Chapitre 12

10 minutes de lecture

La karatéka se réveilla en sursaut, trempée par la sueur. Elle toucha aussitôt son visage, mais il n’y avait aucune trace de sang ou de chair découpée. Pourtant ils restaient collés à sa peau, imprégnés.

Un rire étouffé s’échappa de sa gorge. Secouée de spasme, elle se roula en boule dans son lit, mains plaquées contre son ventre. Ses entrailles faisaient des loopings à l'intérieur d’elle. Elle avait mal mais elle ne pouvait pas s’arrêter de rire à en oublier de respirer. De soulagement, de peur, d’angoisse, et autre émotion contradictoire qu’elle ne saurait même pas reconnaître.

Des souffles de rire la firent tressauter, avant que la danse de ses organes ne cessassent.

Comme une réponse au silence qui régna dans la chambre, l’annonce de la fin de la période de nuit vint griffer ses oreilles. La voix faussement mielleuse de Shiro lui donnait des envies de meurtres. Il leur avait mentis. Les cauchemars étaient déjà là.

Oui, elle le sentait. Si la première nuit elle avait fait un cauchemar, là c’était différent. En y repensant, même avec sa vision incertaine, elle parvenait à trouver l’identité de l’agresseur. Il s’agissait sans aucun doute de Shiro.

L’enfoiré… il va nous faire faire ce genre de cauchemar jusqu’à ce qu’on tue quelqu’un ? C’était pas ce qui était convenu… Au moins on n’avait un peu plus de chance de s’en sortir…

Nanoki se traîna hors de son lit. Elle prit une douche rapide pour se détacher de l’humidité de ses vêtements.

Ses jambes la conduirent au réfectoire qui était si bruyant que les voix lui parvenait de l’extérieur du bâtiment. Il n’y avait pas de doute à avoir sur le sujet. Eux aussi avaient eu un cauchemar. Nanoki en était sûre…

Elle claqua la porte, pourtant le bruit ne surpassait pas celui des autres qui braillaient.

— C’est inadmissible de mentir ainsi sur les règles ! J’exige la présence de Shiro ici même pour faire part de mon mécontentement ! s’écria Léo.

— Y’a que ça qui t’dérange, putain ? s’enquit Randy.

— Je veux pas refaire de cauchemar… chouina Jessica.

— C’est ma faute, je suis désolé, je suis désolé, je suis désolé… répéta Timéo en boucle.

Ils parlaient plus ou moins tous dans leur coin, parlant plus fort pour prendre le dessus sur la conversation. Des langues claquaient, des insultes fusaient, des larmes coulaient, puis un son. Le silence s’installa dans la pièce, la curiosité titillée.

Une gifle. La violence devenait peu à peu une habitude.

Célia venait de frapper Eden qui se tenait la joue, les yeux écarquillés. Il recula d’un pas, manquant de trébucher. Son regard exprimait de la confusion et des interrogations. Célia restait insensible, des éclairs dans les yeux.

— Célia voit la vérité dans ton âme. Célia voit ta peur, entend tes cris, Célia sent ton coeur s’arrêter à chaque fois que Shiro apparait. Alors arrête d’imiter ce connard de Soen.

Eden papillonna des yeux, qui s’agitaient, presque à se révulser. Ses doigts tremblèrent, crispés, comme s’ils cherchaient à parler ou à faire plusieurs chose en même temps. Allait-il la gifler à son tour ?

Nanoki se rendit compte que son souffle était coupé. La tension dans l’air était palpable. L’ambiance était lourde à tel point que la karatéka pouvait sentir son poids peser sur ses épaules. Non, il s’enfonçait dans sa peau. Elle devait forcer dans ses jambes, forcer pour se tenir droite. Ne pas s’écrouler, écraser par l’air.

Pourquoi se sentait-elle ainsi ? Quel était ce regard que lançait Eden à Célia ?

— De quel droit tu te permets ?

Chacun de ses mots faisait l’effet d’une lame qui s’enfonçait dans le corps de Célia. L’air confiant qu’elle arborait se fissurait, mais elle se reprit.

— Célia est une comédienne, sa capacité permet à Célia de reconnaître les émotions forcées, et…

Eden se jeta sur elle avant même que sa phrase ne se terminât. Sur la surprise, elle trébucha en arrière, ce qui aida Eden. Ses mains enserrèrent son cou, à califourchon sur elle.

Nanoki chercha Aaron du regard C’était toujours lui qui arrêtait les autres dès qu’un problème naissait dans le groupe. Mais à cet instant, il n’était pas là. Personne ne se dévouait pour réagir, malgré l’appel à l’aide silencieux de la comédienne.

Bouge toi ! T’es devenue karatéka pour ça !

Son corps bougea tout seul. Elle ne voyait même pas ses propres mouvements. Elle cligna des yeux et quand elle les rouvrit, Eden était au sol, joue contre le parquet. Nanoki le maintenait par le bras, menaçant de le lui tordre.

La position inconfortable que cela lui offrait sortit Eden de sa transe. Sa respiration s’accéléra, ses yeux bougeaient dans tout les sens. Comme si ce qui venait de se passer s’était effacé de sa mémoire.

Alors, lentement, pour s’assurer qu’il n’allait rien faire d’idiot, Nanoki s’écarta. Elle se tourna vers Célia qui, levé, tentait de retrouver un air impassible.

— C’était… c’était une blague ! Haha ! Vous y avez cru… hein ? hein ? que j’allais… haha…

Eden éclata de rire à en pleurer, bientôt rejoint par Soen.

— Grave ! C’était trop marrant ! Surtout vos têtes, dommage que vous pouvez pas vous voir !

— Que se passe-t-il ici ?

La voix d’Aaron résonna dans la pièce alors qu’il faisait son entrée.

— Et bah, c’est pas trop tôt ! s’enquit Randy. Y’a faillit y’avoir un mort là !

— Pardon ?

Aaron s’approcha d’eux, les sourcils fronçaient. Il dévisageait chacune des personnes présente, chacune son tour, dans le but de trouver le coupable et sa victime.

— Regarde pas Célia comme ça !

Le leader resta bloqué sur elle, la jaugeant, puis, comme s’il lisait dans ses pensées, il se tourna vers Eden.

— Quoi ? Je rigolais juste ! Une petite blague pour me venger, rien de bien méchant !

— Je parlerais plus d’un acte irréfléchi et impulsif venant d’une personne stupide.

— Ouais m’enfin, tu cause beaucoup mais y’a rien de concret. Si la capacité de Nanoki lui avait pas aidé à intervenir, personne d’autres l’aurait fait, lança Randy.

— Je me fiche de sauver les autres. Je peux défendre ma propre personne, je n’ai aucune raison de dépenser mon énergie pour autrui. D’autant plus que si cet imbécile finit l’avait tué, cela lui aurait porté préjudice, le procès n’aurait pas duré plus d’une minute.

Ses mots donnèrent des frissons à Nanoki. Se fichait-il réellement qu’il y eût des morts ? Si seule sa propre persone l’intéressait, qu’est-ce qui l’empêchait de commettre un meurtre ? L’idée ne semblait pas le déranger.

— Putain mais comment tu peux être aussi insensible ! jura Randy.

— Je ne vais pas me soucier de personne aussi peu importante telle que vous. Pour qui te prends-tu pour chercher mon attention ? Tu n'as même pas encore découvert ta capacité, tu es un être complètement banal. De nous tous, tu es sûrement celui qui sera la perte la moins importante.

Ne pouvait-il pas arrêter de parler de mort ? A quel point l’idée le séduisait-il ? Surtout après l’annonce d’un nouveau mobile. Comme si l’envie de s’échapper de ce lieu n’était pas suffisante.

Même si personne n’était encore passé à l’action, ce n’était pas si rassurant. Ils devaient tous y penser. Peut-être caché au fond de leur esprit pour tenter de garder le contrôle. Pour combien de temps ? Eden avait déjà manqué de tuer Célia sous leurs yeux. L’aurait-il fait sans l’intervention de Nanoki. C’était fort possible. Il était l’exemple d’une perte de contrôle. Une impulsivité. Il devait le faire, comme si c’était vital. Cela se voyait à son regard.

Anaïs et Timéo étaient bien chanceux d’être frère et sœur, ils se connaissaient et pouvaient avoir confiance en l’autre. Même Kaïs et Gaël devaient se sentir plus rassurés ensemble.

Une pression dans l’air sortit Nanoki de ses pensées. A l’instant où la silhouette de Kuro et Shiro se dessina dans la pièce, une tension naît. Une boule se forma dans le ventre de Nanoki.

— Coucou tout le monde ! J’ai cru comprendre que vous étiez plutôt mécontent ce matin. Quelle tristesse… une telle épidémie de cauchemars…

— Enfoiré ! Tu nous as mentis ! cracha Randy.

— Oups ! Il semblerait que j’ai oublié de vous donner un petit détail hier. Mais je me suis dit qu’une menace sans réelle preuve n’aurait pas grand intérêt. Il fallait bien vous montrer concrètement ce que vouos vivrez s’il n’y a pas de meurtre. C’est beaucoup plus efficace, vous ne trouvez pas ?

Il cacha sa bouche de ses mains. Ce n’était pas nécessaire de camoufler son grand sourire ; il remontait jusqu’à ses oreilles.

— Voilà, maintenant vous savez tout ! Donc ne vous inquiétez pas, pas de nouveau cauchemar ce soir ! Enfin, si c’est le cas, ce sera pas de notre faute. Je vous laisse ! N’héstez pas à commettre un petit meurtre ! Bisou !

La seconde d’après il avait déjà disparut.

C’était donc cela son explication. Un avant goût de ce qui leur arrivera s’il n’y avait pas de meurtre. La sensation du sang et de la chair s’éparpillant sur son visage lui revint et elle eut envie de s’arracher la peau pour tout enlever. Allait-elle donc réellement revivre cela ?

Non, non, non ! Elle ne le voulait pas ! Pas moyen…

C’est beaucoup plus efficace, vous ne trouvez pas ?

Qu’est-ce que cela faisait de tuer quelqu’un ? Comment se sentait-on pendant ? Et après ? Nanoki imaginait, par défaut, utiliser une arme tel un couteau. Quelle sensation était-ce d’enfoncer une lame dans le corps de quelqu’un ? Le simple fait de lire certaines scène dans des livres la dégoûtait. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher d’être attirée par l’idée.

— Résistez. Vous n’avez pas à le faire. Tout se passera bien si vous tenez.

La voix de Kuro raisonna dans le silence de la pièce. Aucune réponse, pas même un regard. Non, tout n’allait pas bien se passer.

Nanoki ne savait pas dans quel camp était Kuro, quel était son objectif. POurquoi cherchait-elle à les aider ? Enfin, si on pouvait appeler cela les aider. Il s'agissait d’un robot construit par l’instigateur. Elle avait été programmé pour obéir. Les robots n’avaient pas de conscience propre. Quel était donc l’objectif de l’instigateur en créant ses deux personnages si différents ?

La pression dans l’air revint, significative de la disparition de Kuro. Pourtant, si les deux robots humanoïdes avait apporté une tension en arrivant, il ne l‘avait pas récupéré en partant.

La lourdeur de l’air était encore plus forte que lorsqu’Eden avait tenté de tuer Célia.

Nanoki repensa à la scène et aux paroles de Léo sur le fait que le procès aurait été rapide. S’il commattait un meurtre, ils n’auraient pas de cauchemars…. Cela lui était sortit de la tête quand elle était intervenue. Peut-être aurait-elle dû le laisser faire.

Après tout, pourquoi devrait-elle accepter de souffrir pour des personnes qu’elle ne connaissait pas ? Elle était prête à offrir son coeur à sa meilleure amie, mais c’était tout. Elle n'avait pas à se soucier des autres. Encore moins dans une telle situation où la règle du chacun pour soi n’avait jamais été si vraie.

Petit à petit, le réfectoire se vida. La moitié d’entre eux retournait dans leur chambre pour s’y enfermer et être en sécurité. Mais Nanoki préféra rester dans le groupe. Seule, elle aurait trop de temps pour réfléchir et se torturer l’esprit.

Nanoki s’affala sur une chaise, bientôt rejoint par Daphné, une tonne de paquets de gâteaux sous les bras. La karatéka haussa un sourcil. Toute cette nourriture lui donnait envie de vomir. Daphné lui jeta un regard noir devant l’expression de Nanoki.

— Je te l’ai déjà dit, manger et ma façon de me détendre, alors arrête de me juger comme ça.

— Je juge pas, ça me donne juste envie de vomir.

— Tu devrais quand même manger un petit truc. Le petit déjeuner est le repas le plus important de la journée. Faut pas rester le ventre vide.

Nanoki haussa les épaules, une grimace sur le visage. Le plus important pour elle à l’instant était de ne pas recracher les repas du jour précédent.

Daphné glissa une boite de cookies devant elle.

— Mange.

— Insiste pas, j’ai pas faim.

Comme pour la contredire, son ventre gargouilla suite à ces mots.

— Je l’entends. Prends en un.

— Pourquoi tu te préoccupe autant de ça ?

Daphné ancra ses yeux dans les siens, sans lui répondre. La profondeur de ses iris semblait reflétait l’univers entier. Un malaise naît, mais Nanoki eut l’impression que cela ne concernait qu’elle. Elle finit par détourner le regard et ouvrir le paquet. Un sourire se dessina sur les lèvres de la rêveuse, fière.

Le visage crispé, Nanoki grignota un bout de cookie, sans grand intérêt. Daphné pouffa face à son dégoût exagéré.

Nanoki parvint à finir son cookie, mais son amour pour ses derniers ne supprima pas son envie de rejeter ce qu’elle venait d’ingérer. En fait, elle regrettait d’avoir avaler ne fût-ce qu’une bouchée. Sans attendre plus longtemps, elle se précipita dans les toilettes de sa chambre.

Pourquoi est-ce que j’ai écouté Daphné, moi ?

Après ce moment peu glamour, Nanoki retourna dans le réfectoire, accueilli par un regard interrogateur de la rêveuse. Elle n’y répondit pas et se laissa tomber sur la chaise, le regard perdu dans le vague.

Son regard se verrouilla sur l’expression enjouée de Soen. La karatéka ne le comprenait pas. Cette situation le rendait-il heureux ? Se complaisait-il de l’aventure irréelle qu’ils vivaient ? Ou bien n’était-ce qu’une carapace ? Une façon de se protéger ? Si elle parvenait à le savoir, cela lui permettrait peut-être de se rassurer.

A sa façon, Soen était l’un des plus terrifiant. Il les bernerait tous sans difficulté. Cela dit, avec sa personnalité des plus détestable, si quelqu’un d’autre que le menteur venait à commettre un meurtre, la probalitié que ce dernier fût la victime augmentait au fil du temps.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire layleli ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0