6 – L’Amour… et tout ce qu’il y a dedans

19 minutes de lecture

« Tous les amants du dimanche
N’ont pas le cœur à plaisanter
Car dans la semaine y’a qu’un dimanche
C’est pas grand-chose pour s’aimer
Et puis surtout c’est vite passé »

Lucienne Delyle

Je suis resté à traîner au lit jusqu’à plus de 9 heures ce matin-là. J’entendais Lola s’affairer dans le salon sur la musique à peine audible de l’album By the way des Red hot. Elle s’emblait de bonne humeur. Pas moi. Je me sentais même plutôt l’âme revancharde, à bien vouloir en découdre. Me remontaient de l’estomac les disputes d’avec Elle. Toujours le même sujet : instable. Cette femme, comment dire… sur le papier, il n’y avait rien à lui reprocher. Elle était grande, belle, vivait de sa passion, était propriétaire d’une belle barraque, avec deux beaux enfants, dans un beau village, instruite par de belles valeurs morales. Et allez savoir pourquoi ça se déclenchait aujourd’hui, toujours est-il que se révélait ce matin-là toute la méchanceté, la perversion, la médiocrité, voire le sentiment suprématiste que pouvait planquer une phrase aussi anodine que « moi je veux un mec stable ». Parce que c’est quoi, le vrai but de cette phrase ? Exprimer un désir, une condition, une peur peut-être, ça dépend le ton. Y’avait un paquet là-dessous, qu’entre mon pieu et le café, j’avais bien envie d’aller chercher.

« Je me juge suffisamment stable, pour savoir juger si quelqu’un ne l’est pas. À partir de là, JE distribue le bon ou le mauvais point. Tu es capable de bien me baiser mais JE ne t’estime pas capable, pôvre petite chose fragile, de me rendre heureuse selon MES conditions à moi. Car grande prêtresse de ma propre religion, je sais EXACTEMENT ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Et la stabilité, c’est bien, donc toi, instable, tu es mal. Tu es LE MAL. Et le mal, on l’éradique. Donc je vais t’éradiquer, te piétiner, te pulvériser sans que tu le sentes venir. Dans tous les cas, partant du jugement que JE viens de faire de TA vie, ne compte pas être mon égal. Tu pourras me faire sourire, me faire jouir, et me faire pitié, mais jamais tu ne seras à ma hauteur. Oh tu ne le verras pas venir ! Cette capacité à te placer dans la même phrase de quoi te briser le cœur pour ensuite le recoller dans la foulée, je l’ai parfaitement acquise. Ce sera au détour des petites discussions, de petites remarques, je te passerai cela comme étant mes désirs, ma recherche du bonheur, peut-être dans un élan de tendresse, mais tout sera là pour de faire sentir incapable de ME combler, moi la supérieure. Alors, reste bien à ta place petite chose, et de cherche surtout pas voir monter d’un cran. »

Voilà, ça pourrait vouloir dire ça… au fond c’est très humain, naturel même, presque banal. Et pour faire l’autre moitié du chemin, force est d’avouer que je suis exactement pareil. Sauf que moa j’avance à découvert, je suis honnête, je ne me cache pas derrière mon petit doigt, je dis les choses moa, je connais les doutes qui me hantent et les certitudes qui vont avec moa, moa c’est pas pareil moa.

Tu parles, c’est le même délire, la même croisade, la même volonté de réunir une équipe sous mon porte drapeau et d’aller péter la gueule à l’autre au non du bien. Putain, qu’elle humanité !

« Ça va ? T’as pas l’air dans ton assiette.

– Heu… Pardon je… j’étais ailleurs. J’étais en train de m’énerver tout seul.

– À cause de moi ?

– À cause de moi surtout. Mais autant te le dire tout de suite, je suis dans d’excellentes conditions pour me défouler sur toi et t’en foutre pleins la gueule par ricochets, juste pour te faire payer pour les autres. Donc si tu le permets, on ne se parle pas trop pour l’instant, le temps que je redescende un peu…

– Je te permet. Tiens ton café. »

Je m’en rends compte en écrivant ces lignes, c’était peut-être ça, LE truc entre Lola et moi, la permission. Depuis le premier soir, cette première rencontre il y a sept ans dans ce restaurant, on n’a pas joué à la tolérance, ni à l’acceptation, on a joué à « je te prend tel que tu es et je te permet de l’exprimer ». Ça change une donne, une relation, l’espace est suffisamment libre pour y mettre tout ce qu’on veut dedans. Après on a flingué le modèle mais au départ, y’avait de ça je crois… Ou pas, peut-être que je me plante, qu’il s’agit d’un prisme déformé par mes soins, et qu’avec elle aussi il y avait ces jeux-là, comme avec toutes les autres. Mais il y a aussi l’espace pour ce genre de questions… Cherchez pas, j’ai raison !

« Alors, t’es calmé ? »

Quelle merveilleuse phrase pour foutre en rogne pas vrai ? Sauf qu’elle était balancée exactement de l’endroit où il fallait pour être prise à la rigolade, au second degré.

« Je crois oui, mais je n’en suis pas vraiment sûr…

– Tu comptes me le demander ce qu’il s’est passé, pourquoi je suis partie ?

– T’es partie parce que tu as suivi tes émotions du moment, moi ça me suffit. Après, je crois que je voulais te laisser le temps, et le choix. Si je t’avais demandé une explication, les justifications n’étaient pas loin. Et même si c’est mon jeu favori, j’ai pas envie de te juger ou qu’en tout cas mes jugements soit si importants. Donc si t’as pas envie de raconter, ne raconte pas, et si t’en as envie, raconte. »

Y’avait rien de bien original en réalité. C’était parfaitement calibré pour l’humanité. Le soir du film, Hell avait appelé. Et Lola tout a son manque, avait sauté sur l’occasion de prendre sa dose. Et elles ont causé jusqu’à trois heures du mat’. Et Lola a compris que l’autre n’était plus dans l’histoire, qu’elle ne voulait plus refaire le film, ni en entendre parler. Et les phrases qui flinguent, cachées derrière une redoutable distances, on fusés : « On ne voulait pas les mêmes choses », « je suis passé à autre chose », « j’ai une nouvelle relation dans laquelle je me sens bien et je dois couper les ponts avec toi pour que ça marche » mais « tu as compté », « par contre arrête de m’appeler ». Autant de balles à bout touchant un ego flingué. Autant d’occasion d’en remettre une couche, de prouver qu’on « en est pas au même niveau », « va te faire soigner ». Et Lola là-dedans a fait du Lola. Certaines de nos façons de faire, quand on refuse de les intégrer comme étant nous, entrent sans frapper. Donc Lola au très petit matin à appelé un taxi pour aller à l’aéroport pour… elle ne savait pas… pour être plus près d’Hell qui n’était plus là. Et elle a beugué là-dedans toute la journée, « je prend un billet, j’en prend pas… » Puis, par vengeance mal placée, dégout, tentative-pansement d’essayer le même remède, elle est allée à Marseille faire ce que vont toutes les femmes déprimées : chasser la bite. Bien entendu elle l’a trouvée, bien entendu au lendemain elle regrettait et…

« … et me voilà. Et je suis totalement paumée Marc. Je ne sais plus quoi faire… »

Moi je trouvais qu’il y avait là-dedans une assez bonne nouvelle. Se dire paumée, c’est déjà se rendre compte qu’on l’est. Ça fait un déni de moins à cocher.

« Allons marcher. »

C’était encore une merveilleuse matinée. On en avait beaucoup, surtout pour la saison, il ne pleuvait pas, pas assez. La Provence se transformait lentement en désert. Ce coup ci on est monté dans la montagne de Lure par une piste que je connaissais bien. Autant montrer à Lola autre chose que la rivière et éviter la zone du roulage dans les crottes. Bien qui si elle voulait, Michonne en trouverait d’autres… Et à certain endroit, la vue sur les vallées de la Durance et de Bléone était imprenable. A votre gauche, les Mées et ses pénitents avec à côté le plateau de Valensole et derrière les gorges du Verdon. À votre droite, le Luberon, et au milieu, loin là-bas, la Sainte Victoire, montagne de Cézanne, cachant Aix et Marseille.

« Marc, t’as déjà vécu un état de grâce toi ?

– Comment ça ?

– Tu sais, l’Éveil. Comme quand tu as l’impression que tu fais trois kilomètres de large et que tu comprends le fonctionnement du monde, que tu fais un tout avec le Tout. Moi e crois que j’ai touché ça une fois, lors d’une séance de méditation dans un ashram en Inde.

– C’était une scéance de méditation ou une séance de collage au plafond ?

– Quoi ?

– Rien, je suis méprisant.

– C’est déjà bien de s’en rendre compte…

– Ouais. Ça fait partie du jeu auquel j’essaie de jouer. Je sais pas si tu te rappelles, à l’époque du premier bouquin, je passais par ce que je pensais avoir compris du monde pour en déloger les hypocrisies de tout le monde. Maintenant, j’essaie une route inverse, je passe par ce que je pense comprendre de l’extérieur pour déloger les hypocrisies qui sont en moi.

– Et ça marche ?

– Ça dépend, je commence à peine. Comme tu le vois, je plutôt lent à la détente.

– Si mes souvenirs sont corrects au lit aussi t’étais « long à la détente. C’était plutôt un avantage… Alors, t’as pas répondu à ma question, l’état de grâce ?

– Ah… peut-être une fois, lors d’une marche de plusieurs jours vers le Verdon là-bas. Hum… Mais ce qui se rapproche le plus de ce que tu décris, m’est arrivé en regardant mon fils, quand je l’ai pris dans mes bras la première fois, à sa naissance. Je me rappelle… j’ai plongé mon regard dans le sien, si profond, si bleu, et j’ai perçu que je regardais une chose qui est bien plus vieille que moi, alors qu’elle venait de naître. Alors là j’ai chialé, des sceaux entiers.

Nous avions quitté les forêt de pin pour retrouver les chênes. Ici, les arbres anciens n’existaient plus, tout était neuf, petit, orphelins. On a marché un moment avant d’arriver au Jas Roche, une bergerie en pièce contenant une pièce de couche pour le berger, et un puit. J’en ai puisé un sceau pour que Michonne d’hydrate. Mine de rien, avec ses allés et retours, elle devait effectuer dix fois plus de distances que nous.

– J’ai repensé à ce que tu m’avais dit dimanche, lorsque je me suis énervée.

– Ah… ?

– Je me sens trahie, toujours, malgré ce qu’Hell à pu me dire au téléphone… Et j’ai mal, si mal. Alors si avec ton truc de marabout t’as une solution, je suis preneuse.

– Prend la douleur en pleine gueule et intègre là comme étant à toi.

– Quoi ?

– Bon attend Lola, puisque tu me le demande et que je j’adore ça, je vais sortir ma carte de gourou… Mais avant j’aimerais poser un apriori à cette discussion. Je ne vais pas parler pour annuler ton point de vue, mais pour que tu puisses regarder de là où je regarde. Comme ça on peut enterrer tout de suite l’idée dissimulée de vouloir faire taire ou de forcer l’autre à changer d’avis, ça marche pour toi ?

– Marché conclu !

– Cool… Comme tu le sais, je m’en traine un aussi de chagrin d’amour… Sauf que je me rends comme qu’il n’est que la révélation de mon mensonge.

– Ça y est, je suis paumée !

Bon d’accord. Vu que tu es allée te percher chez les adorateurs de vaches sacrées, tu viendrait avec moi qu’on n’est que des saces et des aspirateurs à énergie, que le monde entier n’est que ça. Là ça va ? On peut partir de là ?

– On peut.

– Donc vu que tout n’est qu’énergie, le but de l’humain et d’en prendre le plus possible. Comme on est pour la majorité d’entre nous incapables de nous fournir nous même en énergie, on a prit l’habitude de la prendre chez l’autre. Et là commence le jeu… Petite aparté c’est exactement ce que je suis en train de faire en te parlant, je capte ton attention, donc ton amour, donc ton énergie. C’est toujours bon ?

– Vas-y marche, marche…

– Le truc c’est qu’on entre jamais en relation avec l’autre avec ce que l’on est vraiment, on avance toujours masqués. Puisqu’au fond nous sommes incapable de nous aimer en totalité, c'est-à-dire aimer aussi nos défauts, on ne va quand même pas penser que l’autre puisse nous aimer tel qu’on est. et c’est là pour moi, peut-être qu’il faut que tu regardes. Ok, tu te sens trahi ? Mais comment toi tu l’as trahi ?

– Ça y est, ça me gonfle !

– Attends avant de me rentrer dedans… Mais essaie d’être au maximum de bonne foi avec toi-même. J’ajoute mon point de vue, je ne dénigre en rien ta douleur, elle est là et elle st parfaitement valable. Mais tu vas me dire tu ne lui as jamais menti toi ?

– Non, jamais.

– Même au tout début ? Genre quand t’es rentrée dans la relation ? T’avais toutes tes jolies affichées plumes au dehors ou t’es rentrée avec tes doutes tes angoisses, tes peurs, tes haines et ton ignorance absolue de ce qu’est réellement l’amour ?

– …

– …

– Mouais… mouais si tu veux, ça se peut.

– Ben c’est peut-être là qu’il faut qu’on se calme sur l’autre et qu’on se regarde d’abord nous. Qu’on admette qu’on rentre avec notre superficialité, en vendant un truc qui n’est qu’une toute petite partie de nous. Bref en mode faux cul intégral. Et après on est très étonné. Sauf que c’est du du business, pas de l’amour.. Enfin, je sais pas… t’en penses quoi toi ?

– Que si ça continue tu vas te mettre à parler comme Nelson Mandela ! Et alors faudrait rentrer comment dans la relation ? »

Je me suis mis à éclater de rire.

« Je n’en sais foutrement rien ! Mais imagine la gueule du début du truc si la femme commence par « écoute j’ai la haine contre ma mère. Je n’ai pas vu mon père depuis dix ans, du coup je crois que j’en veux terriblement aux hommes et c’est quasiment certains que je vais arrêter d’écarter les cuisses dès que tu m’auras fait un gosse ».

– Effet, moins vendable, mais très misogyne.

– Mais je suis mysogyne. Pas que, mais ça fait partie de moi. Et les femmes adorent ça.

– Ah non, je crois pas !

– Ah bon ? Dans la levrette y’a pas une idée de se faire prendre comme une chienne ?

– Oh putainnn Marc ! (rires choqué)

– Ben quoi ? (rires)

– Ça venait de nulle part bordel ! Mais t’as raison. C’est vrai.

– Après c’est pareil pour moi je…

– T’aime te faire prendre comme une chienne ?

– Noooon ! Quoique va savoir. Visiblement j’ai adoré bien me faire niquer aussi… Pour en revenir à la relation… Si de mon côté, à la place de tourner autour du pot j’annoncer la couleur, genre « avec toi je me sens plus beau, plus fort, plus jeune et j’adore ton cul », ça sonnerait moins mensonger que « tiens je t’offre des fleurs, je vais te traiter comme une princesse et tu sais, moi ce que j’aime en premier chez une femmes se sont ses yeux, parce qu’ils sont le reflet de son âme blablabla. » Bref un bon gros mensonge soigneusement emballé pour qu’il soit bien vendable.

– Et donc maintenant tu veux faire quoi ?

– Je veux juste plus me tordre pour faire semblant d’être un mec que je ne suis pas. Et là j’en revient à mon chagrin d’amour. Pour moi c’est mon mensonge révélé. Je parle d’amour alors que si je me sonde bien, c’était de l’attachement, un désir de possession, une peur de la solitude, bref un échange marchand.

– Un échange marchand ? Le poète est loin !

– De quoi d’autres on parle ? Je t’aime à condition que tu sois gentille, douce, pas chiante et que tu me suces bien. Et de l’autre côté je ne sais pas trop ce que les femmes se racontent… À aucun moment je ne lui ai permis d’être Elle, de crée pour elle, et Elle pareil pour moi. À aucun moment je n’ai considéré être l’entière source de ce qu’il m’arrivait. Surtout pas, t’imagines, si en plus je devais être responsable de l’entièreté de ma vie, qu’elle prise de conscience ! Quel vertige de possibilités créatrice ! Non, il vaut mieux que ce soit la conasse intolérante et moi le connard pas fiable, c’est mieux, plus confortable. On peut chacun recevoir notre Oscar de la Mauvaise foi en même temps que celui du Héros qui survit victime de la méchanceté de l’autre. Là le commerce semble bon.

– Moi, avec Hell, je me sentais être moi. Hell me laissait faire ça.

– Elle t’as laissé l’être ou tu te l’es accordé toute seule ?

– Non vraiment… Enfin… maintenant que t’en parles… C’est vrai… je me suis suffisamment sentie en sécurité pour me permettre d’être moi, et je me suis accordée toute seule cette permission. Y’a qu’à se le permettre tout le temps, c’est ça ?

– Y’a qu’à, faut qu’on… Je n’en sais foutrement rien Lola. Ton brouillard c’est mien. L’idée c’est le choix je crois. Sans choix, pas de libre arbitre. Peut-être qu’à des moments on a le droit de s’autoriser parce qu’en même temps on se donne le droit de s’interdire. Moi c’est pareil. Je ne m’autorise à être un peu fou, sensible, doux qu’en présence d’une amante. Mais c’est moi qui me suis tordu, tout seul, qui suis devenu le gros facho de moi-même en m’interdisant de vivre mes rêves. Au lieu de me donner de l’énergie tout seul, je me sers de l’autre comme d’un réservoir. Avec ce sentiment de sécurité que je m’invente avec elles, je me permets de puiser de quoi oser être ce que je n’oserais pas afficher aux yeux du monde si j’étais seul. Voilà le business. Sauf que le sac se vide au bout d’un moment. Alors le seul moyen de récupérer de l’énergie, c’est l’engueulade, puis une autre femme.

– Même si ça fait sens, je ne suis pas d’accord avec toi. Les hommes qui battent leurs enfants ou les pervers narcissiques, ça existe bien !

– Oui… Ben c’est le jeu de la victime, du bourreau et du héros. Qu’est ce que tu veux que je te dise ? Je ne vois plus les choses comme ça, je ne les vois plus comme ça. Mais là tu viens de parler des enfants, et, tu le sais, c’est sujet sensible chez moi. Ce qui me gonfle c’est les « mais c’est pas pareil », comme une carte joker qu’on sort lorsque c’est pratique. Parce que par exemple, tu seras d’accord avec moi pour dire que si on tombe amoureux, on s’est attiré l’un l’autre ?

– Ouais.

– Bon, et si je te colle une tarte dans la gueule. Je suis le méchant, donc toi la victime, ou un peu dire que tu l’as attiré cette gifle.

– Non mais c’est…

– …Pas pareil. Exactement.

– Tu vas loin… Et nous aussi d’ailleurs. On va où maintenant ?

– Comme tu veux. Soit on peut rentrer, soit on peu continuer un pu notre chemin. C’est beaucoup plus joli par là, on passe dans des sous-bois magnifique.

– Allons !

– …

– …

– Alors, les enfants ?

– Ben quoi les enfants ?

– Ton histoire des séparations.

– Ben c’est toujours la même chose. Au début il est merveilleux, c’est prince idéal, il fait super l’amour ect. Puis sous prétexte de prétexte que ceci ou cela, qu’en réalité on veut le dégager de la baraque pour aller en baiser un autre, parce que notre rêve de princesse nous étouffe, on va se servir du formidable levier des enfants pour bien lui faire payer le fait qu’il ne s’est pas assez plié à notre volonté d’être heureuse. Et on va salir, bien comme il faut, pour bien se donner raison. Et comme le monde est notre création, on va les avoir les raisons. Sauf qu’un père c’est pareil qu’une mère. Quand on le voit naitre, on chiale. Peu importe les raisons, on n’enlève pas ses enfants à un papa.

– Ça s’arrange ces derniers temps, la société considère plus les pères non ?

– Ouais, mais je ne suis pas certains que la vraie aison soit clairement affichée. Est-ce que ce ne serait pas les femmes qui finalement trouvent ça cool de filer les gosses aux pères comme ça elles peuvent enfin s’occuper d’elles et sortir en boîte pour retrouver leur vie de femme ? Mais ça ne sera jamais avoué. Une maman n’aurait jamais envie de s’occuper d’elle avant ses enfants, ça n’existe pas. M’enfin, c’est toujours pareil, il ne s’agit que de la réalité vu de mon prisme.

– T’es en colère.

– Ouais. Aigri même, et plein de trouilles.

– Qu’est ce qui te fait peur Marc ?

– La mort. Et tout un tas de choses qui tournent autour. Mais encore une fois, est-ce que passer son temps et son énergie à se fliquer et à s’analyser pour essayer de flinguer ce qu’il ne nous convient pas chez nous ou chez l’autre est une bonne approche ? Quand je suis triste, je suis triste, point barre, j’en ai marre de chercher à décortiquer le pourquoi du comment. Comme si on était un putain de catalogue avec de bonnes et de mauvaises étiquettes ! Comme nous deux, regarde-nous, pourtant si différents et totalement pareils.

– Ah bon ?

– femme-homme, riche-pauvre, actrice-écrivain, célèbre-inconnu, on pourrait même ajouter homo-hétéro, américain-français (nos deux pays ont quand même une sacrée histoire en commun).

– Modeste et crâneur

– Ignorant et sachant.

– Enfoiré !

– Ouais ! Donc voilà, sur beaucoup de points, nous sommes pareils, exactement les deux faces d’une même pièce.

– Et t’en fait quoi ?

– Je le respire, j’essaie. Je me sers de ce que je comprend de toi et je regarde comment ça se manifeste chez moi. Tiens on va prendre ça, un sujet chez moi comme chez toi mais en inversé : l’argent. J’en ai pas, t’en as. Au lieu de faire ce que j’ai fais toute ma vie, c'est-à-dire me culpabiliser de « ne pas y arriver », maintenant j’accepte.

– T’acceptes d’être pauvre ?

– Non, j’accepte d’être un homme qui n’aime pas être pauvre. Je ne peux pas accepter d’être pauvre, ce serait un mensonge. Par contre, je me prends tel que je suis, et je n’aime pas être pauvre. J’arrête avec ce déni, comme si ne pas aimer c’était mal. J’ai le droit de ne pas aimer, je suis un humain, pas un ange. En même temps, pour finir le tableau, ma pauvreté me donne bien le droit de me plaindre, et donc d’aller voler un max d’énergie.

– Mouais… En revanche tu te plantes, l’argent n’est un sujet pour moi. Mais j’aime mon travail. Et je fais ce que j’aime depuis mes 16 ans. Alors, peut être que l’abondance vient de là, du fait que je suis alignée et pratique ce que j’aime.

– Puisqu’on parle de pratique… Ton disque.

– Quoi mon disque ?

– Je vais être honnête. Si l’idée c’est de composer des superbes chansons bien flatteuses pour l’ego de Hell dans le but de la reconquérir, compte pas sur moi. Si en revanche, il s’agit d’un support pour exprimer ce que tu es, ce que tu ressens, alors là, d’accord. Même si ce que tu es en ce moment se sent seul, à terre, ridicule, paumé, malheureux, assaillit de doutes, je dis banco. Prend le temps d’y réfléchir.

– Ok…

– Par contre… tu vois tu viens de me renseigner sur moi… Si je suis honnête, moi aussi j’aurais adoré être adoré, être un écrivain, ou un artiste célèbre en général. Ça aurait nourrit mes envies de pouvoir et de porno. Tu vois, je ne suis jamais aussi bien que quand une femme mouille de désir envers moi après que je lui ai mis plein la vue avec ma « sensibilité artistique ».

– Décidemment, quel poète aujourd’hui ! Mais bien joué, t’as retrouvé notre pièce !

– Maintenant, faut expérimenter, et ça se fait au contact des autres. Donc vu qu’hier t’as fait ta grosse vilaine et qu’on a pas pu sortir, ce soir je veux qu’on aille au cinéma.

– Tu veux aller voir quoi ?

– John Wick 4 ! De la violence et de l’esthétique, c’est exactement ce qu’il me faut. C’est en VF avant que tu demandes, et c’est pas négociable !

– Su-per ! … D’accord. allons expérimenter au cinéma. Mais avant, va te raser, et va te laver. Tu vas avoir l’honneur d’être accompagné par une star de cinéma, fais lui sentir qu’elle a bon goût. Même si c’est des foutaises, juste pour jouer.

* * *

Rasé, douché, les cheveux brossés. J’ai même mis un jean propre.

« Alors, comment tu me trouves ?

– Tu es très beau. Et toi comment tu me trouves ?

– Tu me fais me sentir fort, plus jeune et plus beau. »

Lola à affiché un sourire grand comme ça.

« Merci. Là à ton bras, je me sens en sécurité.

– Pourquoi, y’a du danger quelque part ?

– Stop ! A partir de maintenant, je me veut plus rien connaître de tes analyses »

Ça me renseignait vachement sur moi d’aller au cinéma : on était les seuls dans la salle. Séance privée de trois heures !

« Alors, t’en as pensé quoi ?

– Un bonbon pour les yeux ! Totalement ce que je voulais voir voir. Et toi ?

– Plaisir un peu gaché par la VF. Keanu a une voix beaucoup plus sexy. Mais le film est magnifique. Et lui est tellement beauuuuuuuu !

– Même à presque 60 balais ?

– Il fait presque aussi jeune que toi. Tu savais qu’une légende circule sur lui comme quoi il serait immortel ?

– J’en ai entendu parler.

– Et t’en penses quoi ?

– Qu’il est pas dans la merde si c’est vrai… Ça a été quoi ta phrase préférée du film ?

– J’ai bien aimé celle sur l’amitié, mais j’ai adoré la chanson vieille chanson en fraçais. Heu… comment c’était ?

– Les Amants du dimanche, je te la mettrais en rentrant. Moi, une phrase qui m’a tapé c’est…

– Oh toi je sais : les hommes qui demandent une seconde chance sont des hommes qui ont échoués. J’te connais tu vois ? »

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