ses pouces releva la tête, des étoiles pleins les yeux. Demander à quelqu’un de parler de sa capacité était toujours un bon moyen de la mettre en confiance et d’en apprendre plus sur cette dernière.

Le moulin à parole venait de s’activer.

— Je suis une patineuse artistique ! Ma maman adore ce sport et était persuadée que c’était sa capacité quand elle avait mon âge. Elle était très douée et devait passer un test pour savoir si c’était bien sa capacité. Elle n’avait aucun doute alors elle s’est peu entraînée. Le problème c’est que ce n’était pas sa capacité. Et en testant un quadruple axel, elle a fait une chute et a finit avec une jambe dans un plâtre et une interdiction de pratiquer à vie. C’est pour ça que j’ai commencé le patinage.

— Attends, donc tu fais juste ça pour ta mère ou ça te plait vraiment ? Parce que c’est vraiment stup… Aïe !

Nanoki venait d’asséner un coup de coude dans la hanche de Daphné. Cette dernière grogna et croisa les bras.

— Ça me fait plaisir de faire ça. J’aime voir ma mère être fière de moi quand on teste de nouvelles figures avec d'autres capacitaires. Je vois pas où c’est un problème…

Jessica fronça les sourcils en direction de Daphné. Et voilà, elle venait de se refermer sur elle-même.

Nanoki n’insista pas plus. Ce n’était pas grave maintenant qu’elle venait de planter la graine. Elle devrait juste l’arroser par gouttes de temps en temps, sans la noyer, ni l’assécher.

Jessica se leva pour s’installer plus loin.

— C’est moi ou elle est vraiment bizarre ?

— Tout le monde est bizarre ici, répondit Nanoki.

Daphné la dévisagea. Ses yeux se plissèrent un instant, puis un sourire se dessina à la commissure de ses lèvres.

— Oui, je confirme…

Nanoki ne réagit pas à la remarque et étendit ses bras sur la table, submergée par la fatigue. Elle avait l’impression que plusieurs jours avaient fusionné en un seul.

Daphné lui asséna plusieurs coups de coude mais elle ne lui répondit que par des gémissements plaintifs.

— Si tu dors maintenant, tu dormiras pas ce soir.

La karatéka ne se préoccupait pas du soir. Le soir c’était dans le futur, elle n’avait pas à s’en inquiéter. Ce fut pourquoi elle se laissa sombrer dans les bras de Morphée.

Une douce odeur de poulet frit vint chatouiller ses narines. Il n’en fallut pas plus à Nanoki pour se redresser et renifler l’air. Elle se rendit alors compte qu’elle était seule dans le réfectoire. Elle se frotta les yeux, puis alluma son bracelet pour consulter l’heure. 20h24.

Elle ne savait plus l’heure qu’il était quand elle s’était endormie, mais cela faisait un bon moment. Finalement, elle aurait du écouter Daphné. Tout son corps était engourdi et elle se sentait encore plus épuisée qu’il y a quelques heures.

Nanoki soupira, avant de se concentrer sur les voix en provenance de la cuisine. Elle se leva, ignora les maux de tête et rejoignit les autres. Elle balaya la pièce du regard. Seuls Anaïs et Kaïs manquaient. Et elle, jusqu’à l’instant où elle posa un pieds dans la cuisine.

— Ah, tu as enfin décidé de te réveiller ! lui lança Daphné.

— Ce n'est pas trop tôt. On cuisine tous ensemble et toi tu dors, cracha Léo.

Nanoki ne lui accorda aucune attention. Elle le contourna pour rejoindre la rêveuse.

— Est-ce que tu as besoin d'aide ? Ou il y a quoi que ce soit que je puisse faire ?

— Coupe ces tomates.

Nanoki regrettait d’avoir demandé, bien trop épuisée. Cependant, elle ne rechigna pas et s’exécuta. La tâche devint plus agréable quand la voix de Clarisse envahit la pièce et flotta dans ses oreilles. Un petit sourire se forma sur ses lèvres. Il s’agissait d’une de ses chansons préférées. Lettre à mon reflet. Une chanson qui parlait autant d’amour que de haine par rapport à soi, qui se terminait par un “j’envoie tout bouler” grossièrement.

Elle aurait tellement aimé que ce concert privé se déroule dans un autre contexte. Un contexte où elle verrait encore Clarisse comme sa chanteuse favorite à qu’elle écouterait puis ensuite questionnerait, des étoiles pleins les yeux.

Clarisse enchaîna sur quelques autres chansons, puis le repas fut prêt. Ils s’installèrent, bientôt rejoint par Anaïs et Kaïs qui reçurent un regard désapprobateur de la part de Léo.

Le mannequin traîna une chaise dans un coin du réfectoire, de sorte à avoir une vue globale sur les autres. La mangaka, elle tomba sur une chaise d’une petite table et enfouit sa tête dans ses bras.

Nanoki remarqua qu’elle s’était changé. Avec des vêtements différents. Elle pencha la tête sur le côté et plissa les yeux. Comme une illumination, elle comprit de quoi il s’agissait. Anaïs avait échangé sa veste jaune moutarde contre une des vestes de Timéo qui devait être deux fois plus longue.

Après avoir mis la table, Nanoki posa une main sur son épaule. Anaïs frémit mais ne bougea pas. La karatéka n’insista pas et s’assit à sa place habituelle. Sa place habituelle… Elle avait déjà ses habitudes ici… Cette pensée la fit frissonner.

Est-ce que je vais finir par craquer comme Lou ? Est-ce que je vais finir par tuer quelqu’un ? Est-ce que j’en aurais le courage ? Est-ce que…

— Nanoki ? Arrête de rêvasser, t’es pire que moi ! Ça t’as pas suffit de dormir tout à l’heure ?

Cette dernière se redressa aussitôt, comme si elle venait de se réveiller. Elle dut faire une tête étrange durant une seconde, car Daphné la dévisageait, un sourcil haussé. La karatéka se reprit et avala son repas.

Curieuse, elle ne put s’empêcher de jeter des coups d'œil à Anaïs qui jouer avec sa fourchette, traçant des cercles invisibles sur une partie de son assiette qu’elle avait dégagée.

— Tu penses à Anaïs ? la questionna Gaël.

Nanoki sursauta. Elle n’avait même pas prêté attention à la présence du photographe et l’avait oublié.

— Je me dis que ça a déjà été dur pour nous, mais elle… C’est pas juste le choc de voir une exécution aussi affreuse… Timéo était son frère. Je n’ai ni frère, ni soeur, mais je serais prête à vendre mon âme au diable pour sauver ma meilleure amie, alors…

Nanoki tenta de visualiser le visage de sa meilleure amie. Encore une fois, un échec. Elle se concentra pour retrouver au moins son prénom ou son nom. Sans succès, une fois de plus.

— Je me demande ce que ça fait d’avoir un frère ou une sœur… fit Daphné, la mâchoire sur la paume de sa main.

— Toi aussi, tu es fille unique ? demanda Gaël, plus comme une affirmation.

— Je ne sais pas… Je suis orpheline depuis ma naissance et je n’ai jamais su si j’ai été abandonné par mes parents ou s’il leur était arrivé quelque chose.

— Les frères et sœurs vont ensemble à l’orphelinat, non ? Donc, tu le saurais, en théorie ?

— S’ils sont morts, oui. Mais s’ils m’ont eu trop jeune et que des années plus tard ils ont eu un autre enfant, ou quelque chose du genre… je ne peux pas le savoir…

Daphné parlait d’une voix morne, mais aucune tristesse n’en découlait. Elle fichait de connaitre ses parents, de savoir s’ils étaient vivants ou non. Nanoki, elle, le vivait très mal. Sûrement parce qu’elle n’était orpheline que depuis quelques mois. Elle enviait la force de la rêveuse.

— Est-ce que tu as quelqu’un qui t’attends dehors ?

Daphné lui jeta un regard indescriptible. Nanoki se demanda si elle posait trop de questions trop personnelles et si à cause de ce trop, la rêveuse ne répondrait pas.

— Peut-être…

Nanoki attendit une suite, mais comprit rapidement qu’elle ne viendrait pas.

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