Chapitre 18

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Quel était le meilleur moyen de ne pas devenir fou dans leur situation ? Sourire en toute circonstance ? S’enfermer loin des autres ? Fuir la réalité ? L’accepter ?

S’ils restaient des semaines ou même des mois enfermés, finiraient-ils par s’habituer à cette vie ? Finiraient-ils par se dire que ce n’était pas si mal et que de toute façon ils ne manquaient de rien ?

Cette idée semblait impossible à croire.

Fuir la réalité était si bon. Juste flotter, sans penser à rien. Pas même au match. Séparer son esprit de son corps, comme un rêve éveillé. Un rêve de liberté.

Malheureusement, la réalité les rattrapait. Elle les rattraperait toujours. Et le retour sur terre était brusque, violent, douloureux. Comme une chute de plusieurs mètres qui brisait leur mental.

Il ne fallait pas flancher. Ignorer la migraine. Ignorer les vertiges. Respirer.

Je suis dans la réalité.

Le gymnase se dessina plus clairement devant elle. Gaël lui jeta un regard qu’elle ne parvint à déchiffrer.

— C’était pas trop mal pour des débutants, leur lança Randy, un sourire en coin.

— Célia t’emmerde, le menteur.

Randy haussa un sourcil et se pencha vers elle, comme il le ferait pour une enfant à qui il voudrait faire la morale.

— Je ne suis pas un menteur. Me confonds pas avec le mioche qui se tape une barre depuis tout à l’heure dans les gradins.

Le sourire qu’il affichait il y a moins d’une minute, se transforma en une grimace. Pourtant, Célia continua de le fixer, comme si elle connaissait le moindre de ses secrets. Ils restèrent ainsi un moment, sans ajouter un mot de plus.

Après une dizaine de secondes, Nanoki fut lassé de leur jeu et retourna dans les vestiaires. Elle prit une douche rapide avant de rejoindre le réfectoire pour boire. Elle s’installa au côté de Daphné qui sirotait un jus de fruit.

— C’est pas très marrant de transpirer. Vous auriez pu trouver mieux.

— Transpirer c’est mon deuxième prénom. Tu parles à une karatéka, quand même !

— Hmm… Ça me fatigue rien que de vous regarder.

Comme pour prouver ses dires, elle s’étala sur la table. Sauf qu’elle avait oublié son verre et le percuta.

Le bruit attira les autres qui explosèrent de rire. Ce n’était pas grand chose, mais cela permit de chasser, au moins pour quelques minutes la tension qui demeurait. Une occasion qu’ils avaient saisit.

Nanoki ne savait pas si les autres se moquaient de la rêveuse. Dans son cas, ce n’était qu’une façon complémentaire au sport d’oublier.

Sauf que Daphné ne voyait pas les choses de la même manière. Elle ramena ses jambes à sa poitrine, serrée sur la chaise. Elle arrangea sa robe pour qu’elle recouvrît ses jambes.

— Faut pas faire cette tête, Daphnénounette !

Soen se planta devant elle et joua avec ses joues. Daphné remit les pieds par terre pour ne pas perdre l’équilibre, puis poussa le menteur d’un geste sec. Ses yeux embués de larme n’enlevait pas la haine dans ses yeux. Elle n’avait pas besoin de parler pour transmettre le message “Continue et je vais te frapper tellement fort que tu feras une crise cardiaque en te regardant dans le miroir”.

Soen arbora une expression indéchiffrable. Il s’éclipsa un instant avant de revenir, un verre de jus dans la main. Il le posa sur la table de Daphné sans lui adresser un regard.

— Tu viens Eden, on va embêter le non capacitaire !

Ce dernier le rejoignit et ils quittèrent le réfectoire.

Nanoki le suivit du regard. Soen était tellement… il n’y avait pas vraiment de mot pour le décrire. Contradictoire ? Étrange ? Imprévisible ? Indéchiffrable ? La frustration continuait de grandir en elle. Pourquoi ne se montrait-il pas comme il était vraiment ? Qui était le vrai lui ? Le Soen qui se fichait de tout ? Ou le Soen sensible ? Quel était le mensonge ? Ses rires ou son coeur ?

Daphné semblait n’en avoir plus rien à faire et bu son verre en quelques gorgées pour essuyer sa bêtise.

— Bon, vu qu’ici le silence est tout sauf présent, je vais dans ma chambre pour analyser le manga et le script.

Léo se leva et marcha vers la sortie.

— Je viens avec toi.

L’analyste se tourna vers Aaron qui arrivait à son niveau. Il le regarda de haut, sourcil haussé.

— Hors de question. Je ne suis pas assez stupide pour te laisser entrer dans ma chambre.

— Ce n’était pas une proposition. Je t’ordonne de me laisser analyser les ouvrages avec toi.

Léo lâcha un profond soupir et repris sa route.

— Je te surveille, sache le.

Quelques heures plus tard, alors que Nanoki s’endormait à moitié sur la table, les portes du réfectoire claquèrent contre les murs. Elle se redressa aussitôt.

— Je demande la présence de Shiro et Kuro ! Veuillez vous excusez pour m’avoir fait perdre mon temps !

— Il n’y avait vraiment rien ? insista Gaël.

— Que veux-tu trouver dans un manga à l’eau de rose pour une adolescente guidée par ses hormones et dans un script qui est à la limite d’un tutoriel pour divers meurtres ?

— Il est plus que clair que ces objets ne sont pas là pour nous récompenser mais pour tuer, ajouta Aaron. Un manga n’est pas censé être aussi lourd qu’un poids et il n’y a pas d’autre raison pour que ce soit le script de ce film en particulier — si ce n’est montrer qu’ils savent tout de nous.

Nanoki l’avait déjà supposé, mais l’entendre de vive voix d’une autre personne rendait son idée beaucoup trop réelle. Plus ils étaient entouré d’outils, plus ils seraient tenté. Ils avaient l’embarras du choix sur la méthode.

— Le manga sert de poids, ok, mais pourquoi un manga monsieur-je-sais-tout ? l’interrogea Daphné.

— Cette question est tellement idiote que je n’ai pas envie d’y répondre, fit Léo.

Daphné ouvrit la bouche, avant de tourner de grogner et de croiser les bras.

— Et bien, tenta Nanoki. Les objets ont l’air d’être lié à notre capacité. Clarisse a eu un micro, Célia un script d’un film où elle a joué, Aaron une règle…

— C’est tellement nulle une règle ! lança Soen.

— Je suppose que c’est pour l’autorité, un peu comme un professeur ? Bref, on peut en déduire que c’est un manga parce qu’Anaïs est une mangaka ou quelque chose du genre.

Léo hocha la tête, satisfait de ne pas avoir eu à répondre.

— C’est quand même nulle la règle… Mais le plus nul c’est que vous avez fait tout ça pour rien !

— En parlant de faire quelque chose pour rien… il n’y a pas vraiment de rapport, mais j’y pensais.

L’attention se dirigea vers Gaël qui porta sa main à son menton.

— Shiro et Kuro nous ont bien dit que si on commettait le meurtre parfait, on pourra sortir ? Mais comment comptent-ils nous faire sortir ? Peut être que ça nous aidera…

Tu cherches vraiment un indice ou tu veux juste t’assurer que tu pourras vraiment sortir si tu ne te fais pas repérer ?

Les mots tournaient dans sa tête avant qu’elle n’y pensât. Elle aimerait se frapper et se dire d’arrêter d’y penser, que cela n’arriverait pas, que pour avoir discuter avec lui, elle ne l’imaginait pas tuer quelqu’un… Mais cette phrase s’ancrait dans son esprit, cela pouvait arriver. Sans comptait qu’elle n’imaginait ni Lou, ni Timéo tuer quelqu’un.

Sauf qu’entre imaginer et la réalité, il y avait tout un monde. Surtout qu’elle ne les connaissait pas et quand bien même ce serait le cas, les situations comme celle-ci faisait ressortir des côtés enfouit.

— Ce sont nos bracelets qui nous empêchent de sortir, donc… débuta Noémie.

— Il suffit de les casser pour sortir ! cria Soen.

La pression de l’air devint forte devant le menteur, et la seconde d’après Kuro et Shiro apparurent.

— Ce n’est pas si simple que cela mon petit Soen ! Ces bracelets sont incassables vous vous doutez bien. J’imagine que certains d’entre vous ont déjà essayé et se sont juste fait mal au poignet.

Curieuse, Nanoki chercha un signe que l’un d’eux avait testé. Daphné détourna le regard et Randy se gratta la nuque. La karatéka fut presque surprise de constater qu’ils semblaient être les seuls. A moins que les autres ne le montraient pas.

— Enfin, pour répondre à ta question, mon petit Gaël, il n’existe qu’un seul moyen d’enlever ces bracelets. Si l’un de vous réussit à commettre le meurtre parfait…

Il marqua une pause afin de laisser perdurer le suspens, un sourire malicieux au coin des lèvres.

— Nous utiliserons une machine créée pour vous libérer de vos chaînes.

— Où se trouve cette machine ? demanda Noémie.

Son visage demeurait impassible. Pourtant, Nanoki pouvait affirmer qu’elle n’attendait pas de vrai réponse. Et ne pas connaître ses intentions la frustrait.

Shiro éclata de rire et s’en alla, sans prendre la peine de répondre. Kuro resta un moment, à gratter le sol.

— Tout ce que vous devez faire, c’est tenir. Vous pouvez le faire.

Elle n’ajouta rien de plus et partit à son tour.

Tenir… Elle veut nous empêcher de tuer quelqu’un… Alors c’est tout ? On devrait juste accepter cette vie, être ami avec tout le monde et être heureux ici ? Je ne peux pas… Je vais finir par craquer…

— Pourquoi tu parles presque jamais pour dire ce genre de trucs idiots ? Parce que, genre, c’est pas comme si y’avait une infime chance qu’ils avouent.

— Il y a quelque chose d’étrange chez elle… C’est un ordre, explique nous le fond de ta…

Il n’eut pas le temps de finir son ordre que, sans prévenir, Noémie enfonça son pied dans son ventre. Aaron se pencha en avant, le souffle coupé.

— Personne ne me donne d’ordre.

Sur ces mots, elle quitta le réfectoire. Son acte semblait impulsif, pourtant, elle demeurait calme. Pas même un froncement de sourcil, une grimace. Rien. Son ton aussi ne changeait pas de d’habitude.

— Cette fille est genre, carrément bizarre.

— Mais c’est quoi sa capacité ? Je l’ai à peine vu bouger ! s’exclama Eden.

— C’est juste une collectionneuse qui cherche de l’attention, lança Léo, l’air désintéressé.

— Une collectionneuse ? répéta Nanoki.

Elle ne l’aurait pas deviné. Il était vrai que les capacités ne se lisaient pas sur le visage de tout le monde et que la plupart du temps, elle le savait parce que les gens ne cessaient de raconter comment ils l’avaient découvert. Elle ne savait pas ce qu’elle avait imaginé pour Noémie, mais une collectionneuse… Nanoki trouvait cela inattendu.

— Célia pense qu’on devrait se reconcentrer sur ce que nous a dit Shiro.

— Quoi ? Tu veux commettre un meurtre ? lui demanda Soen, un sourire innocent.

— Ta gueule, le menteur. Célia pensait à autre chose.

Nanoki se redressa, les oreilles tendues. Son coeur s’emballa. Avait-elle une véritable idée pour les sortir tous de cet endroit ? Elle ne voulait pas se faire de faux espoirs. Trop tard, l’espoir pulsait déjà dans ses veines et son cœur.

— Célia se dit que même si on ne peut pas casser le bracelet, il y a peut-être autre chose pour s’en libérer.

— Quoi donc ? Parle ! C’est un ordre !

— Célia propose de s'amputer le bras.

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