Chapitre 1

16 minutes de lecture

Je serrai Ruby contre moi. J’étais hyper tendue. C'était stressant d'attendre comme cela. Je sentis une présence derrière moi qui s'approcha. Ruby hérissa ses poils. Elle devait être autant sur les nerfs que moi. Je lui adressai une pensée rassurante en enfouissant mon nez dans son pelage roux typique des renards de son espèce. Je demandai sans me retourner :

- Pourquoi ce n’est pas toi le chef du clan ?

Mon interlocuteur lâcha un rire.

- Je suis très sérieuse ! Tu ferais un bien meilleur leader que moi. En plus les autres ne m’accepteront jamais en tant que meneuse.

Il se plaça à côté de moi. Me dépassant d’une tête, cheveux foncés et courts, une peau type asiatique bronzé, Bastian était en réalité un cousin éloigné du côté de mon père. De cinq ans mon aîné, je le considérais comme mon grand frère. Nous étions debout, au bord de la crête, qui se trouvait tout proche de notre camping. Le diaporama était magnifique de cet endroit. On pouvait y voir le lac, qui devait être à quelques kilomètres d’ici. Les montagnes de neige éternelle s’élevaient plus loin derrière la grande étendue turquoise… C’était aussi le poste parfait pour voir les nouveaux arrivants du camp, passant par le chemin en colimaçon, en contre-bas.

- C’est autour de toi que les gens se sont réunis, c’est donc à toi de les diriger. Ils ne me suivraient pas si je prenais les rennes. En plus je ne suis pas un alpha, contrairement à toi.

Je l’écoutai alors que mon regard se perdit dans le vide. Il me donna une tape dans le dos, ce qui eut l’effet de me faire sursauter.

- Détends toi, tout va bien se passer… Tiens regarde, voilà Rick, Allan et Judith qui arrivent.

Je levai les yeux et remarquai en effet Allan, un aigle royal, planer dans les airs. Je regardai en bas et aperçus Rick, Judith et leurs parents arriver proche de l’entrée. Aucune trace de Lena, la lapine de Judith. Elle devait sûrement s’être miniaturisée pour accompagner sa métanimus. Je souris, contente de les retrouver enfin. Ne plus être seule avec mon second allait me changer les idées.

- Ta cachette sera vite compromise, dit-il alors qu’un sourire espiègle étirait ses lèvres.

Je fis comme si je n’avais rien entendu et empruntai le sentier par lequel j’étais venue. Il passait par la droite du camp et arrivait dans l’aile nord-ouest. En réalité ce n’était pas vraiment un chemin, cela ressemblait plus à un espace entre les arbres par lequel on zigzaguait pour avancer. Ce fut d’ailleurs sans regrets que j’acceptai la fraîcheur des arbres contre la chaleur de l’été. Ruby sauta de mes bras, se secoua et marcha à côté de moi. Mon lieutenant nous rattrapa rapidement. Je remarquai alors l’absence de son loup.

- Il n’est pas là Léo ?

- Non. Tu sais, les deux ont ne ressent pas le besoin de se coller constamment comme Ruby et toi, se moqua-t-il.

Je lui tirai la langue. Léo était un grand loup brun solitaire, comme Bastian d’ailleurs. Je le regardai et lui lançai le même défi qu’à l’accoutumé :

- Le dernier arrivé à l’entrée est une poule mouillée !

J’eus à peine fini ma phrase que je m’élançai dans la course. Deux foulées plus tard, un grand loup brun me dépassa au galop.

- Hey, c’est de la triche !

Une chaleur m’envahit et je me retrouvai à courir sur quatre pattes. Certes, j’étais bien plus petite que lui, mais cela me rendait aussi bien plus agile. Il eut de la chance que je n’activai pas mes capacités, parce que j’aurais cent pour cent de chance de gagner. Ce fut une course où se mêlèrent poils roux et poils bruns. Après avoir évité de se ramasser un arbre en pleine poire, nous arrivâmes au milieu des cabanes qui composaient le camping. Nous le traversâmes au coudes-à-coudes, aucun ne voulut céder la première place. Puis soudain, je sentis Bastian ralentir. J’en profitai pour accélérer, croyant qu’il était à bout de souffle. Je le dépassai et me rendis compte trop tard que nous étions arrivés à l’entrée du campement.

La famille Page venait de finir la pénible montée pour y arriver. Ils furent en plein sur ma route. Je plantai mes pattes dans le sol pour freiner un maximum et enclenchai mon pouvoir. Je perdis alors le contrôle de ma transformation et me retrouvai sous ma forme humaine. Je sus que je ne pourrai pas éviter la collision. J’aurais tellement aimé m’apercevoir plutôt du décor qui m’entourait… Cela m’aurait permis de m’arrêter dans un nuage de poussière avec classe. Au lieu de cela, je percutai Rick de plein fouet. Je le déséquilibrai et nous tombâmes dans le talus. Je le sentis enrouler ses bras autour de moi pour me protéger durant la chute. Nous roulâmes sur quelques mètres avant de nous arrêter enfin. Je n’osai ni bouger, ni parler, ni réagir et encore moins respirer. Je sus que, si je levai les yeux je croiserai son regard topaze, un doux mélange de bleu, gris et vert. Cela me fera soit fondre, soit me transformera en statue.

Je sentis la présence de Ruby plus haut vers l’entrée. Elle m’envoya une image de Rick et moi en se moquant. On pouvait y voir une jeune fille couchée sur un jeune homme qui la tenait fermement contre lui. Avec l’herbe haute qui nous entourait, on pouvait se croire dans une scène romantique d’un film à l’eau de rose. Je sentis l’étau de Rick se desserrer et j’entendis l’herbe bruisser sous ses bras. Je n’osai toujours pas bouger. Je sentis la cage thoracique de mon sauveur monter et descendre au rythme de sa respiration. Il paraissait calme vu de l’extérieur, mais vu de l’intérieur… J’entendais son cœur battre à toute allure.

- Hey les amoureux ! Ce n’est pas le moment de prendre racine, se moqua Bastian.

Un mélange d’émotions puissantes m’envahit. L’un des désavantages d’être une métanimus, c’était que tous les sentiments étaient amplifiés. Une fois la bataille entre la honte, la gêne et le trouble engagée, ce fut la colère qui prit le dessus. Cela se passait toujours de la même manière avec moi, avant que je n’arrive à ordrer ce que je ressentais, avant même que les armes ne soient sorties, ma fureur, tel une tornade, arrivait et balayait tout sur son passage. Je me hissai sur mes deux mains et fixai mon lieutenant avec haine. Une faible chaleur imprégna tout mon être. Des oreilles et une queue de renard apparurent. Mes ongles devinrent des griffes, ma dentition changea et mon corps rapetissa légèrement. Pour résumer, j’avais fait une demi-métamorphose.

- J’en connais une qui doit s’entraîner à maîtriser ses transformations, plaisanta mon second.

Il se tourna ensuite vers le reste de la famille Page et les invita à poser leurs affaires dans l’une des cabanes et visiter le camp. Le grand sourire de Bastian me tapait sur le système, mais je dus l’avouer, il était bon dans ce qu’il faisait. Voilà pourquoi je l’avais nommé lieutenant, et aussi pourquoi je n’arrêtais pas de lui répéter qu’il ferait un meilleur chef que moi. Je continuerai d’ailleurs à le répéter jusqu’à la mort de l’un de nous deux ! Une main vint gentiment m’ébouriffer les cheveux.

- Calme-toi… Ça ne sert à rien de prendre la mouche à chaque fois.

Je me retrouvais assise en tailleur dans l’herbe à regarder le sol alors que Rick me caressait la tête. Nous avions à peu près la même taille, bien que ses cheveux brun foncé et bouffants lui donnaient quelques centimètres en plus. La situation fut autant gênante pour lui que pour moi. Après quelques minutes où aucun de nous deux ne parlaient, des voix retentirent. Rick enleva sa main de mes cheveux pour la poser sur sa jambe. Il avait dû emmêler ma tignasse pendant quoi… Deux minutes ? Pourtant cela m’avait paru une éternité, que j’aurais bien aimé qui ne finisse jamais. Les sons devinrent plus clairs et je reconnus la voix fluette d’Aliya, la douce voix de Laureen et la voix posée d’Arielle. Je me levai, sans un regard pour Rick, et remontai la pente à quatre pattes pour regagner le chemin. Les voix étaient maintenant toutes proches.

- Katha ! cria Aliya.

J’eus juste le temps de me retourner avant qu’elle ne me saute dessus. Je la serrai fort dans mes bras. Elle mesurait bien une tête de moins que moi. Ses longs cheveux bruns, presque noirs, vinrent me chatouiller le nez. Je saluai ensuite de la même manière mes deux autres amies. Laureen était presque plus grande que moi. Ses cheveux blonds ondulaient jusqu’à sa taille. J’en étais d’ailleurs extrêmement jalouse. Quant à Arielle, elle se situait entre Aliya et moi. Ses cheveux châtains lui arrivaient jusqu’au épaules. Je finis par demander :

- C’est allé votre voyage ? Pas trop compliqué à trouver ?

- Tu rigoles ! s’exclama Arielle. Nous avons mis une demi-heure en plus que prévu.

- Ma mère s’est perdue trois fois en chemin, répliqua Aliya. En même temps, qu’elle idée d’installer un camping dans un coin perdu comme celui-ci ?

- C’est justement le but recherché de ce camp, grommela Laureen.

Je jetai un regard compatissant à cette dernière, le voyage n’avait pas dû être facile entre la mère d’Aliya qui s’énervait, Arielle qui s’impatientait et Aliya excitée comme une puce. Pendant que nous discutions, Rick eu le temps de remonter cette fichue pente et de nous rejoindre. Il m’effleura le dos pour m’avertir de sa présence, alors que je l’avais senti arriver. J’essayai d’ignorer mon pouls qui s’accélérait, en priant pour que mes joues ne rosissent pas trop. Je me raclai la gorge avant de parler, espérant que ma voix paraissait aussi normale que possible.

- Et si je vous faisais visiter le campement ? Vous pourrez poser vos affaires, dis-je en désignant d’un geste, la valise d’Aliya, le sac à roulette d’Arielle et le sac de sport de Laureen. Il y a des postes sympas où la vue est magnifique.

Je me mordis la lèvre. J’allais presque leur révéler mon petit coin tranquille que je venais de quitter. Bastian avait raison, encore une fois. Je n’allais pas réussir à garder ma cachette secrète très longtemps. Mes trois meilleures amies me sourirent et me montrèrent qu’elles étaient prêtes à me suivre en empoignant leurs bagages. Nous montions tous les cinq les quelques mètres qui nous séparaient de l’entrée. Un vieux chemin usé et mal bétonné nous servait de route. Je guidai le petit groupe jusqu’à la cabane qui servirait d’habitation à mes trois amies. Tous ces petits refuges étaient arrangés de la même manière : petite terrasse aménagée, avec parasol en prime, sur un sol recouvert de graviers. Quelques arbres et buissons pour donner un peu d’intimité aux logeurs. Rick et moi attendions dehors le temps que Laureen choisisse son lit, qu’Alyia trouve un endroit où parquer sa valise et qu’Arielle ait fini de ranger ses vêtements dans l’armoire. Rick me pris timidement la main. Surprise, et ne voulant pas rester dans un silence gênant, je me mis à déblatérer tous ce qui me passais par la tête.

- Tu as fait bon voyage ?

- Oui, ça va… C’était un peu plus long que ce que je pensais.

- C’est vrai qu’à vol d’oiseau c’est plus rapide… D’ailleurs, Allan a déjà perdu ses plumes d’hiver ?

Tuez-moi ! Bien sûr qu’il avait déjà mué. Nous étions en début juillet, le 5 pour être précise. Ce serait bizarre qu’un aigle ait toujours ses grosses plumes duveteuses.

- Oui, il y a déjà un bon moment d’ailleurs, répondit-il avec un sourire adorable.

Je détournai les yeux, incapable de soutenir son regard. Je me sentis trop ridicule pour ajouter quoi que ce soit et notre discussion s’arrêta là. L’histoire que je partageais avec Rick était… compliquée. Nous nous connaissions depuis que nous avions quatre ans. Nous étions à l’école enfantine ensemble. Puis j’avais déménagé pour le travail de mon père et lui parce que son appartement devenait trop petit avec sa sœur qui grandissait. Pourquoi, comment avions-nous gardez contact pendant plus de 10 ans ? Ce fut trop gênant à expliquer… Disons plutôt que c’était les aléas de la vie qui avaient fait que. Tout cela pour dire qu’avec Rick nous n’étions pas officiellement ensemble. Ce qui était certains c’est que nous étions plus que de simples amis et cela me perturbait grandement. Alors que les trois mousquetaires sortirent enfin de leur cabane, Rick et moi étions dans un silence de mort, se tenant par la main, aussi rouge l’un que l’autre. Chacun regardait à l’opposé pour ne pas croiser les yeux de l’autre. Ces filles étaient magiques, en un clin d’œil elles comprirent la situation. Laureen fut celle qui prit les devants et interrompit notre contemplation des points cardinaux.

- Tu n’as pas repris ta forme humaine ? demanda-t-elle surprise.

Sous les regards interrogateurs de mes camarades, je lâchai la main de Rick, tournai sur moi-même et pris la pose : une main sur la hanche, le V de la victoire dans l’autre. Ce n’était qu’un prétexte pour récupérer ma main et effacer le malaise qui s’était installé.

- Ici nous n’avons pas besoin de nous cacher. Dois-je vous rappeler pourquoi nous sommes venus ?

Le visage de chacun s’illumina. Ils échangèrent un regard entendu et une douce lueur les recouvrit. Des ailes de papillons ainsi que des antennes apparurent chez Aliya. La peau de Laureen devint légèrement bleutée. Arielle se retrouva avec les ailes grise typique du rouge-gorge. Son coup prit une légère tinte coquelicot. Des ailes d’aigles poussèrent dans le dos de Rick. Prudence, le papillon d’Aliya, Romy, le rouge-gorge d’Arielle, et Gina, la grenouille de Laureen, sortirent de leur cachette. J’envoyai une image mentale à Ruby de la scène. Je la sentis sourire et abandonner ses activités pour nous rejoindre. Allan, qui planait au-dessus de camp, vint se poser gracieusement sur l’épaule de Rick.

- Oh, s’esclama Laureen. Tes ailes ont encore changé Aliya !

- Oui ! Elles sont toutes bleues maintenant.

Aliya était dans la catégorie partie de ces personnes qui dégagent une énergie positive incroyable et qui ne tenaient pas en place. Ses pieds ne touchaient plus le sol, car ma meilleure amie était portée par ses ailes. Ce qui produisit un vent rafraichissant très agréable. Pour revenir sur la remarque de Laureen, les ailes d’Aliya changeaient régulièrement. Les couleurs et les symboles se modulaient pour leurs donner une robe à d’infinis possibilités. Sans crier gare, l’aillée me sauta dessus.

- C’est nul que tu ne puisses pas dormir avec nous, se plaignit-elle.

- C’est ça d’être cheffe et soumise à des règles ridicules, soupirai-je.

- Des règles aussi vieilles que le monde. Tu ne crois pas qu’il serait temps de les changer ?

Toujours pleine d’idée Arielle, mais malheureusement ce n’était pas aussi simple.

- J’aimerais bien, mais tu penses qu’un conseil de « vieux » va écouter une « enfant » ? dis-je en mimant les guillemets avec mes doigts.

- Ils seront bien obligés un jour, répliqua Rick alors qu’il n’avait pas ouvert la bouche depuis un moment. Après tout, nous sommes la nouvelle génération.

- À bas les viocs, place à la jeunesse !

Je ris de bon cœur à l’intervention de Laureen. Il était vrai que lorsque ma mère m’avait présentée au Conseil des Métanimus et Animalus, autrement dit le CMA, ils étaient tous ridés et semblaient déjà avoir un âge avancé. Je suis passée devant le conseil deux fois.

La première fois se produisit rapidement après ma rencontre avec Ruby. Ma mère sentant que j’avais développé un gène d’alpha, m’y avait emmenée pour m’inscrire. Toutes personnes que l’on soupçonnait être un alpha, devaient passer un test. Si l’aphatest, comme je l’appelais, s’avérait positif, nous étions enregistrés sur une liste. Je ne sus pas pourquoi cela se passait ainsi et quand j’ai posé la question on m’a répondu que c’était comme cela. Alors disons que c’est comme cela. J’étais sûre que c’était parce qu’ils avaient peur de perdre le contrôle des métanimus et des animalus.

Quand le conseil m’a vu débarquer du haut de mes 10 ans, les vieux ont regardé ma mère d’un air amusé. Une fois devant les résultats, leur regard s’est transformé d’abord sous la surprise, puis s’est mué en respect. Je me souvenais que certains avaient un regard interrogateur et curieux. Je tirais sur la manche de ma mère pour qu’on s’en aille au plus vite. Je ne voulais pas passer plus de tests. Ils n’en avaient d’ailleurs pas l’intention.

Comme Ruby nous avait rejoint, j’emmenai notre petit groupe jusqu’à la cabane où logerait Rick. Ces petits chalets sont aménagés d’une petite chambre avec quatre couchettes, d’une salle de bain équipée et d’un petit salon avec canapé et table basse. Pour la répartition nous séparions évidemment les filles et les garçons. Comme notre groupe était composé de six personnes débordant de testostérone, nous les avions séparés en deux groupes de trois. Rick partageait donc son logis avec Logan, mon petit frère de 13 ans, et Bastian. La deuxième équipe était composée d’Aldrick, Danyl et Enio, qui n’avaient toujours pas montré le bout de leur nez.

Nous discutions avec les filles. Aliya s’inquiétait de savoir quoi porter durant nos entraînements et lors des autres activités. Arielle espérait pouvoir se prélasser quelques heures au bord de la piscine afin de profiter de l’été. Laureen croisait les doigts pour qu’il ne fasse pas trop humide, ses cheveux avaient tendance à tripler de volume. Le comble pour une grenouille. Quand vint mon tour de m’exprimer, je ne pus me retenir de frissonner. Je sentis quelqu’un me fixer dans mon dos avec une intensité telle, que les poils de ma nuque se dressèrent. Je me retournais lentement pour croiser les yeux d’une inconnue. Svelte, de longues jambes et les cheveux lisses jusqu’aux épaules. Il était clair qu’elle me jugeait. Son regard me balaya de la tête aux pieds. Un sourire carnassier se dessina sur son visage. Une faible lumière la recouvrit et des taches apparurent sur sa peau. Des oreilles et une queue de guépard se dévoilèrent alors que ses crocs rendaient son sourire encore plus bestial. Je croisai les bras pour éviter à mes mains de trembler. Il se trouvait qu’en face de nous, se tenait une représente du clan de félins. J’en avais vaguement entendu parler par ma mère, lorsqu’elle me listait les différents clans que nous allions croiser au camp. Elle se retourna en passant une main dans ses cheveux de telle manière qu’ils virevoltèrent derrière elle. La guépard s’éloigna de nous en ondulant son corps, tel le félin qu'elle était.

J’inspirai profondément afin de calmer mes tremblements. Elle n’avait montré aucune hostilité exagérée, pourtant je me sentais comme si on m’avait attrapée à la gorge.

La formation d’un clan était quelque chose de très particulier. Lorsqu’une personne découvrait qu’elle était une métanimus, elle se retrouvait attirée inconsciemment jusqu’à un groupe déjà existant. Il était donc rare d’en voir un nouveau se développer comme le nôtre. Les nouveaux étaient attirés par un alpha. Plus la puissance de son aura était grande et puissante, plus de nouvelles recrues affluaient. Même les jeunes alpha comme moi nous mettions en route pour trouver un clan. Seulement, certains étaient très sélectifs. C’était leurs droits, mais je ne comprenais pas le principe. Un clan composé que de félin s’était formé et, pour les contrer, un autre où l’on acceptait que les canidés avait vu le jour. Surement que d’autres ont mis des règles encore plus stupides les unes que les autres. Dans le mien les portes étaient ouvertes à tout le monde, tant que tu es quelqu’un de sympathique.

Bizarrement, l’attraction des alphas marchait avec tout le monde sauf avec moi. Au contraire, je m’étais même mise à attirer des novices. Leur instinct réagissait comme si je dirigeais l’un des clans le plus influant sur des kilomètres. Après avoir attiré une dizaine de métanimus et animalus, ma mère et ma tante, la sœur de mon père, prirent la décision de m’emmener devant le CMA pour qu’ils discutent de mon cas. Je n’écoutais pas vraiment, trop de blablas dans un dialecte que je ne comprenais pas. La conclusion qu’ils finirent par prendre fut la suivante : clan autorisé sous la surveillance de Meredith Bess et Genna Haut. Ma mère et ma tante durent signer un bout de papier, s’incliner devant les vieux et nous pûmes enfin quitter cette salle étouffante. Elles poussèrent un gros soupir de soulagement et les voilà tutrices d’une nouvelle tribu remplis d’ados boutonneux.

En tant que cheffe de clan, je devais moi aussi signer un bout de papier, mais nous le reçûmes que plus tard par la poste dans une jolie enveloppe cachetée. J’avais l’impression d’ouvrir le courrier d’une reine. Jusqu’à ce que le contenu ne me tombe sur les genoux. Comme mon père me l’avait appris, je lus avec attention les quelques pages d’explications avant de signer. J’en ai surtout retenu que ma mère et ma tante devenaient les « mamans » de mon clan et que cela leurs engendrerait beaucoup de stresse supplémentaire. J’avais aussi remarqué qu’à la case « nom », il y avait noté Clan n°23. Je grimaçais au souvenir du chiffre. On nous donnait un numéro car nous n’avions pas encore de nom. Ah oui, il y avait encore cette histoire-là à régler…

Je sentais encore les doigts sur mon cou quand Aliya me prit par le bras. Arielle mima un vomissement et Laureen se redressa de toute sa hauteur de manière à regarder la féline de haut. Quand je pu enfin décroiser les bras, Rick sortit de la cabane et se racla la gorge.

- Qu’est-ce qui se passe ?

- Une nana d’un autre clan vient de nous déclarer la guerre, cracha Arielle

- Tu ne devrais pas dire ça à la légère. Elle nous a simplement provoqué, corrigea Laureen.

Je ne dis rien. À mon avis, elle aurait pu aussi bien nous juger que le tout à la fois. Je regardai Rick. Il me sourit avant d’ajouter :

- Je suis sûre que ce n’est rien. Je vous rappelle que nous sommes en terrain neutre ici.

Je regardai à nouveau en direction de la féline, qui avait maintenant disparue dans les allées du camp. Oui, en terrain neutre… Du moins en théorie.

Annotations

Vous aimez lire yu_neko ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0