Chapitre 5

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J'avais mal à la tête. J'ouvris les yeux, et la première chose que je vis me laissa penaude. Le sol était encastré douloureusement dans ma joue.

Que pouvais-je bien faire là ? Je me concentrai pour me souvenir. Mes visions. Elles ne m'avaient pas appris l'identité de la personne qui me hantait, mais je connaissais un peu plus de choses sur sa vie. Pourtant, au lieu d'avoir répondu à ma question, j'avais l'impression d'en avoir soulevé de nouvelles. Je n'étais plus certaine que ce rituel ait été une bonne idée.

Quelle heure était-il ? Onze heures. J'avais raté le petit déjeuner. Je n’avais rien prévu pour la journée qui s’annonçait. J'allais commencer par prendre une bonne douche puis j’aviserai ensuite.

 

***

 

Je descendis à l'étage où une étrange effervescence paraissait atteindre son apogée. Il semblait qu'un groupe de touristes était arrivé. Je n'avais rien entendu moi, sûrement perdue dans mes visions.

— Bonjour.

— Bonjour Elizabeth.

— Vous avez bien dormi ?

— Oui, oui, merci.

— Une valise est arrivée pour vous ce matin.

— Pourrez-vous la faire monter dans ma chambre s'il vous plaît ?

Je souris en pensant au message envoyé à ma sœur, Lélahel, le dimanche dans la journée. Toujours aussi rapide… Il faudrait songer à la remercier.

— Bien sûr, je m'en charge. Prendrez-vous le repas de ce midi ?

— Non, je vous remercie. Je vais aller me promener au bord de la falaise. Que se passe-t-il ? De nouveaux arrivants ? lui demandai-je en avançant le menton pour désigner la pile impressionnante de papiers posée devant elle.

— Oh, ne m'en parlez pas. L'hôtel est sens dessus dessous. Un groupe de personnes, plutôt étranges, est arrivé en plein milieu de la nuit. Une femme et trois hommes. Ils ont exigé des chambres, un nombre incroyable de renseignements que j'ai trouvés sur Internet, dieu bénisse cette invention, et on ne les a pas revus depuis.

— Ils sont sans doute exténués par leur voyage. Bon courage à vous ! lui dis-je avec un sourire complice.

 

Je sortis rapidement de l'hôtel. Il faisait relativement beau, le soleil me fit du bien malgré un vent fort qui soufflait par rafales. Je m'installai un peu plus loin, au bord de la falaise, laissant mes jambes pendre dans le vide, au-dessus de l'océan.

Je ne pouvais m'empêcher de ressasser, encore et encore, mes visions et le peu d'informations que j'avais sur cette mystérieuse personne. Peut-être devais-je appeler Kami pour lui raconter. Il m'aiderait, c'était certain. Pourquoi ne l'avais-je pas fait plus tôt ? C'était insensé. J'avais confiance en lui, et pourtant… Ce sentiment de ne pas devoir lui en parler était si implacable. Peu m'importait cette impression finalement, c'était décidé, j'allais lui téléphoner.

Je me levai, marchai à pas pressés en direction de l'hôtel lorsque la terre se mit à tanguer dangereusement.

J'étais assise en tailleur sur le sol. La pièce était plongée dans l’ombre, des bougies noires m'entouraient, je psalmodiais.

— Entendez mon appel, permettez-moi de posséder les corps à nouveau. Ce soir, Syrine, c'est toi qui seras mon hôte !

La scène bascula. Tout se mit à tournoyer autour de moi. Je sentis une puissance émaner de mon corps, ou plutôt du corps de la personne dont je visitais les souvenirs. J'étais projetée dans l'enveloppe charnelle d'une autre personne.

Je savais qui était cette personne : c'était dans mon corps que je me trouvais à présent. Quelle sensation étrange ! Je visitais les souvenirs d'une personne qui m'avait possédée ! Si elle contrôlait mon corps, alors n'était-ce pas mes souvenirs que je visitais ? Où se trouvait ma conscience au moment où j’étais possédée ?

 Je reconnus ma voiture. Je roulais vite, très vite. J'aperçus un véhicule en face, ce qui sembla me procurer une satisfaction intense. Je provoquai une terrible collision, mais annulai la possession juste avant l'impact. La dernière image que je réussis à saisir était celle du visage du conducteur en face. Robin. Le conjoint de Kami.

 

***

 

Il n'y avait plus de doute. J'avais bien fait de ne pas prévenir Kami. Comment lui expliquerais-je, alors, ce que j'avais fait ? Comment pourrait-il me croire s'il ne voyait pas lui-même ce qu'il s'était passé ? Je ne comprenais toujours pas moi-même à quoi rimait cette possession, qui avait pu faire cela, mais je commençais à m'approcher de la vérité. Dorénavant, je devais vraiment me préparer à tout.

J'étais dans ma chambre. Je fouillais parmi les affaires que l'on m'avait apportées le matin, et m'emparai de quelques habits adéquats. Un pantalon en toile beige, un débardeur blanc cassé et une petite veste en daim marron. J'enfilai des bottes en fin velours brun qui me prenaient jusqu'aux genoux, et attachai mes cheveux en une longue queue de cheval où je fixais une petite plume tachetée.

Enfin, mes yeux s'attardèrent sur les deux sœurs qui m'attendaient sagement sur le bureau. Je posai la rapière à côté de la porte, et fixai la dague, avec une lanière en cuir, contre mon tibia gauche, cachée par ma botte. Dans le miroir, ce n'était plus une jeune licenciée en psychologie que je voyais, mais une sorcière qui se préparait à livrer une bataille dont les enjeux lui échappaient.

J'inspirai lentement. Une rage méconnue s'emparait peu à peu de moi. Pourquoi ? Je l'ignorais. Peut-être que le fait d'être le pantin de quelqu'un me rendait folle, ou bien étaient-ce ces souvenirs qui m'échappaient, le sentiment d'être proche de la vérité sans réussir à la trouver ? Je m'installai par terre et sortis mon Oracle Belline.

Je vidai mon esprit, et ne fixai aucune interrogation particulière. Je mélangeai mes puissantes cartes, puis en tirai huit.

D'abord le passé proche, les cartes de l'Accident, et celle de l'Héritage. Je comprenais l'Accident, c'était évident après la vision que j'avais eue. Mais, l'Héritage… Troublant. C'était justement cette carte qui était sortie, deux ans avant, alors que je venais tout juste d'acquérir mon jeu. Je voulais qualifier la relation entre Kami et Salem. Drôle de coïncidence, si coïncidence il y avait. Ce dont je doutais fortement.

Ceci étant, je ne voyais pas en quoi l'accident de Robin pouvait servir Salem. À moins qu'il n'ait eu l'intention de vouloir Kami pour lui seul, ce qui m'aurait étonnée.

Ensuite le présent. La Trahison et les Ennemis. Les Ennemis, je me doutais un peu qu'ils sortiraient avec ce qu'il m'arrivait. Et la Trahison… c'était la carte qui représentait Sovana, mon ancienne amie. J'y pensai immédiatement, car il était probable que la personne qui jouait avec moi soit quelqu'un que je connaissais bien, ou au moins que j'avais bien connu par le passé. Mais dans ce cas-là, pourquoi serait-elle apparue dans le présent ?

Pour le futur proche, sortirent les cartes du Départ et du Changement. Ici, je n'avais pas de mal à interpréter le jeu. Kami et moi désirions partir en voyage, sans but ni destination. Cela dit, nous avions prévu cela pour quatre ou cinq ans plus tard. Le fait que ces cartes apparaissent dans le futur proche me laissait perplexe. Je ne comprenais pas les liens des temporalités et des cartes. Quelque chose clochait, ça sautait aux yeux !

Enfin, les deux dernières cartes pour symboliser les messages qui m'étaient destinés. Je retournai lentement les lames. La première, la Ruine. Bon… Ce n'était pas forcément négatif, je préférai attendre de voir la deuxième avant de faire l'interprétation. Je la retournai et découvris la Fatalité. D'accord. Alors, je dois tenter d'expliquer ces messages…

J'étais paniquée. Je voulais me souvenir de toutes les significations de ces cartes, je souhaitais trouver du positif dans le fond de leurs symboliques. J'avais des bouffées de chaleur à l'idée de devoir formuler ce que cela annonçait.

Soudain, le téléphone de la chambre sonna. C'était, presque, avec joie que je quittai mon Oracle, un peu déprimant sur l'instant, pour décrocher.

— Syrine, c'est Adam.

— Adam ! Je suis contente de t'entendre, lui dis-je d'un ton lugubre.

— Ah ? Ça ne s'entend pas vraiment. Je te dérange ?

— Désolée, non, je m'étais juste un peu assoupie. Tu es bien rentré hier ?

Quelle question stupide quand j'y repense. J'aurais mieux fait de ne pas décrocher si c'était pour lui dire des idioties pareilles !

— Oui, merci. En fait, je me demandais si tu n'avais pas envie de faire un tour cet après-midi. Et puis, on pourrait ensuite aller dans un petit restaurant sympa ce soir.

— D'accord, avec plaisir même.

— Génial ! Je peux t'avouer maintenant que tu me manquais un peu. Je viens te chercher tout de suite. Je suis là dans cinq minutes.

Je me précipitai sur mes cartes et les rangeai dans leur écrin noir. Normalement, j'aurais demandé des précisions sur ce tirage. Surtout que dans le cas présent, rien n'était vraiment clair. Mais, je crois qu'Adam pouvait passer avant.

J'hésitai un instant à me changer, puis décidai que non. Ni vêtements ni armes ne me seraient arrachés. Enfin… Pas pour le moment. Je pris ma rapière et l'attachai à ma ceinture. Je la laisserais dans la voiture d'Adam lorsque nous irions au restaurant. Je jetai un coup d'œil rapide sur la chambre. Rien ne transparaissait, ni tarot ni oracle pas même un encens ; et quittai la pièce le cœur un peu plus léger que lorsque j'y étais entrée.

 

***

 

Nous nous garâmes sur une petite place de marché. Je descendis de la voiture. Nous avions roulé une heure durant, en ne prononçant presque aucun mot, et fini par apercevoir un village charmant où il ne devait y avoir guère plus de cinq milles habitants. Je crois qu'il était un peu gêné, voire dérouté, à la vue de ma rapière. Je ne lui avais donc pas dit pour la dague, et m'étais contentée de faire quelques petites réflexions légères et enthousiastes sur le paysage.

Il me demanda simplement de le suivre, ce que je fis. Quelques pas plus loin, je me retrouvai face à une grande église de type gothique. J'avais oublié lui avoir parlé de mon goût prononcé pour les visites d'églises et de cathédrales. Il se retourna vers moi, examina mon visage satisfait, voire émerveillé, et avec un grand sourire me lança :

— Surprise !

Adam me prit la main et m'entraîna après lui. Nous passâmes le portail, dont le gâble me rappelait un peu celui d'une église, à Tours, que j'avais visitée un an auparavant. Aucune figure, seulement des formes géométriques qui imposaient un respect humble et sacré. D'ailleurs, je lâchai la main d'Adam. Les gargouilles semblaient nous fixer, l'air malicieux et moqueur.

Je poussai l'énorme porte en bois. Nous marchions lentement. Adam me laissa seule, occupé à explorer l'église en espérant découvrir des ornements atypiques dans un monument gothique. De mon côté, j'entamai le parcours rituel, me demandant si le lieu m'accorderait sa bénédiction. Je remontai lentement le vaisseau central en inspirant profondément, m'arrêtai à la croisée du transept, fis demi-tour et remontai ce même vaisseau. Admirant, sur mon chemin, les piliers imposants et dénués de représentations de l'église, j'écoutais le claquement de mes bottes sur le dallage.

Seul ce battement régulier sur le sol troublait le silence bienheureux de l'endroit. Je marchais, à présent, vers les collatéraux du nord, traversais la tête basse devant les chœurs, et parcourais les collatéraux du sud. Je me replaçai face au vaisseau central et, lentement, le regard fixé en face, à trois mètres du sol, j'avançai jusqu'à la croisée du transept.

Je m'arrêtai, fis le signe de croix, et soudain une énergie envahit mon corps. Elle partait du bout de mes pieds, et se répandait rapidement dans mes jambes, dans mes poumons, dans mes bras, dans ma tête. J'eus la sensation d'irradier de puissance et de foi pendant ce qu'il me sembla une éternité. Je ne ressentais plus aucune contrainte, plus aucune peur, ni même de doute. J'étais l'énergie, j'étais tout.

Une main m'agrippa. M'extirpant de mon bien-être.

Adam me chuchota quelques mots. Sa main fraîche se posa alors sur mon visage, et nous sortîmes.

— Syrine, ça va ?

— On ne peut mieux ! Merci, pour cette visite ! C'est un merveilleux cadeau !

— Je me doutais qu'elle te plairait. Elle est très ancienne.

— Oui, j'ai senti, répondis-je en riant.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

Seuls les monuments religieux anciens pouvaient nous apporter l'énergie de la bénédiction. On trouvait d'ailleurs plus facilement des églises ou cathédrales que des mosquées et synagogues, en France, susceptibles de nous donner ce bonheur. Jusque-là, je n'avais trouvé qu'une ou deux mosquées qui en étaient capables, et pas plus de cinq synagogues. Je supposais que, dans d'autres pays, c'était le contraire. Une question d’emplacement. Les premiers arrivés, les premiers servis.

— Non, rien ! Tu sais bien, avec moi il ne faut pas essayer de tout comprendre !

— D'accord. Et tes armes ? Tu t'apprêtes à faire la guerre ?

— À vrai dire, je ne sais pas. Mais c'est possible…

Il s’arrêta net, faisant crisser le gravier sous sa chaussure.

— Je te le répète, ne cherche pas à comprendre.

Sur ces mots, je l'enlaçai et lui donnai un baiser. Je fus moi-même étonnée par ce geste. Ce n'était pas mon genre de me montrer affectueuse avec qui que ce soit. Je prenais rarement les devants. Cela dit, je n'en étais pas mécontente et réitérai. Puis ce fut à son tour. Ce petit jeu dura bien cinq minutes, mais le vent commençait à me glacer les os. Nous entrâmes donc dans un petit café. Il était dix-neuf heures. Je commandai un chocolat chaud, Adam un café et nous nous renseignâmes sur les restaurants aux alentours.

 

***

 

Nous étions revenus à proximité de mon hôtel. Le restaurant avait été fabuleux, l'homme était tout à fait le type de personnes qui me plaisait vraiment. Nous marchions le long de la falaise, profitant du calme des vents et de l'océan. Nous nous promenions, enlacés, et j'avais conscience que cet instant était encore un de ces moments privilégiés, un de ces instants qui marquent une vie, un esprit.

Nous nous installâmes sur l'herbe fraîche, protégés par une fine couverture qu'Adam avait sortie du coffre de sa voiture. Nos lèvres se cherchaient, mais je le sentais préoccupé.

— Adam ? Quelque chose ne va pas ?

— Si, ça va. C'est juste que…

Son visage était inondé par la lumière de l'astre nocturne. La lune le baignait d'une lueur pâle, on aurait dit qu'il était sculpté dans du marbre, parfait, mais tellement distant.

— Que ?

— Écoute Syrine, je t'ai dit que j'étais en médecine…

— Oui.

— Eh bien, cela risque de ne plus être vrai très bientôt. En fait, il se peut que dans quelque temps je disparaisse complètement. 

Il plongea ses yeux azurés dans les miens. Quelle était cette étrange étincelle qui brillait au fond ?

— Je te demande pardon ?

— Écoute, sache simplement que si tu n'as pas de nouvelles de moi c'est normal. J'irais bien. Il va seulement falloir que je… que je me cache pendant quelque temps.

— Non, mais attends, je veux avoir un moyen de te contacter ! Tu ne vas pas me faire le coup de disparaître du jour au lendemain !

— Je n'ai pas le choix. On se reverra de toute façon, c'est juré. Mais, si je fais ça, c'est que j'y suis forcé en quelque sorte. Cet après-midi, tu m'as demandé de ne pas chercher à comprendre certaines choses à ton sujet. Eh bien ! pour moi, c'est pareil.

Je réfléchis quelques minutes, silencieuse. De toute façon, j'allais sûrement être très occupée lorsque je retournerais à Lyon. Toutes ces histoires devaient être résolues, sans parler de mes responsabilités au Domaine Occulte. J'avais bien conscience que notre rencontre était un magnifique hasard, et qu'il faudrait la mettre entre parenthèses un moment.

Ce n'était peut-être pas plus mal qu'Adam ne soit pas là. J'aurais une chose de moins à penser. Et puis, j'avais confiance en notre relation. Nous étions faits pour nous revoir.

— D'accord, on dira seulement que tu es agent double dans les services secrets et que tu dois te faire oublier quelques semaines !

— On dira ça ! me répondit-il en éclatant d'un rire qui se voulait détaché, mais que je sentais, en fait, soulagé.

Avait-il peur ? Je n'en étais pas certaine, mais ses traits se détendaient peu à peu, et cette statue si distante que j'avais devant moi une minute avant semblait fondre à vue d'œil pour laisser place à l'être fantastique qu'il était.   

De nouveau, nous nous enlaçâmes. Pendant une demi-heure, nous nous cherchâmes, l'un après l'autre. C'était à celui qui irait le plus loin sans se laisser prendre à son propre jeu. Évidemment, les esprits commençaient à s'échauffer, et les caresses devenaient plus insistantes, plus provocantes, et plus passionnées.

Finalement, je ne me souviens pas qui gagna. Sa main avait soulevé mon débardeur, il caressait mes seins, jouait avec, les pressait. Son pantalon était dégrafé, sa chemise ouverte, à moitié enlevée, et laissait apparaître un torse viril et bombé. Son ventre, quant à lui, était recouvert d'une fine toison et avait juste ce qu'il fallait de muscles.

Mes doigts le parcouraient, le griffant un peu dans le cou, un peu dans le dos. Il termina de me déshabiller, m'embrassant, partout, ce qui me donna des frissons irrésistibles de plaisir. Sa respiration était lente, contrôlée, mais forte. Il se coucha sur le dos, et me hissa sur lui. Quelle sensation extraordinaire d'être avec cet homme ! La brise nous caressait, nous faisant trembler de tous nos membres ; à moins que ce ne fût l'excitation qui s'était emparée de nous. C'était peut-être les deux, je ne sais pas, je ne réfléchissais plus.

Je le montais, le dominais, certaine de son plaisir comme du mien. Des millions de décharges électriques me parcouraient. Je l'embrassais quelquefois, le mordais à d'autres moments. Mes mains sur son buste n'étaient plus en état de m'obéir. Elles s'agrippaient à lui, si fort qu'il fermait parfois les yeux, la douleur discrète se mêlant au bonheur évident.

Il m'avait attrapé les hanches et me guidait, se fondant en moi comme personne ne l'avait fait avant. Son visage ruisselait, le mien aussi. Il agrippa ma poitrine et se hissa un peu pour la suçoter, tout en continuant son travail magique. Son souffle était ardent, insistant sur ma peau, plus présent que la brise fraîche. J'avais chaud, terriblement chaud, je n'étais que plaisir et volupté. La tête me tournait.

Il n'était plus question de nous désunir, nous n'étions plus des personnes, mais seulement des corps brûlants l'un pour l'autre. Je sentais ses spasmes incontrôlés, violents et passionnés, bien-être suprême dans ses bras qui m'entouraient.

Nous ne bougeâmes pas pendant un moment. Combien de temps exactement ? Je l'ignore. Plus rien ne comptait, c'était splendide. Nous nous rhabillâmes enfin, conscients qu'on aurait pu nous surprendre à n'importe quel moment. Je m'allongeai à ses côtés et fermai les yeux.

— Quoi ? me demanda Adam, dans un souffle rauque.

— Je n'ai rien dit.

— Ah, j'avais cru !

Il me fixa, posa sa main fraîche sur ma joue et m'enlaça à nouveau.

Nous nous embrassâmes encore un instant, je sentais qu'il reprenait de la vigueur, mais Adam s'arrêta encore.

— Mais qui a parlé ?

— Ce n'est pas moi !

— Je sais Syrine, mais j'ai entendu un bruit.

Nous nous assîmes, essayant d'aplatir nos cheveux quelque peu ébouriffés. Il me fit signe de ne pas faire de bruit, il entendait encore quelque chose.

Je me tus et tendis l'oreille. Bientôt, j'entendis un murmure, comme une psalmodie, une furtive incantation. Je levai les yeux. Une chouette passa au-dessus de nos têtes et hulula fortement. Une deuxième fois. Elle nous prévenait, j'en étais certaine. Je me levai d'un bond, pris la main d'Adam et l'entraînai derrière moi.

Il ne posa pas de questions. J'essayais de me diriger en suivant les signes que je pouvais discerner. La chouette, un bruissement de feuille, le souffle du vent. Je devais trouver un abri pour mon amant.

Nous courrions de plus en plus vite, il ne comprenait toujours pas pourquoi. Nous étions de l'autre côté de la falaise, éloignés de l'hôtel, mais proche de la plage. Il y avait, à une vingtaine de mètres, une barque renversée. Je lui demandai d'aller s'abriter dessous. Il courut vers la petite embarcation et se cacha. J'en profitai pour le soustraire à la vue de quiconque lui voudrait du mal.

— Une bulle bleue s'est formée lui donnant toute intimité. Par mon pouvoir, cette bulle le protégera des regards.

À l'heure qu'il était, Adam devait se trouver dans une dimension lointaine de la nôtre, ou en tout cas loin de cette plage. J'étais tranquille, maintenant j'allais m'occuper de mes tourmenteurs.

Une chose me traversa l'esprit : l'entité qui me surveillait ces derniers temps n'était pas là. Quoi qu'il se passât, ce n'était pas elle qui se trouvait sur cette plage. Pas le temps de réfléchir. Je prononçai à voix haute et forte « Venez. Je suis à vous !  » et tirai ma dague et ma rapière de leurs fourreaux.

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