4. Adieux et nouvelle rencontre - 2/3

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  Depuis sa rencontre de la veille avec le professeur Tarr, il était très excité à l’idée de découvrir ce nouvel univers et d’apprendre la sorcellerie. Néanmoins, une part de lui avait du mal à croire que tout ceci était réel. Ce qu’il lui avait révélé était si invraisemblable qu’il était facile de se dire qu’il s’agissait d’une vaste plaisanterie. Pourtant, la magie existait bel et bien.

  Il l’avait prouvé en faisant léviter le lit d’Ethan. Mais il demeurait toujours la possibilité que l’école ait commis une erreur sur la personne. Ce qui l’inquiétait particulièrement était le fait qu’il ne semblait pas avoir la moindre marque de sorcier.

  Le trajet se fit dans le silence. Ethan était plongé dans ses pensées, tandis que sœur Madeleine, qui n’était pas du genre à faire la conversation à qui que ce soit, restait dans son mutisme habituel. Ce n’était pas plus mal puisque les seuls moments où elle ouvrait la bouche, elle se révélait désagréable.

  Ils arrivèrent à destination deux heures plus tard. Ils s’arrêtèrent assez loin de la tour Eiffel, les places les plus proches étant toutes prises. Sœur Madeleine déposa la grosse malle d’Ethan sur le trottoir et lui annonça :

— Bon, j’ai autre chose à faire moi. Tu te débrouilleras bien pour trouver le guichet. La tour est difficile à rater de toute manière.

  Elle observa Ethan d’un œil qui semblait lui faire comprendre que si ça ne lui allait pas, c’était pareil. Celui-ci resta silencieux.

— Bon, eh bien, au revoir Ethan.

  Elle entra dans la voiture et démarra aussitôt, sans un regard en arrière pour ce dernier. Celui-ci était un peu déçu. Il avait passé douze ans à côtoyer chaque jour sœur Madeleine. Il s’était attendu à ce qu’elle s’ouvre, comme Cédric, au moment de lui dire au revoir. Ce ne fut pas le cas. Il nota toutefois qu’elle l’avait appelé par son prénom pour la première et dernière fois.

  Il ne s’attarda pas sur le trottoir à réfléchir, cependant. Le professeur Tarr lui avait bien précisé qu’il ne devait surtout pas être en retard. Il chercha l’édifice du regard puis se dirigea dans sa direction. Il ne savait pas exactement où menaient les rues qu’il empruntait, mais tant qu’il allait dans la direction du monument, il finirait bien par arriver.

  C’était la fin de l’été, mais le flot de touristes, dans la capitale, ne faiblissait jamais. Les passants observaient Ethan étrangement en le voyant tirer derrière lui son énorme malle. Il rencontrait quelques difficultés à la déplacer malgré le fait qu’elle était dotée de petites roues. Il marcha durant une dizaine de minutes et parvint enfin à la tour Eiffel.

  Il avait étudié le monument en classe et connaissait presque tout de cette structure qui avait été construite par Gustave Eiffel et ses collaborateurs à l’occasion de l’exposition universelle de Paris de mille huit cent quatre-vingt-neuf. En revanche, c’était la première fois qu’il la voyait en vrai.

  Elle était imposante, cette gigantesque architecture de métal. Il s’agissait d’une immense tour en fer faite de poutrelles entremêlées reposant sur quatre grands pieds massifs. Sa forme était presque pyramidale et était composée de plusieurs niveaux. Il était difficile de croire que ce monument avait maintenant plus de cent vingt ans.

  Les touristes du monde entier voyageaient jusqu’ici pour admirer « La Dame de fer ». Le soir venu, elle s’illuminait de mille feux, la rendant encore plus majestueuse. Il était également possible de l’escalader et de s’arrêter aux différents étages.

  Étages dans lesquels l’on pouvait trouver galeries, restaurants, diverses expositions et une multitude d’autres choses. Certains faisaient la queue pour emprunter l’ascenseur tandis que d’autres, plus courageux, gravissaient les marches pour en atteindre le sommet.

  Il ne prit pas le temps de l’admirer et alla plutôt se placer dans l’interminable file d’attente du guichet numéro un. La colonne se vida peu à peu et il arriva devant le guichetier après de longues minutes d’expectative.

— Bonjour, le salua l’homme d’une voix lasse. Tu n’es pas un peu jeune pour être seul ? Où sont tes parents ?

  Avant même que le garçon eût l’occasion de répondre, il poursuivit :

— Ce n’est pas très grave. Je m’en fous pas mal, à vrai dire. Un billet pour l’ascenseur, je suppose ?

  Ethan sortit l’étrange carte verte que lui avait confiée le professeur Tarr.

— Non, on m’a dit de vous montrer ça, répliqua-t-il en lui tendant le ticket.

  Le guichetier s’empara du billet des mains du jeune garçon. Celui-ci reprit sa couleur blanche, mais l’homme ne semblait pas avoir remarqué le changement de teinte. Il le regarda attentivement durant une bonne minute avant de hocher la tête.

— J’ai reçu une note tout à l’heure, je ne l’avais pas compris jusqu’ici, mais j’imagine qu’elle ne m’était pas destinée, après tout.

  Il arracha une page de son registre et griffonna quelque chose dessus. Il le tendit finalement à Ethan.

— Le mot indiquait que le lieu de rencontre a changé. Tu dois te rendre à cet endroit, lui expliqua-t-il en pointant son doigt sur le morceau de papier qu’il venait de lui donner. Ce n’est pas loin d’ici, c’est un magasin de cartographie. Tu dois t’adresser à un certain Hendrick, à priori.

— Euh… Merci, répondit Ethan, décontenancé.

— Allez, ouste maintenant, le congédia-t-il avec mauvaise humeur. J’ai des clients qui attendent.

  Ethan sut rapidement qu’il était définitivement exclu d’arriver à l’heure. Il n’avait pas prévu ce soudain changement de programme. Il rencontra quelques difficultés à parvenir à destination, mais réussit à trouver la petite ruelle. Il traversa la rue de long en large au moins trois fois avant de dénicher la boutique.

  Néanmoins, Ethan comprit immédiatement pourquoi il ne l’avait pas vu. Il fallait dire que l’échoppe comportait une façade d’immeuble tout à fait banale et rien n’indiquait qu’il s’agissait d’un lieu de vente. La porte était cependant bien ouverte, alors il tira sa lourde malle derrière lui et entra.

  Il avait l’impression qu’il venait d’entrer dans une boutique d’un autre âge. De nombreuses étagères étaient remplies de rouleaux de parchemin. Des cartes de toute sorte étaient accrochées aux murs, protégées derrière des cadres en verre. Certaines semblaient représenter des territoires qui n’existaient même pas. Il y avait aussi de modestes globes qui se tenaient sur des présentoirs, mais qu’Ethan trouvait particulièrement jolis.

  Au bout de la pièce se dressait un long comptoir qui pouvait, semble-t-il, mener à un corridor.

— Bonjour, l’accueillit le petit homme chauve installé devant son tiroir-caisse d’une voix morne et presque monocorde. Que puis-je pour vous ?

  Il détailla le nouveau venu de la tête au pied.

— Vous me paraissez un peu jeune pour vous intéresser à mes plans. Vous êtes là pour acheter ?

— Pas exactement, répondit Ethan en s’approchant du comptoir.

  Il fouilla dans sa poche et en ressortit le billet vert que lui avait confié le professeur Tarr.

— On m’a dit de vous donner ceci, ajouta-t-il en lui tendant le ticket.

  Le commerçant prit la carte des mains d’Ethan, le regarda attentivement puis secoua finalement la tête avant de le rendre au garçon.

— Une matière qui change de couleur au toucher, très intéressant. J’ignore où vous avez trouvé une telle chose, mais je crains bien que nous n’acceptons pas ce genre de monnaie ici. D’ailleurs, je ne suis même pas certain que ce soit de l’argent.

— Mais… vous n’êtes pas Hendrick ? l’interrogea Ethan qui n’y comprenait plus rien.

— Bien sûr que non, s’insurgea le petit homme chauve en devenant écarlate. Que lui voulez-vous ?

— Eh bien, lui montrer ce billet.

— Il fallait le dire plus tôt, rétorqua-t-il avec agacement. Je vous ai pris pour un client. Je vais le chercher.

  Il descendit de son siège et se dirigea en direction du corridor en marmonnant.

— Il m’a pris pour Hendrick, disait-il loin d’être ravi, et puis quoi encore ? Je ne ressemble pas à cette andouille.

  Ethan haussa les sourcils, étonné. Cet homme était particulièrement désagréable, il ne devait pas avoir beaucoup d’acheteurs avec une telle attitude. Comment aurait-il pu deviner qu’il ne s’adressait pas à la bonne personne ?

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