Chapitre 2

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Lentement, mes jambes étaient en coton, je descendis du train. Il faisait frais, il était bientôt minuit : l'heure mystique par excellence. La lune était voilée par un mince filet de nuage, mais ses rayons baignaient tout de même le quai d'une lueur particulière.

Un vent léger soufflait et mes cheveux, couleur feu, s'envolaient derrière moi. Mes boucles rousses me caressaient le visage, accompagnant ma jupe olivâtre dans sa danse joyeuse. J'arrêtai mes pas à quelques mètres du train.

Un courant électrique traversait mon corps, des fourmillements courraient un peu partout sur moi : c'était le plaisir. Je levai la tête, fermai les yeux, et respirai à pleins poumons. J'attendis d'être revigorée par cet air bienvenu et me mis en route.

 

Il y avait plusieurs minutes que je marchais nonchalamment. Je prenais mon temps, observais, profitais de cette nuit magnifique. J'arrivai bientôt sur une plage de galets. Devant moi, l'océan noir hurlait comme un amant malheureux. Comme mon amant.

Chaque année, j'allais en Bretagne, dans cette région chargée d'histoire et de magie. C'était là mes racines, je le sentais sans trop comprendre ce que cela impliquait, ou sans me le demander. J'étais née bien loin de la Bretagne, dans un environnement tout à fait différent, dans un contexte bien moins poétique que cette berge qui s'étendait devant moi. Mais ça m'était bien égal. Ici se trouvaient ma nation, mon cœur, ma passion.

Voir ce spectacle, dont rien n'aurait pu me distraire, me rendit un peu mélancolique. Je pensais à mon passé, à mes parents, mes amis. Je ne me sentais pas vraiment bien parmi eux ; comme si autre chose m'attendait autre part. Je ne rêvais que de voyager. Je devais encore patienter, mais Kami m'en avait fait la promesse : un jour, nous partirions.

Ce jour me paraissait si loin ! Les examens que je venais de passer me donneraient ma licence, j'en étais certaine, mais de longues années d'études se profilaient devant moi. Allais-je avoir le courage ? Était-ce vraiment nécessaire ? Je ne savais pas. Je doutais de mes choix et de ma force, comme toujours, alors je me raccrochai à ces phrases que Kami avait prononcées autrefois. Des mots amis, réconfortants, confiants. Si j'avais pu croire en moi, autant que mon entourage le faisait, tout aurait été plus simple à vivre.

Je posai à terre mon sac de toile, et m'assis par-dessus. Le cercle pâle de la lune était toujours là, sous mon regard, tellement visible, tellement réel. Sa lumière veillait sur la surface agitée de l'Atlantique, donnant à l'eau sombre des teintes plus claires, mais plus mystérieuses aussi.

On imaginait facilement que cet océan était vivant, et qu'il abritait mille secrets monstrueux ou fantastiques. L'œil du ciel m'observait attentivement, les nuages avaient fui sans pour autant laisser place aux étoiles timides. Le vent était fort, mais il ne me dérangeait pas. Au contraire, je me sentais réelle lorsqu'il déversait son souffle puissant sur mon corps.

Pendant une heure, je ne bougeai pas. Mon regard s'était perdu au milieu des ondines que j'imaginais cachées au fond de l'eau, attendant que je m'éloigne pour atteindre des rochers et jouer innocemment. Je souris sans trop savoir pourquoi, peut-être tout simplement parce que je ressentais une plénitude propre à la solitude en Bretagne. C'était sans importance en fait, à ce moment-là je n'essayais pas de me psychanalyser. Pour une fois.

Soudain, je sentis une présence derrière moi. C'était la même présence que j'avais perçue vingt-quatre heures auparavant, quand j'étais rentrée du Domaine Occulte. Je n'osais plus respirer. Lentement, je me retournai, tentant de percer des yeux les ténèbres. Rien. Prudente, j'avançai de quelques pas. Toujours rien.

— Il y a quelqu'un ?

Aucun bruit, même en tendant l'oreille. Rien, autour de moi, n'aurait pu servir d'abri à un quelconque visiteur, pas même un monticule rocheux ou un terre-plein de glaise. J'avais sûrement rêvé, je ne voyais pas d'autres explications. Finalement, je devais être un peu nerveuse. Il me fallait dormir. Mais où ? Je ramassai à la hâte mes affaires et partis, décidée à trouver un refuge pour la nuit.

À quelques mètres de la plage, je remarquai un petit toit en bois. J'avançai dans sa direction. C'était un chapiteau fermé, et je supposai alors qu'il n'était pas accessible au public. Je m'approchai encore plus près. J'examinai rapidement la porte : close par un cadenas. Rien de bien difficile. Je concentrai mon énergie et la projetai. La serrure s'ouvrit brutalement. Je pénétrai à l'intérieur, en prenant garde à ce qu'il n'y ait personne dans les parages, puis refermai derrière moi.

S'étalaient, devant mes yeux émerveillés, des monceaux de nourriture en quantité incroyable. Ce devait être le snack de la plage. Je n'y avais pas pensé jusque-là, mais j'avais vraiment faim. Voir tous ces aliments fit grogner mon estomac. J'avais oublié de manger avec tout ce qu'il m'était passé par la tête. Je me convainquis assez facilement que ce ne serait pas réellement du vol. En tout cas, que ce serait par nécessité. Mon ventre hurla encore, me donnant l'ultime motivation et mes mains se jetèrent sur les denrées, indépendantes du reste de mon corps. Le pain, la salade, les tomates… quel régal, quel bienfait !

Une fois mon encas terminé, je m'endormis paisiblement, à même le sol, emportée par de nouveaux songes ténébreux.

 

***

 

Il était huit heures lorsque je m'éveillai. Il allait falloir me trouver un hôtel pour les nuits qui suivraient. Je posai, sur un rebord en bois, un billet pour payer ce que j'avais mangé la veille, et m’éloignai rapidement du chapiteau.

La journée s'annonçait pluvieuse. Au-dessus de moi, le ciel grisâtre menaçait à tout moment de déverser ses précieuses perles sur la Terre. Toujours ce même vent qui soufflait dans mes cheveux, provoquant un apaisement superficiel de mon âme. J'observai les alentours. En face de moi, l'océan se dessinait, plus sombre qu'à l'accoutumée à cause de la voute céleste couverte. Il y avait, à ma droite, une colline, que je n'avais pas remarquée durant la nuit. Elle était surplombée d'une minuscule maison blanche, un hôtel c'était évident.

Je réfléchis un instant. Je pouvais y être en un quart d'heure, j'aurais la vue sur la mer, et l'endroit semblait ne pouvoir accueillir qu’un petit nombre de personnes en même temps. Avec un peu de chance, il y aurait de la place pour moi. Je décidai de tenter le coup.

En marchant, je repensai à Kami et Salem. Pourquoi étaient-ils dans mes visions ? N'allais-je jamais avoir le droit à une vie dissociée de celle de Kami ? Je l'aimais beaucoup, mais, parfois, j'aurais voulu qu'il ne soit pas aussi présent dans mon esprit. J'avais l'impression que nos destins se confondaient, que nous étions la même personne et que nous ne pouvions avoir d'avenirs distincts. Une fois de plus, ce qu’il se passait dans mon existence me ramenait à lui.

Quoi qu'il en soit, je devais tirer cette histoire au clair, même si c'était lié de près ou de loin à mon ami. J'avais oublié les évènements de la nuit du samedi au dimanche, je ne comprenais pas pourquoi ma voiture était dans un état aussi lamentable. Tout cela me torturait. Je m'interrogeais sur ma santé mentale. Après tout, j'étais peut-être bel et bien folle.

Mais je n'y croyais pas vraiment. Il y avait mes visions, et cette présence que je sentais depuis quelques jours. D'ailleurs, elle était là, sur mes épaules, au moment où je gravissais la falaise. Elle était oppressante, comme pourraient l’être les yeux d'un voyeur. Un voyeur que l'on ne discernerait pas, mais que l'on ressentirait.

J'étais sûre qu'il existait un lien entre toutes ces choses, mais lequel ? J'avais le sentiment d'avoir oublié certains éléments. Peut-être dans l'histoire de Kami et Salem ? Comment s'étaient-ils rencontrés déjà ? Je ne me souvenais plus. Une partie de ma mémoire était bloquée, mais mon flash indiquait que quelqu'un avait présenté les deux garçons. Qui étais-je donc dans ces visions ? Une jeune fille, certainement. De mon âge, ou presque, probablement, dans l’entourage de Kami et Salem.

Je savais que je connaissais la réponse. Mais qui étais-je ? Ou plus précisément, qui était-elle ? Je me rendais compte que je me perdais moi-même dans mes pensées et me trouvais pathétique.

J'arrivai enfin au sommet de la colline. J'étais épuisée, mon horreur pour le sport était une malédiction pour mon endurance. J'espérais qu'il y aurait de la place, sinon je me voyais déjà piquer une crise de nerfs en plein milieu de l'accueil.

La maison était faite de bois peint en blanc. Les volets étaient en métal bleu et, devant l'entrée, une cloche attendait sagement, ballottée de temps à autre par le vent qui faisait résonner son chant aigu.

Je poussai la porte, elle était lourde. Je fis quelques pas et m'arrêtai devant la réception. Je sonnai et patientai. La pièce était plutôt jolie. Bien sûr, l'endroit faisait assez cliché, mais ne ternissait en rien l'image que l'on pouvait avoir, a priori, en entrant dans un tel lieu. Un guéridon, orné d'un vase de fleurs séchées, accompagnait un petit sofa dont les couleurs étaient si bien entremêlées qu'elles en devenaient indescriptibles. Les deux se trouvaient contre un mur sur la droite de la réception, mur qui soutenait un escalier en bois.

À gauche, une porte entrouverte me laissait imaginer une salle à manger, ou peut-être un simple séjour. Je m'avançai, avec l'intention de jeter un coup d'œil dans la pièce, mais une jeune femme surgit soudain devant moi.

— Bonjour ! Je suis Elizabeth. Que puis-je pour vous, Mademoiselle ?

— Bonjour. J'aimerais savoir s’il vous reste une chambre, s'il vous plaît.

Tout en se présentant, ladite Elizabeth m'accompagna à la réception en me tirant doucement par le bras.

— Oui, bien entendu. Vous resterez combien de temps, je vous prie ?

— Je ne sais pas encore. Disons que je resterai nécessaire.

— Je vois. Ne vous inquiétez pas, on a l'habitude ici.

Je ne savais pas vraiment ce qu'elle entendait par là. L'habitude de recevoir des amnésiques qui tentent de trouver un tourmenteur en explorant son passé par l'intermédiaire de visions ? J'en doutais fortement, mais je lui fis un signe de tête qu'elle pouvait interpréter comme « oui, c'est évident ».

— Ce n'est pas un hôtel où l'on passe des vacances de deux semaines. Moi, je ne suis qu'employée. Les patrons sont très gentils, mais ne comprennent pas que ce n'est pas un lieu touristique, une maison minuscule perchée sur une falaise, perdue dans un petit village.

Elle se mit à rougir fortement, confuse et visiblement consciente qu'elle était allée trop loin. Ses mains tremblaient. J'avais envie de rire.

— Enfin, je parle trop. Ne leur dites rien s'il vous plaît, ils sont tellement comme il faut, ils seraient vexés ! Les petits déjeuners sont servis de sept à neuf heures dans la salle à manger. Les déjeuners impliquent un supplément, mais sont en libre-service entre onze et quatorze heures, et préparés maison s'il vous plaît ! Comme tout ce que vous mangerez ici, d’ailleurs. Les repas du soir sont servis à huit heures en compagnie de tous les résidents. Et, si vous n'êtes pas là, quelques fruits seront montés à votre chambre avec du fromage, de l'eau et du pain. Vous aurez la chambre numéro treize. Je vous demanderais seulement une carte d'identité.

Après m'être débarrassée des formalités, et par la même occasion de l'hôtesse bavarde, je montai rapidement à ma chambre. Sur la clé, on pouvait lire gravé minutieusement « l'hôtel de la falaise ». Encore une chose très originale, à l’image de la réception. Qu’était-il donc passé par la tête des patrons ? Heureusement qu'ils avaient Elizabeth, visiblement la seule touche de fantaisie dans « l'hôtel de la falaise ».

Je m'installai rapidement. La chambre était très sobre, mais confortable pour le prix raisonnable que j'avais payé. Au milieu de la pièce, il y avait un lit aux draps blancs impeccablement tirés. Un bureau vieillot, en face de moi, juste devant la fenêtre, donnait une vue imprenable sur l'océan. Sur la gauche, une commode en bois massif soutenait le mur jauni, auquel était accrochée une photo du coucher de soleil breton. Ce n'est pas un quatre étoiles, mais ça à l'air douillet, pensai-je en entrant.

Une salle de bain était rattachée à la chambre. J'y allais directement après avoir posé mes affaires. Je fis couler l'eau brûlante dans la baignoire et, bientôt, des volutes de vapeur s'élevèrent un peu partout. Je me plongeai dans le bain, fermai les yeux et m'endormis.

 

***

 

Il était quinze heures, je crois. Je venais de prendre un repas léger en bas, il n'y avait personne. Enfin, Elizabeth était là, mais occupée et ne m'avait donc pas dérangée. C'était moi qui l'avais un peu embêtée pour qu'elle m'appelle un taxi.

De retour dans ma chambre, j'enfilai un pantalon couleur ébène et une tunique verte.

Je me plantai devant la glace. Mes cheveux roux étaient longs, un peu abîmés aussi. Ils m'arrivaient jusqu'au bas du dos. Je les attachai, avec trois cylindres noirs, formant une épaisse queue de cheval dont seule une mèche libre me tombait sur la joue. Je saisis cette touffe et y fixai quelques minuscules perles. Enfin, je me chaussai de bottines et m'emparai d'une petite bourse en cuir dans laquelle se trouvaient quelques papiers et mes moyens de paiement. J'étais prête.

J'ouvris la porte, sortis puis revins précipitamment sur mes pas. J'avais déposé plusieurs boîtes en bois sur la commode. J'en pris une et soulevai le couvercle. Il y avait plusieurs bijoux. Parmi eux, une chaîne d'argent que j'attrapai délicatement. Je la fixai autour de mon cou, laissant le pendentif reposer sur ma poitrine. C'était l'étoile de Salomon. J'étais certaine qu'elle me protégerait. Je retournai à la porte, la refermai cette fois, et partis en direction des escaliers. J'avais trouvé un prospectus à la réception, il y avait une foire en ville. J'avais envie d'aller m'y promener, ça me changerait les idées et j'y dénicherais peut-être des choses intéressantes.

J'avoue. Je voulais également m'y rendre parce que, plus jeune, j'avais accompagné ma mère, ma grand-mère et ma sœur dans un nombre incalculable de brocantes, vides greniers et bazars en tous genres. J'y avais de très bons souvenirs. Dès que je le pouvais, j'errais dans les marchés et autres « évènements » de l'occasion.

J'avais l'impression d'être une chasseuse de trésors. J'avais parfois trouvé des livres exceptionnels, sur la magie entre autres, dignes des plus belles collections. Je me souviens aussi y avoir débusqué d'antiques reliques comme des lampes à huile, des chandeliers datant de temps immémoriaux, ou des bibelots en faïence. Le plus souvent, c'étaient de vieux objets inutiles, hideux, que l'on cachait dans la cave. Mais ils représentaient le passé, les époques révolues, et je m'y accrochais comme si j'étais la seule à pouvoir leur faire traverser les âges.

Bien entendu, nous ne faisions pas seulement les vides greniers pour acheter. Notre plus grand plaisir était de vendre, ce que nous faisions fort bien. Je jouais à la marchande, sachant être flexible sur les prix, sans pour autant me laisser voler, et m'y amusais comme une gamine. Tous ces souvenirs m'assaillaient par vagues. J'y repensais avec nostalgie, consciente que, cette fois-ci, j'étais seule et que je n'avais plus ma mère.

En sortant, je fis le tour de la maison. Au-dessous de mes pieds, l'océan se déchaînait, le vent était levé et le ciel encore plus menaçant que le matin. Je n'eus pas vraiment le temps de réfléchir : un klaxon énervé m'arracha à mon début de rêverie. Le taxi était là. Je le rejoignis d'un pas pressé et m'éloignai de la falaise et de son hôtel.

 

***

 

Je n'aurais jamais dû venir. Un village aussi petit ne pouvait pas ameuter autant de personnes. Ce n'était pas possible ! J'allais me faire écraser. Le taxi était déjà reparti, loin. Je sentais la panique m'envahir. Je suffoquais. Ce n'était pas croyable d'avoir si peu d'espace pour évoluer. Les gens me donnaient mal à la tête, il y en avait de partout, la foire était immense, je ne savais plus très bien où je me trouvais.

En plus de cela, il fallait que je fasse attention. Si je ne me contrôlais pas, je pouvais blesser quelqu'un. Lorsque l'affolement me gagnait, ma magie prenait le dessus sur moi. C'était instinctif, elle me protégeait, je ne maîtrisais plus rien. L'angoisse me serrait la poitrine. Je repensais aux nombreuses fois où j'avais perdu mon sang froid devant Raven ou Chrystel.

C'était pendant nos entraînements. La peur m'envahissait et je détruisais tout sans réfléchir pour avoir une chance de survivre. Oui, j'étais certaine qu'il y avait des moyens plus probants de sauver sa peau… seulement, mes réflexes ne l'entendaient pas ainsi.

Derrière une petite maison, j'aperçus la forêt. Je m'y précipitai. Je courus, entrai dans le grand bois, et ne m'arrêtai pas. Je passai entre les arbres, majestueux par leur taille et par leur beauté. Ils étaient des centaines, peut-être des milliers. Bientôt, je ralentis.

J'étais dans une clairière, les arbres n'étaient plus à mes côtés, ils se contentaient de me surveiller de loin en m'encerclant. Le ciel, seul au-dessus de moi, grondait un peu. Mes yeux me brûlèrent, puis se voilèrent et ma tête se mit à tourner. Je tombai soudainement dans un noir abyssal.

J'étais assise sur un banc en bois. Devant moi, un petit chemin en béton serpentait entre des étendues de gazon. Mise à part cette espèce de sentier, j'étais entourée de verdure commune : conifères, lauriers et bosquets de plantes dont je ne connaissais pas le nom alors qu'on en voyait partout à l'époque. Il faisait bon dehors. Je humais la tiédeur, moite et chaleureuse, du début de l'été.

— Ce qui est bien c'est que, avec toi, je me sens en confiance. Je suis sûr que je peux tout te dire, toi et moi nous sommes pareils.

Kami était allongé dans l'herbe, il me parlait sans me regarder.

— Je pense bien que t'es la seule avec qui je n'aurais jamais de conflit !

— Il ne faut jamais dire jamais, Kami. Tu le sais bien. Regarde Syrine. Tu n'aurais pas pensé qu'elle et toi ne seriez plus amis… et pourtant…

— Je ne sais pas. Ce n’est pas la même chose, faut croire. Et puis, de l'époque de Syrine, il me reste Aï !

— Il te reste Aï… Je ne l'ai jamais aimée et je ne l'aimerai jamais cette fille ! Et puis question sorcière de pacotille, tu ne fais pas mieux !

Mon rire, sonore et moqueur claquait dans le vent comme un fouet, comme une sentence. Je donnais l’impression d’essayer d'avoir le dessus sur Kami. Enfin, que la personne que j’incarnais voulait prendre l’ascendant sur lui.

— Ne dis pas ça s'il te plaît. Je suis amoureux d'elle, depuis longtemps, respecte au moins ça.

Je sentis l’exaspération de mon hôte quand Kami prononça ces mots. Ah ! moi aussi j'avais été agacée par la petite lutte sentimentale à laquelle Aï et Kami s'étaient livrés pendant des années. Finalement, mon hôte et moi semblions avoir affronté certaines choses communes !

— Bon d'accord, je ne dirai rien.

Mes yeux se levèrent vers un château. Je le connaissais, il était situé au centre de la ville où j'avais habité pendant mon adolescence. J'y étais allée parfois, avec Kami et Sovana, ma meilleure amie de l’époque.

— Et le lycée, comment ça se passe, Kami ?

Je battis des paupières, la douleur à la tête fut fulgurante. Je refermai les yeux derechef, en me résignant intérieurement à les garder scellés le reste de ma vie ; pour que ne revienne jamais l'insupportable souffrance que je venais de ressentir. Sous mon crâne, une roche jouissait de ma mésaventure. Je saignais peut-être.

Cette vision m'avait surprise, j'avais sûrement dû tomber. J'ouvris à nouveau les paupières, et cette fois je ne les refermai pas. La lumière était blanche, aveuglante presque. Un ange se penchait au-dessus de moi. Son visage se découpait contre les nuages, offrant un contraste splendide entre les traits parfaits de l'apparition et le ciel gris ombrageux. Ses yeux bleus étaient inquiets, sa mâchoire carrée se crispait entre deux mots que je ne comprenais pas. Il approcha ses mains de moi dans un halo énergétique qui me réchauffa instantanément.

Il continuait à me parler, peut-être en langage angélique, secouant la tête si puissamment que sa chevelure d'un noir profond ne caressait plus ni sa nuque ni ses joues. Ses cheveux retombèrent enfin sur ses épaules lorsqu'il se calma. Tout était ralenti. Je lus sur ses lèvres et compris alors ce qu’il m’était arrivé. J'étais morte.

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