Chapitre III.

4 minutes de lecture

— Bip. Bip. Bip.

 Je me retournai et frappai l'insolent réveil, puis refermai les yeux, tirant frileusement la couverture sur mon visage.

— Bip! Bip! Bip!

 C'était décidé, j'allais dorénavant utiliser mon téléphone, ce bruit était exaspérant.

 Je me levai, me traînai dans la douche, qui me réveilla violemment: j'avais oublié que l'eau mettait du temps à chauffer.

 Après ces quelques petits incidents, d'excellente humeur, je descendis prendre mon petit-déjeuner, que je pris soin de préparer, n'ayant plus confiance en la cuisine d'oncle Kern.

 L'estomac calmé, j'enfilai un sweat difforme et filai au lycée.

 Le cours de mathématiques acheva de m'exaspérer, et je me rendis en astronomie avec la ferme intention de tuer quelqu'un.

 Victime en vue :

 La personne antipathique, faisant partie d'une espèce composée d'individus non dotés de civilité, non répertoriés et malheureusement, en voie de prolifération. Cette personne était installée tout au fond, laissait la seule place libre à côté d'elle.

 Il me défiait de son œil perçant de rester debout.

 Lui rendant son regard bleu, je m'assis à côté de lui, en prenant garde de ne pas le toucher.

 Il fronça les sourcils puis se replongea dans son cours.

— Jeune homme... commença la professeure.

— Nikolas, madame, coupa-t-il.

— Nikolas, pouvez-vous partager votre livre avec votre camarade Selena? Il n'y a plus cet exemplaire à la bibliothèque, elle n'a pas pu se le procurer.

 Voyant que Nikolas n'était absolument pas disposé à obéir, elle ajouta:

— Je suis sûre qu'elle trouvera un moyen de vous remercier... N'est-ce pas, Selena?

— Heu ... oui madame, bredouillai-je, prise de court.

 A ce moment-là, je pense que cette vieille prof n'avait aucune mauvaise pensée, et qu'elle n'aurait jamais imaginé ce qu'il allait suivre (elle ne le saura jamais de toute façon, je tiens à préserver mon honneur ).

 Nikolas se pencha vers moi, et me chuchota :

— En effet, il y aura un prix à payer.

Fatiguée de toujours devoir négocier, je lui répondis:

— Quoi? Tu veux que je fasse tes devoirs d'astro? C'est non d'avance.

Son œil rit. Il approcha de moi sa main, y cachant quelque chose.

— Non. Je veux que tu portes ça.

 Il déplia ses doigts, découvrant une espèce de collier doté d'une pierre non taillée, d'un rouge tellement foncé qu'elle apparaissait noire, enfilée sur une vieille chaîne. Bref, la chose potentiellement portable la plus laide que je n'aie jamais vue.

— Mets-le.

 Il le jeta sur mon cahier et sortit son livre d'astronomie, qu'il conserva fermé. Il me narguait ou je rêvais?

 N'importe quoi.

 Un plan germa dans mon esprit... Pourquoi ne pas le prendre à son propre jeu? J'allais m'en servir, de son livre ! Avait-il conscience qu'il venait de signer le début de la guerre?

 Faisant mine d'être vaincue, j'attachai le collier autour de mon cou.

 Mais à peine l'eus-je mis qu'il prévint la professeure qu'il avait conclu un arrangement avec moi. Un sourire sadique aux lèvres, il se cala dans son siège et feignit de suivre le cours, d'un (unique) œil attentif.

 J'avais trouvé une idée. J'avais vraiment besoin de ce livre, car tout le programme du premier semestre portait dessus, et je ne pouvais me permettre de saborder cette matière aux examens.

 C'était diabolique, très diabolique. J'allais utiliser son livre. Beaucoup. Trop. Le monopoliser. J'aurai une excellente note aux partiels. Pas Nikolas.

 Il serait recalé.

 Je serais libérée.

 Quelques dizaines de minutes plus tard, le cours, aussi longtemps qu'il avait pu me paraître, se termina et je pus aller manger.

 Je me dirigerai seule vers le réfectoire, car Alvy n'avait pas cours au lycée ce matin.

 Parmi la masse grouillante des lycéens affamés, je distinguai plusieurs groupes, assis autour de tables rondes, discutant et riant. C'était clairement un autre monde.

 Détournant les yeux, je pris place dans la file.

— Hey!

 Je me retournai. Une fille blonde très souriante arrivait à grand pas.

— Selena! Tu ne nous as pas vu? On est aussi au fond, avec presque toute la classe. Tu viens?

 On me présenta au groupe, dont je connaissais certaines personnes que j'avais entraperçues le matin en maths.

 Ainsi j'appris que la belle blonde s'appelait Kristina, mais elle ne m'apparut pas tout à fait comme la description faite par Alvy, sauf sur deux points: elle était fort jolie et avait effectivement une mémoire de poisson rouge.

 Je fis également la connaissance de César, un gros tas de muscles très sportif et qui avait beaucoup d'humour, installé à côté d'une fille nommée Phyllis, meilleure amie de Kristina.

 Phyllis, elle, était plutôt réservée et ne dit pas grand-chose pendant le repas, à part quelques remarques sur les blagues douteuses de son voisin.

 Le repas fut très joyeux, pourtant j'eus du mal à m'intégrer tout à fait. Ils devaient tous se connaître depuis la maternelle, et sans le vouloir, et même en me partageant leurs histoires et leurs blagues, j'étais mise à l'écart.

 Rien de grave.

 Je les quittai pour aller en escalade, sport que j'avais choisi parmi les nombreuses possibilités proposées par l'établissement.

 Je retrouvai une Alvy grognon au vestiaire, qui peinait à mettre ses chaussons d'escalade.

— Ils sont trop petits ... J'étais pourtant sûre de ne plus grandir des pieds!

 Après nous être changées, nous rejoignîmes le groupe de sport qui s'était rassemblé au pied du mur, d'au moins douze mètres de haut.

 Nous y retrouvâmes César, qui, tout en montant une voie 7B en dévers, ne cessa de blaguer à propos de la couleur rousse des cheveux d'Alvy.

 Celle-ci avait depuis longtemps arrêté de lui répondre, elle soupira seulement, et me donna comme explication:

— Il est roussiste.

 Après deux bonnes heures d'escalade, durant lesquelles je faillis tuer une personne, je pris une douche, puis passai à la bibliothèque emprunter tous les livres de la liste, tous sauf un.

 Enfilant mes écouteurs, la capuche sur la tête, je pédalais à toute vitesse vers la maison de l'oncle Kern.

 Quand je l'aperçus enfin, je vis quelqu'un qui faisait les cent pas sur le perron, et qui s'arrêta net lorsqu'elle me vit.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Oméga . ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0