Chapitre 17

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Le front collé contre le mur, Nanoki laissait l’eau couler dans sa nuque, pour ensuite rejoindre son dos. Les événements qui venaient de se dérouler tourner en boucle dans sa tête. Ses doigts s’agitaient, s’ouvrant et se refermant, griffant sa peau, une douleur qui ne signifiait rien.

La karatéka saisit le savon et le vida presque sur le gant de toilette. Sans laisser le temps au liquide de tomber, elle le colla contre sa peau nue et frotta. Elle frotta de partout. Comme si elle était imbibée du sang de Timéo. Comme si cela pouvait la purifier de cette image.

Si seulement sa meilleure amie pouvait-être là pour la serrer dans ses bras et lui dire que ce n’était qu’un cauchemar trop réaliste. Elle ne demandait qu’à retrouver son club de karaté et surtout aller à la tombe de son père.

Des souvenirs l’envahirent et bientôt, des larmes accompagnèrent l’eau sur ses joues. C’était à la fois tellement bon et tellement douloureux d’y repenser. Puéril aussi. Son envie de sortir ne cessait de s'accroître de façon générale, mais se remémorer le passé venait de la doubler. Pourtant, elle n’arrivait pas à s’arrêter. Elle avait besoin de penser à ses proches.

C’était comme si plus elle contrait ce besoin de penser à eux, plus elle les oublier.

Tout comme dans son cauchemar, elle peinait à visualiser sa meilleure amie. Seule une silhouette déformée lui parvenait. Et pour ce qui était de sa voix, elle la percevait de la même manière que si on l’avait au préalable modulé avec un modificateur de voix.

Nanoki oubliait les détails de leurs moment ensemble, leurs sujets de discussions. Tout était vague.

Tout le monde était présent au réfectoire. Ils étaient distants, la plupart cernés, mais vivants. Comparé aux jours précédents, l’idée d’un meurtre semblait presque une obligation. Cela devait arriver et allait arriver.

Nanoki s’affala à sa table habituelle, déjà presque remplie par Daphné et Gaël. Avec leur dernière discussion où elle avait gâché l’ambiance qu’ils avaient sûrement eu du mal à créer, la karatéka hésita à prendre place à leur côté. Gaël lui fit néanmoins un signe de tête pour lui indiquer de s’installer, ce qu’elle fit.

L’estomac de Daphné n’était pas affaibli par les événements de la veille. Un bol de céréales, des cookies, un brownie ainsi que des œufs et du bacon entourait la rêveuse qui avalait tout presque sans mâcher. Gaël, lui, s’était contenté d’une tasse de thé.

— Je t’ai déjà dit que manger est mon moyen de décompression, alors me regarde pas comme ça.

— Je juge pas ! Mais je m’y habituerais jamais je pense. Rien que voir toute cette nourriture, ça me donne envie de vomir…

— Pourtant, tu devrais manger quelque chose, même juste un cookie.

— Oula, non, je t’arrête. Tu sais très bien comment ça s’est passé la dernière fois que je me suis laissé convaincre.

— Tu devrais au moins de prendre du thé ou du café pour te remplir l’estomac, lui conseilla Gaël.

Nanoki fit la moue. Il n’avait pas tort, et puis boire et manger ne c’était pas la même chose. Elle alla dans la cuisine et se prépara du thé vert, avant de revenir avec ses deux camarades.

Après cela, les sujets de conversation restèrent coincés dans leur gorge. Ils auraient pu entendre les mouches voler si deux personnes ne discutaient pas joyeusement. Soen et Eden, comme d’habitude, se montraient insensibles à la situation.

Néanmoins, quand Kuro et Shiro firent leur apparition, Nanoki pensa qu’elle aurait préféré faire semblant de rire et de sourire avec les deux amis.

Anaïs se leva aussitôt de sa chaise qui racla sur le sol. Elle leur jeta un regard si noir que si sa capacité lui permettait de tuer avec les yeux, les deux robots seraient morts une dizaine de fois.

Kuro détourna le regard, se cachant derrière Shiro qui lui, ne semblait guère perturbé. Comme si le seul sentiment qu’il pouvait ressentir était la satisfaction des meurtres et du désespoir d’autrui. Leur créateur devait être dérangé pour les avoir conçus de cette façon.

— Bonjour à tous ! Comme vous avez survécu au premier procès, Kuro et moi avons décidé de vous récompenser !

— Vous avez dû remarquer que chaque socle autour de la salle des procès a un nom inscrit. Voici les clés qui vous permettront d’en ouvrir quatre.

Les deux robots distribuèrent les clés à Aaron, Anaïs, Célia, ainsi que Clarisse. Nanoki s’approcha de Clarisse pour observer la clé de plus près. Elle était banale, à l’exception de “K&S” gravé dessus. Kuro et Shiro. Une clé qui leur permettait d’obtenir une soi-disante récompense, avec les initiales de leurs bourreaux. Quelle ironie…

— Une récompense ? Vous vous foutez de moi !

Tout le corps d’Anaïs tremblait de rage. Après tout, ils recevaient ce cadeau pour les féliciter de la mort de son frère. Elle ne comptait pas s’en donner à cœur joie comme si c’était Noël ou son anniversaire.

— Vous pensez quoi ? Qu’on va tuer d’autres personnes pour en avoir d’autres ? Allez crever, c’est tout ce que vous méritez !

Poings serrés, elle s’apprêtait à leur sauter dessus, mais Randy l’arrêta, coinçant ses bras sous ses aisselles. Elle se débattit sous les rires de Shiro.

— Calme toi ! Si tu ne gardes pas ton sang froid, l’instigateur aura gagné. Il veut juste semer le chaos.

— Et c’est toi qui dit ça, enfoiré ?

— Hé ! Sans cet “enfoiré” tu serais déjà morte parce que tu aurais violé le règlement.

Finalement, Anaïs cessa de résister et se laissa tomber sur Randy qui l’asseya sur une chaise.

Après cela, Kuro et Shiro partirent, ennuyés que la crise fut passée.

— T’as enfin compris comment on utilisait son cerveau le non-capacitaire ? fit Léo, un sourire en coin.

— Mais qu’est-ce que vous avez tous avec moi ? s’écria-t-il.

— J’ai reconnu que ton crâne n’était pas totalement vide, tu devrais être honoré d’un tel compliment.

Pensant que plus personne ne s’intéressait à elle, Anaïs en profita pour se diriger vers la porte.

— Célia se demande où tu vas ?

— Chambre.

— Ne veux-tu pas savoir ce qu’il y a dans le socle ? Cela pourrait nous être utile, sait-on jamais, conseilla Aaron.

La concernée grogna mais se résigna. Elle quitta le réfectoire d’un pas rapide, bientôt suivis par les autres.

Nanoki s’interrogeait sur ces “récompenses” et sur la signification qu’avait Shiro de ce mot. Il était difficile d’imaginer ce monstre sanguinaire leur faire plaisir.

Ils s’arrêtèrent devant les socles et les quatres personnes ayant une clé s’approchèrent du leur. Clarisse restait à bonne distance, et du tendre le bras pour enfoncer la clé dans la serrure. Elle craignait qu’une bombe s’y cachât. “Votre récompense pour avoir survécu est votre mort imminente ! N’est-ce pas merveilleux ?”

Aaron fut le premier à plonger la main dans le trou. Par, réflexe, Nanoki fit quelques pas en avant et tendit le cou. Le leader se tourna vers eux, une règle dans la main. Il la tourna dans tout les sens. Elle ressemblait plus à une lame graduée qu’à une règle.

Une lame… Il fallait s’en douter. Leur récompenses n’étaient que des outils supplémentaires pour tuer.

Clarisse et Célia se lancèrent un regard. Elle appréhendaient plus de savoir ce qu’elles allaient trouver à présent. Anaïs, elle, n’eut aucune réaction à cela. Elle pencha la tête au-dessus du trou.

— Un manga. C’est bon, je peux y aller ?

— Un manga ? répéta Nanoki.

Elle avait eu faux ? Après la lame du leader, cela lui semblait évident, mais un manga était le dernier objet auquel elle s’attendait.

— Je le prends. Il pourrait contenir un indice, annonça Léo.

Il arracha le livre des mains d’Anaïs qui n’opposa aucune résistance. Puis, cette dernière leur faussa compagnie.

Un peu plus confiante, Célia sortit une pile de feuilles de son socle. Elle le feuilleta, sourcils froncés.

— C’est… le script d’un film dans lequel Célia a joué le rôle principal.

Nanoki n’y comprenait plus rien. Ces récompenses n’avaient aucun sens. D’abord une lame, puis un manga, et après un script.

— Je le prends aussi.

Célia le lui tendit d’une main tremblante. Elle était blême, comme si elle avait vu un fantôme.

— Célia… ne comprend pas… Célia sait que l’instigateur s’est renseigné sur tout le monde et grâce à sa capacité, Célia s’est fait un nom dans le milieu du cinéma…

— Alors pourquoi tu réagis comme s’ils avaient découverts un secret ? demanda Eden, un grand sourire aux lèvres.

— C’est parce que le film n’est jamais sorti. Il y a eu des vrais morts dans le film parce que le réalisateur trouvaient ça plus réaliste et il a été arrêté. La police a caché l’affaire, personne hormis les acteurs avec qui Célia a joué ne sont au courant.

Nanoki blêmit à son tour. Elle ne savait pas si c’était pour les meurtres dans le film ou le fait que l’instigateur fût au courant. Sûrement les deux. Comment leur bourreau pouvait-il savoir cela.

— L’instigateur c’est peut être lui, le réalisateur. Des vrais meurtres, tout est plus que réel, c’est possible ? supposa Randy.

— Célia ne sait pas trop… mais c’est vrai qu’à bien y réfléchir, Célia pense que ça lui ressemblerait bien de mettre des acteurs en situation réel.

— Mais si c’est lui, comment il nous connait ? Il nous a sûrement suivit pendant des mois ! Je le savais, je le savais ! Je sentais que je n’étais pas seul !

— Cesse de brailler, imbécile, lâcha Léo.

Kaïs continua de chouiner en silence.

Le groupe se tourna alors vers Clarisse qui semblait ne pas vouloir ouvrir son socle.

— Je n’ai pas que ça à faire, dépêche toi ! la hata Léo.

Elle grogna avant de plonger la main dans le trou. Elle grimaça au contact de l’objet, puis le sortit. Il s’agissait d’un micro. Même si Nanoki ne s’y connaissait pas beaucoup en micro, celui-là avait l’air normal. Cependant, la karatéka commença à comprendre le lien entre leur récompense et la personne. Déjà Célia qui était actrice et avait eu un script, puis Clarisse qui était une chanteuse, venait de découvrir un micro.

Elle le tourna dans tout les sens, jusqu’à trouver un bouton. Curieuse, elle appuya dessus. Aussitôt, un son suraigus les força à tous se bouger les oreilles, hormis Clarisse. Cette dernière compris vite à quoi servait le bouton et appuya de nouveau dessus. Le bruit cessa alors, bien qu’ils résonnaient toujours dans les oreilles de Nanoki.

— Oh mince. Je pensais pas que ça ferais ça. Je pense que, genre, je vais laisser ça là, du coup.

Elle le jeta dans son socle, l’air à la fois fascinée et, autre chose que Nanoki ne saurait décrire.

Désintéressés, ils se séparèrent petit à petit.

— Perso je vais défouler au gymnase, lança Randy.

— Bonne idée, je viens aussi, répondit Nanoki.

Cela faisait un moment qu’elle restait physiquement passive et cela ne pouvait que lui faire du bien de transpirer. D’autres personnes les suivirent et, pendant le chemin, ils débattèrent sur le sport à faire.

Bien que le gymnase disposait de plusieurs terrains ; football, basket, volleyball, seul le basket était praticable. Il n’y avait ni cage, ni filet. Seulement un ballon de basket.

Ils formèrent deux équipes de trois, car les autres se contenteraient de les regarder. De toute façon, ils jouaient pour se changer les idées, au diable les règles.

Nanoki entra donc dans les vestiaires pour la première fois. Pourquoi prendre la peine d’y venir quand sa seule préoccupation était de sortir ?

A côté de la porte, un placard dont la peinture ne devait pas dater de plus d’un mois, regorgeait de piles de diverses tenues de sport. Nanoki fut heureuse d’y trouver des karategi. Elle se surprit à s’imaginer monopoliser une partie du gymnase pour pratiquer.

Elle prit une tenue de sport simple, un t-shirt et un short tout deux blancs. Le haut était plutôt ample et le bas élastique, elle n’eut donc pas à s’inquiéter de savoir si cela lui irait. Elle le porta à son nez. L’odeur de la lessive remplit ses narines. Pour sentir aussi bon, ils devaient être sorti de la machine récemment.

C’était en cela que la situation dans laquelle ils étaient la perturbait le plus. Ils étaient enfermés dans une forêt et devaient commettre le meurtre parfait pour s’enfuir. Pourtant, tout était organisé afin de les permettre d’y vivre des années s’ils le souhaitaient, sans être en manque de nourriture, d’activité et sans nuire à leur hygiène.

Pourquoi s’embêter à cela si le but de l’instigateur était de les voir s’entretuer ?

— Nanoki est appelé sur la planète Terre par Célia.

— Quoi ?

Elle leva la tête vers son interlocutrice, l’air de s’être réveillée d’un demi sommeil.

— Célia te trouve très pensive alors que tout le monde est là pour se changer les idées. Tout le monde en a besoin après ce qu’il s’est passé hier.

— C’est vrai. Mais c’est compliqué d’ignorer la réalité.

Célia haussa les épaules.

— Dépêche toi de te changer. Célia et les autres t’attendent au gymnase.

Sur ces mots, l’actrice quitta la pièce. Nanoki finit seule avec ses pensées qui continueraient malgré tout à la hanter. Que se serait-il passé si Timéo n’avait pas tué Lou et que cette dernière ne l’avait pas prise pour cible ? Que se serait-il passé s’ils avaient accepté cette nouvelle vie ici ?

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