Chapitre 11

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— Ce n’est pas normal qu’en tant que chercheuse tu n’ais rien trouvé ! Je suis sûr que tu nous caches quelque chose ! l’accusa Kaïs.

— A part dire que tout a été construit récemment, je n’ai rien de plus à ajouter.

A ce sujet, leurs bourreaux n’avaient-ils pas dit que tout cela avait été aménagé pour eux ? Était-ce donc réellement le cas ? Même si tout se déroulait au milieu d’une forêt, cela n’aurait pas pu passer inaperçu. Entre apporter le matériel de construction, détruire les arbres…

— Ça ne sert à rien de s’accuser entre nous. Si Lou n’a rien trouvé, c’est que l’instigateur a réussit à ne laisser aucun indice et aucune faille, on ne connait pas sa capacité, ou leur, s’ils sont nombreux, expliqua Eden. Nous devons avoir confiance en chacun d’entre nous sinon nous n’avancerons jamais…

— Tu parles de confiance mais peut-être que quelqu’un a déjà pensé à commettre un meurtre…

La voix de Soen imprégna l’esprit de Nanoki qui eut un frisson d’effroi. Par réflexe, elle dévisageait les autres participants, qui l’imitaient. Chacun cherchait à connaître les pensées des autres.

Evidemment que quelqu’un y avait déjà pensé. L’idée avait parcourut l’esprit de Nanoki. Mais entre imaginer tuer quelqu’un et passer à l’acte, il y avait tout un monde. L’un d’eux serait prêt à se salir les mains ?

— Désolé, je ne le pensais pas. Comme vous, je veux juste qu’on puisse tous sortir d’ici et vaguer à notre quotidien comme si rien ne s’était passé…

Il affichait un air triste, pourtant Nanoki n’arrivait pas à être atteinte. Il mentait tout le temps, le faisait-il encore à cet instant ? Sa capacité ne lui permettait pas de le savoir. Lou, elle, peut-être. Cependant, elle demeurait silencieuse, impassible.

— Arrêtes de t’excuser, on sait bien que tu mens ! cracha Daphné.

Cette dernière serrait les poings, les yeux pleins d’éclair en direction de Soen. Vide d’émotion, il l’observa un moment, avant d’éclater de rire.

— T’as raison je regrette rien !

— T’es vraiment qu’un con ! vociféra Randy.

Le menteur reçut de nombreux regards noirs qui ne l’affectèrent pas. Finalement, Daphné n’avait pas faux quand elle disait qu’il devait avoir l’habitude. Cela semblait être son quotidien.

Malgré son comportement exécrable, cette haine n’était pas si justifiée. Ne pouvait-on appeler cela du harcèlement ? Nanoki se ratatina. Peut-être que lui aussi cachait simplement ses émotions pour ne pas être traité de faible ou autre. Peut-être même était-ce ainsi qu’il avait découvert sa capacité.

Soen éclata en sanglot et quitta la pièce en courant.

— Vous êtes tous trop méchants, bande de pas gentils !

Nanoki le suivit du regard, fixant la porte après qu’il l’eut claqué.

— Pff, toujours a inventé n’importe quoi pour avoir de l’attention… soupira Daphné.

Daphné le détestait de façon évidente. Nanoki, elle, se demandait si cette dernière phrase ne cachait pas une sincérité à laquelle personne ne se doutait à cause de sa capacité.

— Je ne sais pas…

— Quoi, tu vas pas me dire que tu le crois quand il dit que ça l’atteint ? T’es aussi naïve que ça ?

— Peut-être que je le suis, mais j’ai pu constater à quel point les personnes harcelées pouvaient bien cacher leur véritable émotion.

Daphné fronça les sourcils et croisa les bras.

— Pourquoi tu parles de harcèlement ? On lui demande juste d’arrêter de mentir, c’est tout.

— Mmh…

Nanoki n’ajouta rien. Daphné ne voyait que des rires à travers ses pleurs et des moqueries à travers ses rires. La karatéka ne pouvait s’empêcher d’imaginer une signification plus sombre.

L’image de sa meilleure amie tournait en boucle dans son esprit. Elle secoua la tête pour les chasser quand son nez commença à la piquer.

— T’es vraiment plus crédible que t’en as l’air… et mais tu vas où ?

Nanoki ne pris pas le peine de répondre et partit dans sa chambre. Elle n’était pas sûre que rester seule fût une bonne idée, mais les discussions des autres lui donnaient un mal de crâne.

Elle se jeta sur le lit, se redressa pour vérifier une dizaine de fois qu’elle avait bien verrouillé, puis enfonça sa tête dans son oreiller. Mais elle n’eut pas le temps de penser à quoi que ce fût, car une mélodie familière émana de son bracelet. Elle s’attendait à entendre l’annonce de l’horaire de nuit, cependant, elle ne put s’empêcher de river ses pensées sur la voix beaucoup trop enjoué de Shiro.

— Bonsoir à tous ! C’est bientôt l’horaire de nuit, mais avant que vous alliez tous vous coucher, rejoignez-moi au gymnase ! PS, ceci n’est pas une demande, mais un ordre ! Aucun absence ne sera tolérée, voilà, bisou !

Nanoki se figea alors que des sueurs froides vinrent la saisir de toutes parts. Cela n’annonçait rien de bon. Si la menace ne forçait pas son corps à bouger, elle resterait icc, paralysé, priant pour qu’on l’oubliât. Elle aurait préféré faire cela, mais elle n’avait guère le choix que d’obéir.

Voilà pourquoi tu ne pourras jamais être une héroïne de roman…

Elle s’extirpa tant bien que mal et se laissa traîner jusqu’au gymnase avec l’impression d’avoir un deuxième cœur dans les talons.

Nanoki ouvrit la porte du bâtiment et s’engouffra dans la froideur glaciale et morbide du lieu qui pénétrait dans sa peau. Les autres entouraient les deux robots, certains déjà en pyjama.

Kuro ne les regardait pas, traçant des cercles avec son pieds. Contrairement à Shiro qui les défiait du regard, un grand sourire aux lèvres. Il s’amusait à les faire patienter de longues minutes, peut-être même des heures durant lesquelles sont ses yeux croisaient ceux de chaque personne présentes tour à tour.

Puis, telle une bombe, il explosa ses mots.

— S’il n’y a pas de meurtre d’ici après demain, vos pires peurs vous accompagneront lorsque vous dormirez. En d’autres termes, on peut dire que vous ferez une paralysie du sommeil, quoique, ça dépend de vos peurs. Vous êtes arachnophobe ? Sentez les donc se balader sur votre corps, entrer dans votre bouche, vos narines, recouvrir vos yeux sans que vous ne puissiez rien y faire…

Son sourire s’agrandir encore, au-delà des limites humaines. Shiro attendait patiemment une réaction qui ne vint pas. L’information flottait dans l’air sans les atteindre. Nanoki l’avait bien entendu, mais elle serait incapable de les répéter. Que venait-il ne dire ?

— Et sachez, reprit-il, que ne pas dormir ne changera rien car si à minuit maximum vous ne dormez pas, votre bracelet vous distribuera un somnifère et vous serez contraint de rejoindre le pays des rêves. Ou plutôt des cauchemars.

Un rire s’échappa de sa gorge à ses derniers mots. Et, comme si cela les avait réveillés, ils se tournèrent subitement vers les autres.

Les yeux tremblants, Nanoki cherchait à lire au plus profond de leur esprit, connaître ses pensées. Qui allait commettre un meurtre ? Qui ? Pourtant, peu importait la foi qu’elle mettait dans sa volonté, il lui était impossible de déchiffrer leur émotions, elle ne pouvait guère lire en eux pour son plus grand désespoir. A la place, elle ne voyait dans le regard des autres qu’un reflet de ses propres émotions et recherches.

Les paroles de Soen refirent surface dans la tête de la karatéka. Si quiconque pensait déjà à tuer pour la seule raison de reprendre sa liberté, ce second mobile avait renforcé cette envie. Mais qu’en était-il d’elle ? Elle ne voulait même pas y penser. Et pourtant, des centaines d’idées de meurtres parcouraient son esprit, déchirant le rationnel et le sang froid pour ne laisser place qu’à son instinct primaire.

A ce moment-là, la possibilité de tuer quelqu’un ne lui semblait plus aussi repoussante et effrayante que quelques heures plus tôt. Au contraire, elle l’attirait de plus en plus. Qui pourrait-elle tuer ? Même si ses capacités de karatéka lui offrait des techniques d’attaques et de défenses, si jamais sa victime ne se laissait pas faire, elle ne pourrait battre Aaron. Elle n’oserait pas même le prendre par surprise de peur que son plan ne se retournât contre elle. Non, elle devait plutôt choisir quelqu’un comme…

Stop ! Arrête ça ! Ne pense pas à ça ! Ne pense pas à ça ! Ne pense pas à ça !

Elle se tint la tête, comme si cela l’aiderait à faire cesser ces idées morbides qui tournaient dans sa tête dans l’unique but de la torturer.

Sans s’y attendre elle-même, elle se précipita en dehors du gymnase pour s’enfermer dans sa chambre. Le cœur battant dans ses tempes et la respiration saccadée, des soubresauts lui firent perdre le contrôle de ses jambes qui ne parvinrent plus à la soutenir. Elle enfouit sa tête dans ses bras et laissa ses larmes couler.

Pourquoi cela lui arrivait ? Pourquoi elle ? Elle voulait juste rentrer chez elle, retrouver sa petite vie tranquille, sa meilleure amie, les membres de son club de karaté. La vie lui promettait encore trop d’aventures à vivre pour rester enfermé dans cette forêt qui devenait de plus en plus lugubre. Son maître devait lui céder sa place, elle avait prévu de nombreux voyages avec sa meilleure amie. Mais le pire dans tout cela était qu’elle n’avait pas pu aller à l’enterrement de son père.

Pourquoi était-elle là ? Comment avait-elle été choisie ? L’instigateur la connaissait-elle ? Trop de questions la submergeaient, au point que si ces dernières avaient une consistance physique, elle s’étoufferait dans cette bulle.

Finalement, par elle ne savait qu’elle miracle, elle s’endormit.

Elle demeurait assise, toutefois, un détail avait changé. Bien qu’elle était toujours adossé, la matière contre son dos n’était pas celle de sa porte. Il s’agissait d’un arbre. Et pire que tout, ses poignets étaient liés. Ses bras entouraient le tronc de l’arbre dans une position qui la fit grimacer de douleur.

Nanoki ouvrit les yeux pour tenter de comprendre ce qui se passait. Mais sa vision défaillante ne lui offrait que des arbres aux traits confus.

Au loin, deux silhouettes approchaient. Nanoki plissa les yeux pour voir si elle reconnaissait les personnes et si, peut-être elles pourraient l’aider. Déchiffrer les formes difformes n’étaient pas évident, pourtant, elle parvint sans mal à reconnaître une des personnes. Il s’agissait de sa meilleure amie !

Nanoki écarquilla les yeux et tenta aussitôt de l’appeler. Cependant, même si sa bouche s’ouvrait en grand, aucun son ne sortit si ce n’était qu’un faible gémissement. Elle se débattit alors, tapant des pieds pour faire du bruit et attirer son attention.

Néanmoins, elle comprit vite que c’était vain quand sa meilleure amie fut plus proche d’elle. Cette dernière ne pouvait guère l’aider. Elle marchait, tête baissée, les mains également liées dans son dos, alors qu’elle se faisait pousser par quelqu’un derrière elle.

Sa meilleure amie s’arrêta quelques centimètres devant elle, puis se mit à genoux. A aucun moment elle n’avait essayé de croiser le regard de Nanoki.

Un son fouetta l’air, puis un cri strident le suivit. Sa vision floue et le son également déformé, Nanoki, complètement tendue, mit du temps à comprendre ce qui venait de se passer. Jusqu'à ce que cela recommence.

La personne au-dessus était en train de fouetter sa meilleure amie. Et Nanoki ne pouvait rien faire. Mais cela ne l’empêcha pas de s’acharner, de tirer sur les liens, crier des mots que seule la karatéka pouvait entendre. Elle bougeait dans tous les sens, priant pour qu’un mouvement parvint à la libérer. Il fallait qu’elle sauve sa meilleure amie. Elle le devait.

Néanmoins, l’agresseur était sans pitié et les cordes trop bien serrées. Nanoki demeurait impuissant face à la scène qui se produisait devant elle. Elle ne pouvait que subir les cris de sa meilleure amie.

Mais quand du sang gicla sur elle, c’était trop.

Je vous en pris arrêtez ça ! Tuez-moi s’il le faut mais arrêter ça !

Elle répétait ces mots en boucle dans sa tête, comme si l’agresseur pouvait lire dans ses pensées et l’écouterait. Il n’en était rien.

Des morceaux de chair s’étalèrent sur le visage de Nanoki qui manqua de vomir. Elle n’avait toujours pas abandonné. Ses poignées étaient en sang et ses épaules menaçaient de se déboiter, mais elle s’en fichait. Elle devait agir avant…

Il était trop tard. Ma meilleure amie tomba à terre. Mais il ne restait de cette dernière qu’un tas de chair .

(Être impuissante, voilà la peur de Nanoki)

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