4. Adieux et nouvelle rencontre - 3/3

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  Quelques minutes plus tard, un autre homme, plus mince que le précédent, beaucoup plus grand et l’air bien plus énergique, vint à sa rencontre avec un large sourire.

— Bonjour, je peux voir ton billet ? demanda-t-il.

  Ethan sortit pour la troisième fois le ticket de sa poche et le tendit au nouveau venu. Celui-ci le prit délicatement et le regarda brièvement.

— Alors c’est vrai ? lança-t-il soudainement en souriant et en baissant les yeux vers Ethan. C’est bel et bien toi ?

— Qu’est-ce qui est vrai ? répliqua Ethan abruptement.

— Castel-Lapis m’a contacté il y a de cela deux jours. Je ne sais plus exactement quand. Il me semble que c’était le matin, lui fit-il savoir en s’efforçant de faire travailler sa mémoire. Je crois que je venais de recevoir mon numéro de Magic’Actu. Oui ! C’est ça ! Figure-toi qu’il y avait même une offre pour cette nouvelle poêle exceptionnelle qui fait…

  Mais il s’arrêta net en voyant l’expression du visage du jeune homme.

— Enfin peu importe, reprit-il précipitamment. Ils m’ont contacté en m’informant qu’ils avaient découvert un jeune sorcier qui vivrait dans le monde des humains et qu’il faudrait, par conséquent, que je l’accompagne jusqu’au portail qui permet d’aller à Castel-Lapis. Tu imagines ? Je n’y croyais pas vraiment pour tout te dire, j’ai bien pensé à un canular, mais maintenant que je te vois devant moi avec ce billet, tout est vrai.

— Mais il y a deux jours je n’étais pas encore au courant que je suis, soi-disant, un sorcier. Comment cela se fait-il que vous ayez été prévenu avant moi ?

— Il faut croire qu’ils savaient que tu accepterais, répondit-il simplement. Et entre nous, tu aurais été fou de refuser.

— Alors ce n’est pas une blague ? s’égaya Ethan. Je suis vraiment un sorcier ?

— Eh bien, j’imagine que si le gouvernement et Castel-Lapis en sont convaincus, il y a peu de chance pour que ce ne soit pas le cas. Mais nous le saurons très vite. Si tu es incapable d’emprunter le portail, cela signifiera qu’ils ont commis une erreur.

— Je suis prêt dans ce cas, lui fit savoir Ethan.

  Hendrick lui fit signe de quitter le magasin et se mit en marche. Ethan suivait son guide aussi bien qu’il le pouvait, celui-ci avançait à bonne allure.

— Je m’excuse pour le changement de programme de dernière minute, lui dit Hendrick en jetant un œil par-dessus son épaule. J’avais du retard sur mon emploi du temps, je n’aurais jamais pu te rencontrer au pied de la tour Eiffel à temps.

— Où se trouve le portail ? Demanda Ethan en essayant de garder le rythme.

— Il se situe dans une vieille boutique de vêtements désaffectée. Nous devons nous rendre dans une petite rue pour le dénicher. Pour placer un portail magique, il est préférable de choisir un endroit peu fréquenté.

— Pourquoi ?

— Parce qu’il est interdit de faire usage de la sorcellerie en présence des humains, dans ce monde. Disparaître en prenant le portail devant plein de passants serait assez mal vu et puis le gouvernement souhaite que notre existence reste secrète.

— Pour quelle raison ?

— Disons que les relations entre sorciers et humains étaient plutôt tendues à une certaine époque, éluda Hendrick. Nous sommes mieux chacun de notre côté.

— Vous êtes un sorcier ? l’interrogea Ethan avec curiosité.

  L’homme répondit par un hochement de tête.

— Mais pourquoi travaillez-vous dans une boutique de carte ? Ce n’est pas un métier pour un sorcier.

  Hendrick laissa échapper un petit rire.

— Oh non, je ne travaille pas dans cette boutique, heureusement. J’exerce au ministère de la magie, je fais partie de la brigade de régulation des transports magiques. C’est pourquoi j’ai été envoyé pour t’accompagner jusqu’au portail.

  Il fit signe à Ethan de s’introduire dans une rue que celui-ci n’avait pas remarquée. Ils s’étaient bien éloignés de la tour Eiffel, à présent.

— Beaucoup de sorciers ont des emplois magiques, continua-t-il. Mais d’autres aiment la simplicité de la vie des humains et choisissent donc de se diriger vers leurs métiers. Certains décident de quitter notre univers pour s’installer dans le leur. C’est le cas de Rufus, que tu as vu, qui tient la boutique de carte. C’était un de mes collègues, il y a quelques années.

— C’est peut-être une question étrange, mais il y a des humains dans votre monde ? l’interrogea le jeune garçon.

— Ils sont beaucoup moins nombreux que nous, mais il y en a, en effet. Je t’ai dit que les relations entre les sorciers et les hommes étaient tendues, mais ce n’était pas le cas pour tous. Certains humains sont tombés amoureux des nôtres et cela leur a permis de s’installer dans notre univers. Malheureusement, leurs enfants n’ont pas de pouvoirs magiques.

  Ethan avait une multitude d’interrogations qui lui traversait l’esprit, mais il ne voulait pas déranger son guide. Pourtant, une question lui brûlait les lèvres.

— Vous êtes allé à Castel-Lapis ?

— Oui, répondit Hendrick d’un regard mélancolique. C’était les plus belles années de ma vie. Tu t’y plairas, c’est certain.

— Vous ne pouvez pas me montrer de la magie, j’imagine ?

— Non, je te l’ai dit, se servir de la sorcellerie devant des humains est interdit, je ne peux pas prendre un tel risque dans la rue. En revanche, je peux te montrer ma marque de sorcier pour te prouver que j’en suis bien un.

— Oh oui, je veux bien, accepta aussitôt Ethan.

  Le guide arrêta de marcher, se baissa vers Ethan et lui montra sa nuque. Sur celle-ci se trouvaient trois traits fins, comme inscrits à l’encre noire.

— On dirait un tatouage, j’en aurais une ? demanda Ethan plein d’admiration.

— Tu n’en as pas déjà une ? l’interrogea Hendrick avec surprise.

— Non.

— Si tu es bel et bien un sorcier, oui, très certainement.

— La même ? s’enquit Ethan.

— Non, chaque sorcier à une marque différente. Et comme tu l’as observé, la marque n’est jamais une forme très précise. Il est donc impossible de savoir à l’avance à quoi ressemblera sa marque de sorcier ni où elle se trouvera. Il y a une multitude de possibilités.

  Hendrick le guida dans le dédale de rues parisiennes et lui indiqua enfin la petite ruelle où devait se situer la vieille boutique. En observant cette dernière, Ethan ne fut pas surpris qu’il n’y ait que très peu de passage dans celle-ci.

  C’était une ruelle étroite et assez sombre, même en plein après-midi, qui se terminait par un cul-de-sac. Même lorsque le magasin de vêtements était ouvert, le propriétaire ne devait pas avoir une grosse clientèle. De l’entrée du chemin, il était impossible de deviner qu’une quelconque échoppe se trouvait ici.

— La boutique se trouve au bout, dit-il en montrant la lugubre impasse du doigt.

  Ils traversèrent la rue en silence. Le moment de vérité arrivait à grands pas. Ethan ne pouvait s’empêcher de penser que si le gouvernement et les enseignants s’étaient trompés, il n’aurait jamais la chance de découvrir le monde des sorciers, pourtant si proche, et ne pourrait même pas retourner à l’orphelinat.

  Les pensées dans la tête d’Ethan se bousculaient de plus en plus rapidement à mesure qu’ils approchaient du magasin désaffecté. Au moins, il était maintenant certain qu’un univers de magie et de sorciers existait, se dit-il. Le professeur n’était pas un imposteur, Hendrick confirmait sa version. S’il n’arrivait pas à passer le portail, il retournerait voir Rufus pour demander l’adresse du gouvernement ou de Castel-Lapis pour leur envoyer une lettre. Ils accepteraient peut-être qu’il entre dans leur monde comme certains humains.

  Le flot de pensées d’Ethan stoppa net lorsque son guide, qui avait respecté le silence, ouvrit à nouveau la bouche.

— Nous y sommes, dit-il d’un air sérieux.

  Devant eux se trouvait un vieux magasin de vêtements. Les vitres sales de la devanture laissaient entrevoir des mannequins délabrés qui paraissaient garder un œil sur le lieu abandonné depuis longtemps. Les murs semblaient tapissés d’une épaisse couche de poussière et une pancarte couverte de mousse, qui pendait à la porte, indiquait : Risque d’effondrement, ne pas entrer.

— Où est le portail ? demanda Ethan. Je ne le vois pas.

— C’est normal, répondit Hendrick. Le portail est la porte du magasin. Dès que nous toucherons la poignée, nous passerons à travers.

— Nous ? Vous venez avec moi ?

— Évidemment, il faut bien que je t’accompagne un petit peu. Tu vas être totalement perdu sinon.

  Ethan se tourna vers l’entrée de la ruelle, celle-ci était déserte. Il aurait aimé faire un départ dramatique, mais il fallait l’avouer, personne n’était là pour le voir partir et il n’avait plus aucun endroit auquel se rattacher.

  Il se retourna face à la porte, positionna sa malle à ses côtés et regarda son guide.

— Je suis prêt, annonça-t-il.

— Attrape mon bras, ordonna Hendrick à Ethan en lui tendant celui-ci. Cela va nous permettre d’atterrir tous les deux au même endroit.

  Ethan acquiesça et empoigna le bras que lui offrait l’homme. Il respira profondément et celui-ci toucha la poignée de la porte. Ils disparurent instantanément, sans le moindre bruit. Laissant à nouveau l’échoppe miteuse avec pour seule compagnie, les sinistres mannequins.

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