Introduction : Un souffle depuis longtemps oublié

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A l’abri au pied d’une gigantesque falaise, perdue au milieu de monts enneigés, un vieillard frissonnait, accroupit auprès d’un petit feu de bois. Il fixait le feu et priait pour le salut de l’âme de ses petits enfants, partis chercher de quoi le raviver. La montagne n’était pas un terrain idéal pour de si jeunes gens, et, bien que peu de prédateurs ne peuplent cette région, les précipices y étaient fourbes et bien cachés. Le feu ondulait joyeusement au rythme des rafales qui venait, sans sembler se préoccuper le moins du monde du vieil homme. Soudain, un craquement se fit entendre, faisant sursauter le vieillard. Il s’enfonça contre la parois et senti une résistance contre son épaule. Plus un bruit, à par le vent nocturne et le craquement du feu. Quelques flocons virevoltaient autour de lui et le sifflement du vent à travers les rares buissons encore en vie à cette altitude n’arrangeait rien à la nervosité du pauvre homme. Ses traits se détendirent soudainement à la vue des enfants qui apparurent alors, emmitouflés dans de nombreuses fourrures et portant divers branchages. La petite troupe, constituée une dizaine d’enfant de tout age, s’installa rapidement autour du feu de camp, entreposant à la va-vite leur fagots dans une tentative de discrétion et entourèrent le vieil homme.

« Grand-père ! Chuchotèrent-ils avec entrain, le feu ne mourra pas ce soir, raconte nous ! »

Le vieil homme se redressa et jeta un coup d’œil à sa droite. La montagne s’arrêtait net, coupée par le vide, et on distinguait quelques dizaines de mètres plus bas, un désert de sable, probablement d’une chaleur étouffante. Le vieil homme ne craignait rien, pourtant. Il était adossé à la falaise et reposait contre une Frontière. Les enfants babillaient à propos des histoires qu’ils voulaient entendre, à propos de héros légendaires, issus de nations depuis longtemps rayées de la carte, mais le vieil homme savait quelle histoire son public attendait. Il savait qu’ils ne pourraient pas aller dormir sans la réentendre, une fois de plus. Les enfants voulaient l’histoire du cataclysme, et comme pour lui donner raison, les murmures convergeaient vers ce sujet, malgré les plaintes des plus vieux, qui avaient déjà entendu cette histoire un nombre incalculable de fois, mais les plus petit insistaient tant qu’ils craquaient à chaque fois. Le vieil homme s’éclaircit alors la voix, pour réclamer l’attention de tous, rassembla ses souvenirs et débuta son récit.

« Il y a très longtemps, avant même que les grand-parents de mes grand-parents ne viennent à naître, le monde était bien différent. Les dieux marchaient parmi les hommes et nombreuses étaient les espèces à fouler son sol. L’horizon n’était pas teinté de cette couleur mystique, et chacun pouvait marcher pendant des jours sans n’être arrêté que par la fatigue. Il existait des créatures graciles et élancées, qu’il était possible d’apprivoiser pour voyager –oui, comme les bouquetins, mais plus gros ! Des villes gigantesques s’étalaient sur des lieux et des pays, si grand que tu ne pourrais pas en faire le tour en une année, se partageaient ces villes. Des temples étaient érigés tous les jours en l’honneur de plus de dieux qu’un homme ne pourrait en vénérer. Mais tout ceci ne s’est pas bâti en un instant, loin de là ! Ces cités existaient depuis plus du double du temps qui s’est écoulé entre leur destruction et maintenant, et certaines ont été bâties par les dieux eux-même ! On dit qu’elles étaient magnifiques, des tours aussi hautes que le ciel, parées d’or et de verre, ou tout à l’inverse, de sombres bastions, forteresses imprenables, enfoncées au cœur de la terre, si loin que le ciel n’est qu’une légende pour elles. Mais un jour, la cupidité des hommes fut punie. Certains disent qu’un pays a entaché l’honneur d’une divinité par un crime impardonnable, d’autre que c’est un artefact ancien et trop puissant pour les mains de mortels qui à causé le cataclysme. Quelle qu’en soit la raison, le monde se rompit, la terre s’ouvrit alors qu’un flot ininterrompu de magma s’échappait de veines de magie brisées, les océans recouvraient des terres riches et fertiles, le ciel même chutait au pieds de monts que jamais le pied de l’homme n’avait foulé. Même les dieux, craignant le courroux de la terre et du ciel, fuirent ce monde, allant se cacher au plus profond du temps et de l’espace, dans leur pays onirique respectifs. »

Le vieil homme fit une pause pour reprendre son souffle et observer son public. Les enfants écoutaient le vieillard, pendu à ses lèvres et il régnait un silence teinté d’émerveillement. Même le vent avait cessé de jouer avec le feu et semblait s’être couché, près d’eux, pour écouter le conte.

« Leurs corps ont péris, oui, mais leur âmes immortelles purent sauver nombre des nôtres, chaque déité accueillant toute créature qu’elle jugeait digne. Au bout d’une année entière de chaos, où il fut certain que toute créature, aussi insignifiante soit elle, ne soit devenue qu’un vague souvenir, la terre se calma. Elle n’avait plus sa forme originelle, mais était éparpillée dans le néant, des blocs entier de roche et de sable flottant dans le vide. Les dieux s’unirent alors pour la reconstruire, pièce par pièce, morceaux par morceaux. Ils utilisèrent la magie pour les rassembler, en formant ces hautes frontières pour coller les morceaux brisés les uns aux autres. Ils libérèrent ensuite les êtres qu’ils avaient sauvés et entreprirent de créer leur royaumes au sein de ces petites enclaves de terre. Seuls les dieux peuvent les traverser, parce qu’ils ne possèdent pas de substance, ils ne sont que des spectres, invisible aux yeux des mortels et ne peuvent vivre ce monde qu’à travers eux –nous. Bien sûr, il leur arrive d’infléchir le monde au besoins d’un mortel particulièrement exceptionnel, à tel point qu’ils lui donnent le droit et le pouvoir de passer les frontières. De même, il arrive à certains dieux de se faire passer pour de tels héros et de les accompagner afin d’accomplir des prouesses qui resteraient dans les mémoires pour l’éternité. Je pourrais vous parler des exploits de Sulcath, le pourfendeur de léviathan, dieu du désert, de Siegfried, le héros de Lucidia, qui mit une armée en déroute par sa seule présence, et de bien d’autres dont j’ai oublié le nom. Mais il se fait tard et vos yeux gonflés m’indiquent qu’une nuit de sommeil serait appréciée. Nous continuerons la route demain, donc dormez bien. »

Lorsque le vieil homme se tut, quelques plaintes furent émises mais la plupart des enfants encore éveillés ne l’étaient pas assez pour maugréer. Seul le feu troublait la quiétude de l’abri de ses craquements réguliers. Le vent se remis à souffler, comme amusé de l’histoire. Il l’avait entendue tant de fois lui aussi, sur ce mont isolé comme dans d’innombrables autres endroits, mais ce n’était jamais la même version. Il était plus comique encore que le début ne se soit déroulé au bas de cette montagne, jadis appartenant au royaume de Lucidia, la terre de lumière.

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