C'est quoi la Grâce ? Vraiment. C'est quoi ? Pourquoi on aime ? Pourquoi soudain nos questions deviennent obsessions, passions ? Qu'est-ce qui nous attache à l'autre, qu'est-ce qui attache dans l'autre… Pourquoi soudain s'il disparait nous nous sentons dépossédés d'un morceau de nous, que nous n'avions pourtant pas alloué ? Pourquoi ce qui est authentiquement beau nous aliène ?

Les choses superbes, les choses magnifiques, pullulent. Sous le règne du numérique les images sont toujours plus belles, plus léchés, des milliers voir des millions de personnes se présentent sur Meetic, Instagram, YouTube avec des images parfaites de texture, aux sépias étudiés sur des photos de profil qui laissent entendre que la profession de mannequin s'est démocratisé à la majorité des postulants. La laideur est devenu plus rare que le beau. Alors, où est-elle encore, existe-t-elle encore, la Grâce dans cet univers aux milles et unes facettes parfaites ?

On n'autorise plus le défaut, on n'admet plus la faiblesse, le dérapage, l'accident. A l'image, tout doit être propre, sublimé. Existe-t-il encore des gens qui ne sont pas beaux, mais gracieux ? J'aimerai tant écrire une lettre ouverte à celles et ceux qui sont spontanément, un jour, touchés par la Grâce : cet instant évanescent, vaporeux, aussi vite disparu, où n'ayant pas conscience d'eux, ils touchent quelque chose, une essence, qui fait de leur moment, LE moment : ce renversement de la physique moderne par une idée née d'un rêve, ce geste non voulue qui crée un mouvement de danse, ce lapsus qui crée un adjectif, ce rire qui donne un poème. Ce silence, tant habité qu'il est monde. C'est quoi la Grâce ? C'est quand la Grâce ? C'est possible, encore, la Grâce ? Qui sait ?

David Cathala