Chapitre 2

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On était là à envisager de rendre tout ce fric pour limiter la casse quand Bolo est venu étouffer la dernière once d'espoir qu'il nous restait:

Toute façon j'ai tout dépensé.

Bordel. On l'a regardé consternés.

Bolo aussi nous regardaient, passant de mon visage à celui de Medhi comme un spectateur sous le soleil du court central de Rolland Garros.

Bah quoi ?

Medhi s'est violemment crispé, son regard est devenu noir et inquiétant, il a commencé à dire des trucs pas très catholiques sur la mère de Bolo tout en s'agitant comme un camé sous coke, alors j'ai balancé mon bras par-dessus l'appui-tête de mon siège et j'ai bloqué le mollusque contre la portière. Il a fallu un certain temps avant que Medhi cesse de se débattre. Toute façon ce fric servait à rien, ces mecs là n'étaient pas du genre à se laisser faire enculer par trois branleurs qui vivaient encore chez leur mère, il était question d'honneur, de réputation, ils allaient pas passer l'éponge, on allait devenir le genre d'exemple qui finit en pièces détachées dans toutes les poubelles de la ville pour dissuader les autres pickpockets de s'improviser Parrains de la French connexion.



Putain mais…

T'as vraiment tout dépensé Bolo ?

- Bah juste la moitié quoi, fin presque.

- Putain mais… mais t'as fais quoi avec tout ce fric ?

- Des trucs. Fin bon y a pire hein.

- Ah ouais, c'est vrai, relativisons, j'crois que ma vie prend enfin un tournant, j'ai toujours rêvé de donner rendez vous à deux gros bouffons sur une aire de repos paumée pour qu'on puisse planifier notre mort, j'ai la baraka en ce moment, j'devrais jouer au loto qu'es t'en pense?

- Bah, en fait, si… Ya pire…

On s'attendait à se prendre le grand frère du rocher qui venait de nous tomber sur la gueule.

Vous jurez de pas m'frapper ?

- Vas y parle !!

-Bon. Vous savez, ma sœur, celle qui est infirmière à l'hosto, bah avant-hier elle m'a parlé d'un phénomène étrange dont tout le monde parle en ville.

-Accouche putain !

-Oui, oui. Bah en fait, le nombre d'hospitalisés pour overdose il a sérieusement augmenté ces derniers temps tu vois. Vu que c'est quand même un peu suspect, les flics ont déboulés, évidemment, pis v'la quoi, ils ont bien compris que de la coco pure circulait en ville. Ils sont sur le coup. J'veux dire, on a p'tetre les flics au cul en fait.

Le couperet. Cette dernière phrase avait lâché la lame déjà branlante de la guillotine qui lorgnait mon cou depuis quelques jours, j'ai de suite songé à ma face écrabouillée sur un capot, un moustachu balaise en train de me faire une clé de bras pendant que son collègue me palpait les couilles, ce genre de situation où t'es complètement nu et vulnérable. Cette dernière phrase c'était la taule, la fin de ma vie de branleur, de mes grasses mat, mes nuits blanches, j'avais rien de Lucky Luciano, j'étais pas Tony Montana, j'étais juste une fiotte qui flippait à mort et suppliait les jupons de maman. À ce moment précis, j'aurai imploré Dieu, j'aurai ciré ses pompes avec mes larmes, j'aurai tout donné pour revenir en arrière et faire quelque chose de ma vie, je pouvais à présent clairement distinguer le bruit de ce tic tac sournois, le compte à rebours, le décompte acheminant vers la mort. Fait comme un rat. La colère s'est invitée dans la danse, les yeux rouges et humides, les veines gonflée, j'ai crié dans un élan de rage pure et frappé à grands coups de ronds de bras dans le vide sidéral dont était fait mon avenir, jusqu'à frapper trois fois sur le klaxon.

Panique et de paranoïa, on s'est tous baissés, comme pour se cacher de ne s'être fait que trop remarqués. Couché sur le siège passager, ma peur avait effacé ma colère, je ne bougeais plus. Medhi non plus. Bolo, lui, se marrait comme une baleine. Il nous a assuré plusieurs fois que rien ne bougeait au dehors, alors, fébriles et un peu honteux, on a fini par se relever.

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