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Comparé à l'agitation de la galerie, le silence de la bibliothèque déserte avait quelque chose d'apaisant.

Lisa avait immédiatement pensé à cet endroit lorsqu'il avait été question de se cacher quelque part. Depuis longtemps déjà, la jeune fille avait compris que la section jeunesse n'accueillait que très peu de visiteurs en temps normal, encore moins durant les vacances.

Et même si elle avait déjà lu à peu près tous les livres qui composaient ces rayonnages, elle ne manquait pas une seule occasion de venir y faire un tour. Entourée de toutes ces histoires plus fantastiques les unes que les autres, elle s'y était toujours sentie en sécurité.

Sauf que là, pour la première fois, elle ressentait une certaine inquiétude. Pourquoi cela avait-il soudainement changé ? Et toujours la même question qui tournait en boucle dans son esprit : mais qui était donc ce Jacob ?

— Tu viens souvent ici ? lui demanda le garçon, un livre à la main.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

— La bibliothécaire. Elle t'a fait un grand sourire lorsqu'on est entrés, un peu comme si elle te connaissait depuis des années.

— C'est plus ou moins le cas, avoua-t-elle. Toi, tu n'as jamais mis les pieds ici, je me trompe ?

— Non, je vis au Luxembourg.

— Vous lisez nos journaux au Luxembourg ? s'étonna-t-elle.

— Mais non ! J'ai vu cette annonce sur internet.

— Et tu as fait tout ce chemin juste pour voir de quoi il s'agissait ?

— J'étais curieux. Et puis… Une intuition, lui répondit-il avec un sourire. Je suis assez doué pour ça. Au fait, il nous reste une heure à tuer… Que veux-tu faire ?

— Partir d'ici je crois, lui répondit-elle. Tout ça devient trop bizarre, c'est pas pour moi toutes ces histoires de « méchants » et de course poursuite ! Je veux juste passer un été tranquille, attendre septembre et la rentrée et…

— Continuer ta vie ennuyeuse et sans intérêt ? Ne rêves-tu jamais d'un peu d'aventure pour changer ?

Lisa lui jeta un regard féroce.

— Mais qu'est-ce qui te fait croire que ma vie est sans intérêt ! Et puis, c'est à cause de toi qu'ils ont failli nous attraper dans le centre commercial !

— Ah oui ? C'est de ma faute maintenant ? Tu étais là aussi !

— Moi, au moins, je ne restais pas plantée comme un piquet !

— Baisse d'un ton, on attire l'attention en criant comme ça…

La jeune fille adressa un sourire d'excuses à la bibliothécaire avant de se tourner à nouveau vers lui.

— Je crois qu'on est un peu partis du mauvais pied tous les deux. J'ai quand même envie de connaître un peu ma future partenaire. Et donc, comment t’appelles-tu finalement ? lui demanda-t-il.

— Je… Es-tu sûr qu'on peut le révéler ? Jacob a parlé de noms de code, je ne crois pas que ce soit pour rien. Ce type ne fait rien au hasard. T'as bien vu la lettre ce matin…

— De quoi as-tu peur ? Jacob ne saura jamais de quoi on a parlé.

— En fait, je n'en suis pas tellement certaine. Je vais peut-être te sembler bizarre mais…

— Oui ?

— Pendant un instant, dans ce bureau, j'ai eu l'impression… de ne plus être toute seule dans ma tête. Tu vois ce que je veux dire ? C'était comme si… comme s'il savait à quoi je pensais ! Ça m'a fait flipper grave…

— Plus que les types en capes ? T'imagines si c'étaient des mafieux ou un truc dans le genre ?

— Tu regardes trop de films ! On ne se fait pas poursuivre par des criminels dans la vraie vie !

— Et je ne crois pas qu'on peut lire les pensées des gens !

Il marque un point là, pensa Lisa. Et si j'avais imaginé toute cette matinée ? Et si Jacob était juste un de ces malades dont mes parents me disent sans cesse de me méfier ? Et si je manquais vraiment d'aventure dans ma vie ?

— Pourtant, je ne crois pas que tu aies forcément tort, continua le garçon. Il s'est vraiment passé quelque chose ce matin, je l'ai senti aussi.

— Ta fameuse intuition ? lui demanda-t-elle avec un sourire.

— Peut-être, oui. Pour tout te dire, il se peut que tu aies découvert quelque chose à propos de notre commissaire.

— Moi, rien ne me dit qu’il est vraiment commissaire… soupira-t-elle. En plus, son comportement me semble trop étrange. En fait, tu sais quoi ? J'en ai marre de penser tout le temps à toi comme « le garçon ». Et si on s'en fichait et qu'on échangeait nos noms ?

Il s'approcha d'elle avec un sourire malicieux.

— J'ai une meilleure idée ! Jacob a bien dit qu'il allait nous donner des noms de code. Que dirais-tu de les inventer nous-mêmes ?

Lisa se dit que c’était une excellente idée qui n’enfreindrait pas les règles fixées par Jacob.

— D’accord. Mais alors… j’invente le tien et toi le mien !

— Trop cool ! Comment vais-je donc t’appeler, belle inconnue ?

Ils se sourirent, complices.

Est-ce comme ça qu’on se fait des amis ? Est-ce que je considère ce garçon comme mon ami maintenant ? Ça fait trop bizarre !

— Kaylee ! Voilà !

— Kaylee. Ça sonne bien…

et ça ne ressemble en rien à Lisa. Parfait donc ! Et lui ? Quelque chose de plus original peut-être ?

— Tu seras… Mirco !

— C’est génial ! Totalement différent de mon vrai prénom, tu ne devineras jamais comme ça !

— Ne me tente pas… Mirco !

— Je ne… Oh non ! Comment ont-ils fait ? s’exclama-t-il, le doigt tendu vers la fenêtre.

Kaylee se pencha pour jeter un coup d’œil et recula tout aussi rapidement, paniquée. Une volée de marches plus bas, deux silhouettes encapuchonnées franchissaient l’entrée de la bibliothèque.

Dissimulée derrière une étagère, elle vit les hommes pénétrer dans la salle, et commencer à chercher de tous les côtés. La femme présente au comptoir n’eut pas la moindre réaction, comme si elle ne les apercevait même pas. Ce fut cela qui étonna le plus Kaylee. Habituellement, la section jeunesse n’accueillait que des adolescents, la gérante y veillait !

Haletante, elle se tourna vers son compagnon d’infortune qui lui rendit un regard impuissant. Elle lui indiqua le fond de la salle, où se trouvait l’issue de secours, quelque part derrière les rayonnages. La porte était placée sous alarme, mais peu lui importait en ce moment.

Ils entreprirent de se diriger lentement vers cette issue, hors de vue de leurs poursuivants. Leur manège attira l’attention des quelques enfants présents, mais ils replongèrent bien vite dans leurs livres.

— Mais pourquoi en ont-ils après nous maintenant ? chuchota Mirco, un soupçon d’inquiétude dans la voix.

— Je ne tiens pas vraiment à le savoir, lui répondit la jeune fille sur le même ton.

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