Chapitre VII

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- Olivier !!!

Mei se jeta à mon cou, enserrant mes côtes avec force. Ma respiration se coupai presque, alors que je lui rendai son câlin, laissant mes mains caresser amicalement son dos, recouvert d'un épais manteau noir en laine et fausse fourrure, style dix neuvième.

Furtivement, je jettai un oeil en arrière, m'assurant que Pandora était hors de vue. Les battements de mon coeur se calmèrent, constatant qu'elle ne m'avais pas suivi dans le couloir. Mei s'arracha de mes bras, déposa le trou noir qui lui servait de sac près de l'étagère à chaussures, avant de foncer vers la chambre de Pierrot, un large sourire lui fendant le visage;

- Pierre ! Je suis là !!! Tu viens pas dire bonjour à ta vieille branche ?

J'en profitai pour aller vérifier ma chambre, me précipitant dans l'entrebaillement de celle ci, et constatait qu'il n'y avait plus personne dans la pièce. Même Thomas avait disparu. Je soufflais, soulagé du poids d'une montagne sur mes épaules, avant de me rediriger dans le salon. La jeune femme aux cheveux bleu prit le temps d'accrocher son long manteau humide par la bruine au porte manteau du couloir, et retirer ses chaussures, d'énormes talons compensés Killstar vernis, surplombés de petites chaines et de croix de métal en guise de breloques. Je souriais en constatant que sous ce style grunge, il y avait une splendide paire de chaussettes petits chiens.

- Je te sers une 8.6 ?

- Mec, t'as pas acheté ça ?! Constatait-elle, déçue.

Ouais, d'habitude, il y avait mieux dans mon frigo. Mais un mercredi midi, alors que c'est férié, je ne pouvais trouver mieux au U contact.

- Tu vas devoir te contenter de la bière de nos chers Rennais. Sinon, on a de la flotte.

Une moue boudeuse apparut sur son visage rougi par le froid de cette pâle et triste matinée. Mei réfléchit quelques secondes, perplexe, les yeux fixés sur le planfond jauni de l'appartement, où dansaient quelques toiles d'araignées.

- Laisse tomber, Lauzel. Je vais prendre ta bière de clochard.

- Non mais ça vas ?! Faut pas se gêner !

Je n'hésitais pas à la taquiner là dessus. Et je vous épargnais aussi tous les débats tournant autour de la Bretagne, sinon, il y aurait de quoi en faire tout un tome bis. Mes amis n'hésitaient pas à me rappeler mes origines Bretonnes, ce qui avait le don de faire rire la galerie. J'étais fier de ma région natale, et n'hésitais pas à le faire savoir. Pierre choisit ce moment là pour sortir de sa grotte en se grattant la barbe. Il jeta un regard en coin à notre amie, et sortait trois canettes bleues du frigo, penché en avant. Il en tendit une à chacun de nous.

- Alors Mei, t'as terminé chez Solal hier soir ?

Le gremlins fluo tourna la tête d'un seul coup, soudainement très absorbée par le courrier qui s'entassait sur le buffet en formica de la cuisine, les joues en feu.

- Non ...

- Me fait pas le coup ! Je te connais très bien, et comme ça fait plus d'une semaine que t'as pas baisé, t'as mangé Arabe hier soir. J'en mettrai ma main à couper !

- Ouais bon ... Ca vas. T'as gagné. Assuma la jeune femme en ouvrant sa bière, suivant le maître de maison, aka Pierrot, dans le salon. Mais faut que je vous raconte !

Je m'étallais sur Charlotte, près de Mei, tandis que Pierre se postait près de nous, ouvrant la fenêtre, et allumant une roulée. Je n'aimai pas trop l'odeur de la cigarette dans un lieu clos. Alors je remerciais mon bailleur pour au moins faire attention à la santé des poumons de son locataire.

- Oli, hier j'ai posé quelques question à mes oracles, et j'ai adressé une prière aux entités pour toi. Et, apparemment, tu auras de grandes épreuves à l'avenir!

Je souriai en sachant qu'elle avait parfaitement raison. Elle m'impressionnait sur ce point. Et bien d'autres d'ailleurs. Outre le fait qu'elle sache tout avant tout le monde, bien sûr.

Mei couchait avec Solal depuis environ un an. Le bel Israëlien n'avait pas été insensible au charme de la jeune femme, et était tombé dans ses filets comme une mouche tombe dans un pot de miel. Je dois bien avouer qu'il était gâté, et j'étais heureux pour lui, et pour mon amie. Ces deux là en resteraient sans doute toujours au stade de plan cul, pour le bien de chacun. Mon collègue de travail, c'est-à-dire Solal, était très instable sentimentalement, et avait une fâcheuse tendance aux sautes d'humeur et au libertinage. Mei, elle, avait peur de l'engagement, vestiges d'anciennes relations mal terminées, et aimait bien trop ses parties de jambes en l'air, autant avec la liberté qu'avec différents partenaires pour s'enccombrer d'un mec.

- Et du coup Olivier ? T'as réussi à contacter Thomas ?! S'enquit-elle en penchant son visage près du mien.

J'ouvrais ma bière et en buvais une gorgée, ma glotte se serrant de plus en plus à chaque seconde. Je ne savais pas où était passé Thomas, et il fallait que je lui raconte tout ce qui s'était passé dans les heures précédentes. Il me faudrai du courage. Je commençais donc mon récit, pour la seconde fois de la journée, alors que Pierre, finissant sa cigarette, allumai la télévision et lançais une application de musique sur la chaîne hifi, farfouillant quelques secondes dans ses playlists, avant de lancer un morceau de Fauve.

Mei terminait sa bière quarante cinq minutes plus tard, les yeux perdus dans le vide, sur le cendrier de la table basse, plus précisément. La jeune femme se redressa, étirant son dos, qui craqua quelques peu.

- Eh beh ... Je ne pensais pas que ça marcherait aussi bien ! Et tu as invoqué une succube ?! Ne me fais pas marcher, hein ? Et d'ailleurs, il est où Thomas, que je lui passe le bonjour !

- Ne te moque pas ma grosse, il a raison !

Le regard furibond de mon bailleur, toujours adossé près de la fenètre qu'il avait refermé, prenait soudain une expression grave. Pierre était quelqu'un de facile à convaincre, mais qui avait de l'expérience. Ce mec était une véritable mine d'informations, passionné d'histoire, de théories du complot en tous genres. Il avalait et analysait absolument tous les articles qui tombaient sous ses grosses pattes, les classifiant et les compilant dans des disques dûrs. Un vrai maniaque, quand il sortait de ses jeux vidéos. Il pouvait passer des heures sur Reddit ou 4chan.

- Je ne crois que ce que je vois, Pierrot. Elle se retourna vers moi, une expression mesquine sur le visage. Et là, la seule chose ressemblant à un fantôme que je vois, c'est toi, Olivier. Se moquait Mei, me lançant un regard de défi. Elle n'avait pas cru une seconde à mon histoire.

Voyant que son point de vue m'agaçait, Mei darda sa petite langue hors de son rouge à lèvres taupe, une lueur de défi dansant dans ses yeux hétérochromes.

- Je te le jure sur mon fr ... Non, c'est bizarre de dire ça, du coup.

Je ne pouvais plus jurer ni sur la vie, ni sur la mémoire de mon pauvre frère. Il était bien là, quelque part dans le coin, sans doute planqué dans le placard à balai des toilettes, ou bien calfeutré dans ma chambre.

- Bah justement, je l'attends !

- Il est peut être dans les chiottes, non ?

" Tu ne crois pas si bien dire ... " Pensais-je en levant les yeux au ciel, avant de poser mon attention sur Le Floch, outré.

- Pierre !

Un silence entrecoupé par un son psychédélique, sans doute de Fever the Ghost, se fit entendre dans le salon. Pantoufle en profitait pour se hisser avec toutes les peines du monde sur le canapé, avant d'être aidé par Mei, attrapant le vieux chat sous les pattes avant et le hissant sur ses genoux. La grosse boule de poils se mit à ronronner comme un tractopelle avant de se lover sur les jambes de mon amie.

- C'est pas si simple, je sais même pas si je peux l'invoquer, si ça vient aléatoirement, si ça ne dépends que de lui ... Ah ! Je ne sais vraimement pas si il est là en ce moment même ! Tout ce que je sais, c'est qu'on peut le voir et le toucher, et que lui mène sa vie d'ectoplasme en toute impunité.

- J'aimerai voir ça !

Encore ce même regard espiègle. Je jurai dans mon fort intérieur.

- Tu risques pas de le voir en hurlant dans mon appart, si tu veux mon avis.

Je remerciai Pierre. Mei parlait fort et faisait de grands gestes, ce comportement attirant souvent l'attention des gens. C'était pour ça que nous l'apprécions tant. Elle brillait comme une comète, passait dans le ciel d'une vie et l'illuminait avant de se volatiliser. Mais nous, Pierre, moi, Solal et Cindy, nous étions les quelques astres qui avions la chance de l'attirer dans notre champ gravitationnel, un peu plus longtemps que les autres planètes. J'étais fier de ma comète.

- Thomas Lauzel !!! On ne dit pas bonjour aux invités ?! Se mit à hurler mon amie dans l'appartement.

Le chat, prit d'un frisson, s'affala sur le sol du salon, cessant de ronronner, et partit vers la cuisine. Nous suivîmes du regard le suppôt de Satan s'éloigner. Je m'affalai dans le canapé, portant ma canette de bière à ma bouche.

- Salut ...

Je failli m'étouffer avec ma bière.

- OH MON DIEU !!!

- ... Mei.

Thomas s'était matérialisé aux côtés de Mei, à sa droite. Il lui adressait un regard tendre, presque taquin, à travers le voile vaporeux de son existence. Ses splendides yeux violets la détaillaient des pieds à la tête, un léger sourire caché derrière son pull noir. Ce n'était pas mon frère pour rien, je le connaissait par coeur. Il réagissait comme ça quand une fille lui plaisait. Et même dans la mort, il n'avait pas changé ses techniques de drague pour un sous. La timidité maladive de Thomas le rendait irrésistible auprès de la gente féminine.

Mei frôla un arrêt cardiaque, figée pendant quelques secondes, avant de sauter dans les bras de mon frère, folle de joie. Enfin elle le retrouvait. Le frangin était connu durant sa courte vie comme le " petit bouclé aux yeux cosmique" au lycée. Mei le connaissait de nom, quand nous étions dans le même bahut, et nous nous étions croisés quelques fois à la cafétéria, alors que notre gothique préférée était en pleine période " emo ", arborant des mèches raides fixées au béton, noir corbeau et rabattues sur un de ses yeux. Ceinture à damier noir et blanche, mitaines destroys et Khol noir de mauvaise qualité compris. Les heures les plus sombres de son histoire, en somme.

Ses bras se refermèrent sur le corps éthéré de mon petit frère, avant de passer au travers. Choqué, Thomas se tendit, rougissant dans son esprit, vue qu'il ne pouvait plus le faire en réalité, les yeux révulsés, et disparut dans le même bruit d'ouverture de boîte de cornichons que ce matin.

- AH !

Tremblante, mon amie se releva, paniquée, cherchant dans toute la pièce où avait bien pu passer le fantôme, constatant son abscence du canapé. Il n'y était évidemment plus.

- OH MON DIEU IL A EXPLOSE !!!

Je soupirai, sachant que mon frère n'était pas parti bien loin. La jeune femme se retourna vers moi, paniquée, les mains sur la bouche, au bord de la crise de nerfs. Il était évident qu'elle avait eu assez d'émotions dues à un spectre pour le restant de sa vie.

- Olivier je ... Je ... Pardon ! J'ai fait exploser ton frère !? Je suis désolée ...

- T'inquiète pas, il vas revenir ... Grogna Pierre, amusé par la situation, et visiblement satisfait que sa plus vieille amie nous croie enfin. Il était temps.

Soudain, une lumière se fit dans mon esprit. Mei n'avait pas touché Thomas, mais était passée au travers ... Je tiquai, me redressant sur Charlotte.

- Attends ... Attends ... Tu ne peux pas le toucher ?! C'est étrange ... J'y arrive moi...

Mei souffla, se servant une autre bière, qui trainait sur la table, en avalant une immense gorgée, la buvant presque cul sec. Un rot titanesque retentit dans le salon, faisant presque trembler les murs. Au bout d'un moment, nous nous étions habitués aux démostrations de growl de notre amie aux cheveux fluo, même si je dois bien admettre avoir été choqué la première fois que je l'avais entendue lâcher de telles vocalises.

- T'es peut-être le seul à pouvoir le faire ... Vous avez un fort lien de parenté, et tu es le seul dans cet entourage à avoir quoi que ce soit de proche avec lui, c'est logique. Reprit Pierre, rouvrant la fenètre pour se griller une autre clope.

- Mais pas prouvé ...

Parallèle, Chapitre VII - A suivre ...

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